24 janvier 2007

Une admiration sans borne

J’ai vu quelque chose de bien spécial dans les yeux de Filou ce soir. Pourtant, nous étions au milieu du scène très ordinaire de notre petite vie familiale. Il y avait le dvd de Passe-Partout qui se faisait aller à la télé. Alex parlait au téléphone avec sa copine Céline. Filou jouait à Dora sur l’ordi. Max chantait à tue-tête une nouvelle chanson apprise à l’école. J’étais en train de débarrasser la table du souper. Ordinaire je disais donc.
Avide de public, Maxim réclamait qu’on arrête nos activités pour que nous l’écoutions donner son petit récital. J’ai donc laissé tomber mon chaudron qui donnait tant de fil à retorde à mon SOS. Filou a abandonné, à son triste sort, Dora au milieu d’un bateau rempli de vilains pirates. Alex a laissé en plan Céline qui aurait espéré en savoir plus la dernière soirée de la petite sœur. Tant pis pour les chaudrons, les pirates et les potins, nous avions droit à un concert privé. Pas question de rater ça sous aucune considération.
Nous nous sommes alors installées confortablement dans notre magnifique salle de spectacle (notre salon) puis Maxim a pris place sur la scène (ma chaise d’ordinateur) armée de son micro (la télécommande de la télé), elle a entonné son plus grand succès (son seul) devant un grand auditoire (trois personnes) captivé à l’os.
Je l’avoue d’emblée; je ne ferai pas une Céline avec ma Maxim. Je peux oublier mes projets de retraite dorée à faire des tourtières à la douzaine; je devrai travailler encore. Ma grande est remplie de belles qualités, mais la voix juste ne figure pas au nombre de ses aptitudes. Au moment même où j’avais cette réflexion, Filou me glisse fièrement à l’oreille : « Elle est bonne ma sœur hein maman? J’aimerais ça moi être capable de chanter comme elle. »
Stupéfaite, je me retourne vers Filou qui ne quitte pas son aînée des yeux. Elle la regarde comme si c’était la plus grande chanteuse du monde, comme si rien ne pouvait être mieux que Maxim. S’il avait fallu débourser 2 000$ pour l’entendre, ma puce aurait vendu sa Dora, ses Pet Shop, son V-Smile, ses DVD de Passe-Partout et même sa Pouliche sans aucun ressentiment pour être certaine de pouvoir entendre sa sœur pousser la note encore et encore. Et pas certaine qu’elle aurait voulu faire la même chose pour entendre Annie Brocoli ou Shilvi.
Une fois le tour de chant ma grande terminé, après les applaudissements d’usage et l’ovation debout, j’entendais mon chaudron m’appeler. Alex s’est lancé sur le téléphone pour continuer sa conversation avec sa copine. Mais ma Filou ne bougeait pas d’un poil sur le divan. Elle tapait des mains et invitait sa sœur à continuer à chanter une autre chanson. Ce que Maxim fit, ravie d’avoir séduit son public.
Ouais. Ce soir, j’ai vu quelque chose de particulier dans les yeux de ma Filoune : une admiration sans borne pour sa grande sœur. Un enthousiasme peu commun que l’on retrouve seulement entre frères et sœurs.
Je ne prétends pas être la meilleure maman du monde. Mais je suis réellement fière que mes deux poulettes s’entendent de la sorte.
Maxim, qui lit à l’instant même par-dessus mon épaule, me dit : « Voyons maman, c’est normal. Ma sœur, peu importe ce qui peut arriver, ce sera mon amie pour toujours. »
Ouf. Mon cœur vient de craquer.

02 janvier 2007

Conduire ses filles à la misère humaine?

Lu dans le Sélection du Reader’s Digest de janvier 2007, dans un article vantant les mérites d’une directrice d’école hors pair de Saint-Hyacinthe :
«Près de 50% de nos élèves ont des difficultés d’apprentissage. Et 64% d’entre eux sont issus de familles monoparentales.»
Après avoir repris mes esprits et décoincé le morceau de toast avec lequel je m’étais étouffé à la lecture de cette phrase, j’ai pris la peine de relire bien calmement le tout.
Je ne m’étais pas trompée. Malheureusement.
J’ai ensuite regardé mes deux pitounes qui jouaient aux Bratz par terre. Et je me suis longuement interrogée sur le futur de Max et Filou.
Est-ce que je les conduisais directement sur le chemin de la misère humaine? Est-ce que le fait que la partie gauche de mon lit soit vide leur donnait un laissez-passer direct pour une vie sans avenir? Filou ira-t-elle frapper à la porte d’un gang de rue parce que je coche «séparée » sur mon rapport d’impôt? Est-ce possible que Maxim devienne bénéficiaire de l’aide sociale uniquement parce que ses parents n’ont pas réussi leur couple?
Mon cœur s’est serré. Très fort.
Je refusais complètement d’envisager ce scénario. Pas seulement pour mes enfants, mais aussi pour ceux de Katia, d’Édith, de Maryse et pour la famille sherbrookoise sur cinq qui vit dans la même situation que la mienne.
Dites-moi donc, grands penseurs, qu’est-ce qui fait que les enfants qui sont issus de la monoparentalité en arrachent plus que les autres? La pauvreté, j’imagine.
Parce que 81% des familles monoparentales sont dirigées par une femme et que c’est bien connu que les madames, ça gagne moins de sous que les monsieurs.
Elle est où, donc, la solution? Que faire pour que les comptes de banque qui sont plus souvent qu’autrement dans le rouge ne soient pas un frein à l’épanouissement de nos loulous?
Et si on revendiquait des mesures de conciliation travail-famille-vie qui ont du bon sens? Vous savez, des garderies ouvertes le soir et la nuit, des congés payés pour nos marmots malades, ce genre de truc.
Et si on demandait des programmes financiers pour les mères qui choisissent de rester à la maison?
Et si on exigeait de l’aide économique suffisante pour les femmes les plus démunies par des logements sociaux, des prestations décentes, des mesures volontaires de réinsertion au travail adaptées à leurs besoins et menant à des emplois de qualité?
Et si la société valorisait un peu plus le programme de pensions alimentaires? Si le gouvernement facilitait encore plus le recours à ce programme? Le Programme universel de perception des pensions alimentaires adopté dans les années 90 et le Modèle québécois de fixation de la pension ont secouru plusieurs femmes de la misère, mais il faut plus.
Pour bénéficier d’une perception automatique de la pension, il faut débourser au minimum 3 000$ en frais d’avocat pour obtenir un jugement de cour. Des peanuts pour certaines, mais une somme astronomique pour plusieurs. Pas étonnant que plusieurs renoncent.
Mais au-delà de ça, il y a la notion de dépendance envers l’ex qui en dérange plus d’un. C’est correct de recevoir une pension alimentaire du père de ses enfants, mais pas une trop grosse, sinon l’image de la salope-frustrée-qui-veut-laver-l’ex revient au galop. Dommage que les mères payent pour les quelques femmes qui ont abusé du système.
Je regarde encore mes cocottes qui habillent et déshabillent inlassablement leurs Bratz. Je n’ai pas encore trouvé l’antidote miracle qui les prémunira d’un avenir économique difficile. Je ne peux que souhaiter que ma situation de maman-solo aura moins d’impact que si nous avions, leur père et moi, décidé de poursuivre notre vie à deux avec les disputes et l’amour qui n’y est plus.
Je me le souhaite, mais aussi aux 10 000 familles de Sherbrooke qui sont dans la même situation.