26 novembre 2005

Des dimanches et des crêpes

C’est une tradition qui remonte au temps où Maxim était locataire de mon bedon. Chaque dimanche que le calendrier amenait, j’étais de corvée devant le mélangeur à concocter un mélange à crêpes. Besogne qui me remplissait de joie alors que je voyais mon monde s’empiffrer avec régal.
Alors que certains attendent avec fébrilité le septième jour de la semaine pour regarder La Semaine verte ou pour aller écouter le sermon du curé, ici on attend avec impatience que je m’atèle à la confection de ce déjeuner dominical.
Maxim a su casser des œufs dans le mélangeur avant de savoir marcher. Même si Félixe n’a aucune idée de l’ordre des jours de la semaine, ne tentez pas de la méprendre si nous sommes dimanche. Elle ne se trompe jamais le dimanche. Parce que dimanche, c’est le jour des crêpes, et ça, ça ne s’oublie pas.
Selon mes humeurs ou mes envies du moment, la saveur des crêpes varie. Parfois, en saison, j’y ajoute des bleuets ou des framboises. Des fois, on y va de manière des plus conventionnelles avec simplement du sirop d’érable comme assaisonnement. Quand je me sens l’âme généreuse, j’y vais avec la spectaculaire crêpe banane-chocolat qui ravit Félixe au plus haut point.
Il y a des dimanches où je me délaisserai de ce rituel hebdomadaire. Où un simple bol de céréales ferait l’affaire pour moi. J’ai beau tenter de convaincre les filles que ce matin, ça serait cool de manger autre chose. Mais impossible de passer outre cette habitude. Elles ne veulent rien entendre.
Dès que je me lève, plus souvent qu’autrement, Filou m’attend debout sur une chaise devant le mélangeur avec deux œufs dans les mains. Quant à elle, Maxim a déjà mis la table et elle a aligné tous les ingrédients nécessaires à la recette sur le comptoir.
Mais aujourd’hui, il n’y a pas de crêpes au menu et pourtant, nous sommes dimanche. En me réveillant ce matin, j’ai tendu l’oreille pour tenter d’entendre Maxim disposer les ustensiles sur nos napperons, mais rien. Aucune Félixe n’est venue me réveiller m’implorant de commencer les crêpes « maintenant ».
Aucun œuf, pas la moindre trace de farine et aucune goutte de lait n’est visible dans le bol du mélangeur. Aucune poêle n’est sur la cuisinière prête à recevoir le délicieux mélange qui fait le bonheur de mes puces semaine après semaine.
Non. Les filles, comme à chaque deux semaines depuis deux ans maintenant, sont chez leur père. Et j’avoue que je ne m’habitue pas.
Et pourtant, je me promets toujours de faire 56 000 affaires pendant ce week-end de congé. D’aller voir ce dernier film. De faire du scrapbooking. D’aller prendre un verre avec une amie. De penser à moi. De me reposer. De faire tout ce que je n’ai jamais le temps de faire.
Mais je tuerai pour pouvoir faire des crêpes. Juste des crêpes.

22 novembre 2005

Je courriel, tu e-mail, il tchat…

Il y a eu tout d’abord François et Isabelle qui ont trouvé l’amour grâce à un site Internet de rencontres. Depuis le jour où ils ont échangé quelques messages via MSN Messenger, leur vie fut changée à tout jamais. Il n’y a qu’à regarder François et ses petits oiseaux qui tournent autour de lui en sifflant des chansons joyeuses pour le croire.
Puis, il y a eu l’histoire de Sophie qui se désennuie en magasinant l’homme de sa vie sur Réseau Contact comme d’autres dressent leur liste de Noël dans le catalogue Sears. Elle est confiante de trouver celui qui partagera sa vie pour longtemps grâce à ce catalogue virtuel. Mais en attendant, après tout, cela met du piquant dans ses soirées de solitude.
Un autre 5 à 7. D’autres sacoches. Fanny a rencontré un nouveau mec. Elle sent que ça clique entre eux, mais deux jours plus tard et toujours aucun appel de la dite créature. Elle demande conseil auprès des spécialistes du sujet.
« Tu pourrais lui envoyer un courriel où tu lui dis que tu as apprécié la soirée tout simplement. C’est plus facile à faire et c’est beaucoup moins agressant pour l’autre », a suggéré Marie-Claude. Et en prime, si le gars ne veut rien savoir, on a l’air moins tarte qu’au bout du fil à dire : « Euh… » Le courriel a donc des avantages indéniables.
Une discussion s’ensuit sur la place qu’a pris le courriel dans nos relations avec le sexe opposé. « Ça permet de connaître l’autre en douceur. L’Internet efface les inhibitions et nous permet d’être nous-mêmes. Aussi, il y a l’avantage que l’on peut rencontrer plusieurs gars en un laps de temps assez court », croit Marie-Claude.
« Oui, mais en même temps, les chances de se faire avoir sont grandes. C’est facile, par exemple, de dire que nous avons un poids qui correspond à votre taille, alors que la réalité dépasse souvent ce qui est inscrit sur une fiche d’identification d’un site de rencontres… », souligne Alex.
Parce que ce qui nous plaît, ce ne sont pas seulement des mots que l’on lit sur un écran. Il y a aussi le timbre de voix, la gestuelle, le langage non verbal, la façon que l’autre se comporte qu ipriment. À ce sujet, on s’est souvenu de l’histoire désastreuse de Nathalie et de sa seule « date » à vie sur le net.
« C’était fou. On s’est écrit pendant quelques jours. Il me faisait rire, il avait de la répartie, il écrivait bien, il était intelligent, il était beau, nous avions les mêmes goûts. J’avais frappé le jack pot ! », se rappelle-t-elle.
Puis, il y a eu la fameuse rencontre. « Je suis arrivée au rendez-vous à 19h. Cinq minutes plus tard, je n’étais déjà plus capable de le sentir. Il me tapait royalement sur les nerfs. J’ai eu tellement l’impression d’avoir perdu mon temps. J’ai promis qu’on ne m’y reprendrait plus ! », dit-elle en riant de sa mésaventure.
Je suis de cette génération qui est née avec une souris dans une main et une adresse Hotmail dans l’autre. Je vérifie ma boîte de courriel plus vite que mon ombre. Je n’ose imaginer comment serait ma vie sans l’Internet. Mais pour l’instant, je vais me contenter de magasiner chez Sears…

14 novembre 2005

Les sans réponses

Ben… Ben… Ben… J’ai passé la soirée de vendredi à entendre ce mot. Ben par ci. Ben par là. Même si ce fut une agréable soirée, n’empêche que nous sommes restées un peu sur notre faim quant aux réponses obtenues à nos multiples questions.
Vous êtes perdus ? Précisons tout d’abord que « Ben » ce n’est pas dans le sens du diminutif de Benoît ou de Benjamin ou encore du nom de famille de la journaliste culturelle Bendo. Non non. Le « en » de « Ben » se prononce « in » un peu comme dans agenda. Vous suivez maintenant ?
Bref. Un 5 à 7, cinq sacoches, deux cravates. Comme dans toute démocratie, la majorité l’a emporté. Les sujets chers aux sacoches ont détrôné la possibilité pour le Canadien de conquérir la coupe Stanley cette année ou les nouvelles caractéristiques du dernier modèle de la Civic de se retrouver au centre de nos discussions de la soirée.
Et tant qu’à avoir deux cravates à notre portée, pourquoi ne pas en profiter pour les questionner sur leur véritable nature. Et si on découvrait enfin ce qui se cache vraiment dans le cerveau de la moitié mâle de la population ? L’occasion était trop belle, nous avons sauté à pieds joints dans cette opportunité.
« Dis-moi Luc, comment un gars peut-il entretenir une relation adultère ? », fut la première question soulevée par une Marie fort intriguée. Question complexe à nos yeux d’œstrogène, réponse simple remplie de testostérone. « Ben… les gars ne sont pas capables de choisir. Ils veulent les deux ou le meilleur des deux mondes », a-t-il répondu, sourire en coin et sans la moindre honte.
Deuxième question, qui l’espérons-nous, nous apportera plus d’informations sur la gente masculine que la première. « Qu’est-ce qui est « politically correct » de faire le lendemain d’un « one night » ? Est-on encore dans l’ère où c’est le gars qui doit sentir qui est en contrôle ? La fille peut-elle rappeler sans passer pour une névrosée en manque d’amour ? », s’est interrogée Pascale.
Là, les deux cravates se raclent la gorge. Il semble que nous tombons dans un sujet plus délicat. Percerons-nous ce mystère qui semble être aussi énigmatique que le secret de la Caramilk ?
C’est Nicolas qui lance la première tentative de réponse. « Ben… Ben… Ce n’est pas facile à dire comme ça. Ben... ça dépend tellement des circonstances », tente-t-il de nous refiler en guise d’explication.
Mais nous ne le lâcherons pas. Nous aurons nos réponses. Nous insistons. « Ben… Si la fille rappelle la première, ça peut nous donner l’impression qu’elle veut du sérieux et ça peur faire peur », concède-t-il. Et nous qui pensions être au 21e siècle, à l’ère de l’égalité des sexes… Soupir.
Et si on vous laisse rappeler, on doit attendre combien de temps messieurs avant d’enterrer nos espoirs ? Luc, le roi de la réponse évasive reprend la parole. « Ben… c’est jamais pareil. Ça dépend. Des fois le lendemain, mais si dans la même semaine vous êtes sans réponse, votre chat est mort. »
« Mais c’est pas un peu niaizeux ces histoires ? Après les stratégies politiques ou sportives, voici les stratégies de l’amour. Franchement, on a plus 14 ans! Si un gars m’intéresse, je ne vois pas pourquoi j’attendrai comme une conne à côté du téléphone. Je l’appelle et je lui dis. S’il n’est pas content, tant pis pour lui », s’est indignée Julie. Propos appuyés par les quatre autres sacoches profondément outrées.
La soirée s’est terminée très tard. Au total, 386 « ben » ont été prononcés, 16 questions sur les relations homme-femmes ont été posées. Mais nous n’avons réussi à obtenir aucune réponse satisfaisante. Morale de cette histoire : « Ben… il n’y a rien à comprendre ! »

Culture démocratique

La journée des élections fut l’occasion pour moi de tenter d’inculquer un brin de culture démocratique à mes héritières. Nous sommes donc allées voter en famille au Centre communautaire Richard-Gingras à St-Élie. Chemin faisant, j’expliquais aux filles que dans plusieurs pays du monde, les gens n’avaient aucun droit de choisir le chef de leur ville ou de leur pays. Mais qu’ici, nous étions chanceux et que nous pouvions décider qui dirigerait notre patelin. Que c’est donc notre devoir d’aller voter.
Nous rentrons donc au bureau de vote. Je vais vers l’isoloir et je fais mon choix. En insérant mon bulletin de vote dans l’urne électronique, ma Filou, impressionnée par l’opération me questionne : « Maman, est-ce que tu as voté pour Stéphanie ou pour Audrey ? »
Parce que dans la tête de ma benjamine, un vote est synonyme de choix à Star Académie. « Moi, je voulais que tu votes pour Audrey maman », a-t-elle pensé rajouter.
D’autres questions se bousculaient dans sa tête de quatre ans. « À qui as-tu donné ton dollar maman ? ». La petite était très inquiète que je n’aie pas eu à débourser pour me prévaloir de mon droit de vote. Pas besoin de vous dire que les sorties de ma puce ont provoqué l’hilarité dans ce bureau de scrutin.
* * *
Alors que seulement 44% de la population de la ville s’est prévalue de son droit de vote, il est à l’honneur de la trentaine de personnes d’avoir osé poser leur candidature. Parce qu’une campagne électorale, ce n’est pas simple. C’est beaucoup de temps passé sur le terrain et beaucoup moins passé dans le lit. Personne ne méritait de perdre la course. Tous méritaient leur place à l’Hôtel de ville.
Mais pour une candidate, cette campagne électorale a été beaucoup plus que du porte à porte et des conférences de presse. Pour cette aspirante au pouvoir, il y avait encore d’avantage que des débats et des pancartes.
C’est pourquoi qu’il faut lever son chapeau à une femme courageuse. Une personne qui n’a pas eu peur de quitter un emploi assuré et bien rémunéré pour défendre ses idées et ses convictions. Lorsque Hélène Gravel a décidé de se porter candidate à la mairie de Sherbrooke, elle n’avait aucune idée de ce qu’il l’attendrait au lendemain du 6 novembre. Mais peu importe, elle a foncé. Elle a foncé pour vous.
Au-delà des résultats obtenus et de mes convictions politiques, on se doit de saluer l’audace de celle qui aspirait à devenir la première femme maire de la Ville de Sherbrooke. Elle n’a aucunement craint de se retrouver devant rien.
Et ce, contrairement à d’autres personnes avec des positions en vue, qui ont déjà brigué les suffrages, elle a eu le cran, mais surtout l’intégrité de quitter son poste de directrice de la Chambre de commerce de Sherbrooke.
Parions que Madame Gravel n’aura toutefois pas à faire la queue au bureau d’assurance-chômage, qu’un employeur saura flairer cette candidate au potentiel irréfutable.

Découvertes et politique

La dernière semaine fut fertile en découvertes. J’ai augmenté mon bagage de connaissances du domaine politique. Mais aucune de mes trouvailles ne m’a convaincue de réorienter ma carrière dans ce domaine. Que non.
J’ai appris qu’en politique, les amitiés sont aussi solides qu’un costume d’Halloween cheap acheté au Wal-Mart à 7,97$. Quand ta supposée amie te plante dans une lettre ouverte publiée dans un quotidien où elle accuse ton organisation de manipulation, tu te rends compte que les valeurs d’entraide et de collaboration entre femmes fondent aussi vite qu’un glaçon dans une poêle à frire très chaude dans ce domaine mesquin.
J’ai été initiée à la mollesse des candidats qui se battent pour un poste de conseiller municipal. Un seul, parmi la trentaine d’aspirants, a osé appuyer un des trois candidats à la mairie. Alain Demers, qui se présente à Rock Forest, a été le premier et est toujours le seul à appuyer ouvertement et fermement l’un des deux candidats, en l’occurrence Hélène Gravel.
Même Serge Forest, l’adversaire d’Alain Demers, qui pourtant a passé son samedi après-midi dernier à faire du porte-à-porte avec Hélène Gravel dans son district n’a jamais voulu affirmer qu’il appuyait la candidate. Non, monsieur a un « penchant favorable » pour elle. Franchement.
Un autre exemple ? J’ai croisé Louida Brochu au local électoral de Jean Perrault jeudi dernier. J’imagine que le conseiller sortant dans l’arrondissement de Fleurimont n’a pas fait la même visite de courtoisie à l’adversaire du maire de Sherbrooke. Pourtant, Monsieur Richard n’a pas pris position encore…
J’ai tenté de questionner un des deux candidats dans mon district à ce sujet. Samedi dernier Pierre Harvey s’est pointé chez moi. Après m’avoir défilé son boniment, je l’ai questionné sur son appui à l’un ou l’autre des candidats à la mairie. Vous devinez la suite. Monsieur Harvey n’a jamais osé prendre position. Lui, il saura défendre les intérêts des gens de St-Élie peu importe le maire en place, m’a-t-il dit. Hum.
C’est quoi cette crainte d’asseoir ses opinions ? Pensez-vous que si vous appuyez l’un des aspirants à la mairie vos électeurs vont vous en vouloir ? Au contraire ! Dites-moi lequel des programmes vous séduit le plus et je serai encore plus aiguillée pour faire un bon choix. Parce que pour le moment, j’hésite.
Après on se demande pourquoi les jeunes sont désintéressés de la politique. C’est simple. Nous voulons des élus qui ont une colonne vertébrale. Qui n’ont pas peur de leurs convictions. On ne veut pas des mous qui voient là un side-line à 40 000$ par an à la tête de notre ville. Et pour le moment, dans toute la gang qui est à la mairie, ça semble n’être que ça.
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