05 novembre 2010

Et puis, les nuits?

Lorsque l'on reçoit un chèque du RQAP (Régime québécois d'assurance-parentale) chaque deux semaines, il n'y a qu'une seule et unique chose à laquelle on pense: les nuits de bébé. Tout tourne autour des nuits. Les foutues nuits.
Même si on voulait faire autrement, s'attarder au développement psychomoteur de notre rejeton ou bien réfléchir à la façon dont on va diversifier son portefeuille d'épargne-études, eh bien on ne le peut pas. Impossible de faire autrement parce qu'à tout bout de champs, il y a toujours quelqu'un qui nous ramène ça sur le tapis.

Chaque deux minutes, il y a toujours quelqu'un qui demande : «Et puis, les nuits?» «Pis, papa, il dort bien?» «Elle se lève souvent la nuit, la petite?»

Peu importe la réponse donnée, ces questionneurs sur la vie nocturne de notre nouvelle-néey vont de leurs propres histoires, de leur vécu qui va d'un extrême à l'autre. «Moi, mes enfants ont tous fait leurs nuits à trois semaines pile poil. Après, ce sont des caprices. Ne te laisse pas marcher sur le dos ma petite-fille!» «Les nuits... Mon dernier commence à peine à les faire et il vient d'avoir trois ans.» «Ma petite-fille de sept mois se réveille aux deux heures encore, mais bon, c'est de la faute de sa mère. Si elle prenait les choses en main, ça serait réglé depuis longtemps.»


Certains trouvent abominable que Sam-Sam se réveille encore la nuit, à quatre mois. D'autres compatissent en disant que c'est loin d'être terminé, alors que certains trouvent que ma petite poulette est bien gentille de se rendormir si rapidement après avoir rempli son estomac.

Arrive, ensuite, la ronde des trucs infaillibles visant à s'assurer que les parents puissent enfin penser pouvoir dormir de 22 h à 6 h du matin sans interruption suce-tétée-couche pleine-pleurs quelconques.

«Connais-tu le truc du 5-10-15? Moi, ça a changé ma vie. Deux nuits de ce régime et mon bébé ne s'est plus jamais réveillé la nuit!»

«Ici, on a remplacé les tétées par des biberons d'eau. Ça n'a pas été trop long que bébé a compris que se lever pour de l'eau, c'est plate en sale.»

«Moi, je fais toujours la même routine le soir. À 20 h, c'est la tétée. Ensuite, on lui donne un bain puis je lui raconte une histoire. Bébé sait donc que c'est la nuit. Et il file ça jusqu'au lendemain matin.»

«Mon bébé avait faim. Tout simplement. Dès que je lui ai donné des céréales, il s'est mis à dormir de longues nuits!»

«C'est parce que tu l'allaites que ta petite ne fait pas ses nuits. Sèvre-là, tu vas voir, elle va mieux dormir. C'est bien connu que le lait maternel se digère plus vite que le lait maternisé.»

C'est obsédant pareil ces histoires de nuits. Faites-le test sur Google. Avec les mots-clés «bébé» et «nuit», vous obtiendrez près de deux millions d'entrées. Deux millions!

Et vous savez quoi? Je m'en fous un peu de me lever deux ou trois fois par nuit.

Quand on y pense, je suis payée pour me lever la nuit. Je suis payée pour lui donner à manger quand elle a faim. Je suis payée pour l'aider à s'endormir. Je suis payée pour être là quand elle a besoin de moi. Que ce soit de jour ou de nuit. Le gouvernement ne me paye pas pour que je passe l'aspirateur ou bien pour que je fasse le ménage de mon frigo. Il me paye pour que je m'occupe de ma puce. Point. Et même si je ne recevais pas de dépôt direct deux fois par mois du RQAP, je le ferais pareil. C'est dans la description de tâches des mamans.

Ce qui m'agace, c'est bien plus l'opinion que l'on se fait de moi, mais aussi des milliers de parents qui conjuguent leurs nuits avec un bébé qui aurait bien d'autres chats à fouetter que de fermer la paupière.

Sachez, chers spécialistes de la vie nocturne des poupons, que tout n'est pas si simple. Que de réussir à faire dormir un bébé une nuit complète n'est pas aussi facile que de faire bouillir une tasse d'eau chaude au micro-ondes.

Si c'était le cas, on ne serait pas autant à se promener avec des cernes qui vont jusqu'en bas du menton et un teint de pinte de lait.

01 novembre 2010

Sauter comme un lapin

On m'a encore réveillée à 2 h du mat. Et encore à 4 h.

Et le comble, c'est que ce n'était pas la petite qui réclamait son dû.

Ben non, c'est la maudite lapine qui faisait des cabrioles dans sa cage. Lily-Bunny, elle a décidé que pour faire une Josée Lavigueur d'elle-même, c'était beaucoup mieux au beau milieu de la nuit. Qu'il n'y a rien de meilleur qu'un clair de lune pour fortifier ses mollets. Qu'un casse-croûte, ça se digère beaucoup mieux quand il fait noir. Qu'une litière, c'est un magnifique jouet pour passer le temps quand tout le monde ronfle dans la cabane.

J'ai l'impression qu'elle s'entraîne pour les Olympiques des grandes oreilles. Discipline convoitée: cacophonie pour les 8 livres et moins. Objectif visé: réveiller le plus de gens possible pendant le plus grand nombre de nuits possible. Espoir de médaille? Très fort!


Bref, je ne sais pas ce qui se passe avec Lily-Bunny, mais j'ai la grande impression qu'elle vient d'entrer dans une phase très bruyante de son existence et qu'elle souhaite un peu de solidarité de notre part.

Lily-Bunny, c'est le lapin que j'ai «hérité» suite au décès du père de mes filles. À vrai dire, j'aurais espéré une villa à Aspen ou une Jaguar, mais bon, j'ai accepté avec bonheur ce «cadeau». D'autant plus que ça faisait grandement plaisir aux poulettes de retrouver leur copine à fourrure noire et blanche qu'elles voyaient auparavant un week-end sur deux.

Elles avaient déjà le coeur brisé en 1000, pas question d'en remettre sur le tas en les privant de leur bestiole adorée. Personnellement, je trouve que c'est plus amusant d'épousseter un bibelot de chat, mais je ne suis pas cruelle et égoïste au point d'avoir refusé d'héberger cette bête à quatre pattes.

Au début, je nettoyais sans trop chialer la cage de la lapine. Je faisais des détours pour aller à l'animalerie afin de lui acheter des petites gâteries. Je m'installais avec elle devant la télé pour la flatter des heures durant.

Un jour, alors que je voulais la nourrir, elle m'a mordu le doigt, la vilaine (pour ne pas dire la salope)! Dès ce moment, je me suis mis à craindre la bestiole. J'ai délégué la tâche de la nourrir à Filou. Celle de nettoyer la cage à Max. En échange, moi, je veillais à acheter le matériel nécessaire à la maintenir en vie. Après tout, c'est leur lapine, pas la mienne.

Puis, l'attrait de la nouveauté est passé. Lily-Bunny attirait de moins en moins l'attention. De plus en plus souvent, Filou oubliait de remplir le bol d'eau de la bête. Je devais demander et redemander à Maxim qu'elle s'occupe de rendre le condo de Lily plus habitable.

De semaine en semaine, mon ton montait. Mon impatience grimpait. Ma haine de la lapine devenait de plus en plus tangible.

«Les filles, c'est le temps de changer la litière.» «Filou, as-tu pensé à donner à manger à Lily ?» «Maaaaax, as-tu lavé le bol d'eau du lapin ?» Ces phrases ont été dites tellement souvent chez moi que si j'avais été payée cinq cennes la fois, je serais multimillionnaire aujourd'hui et j'aurais une équipe spéciale qui veillerait sur notre héritage poilu.

Considérant que:

- Je ne suis pas millionnaire;

- Je ne suis plus très patiente;

- Que je suis à bout de me faire réveiller à 2 heures du matin;

- Que la lapine nous apporte plus de chicanes que de rigolades. Plus de frustrations que de joies;

- Qu'elle est sur le bord de finir en civet de lapin (la recette de Jean Soulard est excellente, soit dit en passant) à 350 F dans mon four...

Il fallait réagir. Trouver une solution.

«Mes poulettes, maman a parlé avec la propriétaire d'une animalerie aujourd'hui et vous savez quoi? Elle est prête à prendre Lily-Bunny pour faire de l'élevage.»

«Euh... C'est quoi «faire de l'élevage» ?» me demande une Filou des plus craintives qui imaginait déjà sa lapine sur une rôtissoire badigeonnée de moutarde de Dijon.

«La madame de l'animalerie va mettre Lily avec un monsieur lapin dans une cage et ils vont faire plein de bébés tous les deux. Ça va être chouette pour elle, non?»

Mes deux filles ont acquiescé avec un sourire convaincant.

C'est bien pour dire. Mes filles, à neuf et douze ans, savent déjà que finir ses jours en sautant comme un lapin, c'est très cool.

1983

1983, c'est l'année où j'ai eu l'âge de raison selon ce qu'en disaient les grands chercheurs a psychologie infantile. Peu importe ce qu'ils en pensaient, moi ce qui m'importait, c'était le mariage que j'allais célébrer entre Ken et Barbie. C'était d'être capable de sauter à deux cordes à danser en même temps. C'était de réussir à épeler tous les mots de ma clé de mots sans trop faire de fautes.

Du haut de mes sept ans bien comptés, je connaissais par coeur toutes les chansons de Nathalie Simard, je lisais des Martine en rafale et je rêvais du jour où enfin je pourrais avoir mon K-Way à moi.

1983, c'est aussi l'année où j'ai appris à faire des fleurs avec des Kleenex. C'est l'année où j'ai un dentier incomplet sur ma photo de classe. C'est cette année-là où j'ai goûté à un kiwi pour la première fois de ma vie.

La vie était simple et facile. Même si j'avais voulu, il n'y avait rien avec lequel je pouvais me casser le bicycle.

Mais hier, j'ai eu un choc en lisant le dernier Châtelaine spécial 50 ans. Derrière la porte de ma maison, tout n'était pas si rose. 1983, c'est l'année où un conjoint peut être inculpé d'agression sexuelle contre sa conjointe. Ce qui veut dire qu'avant l'entrée en vigueur de cette loi, un mari pouvait violer sans problème son épouse sans être puni par la justice! Trois ans plus tard, le Québec met en place une politique d'intervention en matière de violence conjuguale.

Ça m'a rappelé une histoire que m'avait raconté la mère d'une amie. En 1974, elle se sépare du père de sa fille qui lève la main un peu trop souvent sur elles. Pour obtenir la garde légale de son bébé, cette mère a dû être suivie pendant un an de temps par une travailleuse sociale qui devait établir si elle avait les capacités requises pour voir au bien-être de sa progéniture. Ensuite, elle a dû l'adopter en bonne et due forme! Sa propre fille!

N'importe quoi.

Ce ne sont pas des histoires qui remontent à quatre siècles. Non. C'était hier.

J'écris ces mots et mes trois filles sont ensemble au salon. Filou berce Sam. Max gosse sur l'ordi. Il y a Aurélie Laflamme dans le DVD. Pis, il y a de l'insouciance plein le salon.

Comme moi en 1983. Quand je pensais que le pire drame qui pouvait survenir dans la vie d'une femme, c'était de ne pas trouver de robe de mariée parfaite. Pas que c'était parfaitement légal pour un mari de violer son épouse.

Je regarde mes poulettes et je suis heureuse de leur avoir donné la vie en ce siècle où tout sera possible pour elles. Où elles n'auront pas à se battre pour choisir un autre métier que celui de garde-malade ou de maîtresse d'école (dans les années 60, trois travailleuses sur cinq étaient enseignantes ou infirmières). Qu'elles pourront vivre sans crainte d'être jetées en prison si elles avortent (l'avortement est décriminalisé en 1988). Qu'elles pourront donner naissance où et avec qui elles voudront (la pratique sage-femme est officiellement reconnue par l'état en 1999 et il est permis d'accoucher à domicile depuis 2006). Où elles pourront bosser avec succès à l'extérieur du domicile familial (en 1973, sept femmes sur dix restaient à la maison). Où elles pourront aller jogger sans craindre de se faire violer au coin de la rue (à la fin des années 70, une femme sur trois admise aux urgences des hôpitaux avait été battue ou violée).

Oui, il reste encore du pain sur la planche. Tout n'est pas terminé. Trop nombreux sont les enfants qui grandissent dans un environnement pauvre, au sein d'une famille monoparentale (trois enfants sur dix). Il manque d'oestrogène au sein de la magistrature (16% des juges sont des femmes). La Loi sur l'équité salariale connaît des ratés. Il faut améliorer grandement la conciliation travail-famille.

Mais je regarde ma tribu toute rose et je me dis qu'elles ont bien le droit d'être insouciantes. Parce que le monde change en 25 ans. Et quand je serai grand-mère, j'ai espoir que l'égalité, la vraie, sera parmi nous.

Trois enfants, trois façons de faire

À Maxim, ma grande de 12 ans, je stérilisais tout tout tout cinq à six fois par jour. La suce tombait par terre? Hop! Un petit tour dans le chaudron d'eau bouillante pour 20 minutes bien chronométrées sur ma montre Timex.

Je lavais ses vêtements à l'eau chaude. Je désinfectais sa chambre à l'eau de Javel tous les jours. Je mettais des gants de latex pour changer ses couches. Et dès que j'avais le moindre de doute que peut-être que j'avais été en contact avec quelqu'un qui avait peut-être un tout petit début de rhume de rien du tout, je me foutais un masque sur le nez. Tout était tellement exempt de bactérie chez moi que je me retenais à deux mains pour ne pas plonger mes visiteurs dans le stérilisateur (c'était bien avant l'époque du gel aseptisant).

J'avais une peur bleue que mon bébé choppe une rougeole, une rubéole, une encéphalite aigüe ou même une myocardie. J'avais fait du combat contre les bibittes potentiellement porteuses de maladies mortelles une priorité. Si Maxim était née à l'ère de la H1N1, je n'aurais pas survécu ou bien j'aurais passé l'hiver complet cloîtrée dans le fond de mon sous-sol à prier tous les saints et à faire la danse du "Dehors la maladie".

À Filou, trois ans plus tard, mes ardeurs de terroriste de la bactérie s'étaient calmées un brin. Je ne la voyais plus partout et j'acceptais de sortir avec ma nouvelle progéniture sans m'imaginer que toutes les maladies du monde n'avaient qu'une seule envie: attaquer mon bébé. J'étais rendue tellement game que je ne piquais plus de crise d'hystérie quand les madames au Carrefour se jetaient sur mon carosse en s'extasiant d'admiration devant le plus beau bébé du monde qu'était le mien. Donc, quand la suce tombait par terre, je la passais tout simplement sous l'eau chaude du robinet et à chaque semaine, je me permettais de stériliser le tout dans l'eau bouillante.

Là? Avec ma dernière... Euh... Est-ce qu'un tour dans le lave-vaisselle, ça fonctionne pour la stérilisation? Est-ce que c'est correct si je mets la suce dans ma bouche pour la nettoyer lorsqu'elle tombe sur le sol? Il me semble que ce n'est pas si grave si elle rampe par terre et que le plancher n'a pas été lavé depuis la semaine passée, hein? Croyez-vous que je suis une mauvaise mère si je fais mes brassées de pyj et de cache-couches à l'eau froide? Pis le Weendex pour l'époussetage, c'est bon, non?

À Max, dès qu'elle faisait un pet, je courrais l'inscrire dans son livre de bébé. Tout y était noté bien religieusement. Je peux vous dire, par exemple, que son nombril est tombé à dix jours, le 7 juillet 1998, à 14 h, tout juste à la sortie du bain dans lequel je l'avais lavée avec du savon Aveeno et que je l'avais essuyée avec une serviette verte à capuchon qui avait le design d'une grenouille. Par la suite, j'ai pris son petit nombril et je l'ai inséré dans un petit sac de plastique et j'ai bien collé le tout à la page 8 de son livre.

À Filou, j'ai été pas mal moins assidue. J'y ai inscris les moments clés: première tétée, première nuit complète, premier mot, premiers pas. Me suis pas rendue au premier anniversaire.

Hum... Le livre de Samuelle (vous avais-je dit le prénom de ma troisième?) est toujours dans sa bibliothèque. J'ai bien l'intention d'y inscrire des trucs, mais j'oublie toujours de le faire. En attendant, je note tout mentalement. «Chéri, c'est quand donc que Sam a souri pour la première fois?»

Je suis maman trois fois. Mais être mère, ce n'est pas une simple recette de crêpes que l'on répète invariablement de dimanche en dimanche.

Les choses changent. On apprend. On constate.

On se rend compte que même si on stérilise huit fois par jour la suce de notre poupon, il peut quand même attraper une brochiolite. Que c'est beaucoup plus important de jouer avec nos loulous que de passer ce précieux temps à astiquer le bois franc de peur qu'ils avalent une poussière. Pis j'aime bien mieux passer mes après-midis avec mon bébé à la bercer tout en lui lisant une histoire plutôt que de perdre ces précieuses heures à inscrire des dates dans un livre que, de toute façon, jamais on ne consultera.

Les temps changent. Pour le mieux.

Battements de cils

Ça aurait pu être «Claquement de doigt». Ou «Vitesse de l'éclair». Ou encore «Trop vite». J'ai penché aussi pour «Vitesse grand V» comme titre de cette chronique. Finalement, je crois que «Battement de cils» résume bien ce qu'il m'arrive.

Parce que, depuis quatre mois pile poil, ma vie va beaucoup, mais beaucoup trop rapidement. Je me sens continuellement à bord d'un wagon du Cobra à La Ronde. J'ai à peine le temps d'ouvrir l'oeil que déjà ma journée est passée. Que je dois enfiler mon pyj à nouveau en me croisant les doigts pour que ma #3 me laisse dormir plus de trois heures en ligne.

Pis je sais que c'est demain la veille que je reprendrai le boulot à temps plein. Que je devrai laisser ma petite à la gardo. Que je réembarquerai dans cette roue infernale, cette course olympique entre le travail et la vie familiale.

Alors «de kessé qu'elle fait là, elle?» «Pourquoi reprendre le clavier si rapidement?», direz-vous.

Ouin.

Ce n'est pas que je m'emmerde. Loin de là. Parce qu'il n'y a pas à dire, mais j'ai en masse de quoi occuper mes journées. Même le PM, en pleine Commission Bastarache-crise des gaz de schiste, en a moins que moi dans ses bottes.

Voulez une liste?

- Prendre de longues marches sous le soleil automnal avec ma nouvelle héritière dans le porte-bébé.

- Lui donner des centaines de bisous dès que l'occasion se pointe.

- L'admirer sous toutes ses coutures et tenter de mémoriser chaque partie de sa petite personne.

- La bercer longtemps longtemps seulement pour le plaisir.

- La regarder dormir paisiblement avec ses petits poings en l'air.

- Lui murmurer à l'oreille 200 000 fois par jour que je l'aime.

- Lui faire découvrir le monde : «Regarde ma poulette, c'est une marguerite.» «Touche le doudou comme il est doux.» «Est-ce que tu sens l'odeur de la croustade aux pommes de maman?»

- Vivre avec le coeur qui craque chaque fois qu'elle me sourit. Chaque fois qu'elle émet un son. Chaque fois qu'elle me regarde tout simplement.

- Lui chanter tous plein de chansons. «C'est la poulette grise qui a pondu dans l'église...»

- Analyser si elle aura les beaux yeux bleus de son père ou les yeux bruns laids de sa mère.

- M'émerveiller chaque fois qu'elle réussit un nouveau truc qui peut être aussi banal que d'être capable d'agripper un jouet de son tapis d'éveil.

- Sauter sur le téléphone pour aviser l'amoureux du nouveau truc que la petite fait.

- Prendre trop de photos de ma poulette qui fait un nouveau truc.

- Mettre le tout sur Facebook, question que je puisse me péter les bretelles d'être la mère d'un futur prix Nobel.

Parce que ce n'est pas vrai que la vie de congé de maternité tourne uniquement autour de couches à changer et à laver, de tétées qui reviennent trop souvent, de pleurs sans solution qui ne finissent jamais, de nuits qui n'en sont pas vraiment.

Ce n'est pas vrai que je passe mes journées habillée en mou. Que je mange froid sur le coin du comptoir parce que je n'ai jamais le temps de mettre un couvert sur la table. Que je compte les minutes avant le retour de l'amoureux afin que je puisse passer sous la douche.

J'aime ma vie de maman en congé de maternité. Vraiment. Et tout va tellement vite que j'en profite à la puissance 1000. Non 10 000.

Alors pas question de reprendre le chemin du bureau. De confier mon poussin à des plumes inconnues. Pas encore. Mais mon clavier me manque quand même un tout petit peu. Rien qu'un tout petit peu. Alors avant mon retour officiel au journal, en juin prochain, je continuerai ce rendez-vous hebdomadaire que j'entretiens avec vous depuis six ans déjà.

Mais ça sera tout. Simplement 650 mots chaque semaine. Parce que j'ai trop à faire. Trop de sourires à enregistrer dans ma tête. Trop de câlins à faire. Trop d'amour à donner.

Et que le tout passera à la vitesse d'un battement de cil.