29 avril 2008

Échecs et Mat

Je déteste l’échec.
Et pourtant. Dieu sait que j’en cumule tout un lot. Je possède même une très belle collection d’échecs. Dès mon plus jeune âge, j’ai été confrontée sans cesse aux insuccès, aux déceptions, aux déboires.
Par exemple, j’ai raté mon test d’admission à l’école Sacré-Cœur quand j’étais en maternelle. Je n’ai pas été sélectionnée, alors que j’en avais très envie, pour participer à l’émission Au Jeu qui était de passage à l’école Carillon. Je n’ai pas réussi à me tailler une place dans la finale de patinage artistique des Jeux du Québec l’hiver de mes neuf ans. Je n’ai jamais réussi à convaincre Jean-Nicolas, le plus beau gars de la cour de récré, que je serais une super blonde pour lui malgré quatre ans de travail acharné.
Je n’ai pas été élue représentante des élèves de secondaire 1 au pensionnat. Je n’ai pas remporté de médaille à l’épreuve du saut en longueur aux Championnats provinciaux d’athlétisme de 1991. Malgré le super slow que j’ai dansé avec Karl au party du Trio, il ne m’a jamais rappelé (le salaud!). L’évaluateur de la SAAQ n’a pas jugé bon de me donner mon permis de conduire à la première tentative (tant pour le théorique que le pratique…). J’ai poché mes maths de secondaire 5.
Je n’ai jamais réussi à convaincre mes patrons du McDo que je méritais le titre d’employée du mois en dépit des 48 occasions où cela aurait été possible. Malgré toute la volonté qui m’habitait, j’ai été incapable d’installer le pneu de secours sur ma Fiero toute seule. Et j’ai tellement souvent perdu en flippant dans les bars que tous les saoulons du centre-ville voulait tenter le coup contre moi.
On m’a refusé l’admission en enseignement à l’université. Patrick n’a jamais voulu s’installer en appartement avec moi malgré mes promesses de soupers divins et de ménage étincelant. Le juge de la cour municipale ne s’est pas rangé à mes arguments qui m’auraient évité de payer cette amende salée.
Mes pleurs n’ont pas ému le moins du monde mon patron de la CS Brooks et j’ai fait la file au chômage. Je n’ai pas réussi à avoir ce logement de la rue Bacon qui me faisait tant rêver. En finissant mes études, j’espérais bien me trouver un super job payant. À la place, j’ai fait des photocopies à 8$ de l’heure.
Ma première récolte de tomates a été tellement mince que je n’ai même pas réussi à faire un seul sandwich (même en incluant les caps…). Je ne suis jamais venue à bout des millions de pissenlits qui poussaient sur mon terrain tout en suivant à la lettre les conseils des plus grands experts de ce monde. Je ne suis jamais parvenue à voir le fond de ma manne à linge sale.
Mon souhait d’accoucher dans l’intimité du Centre de maternité en moins de six heures et sans intervention médicale s’est terminé au 5e étage du CHUS avec une péridurale dans le dos, de l’oxygène dans le nez, un soluté dans le bras, un monitoring fœtale sur la bedaine, une sonde urinaire vous savez où, une épisiotomie, des forceps et un travail de 28 heures dans une chambre où l’on retrouvait 12 intervenants médicaux...
J’aurais voulu allaiter Filou jusqu’à ses 18 mois, mais elle en a décidé autrement lorsqu’elle a soufflé sa première chandelle. Mon rêve d’offrir une famille unie pour la vie à mes filles s’est retrouvé en Chambre de la famille du Palais de justice avec une requête en garde légale et pension alimentaire.
Là, je pense que j’ai donné suffisamment dans le domaine. Je crois avoir contribué pour de nombreuses décennies à venir. Je veux rayer ce mot de mon vocabulaire.
Parce que je n’ai pas du tout envie que Mat soit le prochain échec de ma liste. Non.

24 avril 2008

Made in Québec; possible?

Il y avait un soleil de plomb. Le mercure bouillait presque. Et bien sûr, les filles n’avaient pas un seul truc à se mettre sur le dos qui était approprié à la température estival qui sévissait samedi. Même si les pantalons de l’été dernier faisaient un super capri à Filou, je devais me rendre à l’évidence. Une tournée de shopping s’imposait si je ne voulais pas que mes héritières se promènent en bobettes tout l’été…
Chaque jour, on nous rabat les oreilles sur l’importance d’acheter québécois. Je ne dis pas ça pour chialer. Je suis la première à le dire «Voyez-vous, j’ai encore sur le cœur ma mise à pied de la CS Brooks parce que les patrons préféraient envoyer leurs contrats de literie au Mexique ou en Chine…»
M’enfin.
Toujours est-il qu’armée de ma conscience sociale, j’ai entrepris cette mission vestimentaire printanière avec la volonté certaine d’acheter le plus possible québécois.
Premier arrêt : Souris Mini. De beaux vêtements, d’une originalité certaine et d’une qualité éprouvée, designés à Cap-Rouge, mais fabriqués en… Chine. Déception.
Deuxième arrêt : Clément, où l’on retrouve les marques Blü et Deux par Deux, toutes les deux sont québécoises. J’adore la première pour ses couleurs flamboyantes, ses mélanges de tissus uniques et ses imprimés qui sortent de l’ordinaire. La deuxième m’attire pour son look européen et son style avant-gardiste. En prime, les deux compagnies ne cherchent pas à faire de mes puces des filles de joie.
Mais même si les deux entreprises ont leur siège social à Montréal, elles font tout de même coudre leurs fringues par de petites chinoises… Pareil constat pour Justine ma copine, Point Zéro, Roméo et Juliette, Louis Garneau, Perlimpinpin.
Impossible donc de fringuer mes poules avec de la guenille cousue au Québec. Désolant non? Cette triste réalité a été mise à l’ordre du jour du souper que j’ai partagé avec des amis samedi soir.
« Quelqu’un peut-il m’expliquer pourquoi c’est impossible d’habiller ma progéniture en vêtements fabriqués ici au Québec alors que nos boutiques débordent pourtant de compagnies québécoises? »
Ma question tombait bien. Deux designers de vêtements étaient assis à la table avec nous. « L’argent, m’ont-ils tout simplement répondu. Ça coûte un bras produire au Québec et les gens ne sont peut-être pas prêts à payer pour ça. »
Ok, je comprends l’argument. Mais j’aimerais quand même savoir pourquoi Souris Mini et Deux par deux, entre autres, n’ont pas baissé leurs prix après avoir envoyé leur production en Chine. Malheureusement, personne n’avait de réponse à me fournir…
Toujours est-il que les copains Virginie et Sébastien étaient assez fiers de me dire que eux, ils font TOUT faire dans la Belle Province. Du design à la teinture de la fibre en passant par l’assemblage, pas une étape de production ne prend le bateau pour l’Asie. Et pas question qu’un jour on pense à embaucher une main-d’œuvre chinoise chez Ruelle. L’étiquette Made in Québec qui est apposée sur chaque tricot de la ligne Ruelle l’est avec une fierté certaine et une conviction à toute épreuve.
Et ça fonctionne! Ruelle est distribuée dans une quarantaine de points de dépôt partout au Canada. De Terre-Neuve au Yukon, ils sont des milliers de personnes à croire qu’acheter local peut faire toute une différence. Peut faire LA différence.
Reste à savoir quand des designers de vêtements d’enfants saisiront cette opportunité.

15 avril 2008

Être dans la gang

J’ai envie de jaser sport national aujourd’hui.
Pas le lever du coude. L’autre sport national.
Pourtant, je n’y connais rien. Vraiment rien. Sweet nothing.
Imaginez la scène. Quand ça adonne que je doive écouter un match pour une quelconque raison, ma première question est : « Ok, on prend pour qui? Les bleus ou les rouges? »
J’aime bien poser cette question. Entre autres, pour l’hilarité générale que ma sottis cause. Et surtout, parce que c’est certain qu’on me fichera la paix tout au cours de la soirée. Pas de question sur les raisons qui ont poussé Carbo à mettre un tel sur le 2e trio. Pas d’analyse à faire sur l’incapacité du CH de profiter de ses avantages numériques. Et surtout je n’ai pas à me démener à tenter de prononcer correctement les noms « Kostitsyn », « Kostopoulos » et « Smolinski ».
À la place, je bois de la bière et je potine plutôt sur la réaction de la copine de Guillaume Latendresse devant la nouvelle coupe de son chum. Parce que la madame n’aime pas du tout le coco rasé de l’ailier gauche de l’équipe montréalaise. Ou j’analyse le plus sérieusement du monde si un t-shirt rose nanane du bleu-blanc-rouge a sa place dans la collection d’articles promotionnels de notre équipe.
Mais heureusement que le collègue Jonathan m’a apprise deux-trois phrases chocs à lancer ici et là et qui serviront à me rendre non seulement plus intelligente aux yeux de la bande, mais surtout qui verront à jeter par terre mon auditoire devant mon grand savoir en matière de rondelle et de bâton.
J’attends donc le moment opportun. Ainsi, quand personne ne s’y attend, je lance, avec un air désinvolte : « Vous savez, le Canadien n’a pas le choix de gagner la Coupe Stanley cette année ou au plus tard l’an prochain parce que depuis les touts débuts de l’équipe, elle a toujours mis la main sur le précieux trophée au moins une fois par décennie. »
Il n’y a pas à dire que la plupart du temps, mes compagnons cessent de parler complètement ébahis devant ma grande culture sportive. Pendant quelques minutes, mes oreilles ont donc un break des commentaires des gérants d’estrade qui m’accompagnent sur telle attaque à cinq qui paraît au ralenti ou si le coach ne devrait pas plutôt utiliser les vétérans de l’équipe dans des moments cruciaux plutôt que les jeunes.
Malgré mon manque de connaissances véritables sur le monde du hockey, j’avoue ne pas détester l’ambiance des séries éliminatoires qui sévit au Québec actuellement. Il me semble que je verrai la fenêtre de mon auto avec un petit fanion de la Sainte-Flanelle. Je fais maintenant partie des Montreal Canadiens Fans sur Facebook. Pis j’ai envie d’aller souper à la Cage aux sports au prochain match.
Même que j’ai passé très près d’aller à Boston pour assister au match de mardi. Oui oui. J’étais prête à dépenser une fortune et faire huit heures de route aller-retour pour aller encourager Carey Price et Mathieu Dandenault.
Difficile à comprendre la fille?
Nenon. C’est simple pourtant. La fille aime l’atmosphère qui règne en ce moment. La fille aime ce sentiment de gang. La fille aime sentir que l’instant de la conquête de la Coupe Stanley, les Québécois espèrent tous la même chose. Et pas question pour la fille de bencher pendant ce temps.

08 avril 2008

Épelez-moi bonheur

Ça m’a sauté au visage dimanche soir. Ç’a pété aussi fort qu’un tremblement de terre d’une magnitude de 8,3 sur l’échelle de Richter. Ç’a fait un gros bang dans mon salon!
C’est arrivé pendant que je jasais avec Kat sur MSN. Ça faisait longtemps qu’on ne s’était pas parlé. On a donc fait la ronde des questions habituelles, toutes plus banales les unes que les autres. Mais au final, quand on prend l’ensemble des réponses, on se rend compte ce n’est pas si insignifiant.
Je vous copie notre conversation.
Katia dit :
Ça va toi?
Geneviève dit :
Oui! Je reviens d’un super week-end de ski au Massif dans Charlevoix avec ma copine Dany. Il a fait beau et les conditions étaient parfaites. On a fait de la bosse et du bois toute la journée. J’ai les jambes en compote et j’ai mal au dos, mais c’était génial!
Katia dit :
Pis, les filles vont-elles bien? Et l’école?
Geneviève dit :
Oui, les poulettes sont en pleine forme. Imagine, elles n’ont pas manqué une seule journée d’école cet hiver. Aucun virus ne s’est incrusté chez moi depuis belle lurette. Et à l’école, tout roule. J
Katia dit :
Tu t’amuses toujours autant au journal?
Geneviève dit :
Toujours. Pense que je vais finir ma vie là! Hihihi!
Katia dit :
Et tes amours…? ;-)
Geneviève dit :
Oh! Si tu savais… Je n’ai rien à déclarer de moche à ce sujet. Au contraire! :-P
***
C’est à ce moment que j’ai pris conscience qu’à ce moment même, à cet instant précis, j’étais heureuse. Que tout allait bien dans ma petite existence. Que je ne demanderais rien de plus à la vie. Que le bonheur avait élu domicile chez moi.
J’aurais eu envie de crier de joie. J’aurais voulu célébrer l’événement. J’aurais aimé le dire à tout le monde.
Mais je n’ai rien fait.
J’ai gardé cette pensée pour moi.
Juste au cas où je conjurerais le sort. Comme si affirmer haut et fort que je suis heureuse ferait débarquer chez moi subito presto un malheur. Une grave maladie. Une mort. Une rupture. Une très mauvaise nouvelle qui me chamboulerait pendant des mois. J’ai peur de savourer ces instants de bien-être par crainte du pire.
Paradoxal non?
Pensée judéo-chrétienne? Peut-être.
Me suis raisonnée. Plutôt que d’attendre la fin de mon bonheur, j’ai joint le Collectif pour la journée du bonheur. http://www.collectifpourlajourneedubonheur.com

01 avril 2008

Des questions sans réponses

Je me questionne sans cesse. À tout bout de champ, une interrogation se pointe dans ma tête. Je me demande. Je me cuisine. Je cherche à savoir. À comprendre. À deviner le futur. Je suis curieuse. J’aimerais savoir ici et maintenant ce que me réserve l’avenir. Comment seront les prochaines années pour moi, mes héritières, la tribu Proulx au grand complet.
N’importe quoi peut donner lieu à un questionnement. Des questions ouvertes. Pièges. Sans réponse. Des fois absurdes ou stupides. Des questions à 100$. Des épineuses. Des insolubles. D’autres qui pourraient être controversées. Des graves. Des plus légères. Tout m’amène à me questionner. Le point d’interrogation est devenu mon complice.
Pas étonnant que je gagne ma vie en posant des questions!
Tenez, par exemple, quand je regarde Maxim, je ne peux m’empêcher de me demander où elle sera dans dix ans. Combien de fois irai-je chez le directeur avec elle? Pour quel programme demandera-t-elle des prêts et bourses? Comment gagnera-t-elle sa vie? Combien d’enfants pousseront-ils dans son bedon? Sera-t-elle toujours aussi belle? Jouera-t-elle encore du violon une fois adulte? Du piano? Me dira-t-elle encore que je suis la meilleure maman du monde? Voudra-t-elle encore manger des crêpes le dimanche matin quand un homme partagera son lit?
Et Filou? Saura-t-elle se sortir de sa gêne? Combien de cœurs brisera-t-elle? Son vilain caractère s’adoucira-t-il avec les années? Arrêtera-t-elle un jour de me réveiller aux aurores pour réclamer son lait de soya au chocolat chaud? Deviendra-t-elle une médaillée d’or olympique de ski? Mangera-t-elle autre chose que des spaghettis? Lira-t-elle encore autant? Sera-t-elle encore la championne des câlins? Qui seront ses amis? Ses cheveux changeront-ils de couleur? Voudra-t-elle encore jouer à Dance Dance Revolution avec sa vieille mère? Me dira-t-elle encore que je ne suis pas vieille?
Et moi, que ferai-je dans le futur? Est-ce que ce sera toujours La Nouvelle qui m’emploiera? Dans quel genre d’auto me déplacerai-je? Est-ce que Proulxville sera le nouvel arrondissement de Sherbrooke? Ma famille sera-t-elle plus grande? Combien serons-nous à déjeuner le dimanche matin? Serai-je une grande championne de Scramble sur Facebook? Qu’écouterai-je dans mon Ipod? Est-ce que mon père m’invitera encore autant à souper? Mes sœurs seront-elles encore collées à mes baskets? Gucci dormira-t-il encore avec moi? Jacob sera-t-elle encore ma boutique de fringues préférée? Serais-je devenue végétarienne? Élise m’appellera-t-elle encore souvent? Dany voudra-t-elle encore skier avec moi?
Et nous, où serons-nous demain? La semaine prochaine? En mai? Dans un an? Seras-tu là encore? Comment m’appelleras-tu dans le creux de l’oreille? Sur quels sujets serons-nous en désaccord? Mes niaiseries te feront-elles encore rire autant? Auras-tu le même numéro de téléphone que moi? M’auras-tu remplacée pour une plus jeune? La vie à deux sera-t-elle moins difficile que je le croyais pour la vieille fille que je suis? Quels seront nos petits rituels? Quelle sera notre chanson?
Je n’ai à peu près pas de réponses pour les 49 questions que je viens de poser à la vie. Bah… J’ai envie d’avoir confiance. De croire que les lendemains de Geneviève et de sa tribu seront les plus beaux. Je suis remplie d’espoir que tout ira bien. J’ai la certitude que la vie sera bonne avec nous.