24 mars 2006

Doigts en break syndical

J‘ai la tête pleine et pourtant, je ne trouve rien à écrire. Rien niet nada.
Habituellement, mes doigts courent sans aucune hésitation sur mon clavier. Ils s’excitent devant les touches de mon ordinateur. Entre mes deux index, mon duo de majeurs et mon pouce droit, il y a une rude compétition. À qui enfilera le plus de caractères ?
D’habitude, ils m’obéissent au doigt et à l’œil, mais pas aujourd’hui. Ils sont ankylosés. Ils refusent de se mettre au travail. Aucune coopération de leur part.
Vraiment, je pense à les larguer au bureau d’assurance-emploi. Ça pourrait peut-être les fouetter un peu. Leur rappeler que s’ils veulent pousser à nouveau un panier d’épicerie ou guider le volant de ma voiture, je dois toucher un chèque de paye et si possible, assez rapidement.
C’est à croire qu’ils sont en break syndical. Pourtant, ils ne sont nullement syndiqués. De quel droit osent-ils refuser de se mettre au boulot ?
Et s’il y a une journée où mes doigts doivent obtempérer, c’est bien aujourd’hui. J’ai huit textes à écrire avant de dire bonjour aux vacances. Mais à la vitesse où les mots s’alignent sur mon écran, aussi bien dire adieu à cette semaine de ski, parce que je serai encore ici lundi.
Un rien me déconcentre. Je souris quand le téléphone sonne. J’ai jamais été aussi contente qu’il me fasse signe de vie celui-là. J’accueille les placoteux à bras ouverts dans mon bureau. Faut bien prendre le temps de les écouter ; ils seront dix jours sans me voir. Ils doivent faire le plein. Je vais boire de l’eau aux cinq minutes. C’est très important de s’hydrater lorsque l’on est en mode création semble-t-il.
C’est la troisième fois que je vais à la salle de bain depuis une heure. J’imagine que mon subconscient y voit là une quelconque source d’inspiration. Cherchez à comprendre.
J’ai aussi tenté de faire craquer mes phalanges, question de fouetter un peu les troupes. Rien à faire. C’est tellement décourageant.
Rien ne m’allume. Rien ne déclenche chez moi une idée pour vous écrire. J’ai la tête dans mes bottes de ski. Le cœur sur les pistes enneigées. Je suis ailleurs, alors que je devrais être ici à écrire. J’ai peut-être mis le doigt sur le problème ?
Mille excuses. Demandez un remboursement. Ça n’a aucun sens. Je sens que je vais me faire taper sur les doigts au retour de mon congé.
C’est drôle, mon petit doigt me dit que personne ne me parlera de ma chronique cette semaine. Que je ne soulèverai pas l’ire d’un quelconque groupe de défense de droits. Qu’aucun d’entre vous n’aura besoin de sécher ses larmes. Et j’ai même l’impression que vous êtes plusieurs à m’avoir déjà abandonnée.
M’enfin. Les sages d’entre vous diront que ça prend des chroniques moins bonnes pour apprécier les meilleures. N’hésitez pas à classer celle-ci dans la première catégorie. En attendant, croisez-vous les doigts que ceux-ci retrouvent leur ardeur pendant que mes jambes s’assureront que je passe une merveilleuse semaine sur les pentes de ski.

20 mars 2006

Chanceuse moi?

Chanceuse moi ? Je ne crois pas. Dans les trois dernières années, j’ai perdu un emploi, la moitié de mon mobilier, mes nouvelles mitaines de ski, et vendredi dernier, j’ai encore perdu 2$ au 6/49 alors que ma combinaison n’était pas celle qui valait quatre millions.
Je me suis aussi fait voler mon vélo, ma nouvelle échelle, la brouette Little Tikes des filles.
J’ai eu une infiltration d’eau dans ma maison, mon robinet de cuisine est brisé, quelqu’un m’a laissé une belle bosse en souvenir sur mon auto, il fait toujours trop froid ou trop chaud dans mon bureau, il y a un feu sauvage qui a trouvé refuge sur ma lèvre supérieure et mon nouveau shampoing sent la pâte à modeler Play Doh.
Je ne crois vraiment pas être veinarde, au contraire ! La malchance, la poisse, la guigne me collent au derrière, vous voyez bien ! Mais pourtant, depuis le début de l’année, pas une journée ne passe sans que l’on me dise que je suis chanceuse. Et la chance, j’avoue que c’est un concept qui m’agace grandement.
Oui, j’ai eu ma permanence après seulement deux ans de travail à La Nouvelle. Oui, j’ai gagné un voyage ski au mont Sainte-Anne. Et oui, il y a plein de trucs dans ma vie qui font l’envie des autres.
Mais ce n’est pas de la chance ça. Que non !
Ma permanence, je ne l’ai pas trouvée dans ma boîte de Frosted Flakes par un beau matin de février. J’ai bûché pour trouver des sujets intéressants à proposer. J’ai travaillé pour rendre mes articles captivants. Je n’ai pas compté les heures passées au bureau au cours des deux dernières années. Ce n’est pas le hasard qui a fait que j’ai eu ce poste. Ce n’est pas parce que j’avais la bonne combinaison de chiffres que je me suis retrouvée à la tête de la rédaction de ce journal.
C’est comme mon voyage de ski. Il n’y a personne qui s’est pointé chez moi pour me dire : « Voilà, j’aimerais vous offrir un voyage de ski, comme ça, tout bonnement parce que je trouve que la brique de votre maison s’agence bien à la couleur de mon complet-cravate. »
Ç'aurait été fort plaisant, mais ça n’a pas été le cas. On n’a pas tiré mon nom au sort parmi 76 988 coupons de participation. J’ai gagné parce que j’ai soumis au jury du concours un texte qui a retenu son attention. C’est tout.
Chaque fois que je pense à ce concept de chance, je revois ma grand-mère qui, en visitant le nouveau condo de ma sœur cadette, disait : « Tu es chanceuse d’avoir une maison comme ça à ton âge ! » Elle se l’est fait dire Mamie que ce n’était pas de la chance. « Je suis loin d’être chanceuse ! On travaille pour se payer ça ! », que lui a lancé ma sœur, insultée un brin.
Parce qu’on n’a pas tiré le billet de la Maison Desjardins avec son nom dessus. Elle a une hypothèque à la banque qu’elle rembourse chaque mois. Ce n’est pas de la chance ça.
Je suis peut-être chanceuse, mais pour mille autres raisons que celles-là.
Je suis chanceuse parce que Katia est immanquablement au bout du fil quand je compose son numéro. Je suis chanceuse parce que je gagne continuellement au Monopoly. Je suis chanceuse parce qu’il fait toujours beau quand je suis en vacances. Je suis chanceuse parce que la vie m’a apporté deux enfants en bonne santé.
Dans le fond, c'est vrai que j’ai la chance collée au derrière. M'enfin.

13 mars 2006

La guerre à la mauvaise humeur

Ouf ! L’atmosphère est à couper au couteau. On a plus l’impression d’être en plein cœur de l’Antarctique que d'être qu’attablées devant le souper. Vraiment, j’aimerais être ailleurs.
Filou est choquée parce que je ne veux pas qu’elle mange des biscuits au chocolat avant qu’elle n’ait terminé son assiettée.
Maxim a le cœur dans la bouette parce qu’elle s’est (encore) chicanée avec son amie Audrey.
Et la petite sœur se réveille d’une sieste.
Entre deux bouchées, la petite soupire. Entre deux gorgées, la grande bougonne. Et l’autre baille à se décrocher la mâchoire. Beau tableau.
Vraiment, j’aimerais mieux être dans un séminaire de bas bruns où l’on débattrait de l’avenir du câble optique dans les villages du nord est de l’Ontario.
Il me vient donc une idée. Ne me demandez pas d’où cette illumination est arrivée, je ne le sais pas. N’empêche que ça l’a fait le travail.
C’est certain que lorsque Félixe a reçu sa première fève verte dans le front, elle était loin de me trouver drôle. Mais moi, j’ai éclaté de rire. Maxim, un peu éberluée, n’était pas certaine de comprendre ce qui se passait.
J’ai choisi ce moment précis pour lui envoyer une bonne pelletée de riz-à-grains-longs-et-riz-sauvage-aux-fines-herbes en plein visage.
Et là Félixe a compris ce qui arrivait. En moins de deux, elle s’est emparée d’un morceau de poulet qu’elle a dirigé droit sur la petite sœur. La cocotte a besoin d’entraînement, car son tir n’a pas atteint pas la cible désirée. Loin d’être découragée, elle s’empare d’un second morceau et cette fois-ci, elle atteint son but ; le front d’Alex.
Voilà que cette dernière émerge de son sommeil paradoxal et compte bien se défendre. Comme je suis la seule qui n’a pas été attaquée par cette armée alimentaire, me voilà la cible de trois mitraillettes aux missiles mangeables. À la guerre, comme à la guerre se sont dites mes adversaires. J’ai du riz dans les cheveux, j’ai du poulet dans le chandail et ma chaise est entourée de fèves vertes.
Voilà mon honneur attaqué. Je riposte. Pour se protéger de mes assauts, Félixe se réfugie en dessous de la table renversant du même coup son verre de lait. Maxim grimpe debout sur sa chaise pour avoir une meilleure position d’attaque. Elle accroche son assiette au passage qui se retrouve sur le plancher, à l’envers bien évidemment.
Comme il ne restait plus de projectiles dans le plat de la sœur, la voilà qui se dirige vers le garde-manger à la recherche de munitions comestibles. Elle hésite entre les macaronis et les œufs, je lui suggère les biscuits Oreo. Suggestion que j’ai regrettée aussitôt qu’un de ces engins a frappé ma nuque. Ouch !
Avant que l’on doive ériger un hôpital de guerre dans mon jumelé, j’ai décrété l’arrêt des hostilités, j’ai levé le drapeau blanc satisfaite. J’avais atteint mon but. Nous avions toutes gagné la guerre à la mauvaise humeur.
Parce qu’en moins de deux attaques, les soldats de la troupe Proulx ont non seulement retrouvé le sourire, mais elles ont retrouvé le goût de s’amuser et de rire.
Le commandant, s’est quant à elle, tapé trois heures de ménage pas la suite. Il y avait de la nourriture partout, partout et partout dans la salle à manger et même jusque dans le salon. Mais une seule question me vient à l’esprit : Et puis ?

07 mars 2006

Une montagne d'amour

Je suis tombée en amour.
Moi qui pensais que ça ne m’arriverait plus. Plus jamais.
Mais voilà, ça m’a frappée de plein fouet comme une brique qui tombe de la Tour Eiffel.
J’en suis la première surprise.
J’ai été, tout d’abord, séduite par sa beauté. Par son charme irrésistible. Par ses petits atouts cachés qui ont fait palpiter mon cœur. Par son sens du plaisir. Pour son respect de la nature.
Je le cherchais depuis plusieurs mois. J’en ai rencontré quelques-uns, mais pas un n’avait réussi à m’épater de la sorte. Personne sauf lui.
Ces deux jours passés à ses côtés m’ont complètement bouleversée. Il a absolument changé ma façon de voir les choses. Je n’avais jamais rien connu de tel auparavant. En écrivant ces lignes, les papillons se font aller dans mon ventre d’ailleurs.
Tellement que j’ai même pensé quitter mon emploi, de déménager mes pénates près de lui et de repartir ma vie à neuf parce que vivre à quatre heures de route de lui, c’est trop difficile à concevoir.
Les souvenirs envahissent mes pensées. Ça se bouscule dans ma tête. Je voudrais tout vous dire de lui. Je ne sais pas par quel bout commencer tellement c’est intense.
On s’est rencontrés le matin de la Saint-Valentin. Une belle journée pour entamer une nouvelle relation non? Une date qui ne s’oublie pas facilement, vous en conviendrez.
Bref, j’ai trouvé la perfection.
Je vous vois jubiler. Je vous entends crier. Je vous imagine sourire. Enfin, Geneviève s’est trouvée quelqu’un. Elle a fini de nous achaler avec son célibat. Mais ne réjouissez pas trop rapidement chers amis.
C’est ma visite dans Charlevoix qui m’a virée complètement à l’envers. Un véritable coup de cœur, il n’y a pas d’autres mots pour décrire mes sentiments face à cette magnifique région.
J’ai passé deux jours à skier au Massif, à Petite-Rivière-St-François, une minuscule bourgade située à deux pas de Baie Saint-Paul. Quarante-huit heures de pure détente et de plaisir.
Ne cherchez plus l’hiver. Il s’est arrêté là-bas. De la neige, ils en ont à ne plus savoir quoi en faire. C’est phénoménal. Il y a du blanc partout, partout, partout.
Exit les surfaces glacées, les conditions moches, l’exploitation à outrance. Skier au Massif, c’est d’accepter de côtoyer des lièvres et des chevreuils sur les pistes. C’est d’avoir une vue imprenable sur le Saint-Laurent. C’est de laisser tomber le côté électrique de la ville pour la tranquillité de la campagne.
Skier au Massif, c’est renoncer à manger de la poutine, des hot dog ou des rondelles d’oignons et d’être contraint à dîner avec un filet de saumon à l’orange ou une fricassée d’agneau au romarin.
Déambuler dans le centre-ville de Baie Saint-Paul, c’est s’émerveiller devant les multiples galeries d’arts. C’est admirer l’architecture pittoresque de ses petites maisons. C’est de savourer une délicieuse fondue dans ce sympathique Café des artistes.
Vivre au son du fleuve, à la vue des montagnes en respirant cet air frais, c’était assez pour me virer à l’envers. Suffisant pour me planifier un séjour dans ce coin de pays l’été prochain.
Qui sait, peut-être y resterai-je?