28 novembre 2006

J'en ai assez

J’ai pris une grande décision dimanche. Faut dire que j’avais touché le fond. Le vrai de vrai fond. Le bas fond, on s’entend. Vous savez, celui qui force les alcoolos à cesser d’ingurgiter du 40% ou celui qui pousse les gamblers à lâcher la roulette.
J’ai commencé par admettre que j’étais impuissante devant lui et que ma vie était devenue incontrôlable. Il m’obsédait et je ne réussissais jamais à avoir le contrôle dessus. C’était la première étape à faire paraît-il.
J’y pensais depuis un bon bout de temps. J’ai nié le problème longtemps. Très longtemps même. Refusant de croire qu’une telle chose pouvait m’arriver. Que j’étais au-dessus de ce problème.
Ça c’est passé au milieu de ma cuisine sur mes nouveaux carreaux de céramique dimanche après-midi. J’avais mon Swiffer à la main et c’est là que j’ai dit haut et fort et à qui voulait l’entendre : C’est assez! Je ne peux plus vivre de cette manière.
Alors, comme tout bon dépendant, j’ai commencé par demander de l’aide. Puis j’ai accepté cette aide. Et un jour, je fais la promesse qu’à mon tour, j’aiderai les autres.
Cette aide, elle s’appelle Sandra.
Chaque jeudi, Sandra viendra à la maison apportant avec elle réconfort et soutien. Parce qu’il est fini le temps où le Fantastik et les SOS prenaient le contrôle de mon existence.
Elle s’occupera de laver les lits et de passer l’aspirateur. Elle fera reluire mes deux salles de bain et époussettera les trucs collectionneurs de poussières qui inondent ma maison. Si le temps lui permet, elle fera même la vaisselle et peut-être partira-t-elle une brassée de lavage.
Admettre que je n’étais plus capable de voir à la tâche de l’entretien de ma maison fut assez difficile à faire dans cette société où l’on vénère ces super (maudites?) Wonderwomans qui réussissent à tout faire à la perfection avec le sourire en prime.
Ces petites bêtes sont partout autour de nous et nous font sentir que nous n’avons aucun sens de l’organisation et que nous sommes complètement dysfonctionnelles de ne pas arriver à tout accomplir tout ce qu’une bonne ménagère se doit de faire. Vous savez celles dont la maison brille, qui cuisinent des repas quatre étoiles, qui n’ont jamais un pli de travers sur leur pantalon et qui malgré les 40 heures passées au boulot trouvent le temps de conduire fiston au hockey et fillette au ballet tout en s’impliquant bénévolement dans un organisme communautaire.
Malheureusement, je ne suis pas de cette race. Je ne suis pas codée génétiquement pour jongler avec le travail, l’élevage de deux poules en solo, le ménage, le repassage, le lavage, l’époussetage sans difficulté et sans aucune aide.
J’étais fatiguée de privilégier ma moppe à une partie d’Uno avec Max. Je n’en pouvais plus d’entendre le linge sec qui moisit dans la sécheuse me crier des bêtises parce que je faisais autre chose que le plier. Je ne voulais plus stresser à la seule idée que Filou veuille faire de la pâte à modeler parce que ça salirait la table, fort probablement le coussin de la chaise aussi, sans compter le plancher, les vêtements et tout le tra la la.
Je refusais de croire que je passerai ma vie à ramasser, à laver des chaudrons, à désinfecter des toilettes, à astiquer mon plancher, à nettoyer les vitres. Est-ce que j’étais condamnée à finir mes jours avec un chiffon dans une main et une bouteille de nettoyant dans l’autre? Je ne voulais pas devenir la meilleure amie de Monsieur Net. Cette image me déprimait trop. Beaucoup trop pour que je continue dans cette voie.
Alors, avant de quémander une prescription de Prozac, j’ai osé demander de l’aide. Et vous savez ce que je ferai dimanche avec mes loulous? De la pâte à modeler bien sûr!

22 novembre 2006

Sherbrooke, sur la carte

Sherbrooke, by night

Nous sommes lundi soir ou mardi matin, c’est pour vous. L’horloge de ma voiture indique 2h36 et je rentre à la maison. Je suis complètement crevée. J’ai eu une rude journée au bureau. Je jure qu’on ne m’y reprendra plus.
Chemin faisant, je repasse le fil des événements de la journée dans ma tête. Je relis les textes que j’ai écrits. Je repense à cette édition spéciale que nous présenterons mercredi et le sourire revient. L’envie de coller mon oreiller est chassée de mon esprit.
Une image me frappe. Sherbrooke et ses milliers d’histoires exceptionnelles. Ces gens qui tiennent la vedette de La Nouvelle cette semaine me rendent fière d’appartenir à une telle communauté d’individus tous aussi extraordinaires les uns que les autres.
Que de millage parcourus pour plusieurs. Des parcours tous plus intéressants les uns que les autres. Pas de super vedettes, sauf une. Que des gens ordinaires. Des personnes comme nous qui un beau matin ont fait leur valise et pris l’avion pour affronter de nouveaux défis.
Mais ce qui frappe le plus, c’est la capacité d’abandon unique de ces globe-trotters. Parce que pour partir à l’autre bout du monde avec pour seuls bagages un sac à dos et un passeport canadien, il faut avoir le goût de l’aventure certes, mais surtout la capacité de laisser ce qu’on a ici pour foncer.
Et c’est là le plus difficile, je crois.
Chaque fois que je pense à ma cousine Karine qui vit à Paris, j’ai un motton dans le dalot pour toutes ces scènes de la vie quotidienne qui échappent à sa maman qui vit toujours en sol sherbrookois. Pour toutes les fois où elle voudrait cajoler sa petite-fille qui est 6 000 kilomètres. Pour toutes les réunions familiales où Karine, Lou et Laurent ne figurent pas sur la liste d’invités parce que ce n’est pas tous les jours possible de se taper six heures d’avion pour assister à un souper d’anniversaire.
En même temps, j’ai énormément d’admiration face à son courage. Imaginez, Karine est partie dans un pays qu’elle ne connaissait à peu près pas par amour laissant tout derrière elle. C’est épatant!
Au fil des histoires de la vingtaine de Sherbrookois débarqués un peu partout sur la mappe monde, que j’ai mises en page ce soir, j’ai eu envie, moi aussi, d’aller enseigner l’anglais en Chine, de postuler dans l’une des filiales de Bombardier en Europe, d’amuser les touristes au Mexique, d’être monitrice de ski dans les Rocheuses, d’écrire pour un journal africain, de faire un stage de photo en Australie. Les idées ne manquent pas.
Non, c’est le courage qui n’est pas au rendez-vous. La patience de tout recommencer à zéro. De ne plus entendre le téléphone sonner à toutes heures du jour avec ma sœur au bout du fil me racontant ce qu’elle a fait dans les dix dernières minutes me manquerait trop. Je m’ennuierais de ne plus voir l’air bête de mon autre sœur jour après jour. De vendre cette maison que j’ai entièrement rénovée avec mon papa m’est insupportable.
L’inévitable question à savoir si je passerai à côté de quelque chose d’extraordinaire s’est alors posée. Peut-être. Mais une chose est certaine, je n’ai pas tout perdu. Que non.
Parce que grâce à mon travail, j’ai pu connaître des dizaines de gens de chez moi que je n’aurais jamais rencontré autrement. Des compatriotes qui font le bonheur de dizaines d’Africains, qui créent des publicités d’envergure en Italie, enseignent le yoga à Singapour ou qui supervisent les élections présidentielles au Congo.
Des personnes qui m’ont apprises que le bonheur se construit et se trouve dans de petites choses, que l’on soit à Hawaï, en Allemagne ou dans l’arrondissement 5 de la reine des Cantons-de-l’Est.
Et surtout parce qu’ils m’ont fait réaliser que la poutine du Louis, ne se retrouve qu’à Sherbrooke…

13 novembre 2006

Une motion spéciale à l’ordre du jour

J’ai présenté une motion spéciale aux copines le week-end dernier parce que mes oreilles étaient saturées d’entendre des trucs moches. Une proposition qui se lisait comme suit :
« Que l’on biffe du calendrier, et ce pour toutes les années à venir, tous les mois de novembre. »
Vous ne serez pas surpris d’apprendre que la motion a été appuyée rapidement et adoptée à l’unanimité par mes amies sans la moindre hésitation.
C’est vrai que c’est moche novembre. C’est gris, c’est morne, y pleut, y fait noir de bonne heure, c’est humide. Le 11e mois du calendrier n’a rien pour se faire aimer.
Et lorsque l’on rajoute tous les drames que mes amies vivent ces derniers temps, on en convient que ces quatre semaines à passer sur cette page de calendrier peuvent devenir un véritable calvaire.
C’est une vraie calomnie. Tout le monde se sépare autour de moi. Tout le monde est malade. Tout le monde est à bout. Et pas de petites histoires sans conséquences. On ne parle pas de rhume ou de petite déprime passagère.
Vraiment pas.
Tenez par exemple. La copine Éli qui s’est mariée l’hiver dernier avec un mec des vieux pays. Quelques semaines plus tard, un petit colimaçon s’est niché dans son bedon. Quelle belle histoire non? Vous savez le genre de truc que l’on lit dans les romans en se disant « ça ne m’arrivera jamais ». Et bien, ça lui est arrivé à elle. Elle vivait un véritable conte de fée jusqu’à ce qu’on apprenne que le monsieur en question a le mal du pays et qu’il repart avec son petit bonheur de l’autre bord de l’Atlantique. « Merci pour tout, ça été bien agréable. On peut rester amis si tu veux. »
Triste.
Et il y a le papa de Stéphanie qui est hospitalisé depuis samedi, la maman de Mélanie qui voit un cancer lui faire de l’œil, la petite-fille de Catherine qui se fera opérer à la tête, la sœur de Louise qui s’est fait plaquer par son mari 26 ans après lui avoir dit oui et l’oncle de Marie qui est décédé des suites d’un cancer fulgurant.
Et sans c’est sans compter la gastro qui fait des ravages partout, le flop de la famille Dion, l’exclusion de Frédérique à Occupation Double, et quoi d’autres?
On dirait que lorsque novembre se pointe dans le paysage, il apporte avec lui un lot de mauvaises nouvelles qu’il lance un peu partout. Est-ce possible qu’autant de mauvaises nouvelles arrivent en juillet? Non. Juillet, c’est un mois joyeux. Tout le monde est de bonne humeur en juillet. Personne n’est malade en juillet. Les coups durs sont tellement moins graves en juillet.
Je vote pour un calendrier avec douze juillet. De cette façon, nous serons certains que tout ira pour le mieux dans le meilleur des mondes. Que le soleil brillera tout le temps.
Oui ma motion a été adoptée à l’unanimité. Sauf Annick qui a voté contre cette proposition que nous croyions géniale.
« J'ai besoin de novembre pour vieillir. C'est le cycle de la vie; novembre représente une étape de changement, de préparation à autre chose. Comme la température est moche, tout ce qui entoure nous affecte d'autant plus... puis quand c'est un enchaînements de malheurs et de mauvaises nouvelles, c'est encore plus difficile », nous disait-elle.
Elle a raison la copine. Le manque de soleil, le changement d’heure, la température maussade ne sont rien pour nous aider à aimer ce mois. Mais ça prend des moments plus difficiles pour nous faire apprécier les instants plus heureux à leur juste valeur.
Mais on pourrait peut-être s’entendre pour un mois de novembre de deux semaines?

06 novembre 2006

Dragues dures

La drague comme la dope ça rend dingue.
Et les gens qui ont touché les deux affirment que dès qu’on y a goûté, on ne peut plus s’en passer.
Peut-être.
Mais moi, je me suis désintoxiquée. Je pense.
Pas de la drogue, mais de la drague. Et heureusement, sans méthadone ou internement en cure fermée.
Et c’est ici un concept qui échappe totalement à trop de gens. « Comment une femme de 30 ans peut-elle être bien seule? » Il y a forcément un problème, quelque chose qui cloche.
Des préjugés, des remarques plates, des interrogations, des faces embêtées, il n’y a rien qui m’a échappé depuis les trois dernières années.
« Forcément, tu dois être trop difficile. » « Une belle fille comme toi ne peut pas être célibataire; il y a sûrement quelqu’un qui t’attend quelque part. »
Alors voilà, les missionnaires des pauvres célibataires de ce monde partent en mission « Matchons Geneviève ».
On me propose des blind dates. On me parle d’un tel qui est « donc formidable et parfait pour moi ». On me pousse à sortir dans des soirées de célibataires, à m’inscrire à Réseau Contact, à appeler dans une agence de rencontres, à fréquenter les speed dating et quoi encore?
Qu’arrive-t-il si je refuse? « Oh la la! C’est un cas grave, très grave. Parce que Geneviève, on-ne-sait-jamais. » Et là, ça part : « Moi, j’ai rencontré mon mari dans un blind date et tout de suite ça été le coup de foudre, etc.» Ou l’autre : « Je ne croyais pas vraiment à l’amour sur le Net, mais j’y ai trouvé mon chum et tu vois aujourd’hui, je suis enceinte... »
Mais c’est quoi cette tendance à vouloir accoupler tous les célibataires qui traînent? Pourquoi ça agace tous ceux qui cochent conjoints de fait sur leur rapport d’impôt que moi je marque célibataire? Est-il possible d’être heureuse même si je fais la vaisselle en solo?
C’est drôle quand même. Parmi mes collègues de travail, nous sommes quelques unes qui faisons dodo toutes seules depuis longtemps. Pourtant, aucune d’elles ne prend d’antidépresseurs, elles ont toujours un sourire dans la face et respirent la joie de vivre. Elles me disent ne pas avoir de rendez-vous chez un psy chaque semaine à leur agenda. Et pas le moindre signe d’agressivité envers la partie masculine de la race humaine ne transparaît dans leur discours.
On aurait, pourtant, l’embarras du chois. En effet, on compterait au pays 114 hommes célibataires par tranche de 100 femmes célibataires. Mais on n’en veut pas des messieurs qui n’ont pas d’alliance à l’annuaire gauche. Est-ce si difficile à comprendre, à admettre?
Il semble que je ne sois pas seule dans mon lot. Pour l’heure, on compte une femme sur quatre et un homme sur trois âgés entre 29 et 54 ans qui sont célibataires au Québec. De ce nombre, 70% sont résignés à le rester. Je suis de ces statistiques et je vous le dis, ça va entre mes deux oreilles.
La drague comme la drogue, ça rend dingue. Mais, ça se peut que ce ne soit pas tout le monde qui ait envie de se shooter à la cruise.