24 novembre 2009

À chacun ses réussites!

Je n'aime pas tellement jouer à des jeux de société ou de table. Je sais, je suis plate de même. Bah… peut-être une ou deux fois par année, je joue une game de Monopoly, mais à part ça, ça m'emmerde. Je me mélange dans tous ces règlements compliqués, pis je trouve ça looooong.

Si vous ne trouvez pas ça long, c'est que vous n'avez jamais joué au Rummy avec mon beau-frère. Quand c'est son tour, j'ai le temps d'aller faire une brassée de foncé, de couper des légumes pour une sauce à spagh et de piquer un petit roupillon sur le divan. Alors une partie complète peut facilement durer des heures avec lui.

J'aime les jeux rapides où la vivacité d'esprit est récompensée. J'aime l'adrénaline qui monte dans mon système. J'aime entendre mon cœur battre à tout rompre. J'aime avoir peur de manquer de temps.

Quand j'ai envie de me taper un Scrabble, je me rends sur le site internet du Scrabble Club (www.isc.ro/fr) et je m'offre un sprint où chaque joueur a cinq minutes max pour placer toutes ses lettres. Pas le temps de se décrotter le nez, je vous jure. Pas pour moi donc, les parties de deux jours et demi où chaque joueur prend une éternité pour écrire un mot de quatre points.

Mais je fais tout de même une entorse à un jeu qui ne se joue pas rapidement. C'est un truc auquel nous jouons chaque réveillon de Noël. Il n'y a rien à gagner. Pis il n'y a pas de perdant. Tous peuvent jouer, ceux hauts comme trois pommes, comme ceux qui reçoivent une rente de retraite.

Facile à jouer, il n'a presque pas de règlements à retenir. On ne demande que d'être honnête. Pis d'être capable de fouiller dans sa mémoire. De revenir en arrière d'un calendrier complet.

La beauté de la chose, c'est que même si mon beau-frère prend huit heures à son tour, ce n'est pas ennuyant. Au contraire! On s'amuse, on jase, on questionne, mais surtout on écoute avec une attention que tous les profs de la province souhaiteraient avoir dans leur classe.

À tour de rôle, tous les participants doivent nous dire quelle est leur plus belle réussite de la dernière année. Et en quoi cette supposée réussite en est une. Parce qu'il faut défendre notre idée. Convaincre l'auditoire. Tenter par tous les moyens possibles de persuader les autres que notre réussite en est une digne de ce nom.

Depuis quelques semaines déjà que je pense à mon affaire. Que je consulte mon agenda des derniers mois. Que je fais le point sur mon dernier calendrier de vie. Quelle est cette réussite que j'ai accomplie dans l'année 2009 qui jettera le jury à terre? Avec laquelle je pourrai me péter les bretelles allégrement.

Je sais, vous pensez tout de suite à la petite fraise qui vient de signer un bail dans mon utérus. Oui, c'est une belle réussite. Oui, je suis contente. Oui, c'est quelque chose, mais reste que c'est facile à réaliser tout de même: quelques travaux pratiques, de la patience et le tour est joué. Même si c'est une belle nouvelle, pense pas séduire mon auditoire avec cette histoire malheureusement.

Non, je pense plutôt à mes héritières. À leurs sourires estampés en permanence dans leur visage. À ces très nombreux rires qui fusent dans la maison. À ces histoires qu'elles se racontent en secret de leur maman. À ces regards complices qu'elles se lancent quand elles préparent un mauvais coup. À ces encouragements qu'elles s'envoient quand l'une ou l'autre en arrache. À ces câlins qu'elles se font juste comme ça.

Je repense à tout ça et je me dis qu'elle est là ma plus belle réussite.

Et vous, quelle est-elle cette réussite 2009?

16 novembre 2009

Je ne passerai jamais au travers

Je rends les armes.

Je déclare forfait.

Je n'y arriverai pas. C'est certain. C'est écrit dans le ciel gros comme ça.

Je lève mon drapeau blanc devant elle.

Elle est là, tout juste au coin de la rue (pis elle n'est pas très longue ma rue!), qui me regarde et me nargue.

Je ne passerai jamais au travers.

C'est clair. Limpide. Évident.

Quand Max hurle à l'injustice parce que je lui demande de ramasser sa chambre et que je me dis que ce n'est qu'une toute petite parcelle de ce qui m'attend de l'adolescence, je panique.

Comment ferai-je pour passer au travers cette foutue adolescence?

Comment ferai-je pour naviguer au travers ses sautes d'humeur? Comment ferai-je pour ne pas lui arracher la tête quand elle me parlera comme si j'étais la dernière des trous de pet? Comment ferai-je pour ne pas pleurer quand elle arrivera à la maison avec un piercing sur la langue pis un code barre tatoué dans le cou?

Comment ferai-je pour ne pas sombrer dans l'ennui quand ça fera six jours qu'elle dormira chez des amies et qu'elle ne se souviendra que très peu de l'endroit où elle reçoit son courrier?

Comment ferai-je pour ne pas tomber dans la nostalgie du temps où les câlins, les mots d'amour, les belles discussions, la bonne humeur étaient disponibles à profusion?

Comment ferai-je pour ne pas péter un câble quand ça fera quatre heures en ligne qu'elle parle au téléphone et douze jours consécutifs qu'elle chat sur MSN?

Comment réussirai-je à dormir quand je la saurai partie faire la fête chez des copains?

Comment vais-je réussir à ne pas mourir d'une attaque de stress intense quand je la verrai quitter la maison au volant de ma bagnole?

Comment négocierai-je avec tous ces soupirs, toutes ces crises, toutes ces frustrations qui habiteront notre maison entre ses 13 et 17 ans?

Comment serai-je capable de ne pas l'enfermer à double tour dans sa chambre afin qu'aucun garçon ne l'approche?

Comment ferai-je pour garder mon calme quand le directeur de l'école m'appellera pour m'annoncer que ma grande ne s'est pas présentée en classe ce jour-là?

Est-ce qu'adolescence rime nécessairement avec frustration et stress, panique chez les parents?

Les couches, les nuits blanches, les purées, le terrible two, c'est la petite bière.

* * *

Elle grandit ma poulette. Elle grandit à la vitesse grand V. Pis ça me fait peur.

Vendredi soir. L'amoureux a un souper avec des collègues. Filou est partie à une fête d'amies. «Cool Max, nous sommes que toutes les deux. As-tu envie qu'on se commande une pizz et qu'on loue un film?» lui ai-je demandé m'imaginant déjà collée sur ma grande sur le divan à nous gaver de pop corn et à rire devant Les confessions d'une accro du shopping.

«Ah! non Maman. C'est trop poche de ne rien faire un vendredi soir. Je veux aller chez une amie.»

«Euh… c'est poche passer une soirée avec ta mère?»

Elle ne m'écoutait déjà plus. Ma préado avait déjà sauté sur le téléphone pour ébaucher des plans «tellement plus intéressants» avec Aurélie.

Pis elle est partie. Avec son grand sourire et pas une once de remord d'avoir refusé ma proposition «full poche».

Et moi, j'étais dans le cadre de la porte, complètement traumatisée. «Déjà?» me suis-je dit. L'adolescence cogne déjà à ma porte?

Je n'ai eu qu'une envie: me sauver en courant.

10 novembre 2009

Entre toilette et Ramens

Si vous en aviez le temps, mais surtout l'envie, je pourrais vous décrire en long et en large l'allure de ma toilette du rez-de-chaussée. Je serais un peu moins bonne pour vous parler de celle du haut de la maison, tout simplement parce que je n'ai jamais le temps de m'y rendre.

C'est que depuis quelques jours, un drôle de virus m'est tombé dessus qui fait en sorte que, plus souvent qu'autrement, je me retrouve à quatre pattes à jaser avec ma nouvelle meilleure amie en céramique blanche.

Et puis, toute la journée, je me promène avec ma boîte de biscuits soda et mon 7-Up flat, remplie d'espoir que ces deux remèdes maison m'aident à réussir à passer au travers les multiples besognes incluses dans ma description de tâches de mère de famille, mais aussi de journaliste.

Parce que tout est pénible dans la vie quand un haut le cœur vient à tout moment frapper dans notre gorgoton. Dans ces moments, on n'a pas envie de préparer des lunchs quatre étoiles à nos rejetons, de repasser à l'équerre les chemises de l'amoureux ou de dénicher le scoop qui nous vaudra le prochain Pulitzer.

Non, tout ce qu'on veut, c'est notre mère qui nous tient les cheveux et qui nous flatte le dos : «Lâche pas ma puce, ça va passer», alors qu'on a l'impression que nos entrailles finiront sous peu dans ce grand bol blanc. Mais bon, à 33 ans, ma mère a d'autres chats à fouetter que de venir m'encourager dans mes nausées matinales.

Et que dire de l'amoureux qui me regarde avec un sourire Crest alors que la moindre senteur un peu trop ci, ou un peu trop ça qui me parvient au nez suffit à me donner rendez-vous en tête-à-tête dans la salle de bain?

On repassera pour la sollicitude familiale.

Heureusement qu'il y a les poulettes qui, elles, n'aiment pas beaucoup voir leur mère dans ce piteux état et qui en prennent soin. D'ailleurs, hier soir, et ce n'est pas pour me vanter là, mais ma grande s'est chargé de faire le souper. Un beau bol de nouilles Ramens juste pour moi. Cuisiné avec tout l'amour du monde (heureusement qu'il y avait de l'amour dedans parce que lorsque les éléments nutritifs sont passés dans le coin, les Ramens étaient déjà partis), ce souper était parfait pour mon estomac qui ne tolère rien d'autre de toutes façons.

Alors hier, j'ai passé ma soirée à chercher des remèdes maisons sur le net. J'ai googlé «nausées ET grossesse» et j'ai trouvé une multitude de trucs intéressants pour rendre mes matins plus sympathiques. Vous saviez vous que le gingembre fait des miracles dans ces cas-là?

Je pense que j'avais oublié de vous dire la nouvelle. Je suis enceinte. Dix ans plus tard, je reprends du service et j'ai offert mon utérus en location à un petit colimaçon pour quelques mois.

Près d'une décennie après avoir dit : «Plus jamais!». Après avoir tout vendu mon stock de bébé. Après avoir repris un rythme de vie plus normal (vous savez, les six réveils par nuit? Les purées? Les couches?). Après près d'une dizaine de calendriers, je me rembarque dans les quatre pipis nocturnes, les brûlements d'estomac, les pieds enflés et tous les «petits» bonus qui viennent avec la grossesse.

Fini les grasses matinées. Les films que l'on écoute tranquille sans entendre pleurer. Les enfants qui se gardent quand on doit aller à l'épicerie. Ceux à qui on n'a pas besoin d'enfiler d'habit de neige l'hiver. Ceux qui nous permettent de souper en paix. Fini.

Bonjour levers à 5 h du matin avec un bébé qui veut commencer sa journée. Bonjour fins de journées passées à brasser un bébé aux prises avec des solides coliques. Bonjour moments de tête-à-tête avec le blender à faire de bonnes purées de carottes.

Mais vous savez quoi? Je m'en fous de tout ça. Je porte la vie et ça, ça bat tous les désagréments. Même les désagréables nausées.

03 novembre 2009

La roulette russe

Je suis une fan finie de Lance et compte.

Je me rappelle que lorsque j'avais huit ou neuf ans, je collectionnais tout ce que je pouvais trouver où l'on pouvait voir mon beau Marc Gagnon dessus. Je me souviens que je talonnais ma mère pour qu'on aille chez Ultramar où l'on donnait, en échange d'un plein d'essence, des magazines qui mettaient en vedette le #7 du National de Québec.

Je m'imaginais un mariage romantique et plein de fleurs où je lui disais oui pour la vie. Je me voyais avec plein d'enfants sur les genoux, assise au Colisée en train de l'encourager après son truc du chapeau. Je rêvais de me noyer dans la mer bleue de ses yeux.

Toujours est-il que mon amour pour Marc Gagnon, né il y a plus de 20 ans,  fait en sorte que chaque lundi soir, j'arrête de vivre pour regarder ces fameux yeux bleus qui m'ont tant fait rêver plus petite. J'entends déjà l'amoureux chialer : «Mais c'est tellement mal écrit! Les dialogues, c'est n'importe quoi!»

Peut-être, mais je m'en fous carrément. Je m'amuse comme une petite fille de huit ans. Pis lundi soir, en regardant Marc Gagnon faire une injection à Suzie, je me suis rappelée de la machiavélique Valérie Nantel.

Vous savez, celle qui avait causé la perte de Danny Bouchard? Après l'avoir conquis sexuellement, la troublante prof d'université et grande statisticienne l'invite à jouer à un jeu dangereux : la roulette russe.

On prend un fusil. On ne met qu'une seule balle dans le barillet et on le fait tourner. On installe l'arme sur sa tempe et là on appui sur la détente. Une seule petite chance sur six que la balle meurtrière se retrouve dans notre cerveau. Une toute petite chance. Une infime chance. 16,6% des chances en fait.

«Puis, tu verras, tu vivras le trill de ta vie. Tu ne te sentiras jamais autant en vie que lorsque tu auras échappé à cette balle», lui disait-elle.

Danny Bouchard appuie donc sur la détente. Bang. La balle était là. Fini. Plus rien à faire, malgré les regrets. Malgré les remords. Il a joué à la roulette russe. Il a perdu à la roulette russe.

Les statistiques ne sont pas toujours un jeu de hasard comme à la 6/49. Les statistiques ne sont pas toujours que de simples chiffres alignés dans un tableau. Parfois, les statistiques veulent dire quelque chose. Vraiment.

* * *

Un vendredi soir normal comme il y en a 51 autres par année. Où Léo, trois ans, court partout. Où il échappe son verre de lait par terre. Où il rigole avec ses deux grands frères. Où il se fait gronder par sa mère parce qu'il met de l'eau par terre alors qu'il tente d'échapper à de vilains requins dans son bain haut de trois pouces d'eau.

Un simple vendredi soir où les trois frères écoutent les Bagnoles pour la 154e fois cette semaine-là avant d'aller au lit. Où maman Édith s'aperçoit que le front du petit Léo est beaucoup plus chaud que les 37,5 degrés qu'est supposé indiquer un thermomètre. Où le petit bonhomme de trois ans tombe tout à coup très amorphe.

«Viens mon poulet. Maman va te donner du Tempra. Ça ira mieux rapidement.»

Malheureusement, ça n'a pas été le cas. Tout a dégénéré rapidement. Trop rapidement. Moins de trois heures plus tard, le petit Léo ne parvenait plus à respirer normalement. Où était le petit Léo qui courrait à grandes enjambées autour de la table au souper?

Le 911 est composé. L'ambulance est dans la cour. Le petit Léo est intubé. Et tout ce que maman Édith entend, c'est l'ambulancier qui dit au médecin de l'urgence: «Je suis en train de le perdre! Je suis en train de le perdre!»

Le petit Léo n'est pas parti au paradis des enfants. Heureusement. Tout est rentré dans l'ordre.

Il a gagné au jeu de la roulette russe de la H1N1.

Mais comment savoir si nous serons LA personne qui décèdera de cette foutue grippe?

Pas envie de jouer à la roulette russe. Pis surtout pas avec mes filles. Nous serons vaccinées point final.

Je laisse ces jeux aux cinglés à la sauce Valérie Nantel.