03 décembre 2007

Jamais deux sans trois

Je trouve que les expressions toutes faites et les proverbes des pages roses du Larousse ne valent pas grand-chose. Souvent, j’ai l’impression que ça ne sert qu’à meubler une conversation pauvre en action. Sans compter que la plupart du temps, personne ne saisit le 1/8 du sens de la dite expression. Par exemple, je peux vous garocher comme ça à brûle pour point « Pierre qui roule n’amasse pas mousse » et vous donner l’impression que je suis très cultivée et intelligente. Pourtant, je n’ai aucune idée de ce que ça veut dire.
Par contre, je pourrais longuement discourir sur l’explication de l’expression « Jamais deux sans trois ». Tellement que c’est devenu un mode de vie. Quand quelque chose m’arrive deux fois, c’est sûr qu’une troisième se pointera à l’horizon sous peu.
Sceptiques? Voici quelques exemples. Je n’ai pas occupé deux, mais trois postes au journal depuis mon arrivée dans les locaux de la rue Roy : préposée à la production publicitaire, pigiste puis rédactrice en chef.
Aussi, trois de mes os se sont retrouvés dans le plâtre: un poignet, un doigt et un coude. Au cours des prochaines semaines, j’aurais à me rendre à trois partys de Noël pour le boulot. J’ai pendu trois fois la crémaillère à Proulxville. J’ai fait trois voyages au cours de la dernière année. Le robinet du bain a brisé à trois reprises.
Mais le comble de cette expression est arrivé samedi dernier. J’attendais sagement à une lumière que le rouge cède sa place au vert. Pour passer le temps, je mets le cd de Tricot machine dans le lecteur. Plutôt que d’entendre la voix de Catherine Leduc dans mes haut-parleurs, c’est plutôt le bruit d’un crissement de pneu qui s’est rendu à mes oreilles, suivi d’un grand bang. Avant même que je ne réalise ce qui venait de se produire, j’entendais Filou hurler derrière. (Pas deux, mais trois bruits!).
Pour la troisième fois cet automne, des gens ont foncé dans mon pare-choc arrière. Vous avez bien lu : trois fois cet automne! Les trois ont frappé ma voiture sans que je les ais sonnés. Et trois fois, j’ai téléphoné mes assurances pour leur raconter l’aventure. Si bien que maintenant quand j’appelle mon agent d’assurances, il reconnaît ma voix et demande des nouvelles des enfants…
J’espérais bien que cette série de trois s’arrêterait ici. Mais était-ce trop demander à la vie? Voyez par vous-même.
Vendredi matin, le cadran n’a pas sonné. C’est donc dans un état de panique total que je me suis réveillée. Samedi matin, c’est le téléphone à 4h30 du matin qui m’a sorti d’un sommeil des plus paisibles. Devinez ce qui est arrivé dimanche matin…
« Maman d’amour… réveille-toi…. » « Ohhh! Les filles. Il est juste 7h et c’est dimanche. Je veux dooooormir un peu…. » « Allez maman, ouvre les yeux. C’est le matin… »
De peine et de misère, j’ai ouvert les yeux. Sur mon lit, il y avait deux puces au sourire grand comme ça avec un plateau à déjeuner dans les mains sur lequel était disposé un grand verre de jus d’orange, un bol de yogourt aux fruits accompagné d’un super sandwich aux œufs et fromage suisse.
J’ai tout de suite crains le pire pour ma cuisine. Il en était rien heureusement. C’est en savourant mon petit-déj que j’ai pensé que mes séries de trois étaient terminées. Que c’était de l’histoire ancienne. Que mes réveils seraient à nouveau plus cléments.
Mais non.
Ce matin, c’est une tempête de neige qui m’a réveillée. Un congé d’école pour mes loulous, mais surtout un casse-tête pour la maman qui travaille. Soupir. Ce n’est pas terminé.

27 novembre 2007

Rhume et monoparentalité

Aujourd’hui, en ce moment précis, je déteste être monoparentale.
Ça m’est tombé dessus hier après-midi. Au départ, je n’avais que quelques frissons. Puis, mon nez s’est mis à couler, mes yeux à piquer, ma tête à faire mal.
Un vulgaire rhume m’avait choisie comme cible. En l’espace d’un seul après-midi, j’étais la proie de millions de bactéries prêtes à me rendre la vie difficiles pour les prochains jours et moi, comme je n’avais aucune arme pour me défendre contre eux (surtout à la gang qu’ils étaient) que j’ai abdiqué. J’ai capitulé. J’ai baissé les bras.
Les mouchoirs n’ont pas trop pris de temps à faire déborder ma poubelle. Je faisais le rêve éveillé d’un lit et d’une belle dédette d’après-midi. D’une maman qui venait me porter une bonne soupe poulet et nouilles.
Je fantasmais sur mon divan et mon doudou tout en regardant Terre Humaine à la télé. Je pensais à un immense bain chaud avec de l’huile d’eucalyptus dedans. J’imaginais une main dans mon dos à étendre du Vicks. Je ne me cassais pas la tête avec le panier de linge sale rempli à pleine capacité, le frigo vide pis le plancher tout sale. J’avais besoin de toutes mes forces pour venir à bout de mon virus.
Ça aurait été tellement simple. Avec un tel régime, mon maudit rhume aurait été de l’histoire ancienne en moins de 24 heures. Mais ce n’est pas la vraie vie ça. La vraie vie, du moins, par chez moi, ce n’est pas comme ça.
Le cadran n’avait même pas encore sonné que j’avais ma loulou de six ans à côté du lit qui voulait jouer aux Petshop avec moi. Puis-je vous confier que je n’avais nullement envie de me prendre pour un véto-pour-petites-bêtes-en-plastique-à-la-tête-qui-dodeline? Ma langue épaisse comme ça, conséquence d’une nuit à respirer par la bouche, me quémandait beaucoup plus un grand verre d’eau.
Entre temps, Maxim a cru que c’était le bon moment pour pratique son Menuet, sa dernière pièce apprise au piano. Malheureusement, le bouton du volume du clavier est resté coincé au plus fort. Les ré-sol-la-si-do-ré-sol-sol ont donc retenti dans ma tête aussi fort qu’une explosion nucléaire.
Il n’était que 7h20 et j’avais déjà envie de démissionner de mon rôle de mère. De me recoucher en position fœtale dans mon lit et d’attendre que les 24 heures me séparant du lendemain passe.
J’ai pris mon courage à deux mains et j’ai fait déjeuner mes puces. C’est Filou qui s’est rendue compte la première que j’étais au bord de mourir de mon rhume. Elle était là derrière mon dos à me flatter le derrière des cuisses (j’imagine que son intention première était de me flatter le dos, mais à la grandeur qu’elle a, les cuisses étaient plus faciles à atteindre). « Ça ne va pas maman d’amour? Est-ce que tu es malade? Est-ce que tu veux un bon jus d’orange-parce-que-les-oranges-ça-guérit-les-rhumes? » me dit-elle d’un trait tout en cherchant dans le frigo la fameuse bouteille de jus miracle.
Dès que Maxim a entendu que je vivais de grandes souffrances, elle s’est offerte pour ranger la vaisselle du déj et pour préparer ses collations et celles de sa sœur. Elle a pensé également à faire son lit, à envoyer au panier son pyjama, à se laver les dents. Tout ça, ça que je le demande. Cerise sur le sundae, elle a même aidé sa petite sœur à enfiler ses bottes et à attacher son manteau d’hiver.
Bref, à 8h10, soit 15 minutes plus tôt qu’à l’habitude, mes petites colocs étaient prêtes à partir à l’école. Un record!
Finalement, conjuguer monoparentalité et rhume, ce n’est pas si pire. C’est même plutôt agréable. Je pense même à simuler un rhume 365 jours par année…

Ces héros parmi nous

Ils sont ici. Ils sont là.
Malheureusement, on ne les voit pas. Du moins, pas assez.
Sherbrooke regorge de héros. Dans toutes les sphères de la société. Dans toutes les couches sociales. Ils sont cachés dans tous les arrondissements.
Ils s’investissent sans relâche. Sans demander plus. Sans vouloir se mettre en valeur au détriment des autres.
Mon ami Jean-Pascal est des leurs. Chaque semaine, ce médecin sauve des vies. Il aide des centaines de personnes par année à mieux marcher, à mieux fonctionner dans leur quotidien, à moins souffrir.
La salle d’op est devenue sa deuxième maison. Les prothèses de hanches et de genoux sont devenues ses alliés. Les scalpels, les marteaux et les perceuses sont devenus ses copains. Une belle gang qui change la vie de tellement de gens.
Vraiment, il en est un.
Même si Mélanie ne travaille pas au bloc opératoire, il serait complètement faux de dire qu’elle ne sauve pas de vie. Chaque matin, alors qu’elle se pointe dans sa classe d’élèves vivant avec des troubles de comportement, cette prof rivalise d’ingéniosité et d’audace pour leur permettre de croire en eux, de voir que demain est possible malgré leurs difficultés.
Pourquoi s’en tenir aux traditionnels cahiers d’exercices alors qu’on peut leur donner l’espoir qu’ils réussiront avec des projets géniaux qui cherchent beaucoup à les remplir de confiance qu’à en faire des petits singes savants?
Sans aucun doute, elle en est une.
Avec un diplôme en droit dans les poches, les futurs avocats rêvent, pour la plupart, de défendre de grandes causes qui les aideront grandement à rembourser l’hypothèque de leur nouvelle maison de la rue Rostand. Probablement qu’ils travailleront sans relâche facturant d’innombrables heures à coup de 250$ à leurs riches clients. Ils se voient en mettre plein la vue à la cour avec leurs grands plaidoyers espérant ainsi convaincre le jury qu’ils ont raison.
Mais de croire ça, ça serait de bien mal connaître mon cousin Mario. Avocat à la Direction de la protection de la jeunesse, son travail consiste à défendre des loulous pour qui la vie ne les a pas nécessairement gâtés avant même qu’ils aient l’âge de penser que ce n’est pas partout pareil.
Des cœurs meurtris, des os cassés, des âmes brisées, il n’y a pas grande souffrance que Mario n’a pas rencontrée dans sa carrière. Mais il continue, chaque jour, à travailler pour que pareille injustice soit réparée. Pour que ces enfants puissent espérer qu’un jour le vent tournera en leur faveur.
Il en est un aussi.
Ce sont tous des héros.
Même s’ils ne font pas la manchette chaque jour. Même si on ne leur demande pas leur autographe à chaque coin de rue. Même s’ils ne bossent pas pour la gloire. Ce sont des héros.

Les amis de mes amis de leurs amis sont...

Il paraît que nous sommes tous reliés par un maximum de six personnes. Cette théorie s’appelle les Six degrés de séparation ou « it’s a small world ». C’est le docteur Milgram, un psycho-sociologue qui, en 1967, soumet la première fois cette idée. Si l’on prend deux personnes n’importe où dans le monde, on pourra les relier en moyenne par une chaîne de six relations.
Ce chercheur avait choisi au hasard des habitants d'Omaha au Nebraska, et leur avait demandé d'expédier des colis à un habitant de Boston identifié par son seul nom et son métier; jamais son adresse. Les expéditeurs devaient envoyer le colis à une personne qu'ils connaissaient, et qui leur paraissait être la plus susceptible de faire progresser le colis vers Boston. Il avait fallu, chaque fois, entre six et sept étapes au colis pour atteindre sa destination.
Voilà pour la partie théorique et instructive de cette chronique. Passons aux choses sérieuses maintenant.
J’avoue ne pas détester l’idée de me retrouver à moins de six relations de Hugh Grant. Ça été tellement facile à trouver que j’en ai été décontenancée.
Voyez par vous-même : Mon ami Jean-François a fréquenté Michelle Meyer l’été dernier qui se retrouve à être l’hôtesse de l’air personnel de Rowan Atkinson (Mr Bean) pendant sa tournée européenne. En 2003, ce dernier a participé au tournage du film Love Actually avec nul autre que… Hugh Grant.
Ouf! Il n’y a que quatre degrés de séparation qui me sépare de Hugh Grant. Popire pareil non?
Maintenant, me croiriez-vous si je vous disais que je suis liée d’aussi près à Bono? En effet, le chanteur de U2 se retrouve à être (soyez attentif) le fils de la grand-tante de la cousine du beau-frère du grand-père de ma copine Marie-Andrée. Encore ici ça fonctionne. Six degrés et le lien est fait. Phénoménal!
Mais bon, j’ai bien beau avoir trouvé plein de liens pouvant me rendre à ces deux vedettes, n’empêche que mon agenda n’a pas encore de case horaire où c’est inscrit « Date avec Hugh ». Dommage.
Pour en revenir à nos moutons, sachez que des chercheurs de l'Université de l'état de l'Ohio profitent de la montée fulgurante de l’Internet pour tenter de valider la théorie de Milgram.
Pour cela, ils ont monté le Electronic Small World Project qui propose à des volontaires de participer à une expérience. Une fois inscrit, chaque personne reçoit le nom et quelques renseignements - mais pas l'adresse de courriel - d'un autre individu au hasard. Si le volontaire la connait, il peut lui écrire directement. Sinon, il doit faire appel à une seule autre personne, choisie selon les quelques renseignements concernant la personne-mystère, pour lui poser la même énigme. Et ainsi de suite.
Et si vous m’aidiez en entrer en contact avec Brad Pitt ou encore mieux avec Tom Cruise (j’ai l’impression qu’Angelina sera plus difficile à tasser que Katie….)? J’ai rien à faire vendredi soir…

08 novembre 2007

Terreurs et rideaux

Les boîtes sont peut-être défaites à Proulxville, mais les fenêtres, quant à elles ne sont toujours pas voilées. Si bien que dès que le soleil se pointe le bout du nez le matin venu, ses rayons me sortent du sommeil illico et ce, même si c’est inscrit congé à mon calendrier.
Une visite au magasin de rideaux s’imposait donc et rapidement. Ma qualité de vie, mais surtout mon humeur dû au manque de sommeil et qui risquait de rendre mes collègues de bureau dépressifs m’ont poussé à agir au plus vite. Et ce même si les filles auraient fait mille autres trucs que de chercher le couvre-fenêtre par excellence qui s’harmoniserait avec le reste de la literie de ma chambre à coucher. Elles sont fatiguées les cocottes. Le déménagement jumelé à un virée d’Halloween et un changement d’heure ont fait en sorte que le shopping était vraiment, mais vraiment de trop dans leur agenda.
« Allez les filles. J’en ai juste pour une petite minute. Vous allez voir, ça ira vite et après, je vous promets que vous pourrez jouer à tout ce que vous voulez et que vous pourrez manger tout votre sac de bonbons. »
La manipulation a fonctionné à merveille. Les puces ont grimpé dans l’auto avec des images de petites filles se roulant dans le chocolat au caramel en jouant au V-Smile à deux pouces de la télé le tout sans se faire chicaner par une mère casse-pieds.
Premier arrêt : la quincaillerie pour acheter une tringle à rideaux. Ici déjà, j’ai outrepassé le temps qui m’était alloué par mes cocottes. C’est que ce n’est pas si simple que de faire un choix entre les tringles à rideaux doubles, à rails, à pression, à crochets, Levelor, magnétiques, à embouts, sans embouts, Twist ‘n’ fit, à supports, à anneaux. À cela, il faut choisir le matériau: en chêne, en métal brossé, en laiton ou en plastique. Et il ne faut pas oublier la couleur. Bref, beaucoup de grandes questions qui ont nécessité d’aussi grandes réflexions et par conséquent qui ont demandé beaucoup plus de temps que la petite minute promise à mes héritières.
Pendant que je jonglais entre les pour et les contre que m’offraient chacune des tringles offertes, j’ai cru voir Filou et Maxim grimpées sur une échelle servant à atteindre le deuxième étage des étalages de marchandises. « Les filles, voulez-vous descendre de là tout de suite? Vous n’avez pas le droit de monter là, c’est inscrit ‘réservé aux employés’ et vous n’êtes pas des employés du magasin à ce que je sache! »
Piteuses, elles sont redescendues de l’échelle me permettant de retourner à mes tringles. C’est devenu très silencieux autour de moi. Trop silencieux même. Elles étaient passées où les filles vous pensez? Cachées derrières les gallons de peinture…. Soupir.
J’ai donc pris la première tringle du bord et j’ai couru vers la caisse. Mais je n’avais que la moitié du travail d’effectué. C’est bien beau une tringle dans une fenêtre, mais ça n’empêche pas le soleil d’entrer.
Deuxième arrêt : le magasin de rideaux. Une centaine de modèles m’était proposée. Du blanc au noir, des carreautés, des picotés, des rayés, des voilages, des simili-suèdes, des cotonnades, du lin, du polyester étaient disponibles. Pendant que je réfléchissais à la teinte à choisir, j’ai entendu des femmes soupirer : « Avez-vous vu les petites filles couchées dans le rack à rouleaux de tissus? Franchement, ils sont où les parents? »
À l’instant même, j’ai comme eu un petit vertige. Effectivement, c’étaient bel et bien les terribles sœurs qui logent sous mon toit qui se prenaient pour du coton enroulés. Complètement découragée, je me suis retrouvée à la caisse avec un rideau orange rayé bleu (spécifions que ma literie est rose…), le premier en fait qui s’est trouvé sur mon chemin, d’une main et deux terreurs sous l’autre bras.

Un "Bonheur sein"

C’était il y a cinq ans déjà. Je jasais avec Suzanne sur Internet. Une façon de passer le temps pendant que nous allaitions nos loulous. Elle était déprimée la copine. « Ah! Ge! Je fais encore une mastite. C’est ma troisième depuis que Sébastien est né. Mais là, j’ai toute une bosse. J’ai l’impression que je vais avoir besoin d’antibio cette fois-ci », m’écrivait-elle.
Le lendemain, elle se pointait chez son médecin.
Le surlendemain, elle passait un écho et une mammographie d’urgence.
Moins d’une semaine plus tard, le diagnostique tombait. La bonne nouvelle? Il n’y avait pas de mastite. La mauvaise? C’est qu’elle aurait à combattre un cancer du sein dans les prochains mois.
Trois semaines plus tard, son soutien-gorge était rempli à moitié. Mais son agenda était, quant à lui, rempli à pleine capacité. Rendez-vous chez l’oncologue, la psy, le médecin de famille, le chirurgien, le CLSC. Sans oublier les traitements de chimio, de radio, les changements de pansements, les prises de sang. Un dur moment bref.
Ma copine s’est battue. Pour ne perdre le combat comme sa grand-mère, sa mère et sa tante. Mais surtout pour voir grandir ses deux enfants. Suzanne s’est battue et elle a gagné. Aujourd’hui en rémission, mon amie a toutefois de la difficulté à penser que plus jamais elle n’aura à vivre avec un coco chauve. La peur que cette maladie revienne hanter sa paisible vie est toujours présente.
Et c’est pour que cette raison que lorsqu’octobre se pointe sur mon calendrier, je fais ma part pendant ce mois de la sensibilisation au cancer du sein. Pour que Suzanne puisse vivre en paix. Vraiment en paix.
La première année, j’ai fais un don à la Fondation québécoise du cancer du sein. En 2004, j’ai acheté des babioles à l’effigie du ruban rose. En octobre suivant, j’ai bu une tonne de bouteilles de rosé dont les profits allaient à la Fondation. L’année dernière, j’ai participé à la rédaction de pages spéciales sur le cancer du sein dans La Nouvelle.
Mais cette année? Je n’avais aucune idée.
J’ai cherché. Je voulais une idée qui sorte de l’ordinaire. Je n’avais pas envie d’être déprimante. Au contraire, j’espérais trouver quelque chose de positif qui pourrait sensibiliser à la fois.
J’ai cherché toute une soirée. C’est à 1h du mat que mon hamster a trouvé. Une exposition de photos qui mettrait les seins en valeur. Rien de triste. Juste du beau qui pourrait amener l’espoir vers demain. « Bonheur sein » était presque né.
Presque parce qu’il me manquait un élément pour tout mettre en place : Jessica. Une collègue photographe qui partage les mêmes valeurs de vie que moi. C’est avec impatience que j’ai attendu le 10h règlementaire pour appeler chez quelqu’un le week-end.
L’offre de collaboration a été acceptée sur le champ. En moins de deux, nos idées de photos étaient amassés, la salle d’exposition louée et les sujets trouvés.
Un mois de travail intense qui prendra l’affiche demain dans le hall du Théâtre Granada. Douze clichés qui nous permettent de croire en des lendemains plus beaux. Du moins, je l’espère.

24 octobre 2007

Sabrons le champagne!

Ça aura pris trois mois pile poil entre la première pelletée de terre et la journée où mon camion de déménagement se stationnera dans ma nouvelle entrée de cours. Douze semaines où j’ai créché dans le sous-sol de ma copine Annie. 84 jours à attendre patiemment le moment où je mettrais officiellement les pieds à Proulxville.
Ce moment tant attendu est prévu pour ce dimanche. J’ai très hâte, mais en même temps je suis un peu triste. J’ai le motton dans le dalot disons. C’est que depuis tout ce temps où je vis avec Annie, Jo et Maïka, je vois arriver le jour de mon départ avec chagrin. Ironique tout de même.
Comment oublier l’accueil qu’ils me réservaient chaque jour lorsque je revenais du travail? Comment effacer de ma mémoire ces soupers bien arrosés qui nous donnaient tant de joie à préparer? Comment survivre sans nos interminables discussions en pyjama avant d’aller au lit? Comme réussirai-je à me passer de Maïka, le bouvier bernois de la maisonnée, qui venait se coller sur moi lorsque j’écoutais la télé?
Sais pas. Le sevrage ne sera pas des plus simples, c’est certain. Par contre, ma copine Annie m’aura légué beaucoup plus que de la tristesse de quitter sa maison.
Je l’ai rencontrée lors d’un voyage de ski aux Etats-Unis et j’ai tout de suite su que nous étions faites pour nous entendre. J’avais vu juste. En avril dernier, à peine deux mois après notre rencontre, nous soupions toutes les deux ensemble. Je venais de vendre ma maison et j’étais très inquiète parce que mes filles et moi, nous nous retrouvions sans logis pour toute la durée de la construction du quadruplex. « Hé! Viens-t-en ici avec les filles! »
Euh… pardon?
« Oui, oui, tu prendras tout le sous-sol. Vous allez être bien toutes les trois. Pis on va se faire plein de soupers. Tu vas voir, on va avoir de fun. C’est décidé, tu t’en viens! »
C’était une affaire réglée. Deux mois plus tard, je débarquais chez elle avec mon petit bonheur sous le bras et l’espoir qu’elle ne regrette pas son offre domiciliaire. Au début, je me faisais discrète. Je mangeais en cachette, je me lavais en cachette et mes enfants étaient cachés aussi. Mais la copine s’est fâchée. « Gege, c’est ta maison ici maintenant. Je veux que tu manges à la table. Je veux que tu laisses tes filles écouter la télé au salon. Je veux que tu vives normalement. »J’étais sous le choc. Mais ceux qui connaissent Annie ne sauront pas étonner d’entendre ce genre d’histoire. Cette fille a un cœur grand comme ça. Elle a de l’énergie à revendre qui fouetteraient sans aucun doute le plus paresseux des paresseux. Elle fonce dans la vie à grands coups de défis. Rien ne peut l’arrêter dans sa quête d’arriver à ses objectifs.
Bref, les douze dernières semaines n’ont pas que solidifié notre nouvelle amitié. Elles m’ont permise de me fouetter pour devenir une personne meilleure qui n’attend pas que le temps passe pour regretter de ne pas avoir osé.
C’est sans aucun doute grâce à Annie que dès mardi prochain, je relèverai un grand défi en mettant en lumière devant tout Sherbrooke une idée qui me tenait très à cœur.
Merci Annie pour tout. Je t’attends n’importe quand pour souper. Il y a un rôti dans la mijoteuse.

16 octobre 2007

Un rendez-vous poche

Je déteste ce rendez-vous matinal.
C’est la même histoire qui se présente chaque fois qu’une page de calendrier est tournée.
Je soupire. Je cherche. Je chiale. J’implore le Saint de la guenille de me sortir de ce merdier.
Je ferais 10 000 autres choses plutôt que d’être en tête à tête avec ma garde-robe chaque jour.
Vous savez, c’est pareil partout.
Le placard est plein pour ne pas dire qu’il déborde. Les tablettes sont garnies. Les cintres ne suffisent plus à la demande. Et on ne voit pas un pouce carré de plancher tant il y a des paniers remplis de textile de toutes sortes.
Pourtant, à chaque fois, devant ce monticule de tissus, je déprime. Je déprime parce que je n’ai rien à me mettre sur le dos. Jamais. Jamais. Jamais.
Ces pantalons-là sont trop grands. Ceux-ci, bof. Il me semble que j’ai une méga culotte de cheval quand je les porte. Eux-autres, ils sont tachés. Ah oui! Mes noirs ont besoin d’être réparés, le bouton a lâché. Pis mes bruns, je les déteste : trop de trouble à repasser! Les blancs, ça fait trop été. Les bleus? Sont passés mode.
J’aurais envie d’enfiler une jupe aujourd’hui, mais le thermomètre indique trois degrés et je n’ai pas de bottes qui s’agencent avec elle.
Au final, j’ai toujours la même affaire sur le dos : mes maudites jeans!
Bon, j’ai au moins un problème de réglé.
Attaquons le haut à présent.
On élimine les camisoles spaghetti qui sont interdites au bureau. On met de côté, du même coup, les chandails de laine, beaucoup trop chauds pour notre système de climatisation. Les blouses? Peut-être. Enfin, si mon fer accepte de coopérer ce matin, ce qui n’était pas le cas la semaine dernière alors que j’ai définitivement envoyé ma jupe préférée au cimetière après l’avoir brûlée au troisième degré.
J’attaque donc la mauve. Portée avec un débardeur, j’aime bien le look. En prime, selon les millions de magazines de mode consultés dernièrement, le mauve est à l’honneur. Je suis donc ok.
Une fois la besogne de la planche à repasser complétée, j’enfile le tout pour m’apercevoir que le débardeur en question est… sale. Ah zut! (Le mot zut est utilisé ici uniquement pour ne pas brutaliser vos yeux. Parce qu’en réalité, le mot employé, dans la vraie histoire, est d’une toute autre nature...)
Retour à la case départ. Résignée, je choisi un simple t-shirt et un kangourou en coton ouaté. J’ai beaucoup plus l’impression de filer droit vers un cours d’éduc que vers le bureau. En tout cas, ils me prendront comme ça aujourd’hui. Je ne suis plus d’humeur à négocier autre chose avec ma penderie à la noix.
C’est décidé donc. Ce midi, plutôt que de manger à la café du journal devant un tv dinner peu invitant, j’irai investir mon avoir dans la guenille. Je me promets de revenir de cette virée avec assez de vêtements pour suffire à un mois complet de tiraillements entre ma garde-robe et moi.
Mais ce n’est pas si simple. Vous savez comment ça fonctionne le shopping : c’est quand on est décidé à acheter qu’on ne trouve rien qui nous plaît, que notre grandeur ne se retrouve jamais sur les rayons et que tout est beaucoup trop cher.
Finalement, j’ai réussi à acheter… un nouveau t-shirt et un… jeans. Soupir.

04 octobre 2007

L'héritage du 11 septembre

Je refuse de croire que je suis raciste.
Ce n’est pas si simple. Facile de dire qu’aucun préjugé racial ne se retrouve dans nos pensées. Mais en réalité, sommes-nous aussi ouverts et tolérants que l’on affirme haut et fort? Sais pas.
J’ai pris l’avion le week-end dernier. En comptant les escales, j’ai vécu cinq décollages et cinq atterrissages.
Inconsciemment à chaque reprise, le même scénario s’est répété dans ma tête.
J’observe tous les passagers du vol. Ont-ils l’air louche? L’air méchant? Les gens près du cockpit paraissent-ils dangereux? Je scrute leurs bagages. Contiennent-ils des armes? Des explosifs? Que font les gens? Les plus nonchalants attirent mon attention. Celui qui lit le journal, celui qui joue au Gameboy, celui qui écoute son Ipod me font peur. Il faut se méfier de ses personnes qui ont l’air au dessus de tout. Ils veulent se fondre dans la masse pour mieux mettre leur plan d’attentat à exécution. Mes yeux s’attardent à la cabine du pilote. Est-elle bien verrouillée? Je m’interroge sur les compétences du pilote. Est-il bien formé pour affronter un terroriste?
Tout semble sous contrôle. Pour le moment.
Plus tard, un peu avant le décollage, j’ai visité la salle de bain de l’avion. C’est à ce moment que mes yeux ont croisé ceux d’un Arabe. Mon cœur s’est emballé et mon envie de pipi est partie instantanément. Je suis retourné subito-presto à mon siège. Sans même réfléchir, j’ai vérifié si mon cellulaire fonctionnait bien au cas où je doive appeler les secours. J’ai regretté de ne pas avoir encore rédigé mon testament. J’ai eu envie d’appeler mes filles pour leur dire que je les aimais. J’ai analysé si ma place dans l’avion était stratégique si un quelconque pépin survenait. Et pour une rare fois, j’ai bien écouté les consignes de l’hôtesse de l’air sur les règles de survie en cas d’accident…
C’est pendant que je vérifiais sous mon siège si une ceinture de sauvetage si trouvait que j’ai réalisé que j’avais un comportement des plus stupides. J’étais complètement ridicule.
Je sais bien que tous les Arabes ne sont pas membres d’Al-Qaïda. Je sais bien que les Arabes ne sont pas tous intégristes. Je sais bien que ce n’est qu’une toute petite minorité d’Arabes qui souhaitent voir les Etats-Unis s’effacer du globe-terrestre.
C’est à ce moment que j’ai réalisé que les attentats du 11 septembre 2001 ont laissé des traces sournoises. Que sans le vouloir, tous les Arabes et tous les Musulmans sont mis dans le même bateau. Que six ans plus tard, les cicatrices laissées par les attentats contre le World Trade Center sont encore bien vives. La peur d’être parmi les prochaines victimes des amis de Ben Laden est ancrée en nous.
Le plus triste dans toute cette histoire, c’est que probablement que l’on se ferme à de belles rencontres. C’est que l’on se crée des peurs inutiles. C’est aussi que l’on gâche des moments qui pourraient être magiques. Tout ça parce qu’un monsieur a fait une connerie un jour.
Plus question qu’une crainte injustifiée m’accompagne en avion dorénavant. J’ai autre chose à faire. Ma vessie s’est mise à crier son inconfort. Je suis retournée aux toilettes. Mes yeux ont recroisé ceux de l’Arabe. Au lieu de lui faire sentir une anxiété démesurée, je lui ai servi mon plus beau sourire. Qu’il m’a rendu.
Et si j’ai à craindre de quelque chose, c’est bien plus celle de perdre mes bagages… D’ailleurs, j’attends toujours ma valise qui s’est perdue quelque part entre Las Vegas, Memphis et Burlington.

25 septembre 2007

Mon hamster

Est-ce que je vous ai déjà parlé de mon hamster?
Depuis plusieurs années, je prends soin d’un hamster. Un «touti» hamster. D’ailleurs, quand je suis allée le chercher à l’animalerie, j’ai bien pris soin de prendre le plus petit de la gang pour être certaine qu’il soit bien confortable dans sa nouvelle maison. Je crois même qu’il provient d’une race de mini-hamster très spéciale. Mais bon, ce n’est que supposition, car à 4,99 $ la petite bête, elle ne vient pas avec un certificat médical très poussé.
N’empêche que ma petite bête, malgré sa petitesse, court vite en sale. Très très vite même. D’ailleurs, s’il y avait des championnats de monde de 400m. pour hamsters, il gagnerait haut la main. Je le sens, il a de la graine de Bruny Surin qui germe en lui. J’en suis persuadée. Et avec de l’entraînement, il pourrait surclasser l’Américain Michael Johnson, qui détient à peu près tous les records du moment dans cette discipline.
En plus, mon hamster ne dévoilera pas en primeur à Alain Gravel qu’il a pris de l’EPO en cachette afin d’augmenter le taux d’oxygénation de son sang. Le Canada a assez d’un Ben Johnson et d’une Geneviève Jeanson dans son histoire sportive.
Alors mon hamster en court une claque dans une journée. Il m’empêche même de dormir une nuit sur deux. L’autre nuit, celle où je dors, c’est que je suis tellement claquée que je ne l’entends plus. Mais il galope tout de même dans sa petite roue. Sans jamais se fatiguer, à mon grand désarroi.
S’il pouvait arrêter deux secondes seulement. Juste deux petites secondes, pour que je puisse me reposer un brin. Mais non. Rien à faire. Mon hamster carbure à l’adrénaline. Et Dieu sait que j’en ai de l’adrénaline dans le corps. Trop peut-être.
Alors mon hamster, qui a trouvé refuge dans un coin de mon cerveau, n’arrête pas. N’arrête jamais.
Voulez-vous un exemple?
Pendant que je bossais sur le cahier spécial du 25e anniversaire de La Nouvelle, je rêvais de me prélasser dans un spa. Je m’imaginais passer la journée en pyjama à regarder en rafale la dernière saison de 24 et à manger des céréales pour souper. J’aurais tué pour m’asseoir dans mon Lay-z-boy et attendre que le temps passe en regardant dans la rue le nombre de voitures qui passent à l’heure devant chez moi.
Au moment même où je suis allée porter les dernières épreuves à l’impression, à cet instant précis où enfin je pouvais respirer, mon hamster s’est remis à courir. Ses pas de course m’ont donné une idée. Une sacrée idée. Une illumination qui me tiendrait occupée pendant le prochain mois. Pour le week-end de lâcheté, on repassera.
Impossible de dormir tant ça galopait dans ma tête. Ce n’est qu’à trois heures du mat que je l’ai supplié de me laisser tranquille et que j’ai réussi à fermer les yeux. Je souhaitais même en secret qu’il se casse une hanche et que la liste d’attente en orthopédie pour son remplacement soit d’au moins un an. Je l’ai même menacé de l’échanger s’il n’arrêtait pas. Il a pris un break, à contrecœur.
La trêve n’aura été que de courte durée. Moins de trois heures plus tard, il se remettait à courir. Toujours courir, m’empêchant ainsi de dormir. J’avais les cernes en-dessous du menton, le teint d’une pinte de lait passée date, l’humeur de chien. Mais je lui ai pardonné.
Le flash était bon. La cause noble. Soyez attentifs, d’ici la fin octobre, vous en saurez plus.
En attendant, je vais nourrir mon hamster. En espérant que tous les kilomètres qu’il a parcourus en valaient la peine…

18 septembre 2007

Ma relation amour-haine avec les pommes

Dans ma liste de fruits préférés, la pomme ne se retrouve pas dans le top 10, ni même dans le top 20. Ce n’est pas que je ne déteste ce fruit, je suis seulement saturée. J’ai la nette impression que j’en mangeais tout le temps quand j’étais petite. Pis elles étaient toujours rouges et appartenaient inévitablement à la catégorie des McIntosh. Vive la variété qu’offrait l’épicerie que ma mère fréquentait à l’époque!
Pour mes collations d’école, ma mère me mettait une pomme et un sac de carottes dans mon sac. Pour accompagner mon sandwich au jambon-moutarde-fromage-jaune du midi, je buvais un jus de pomme. Comme dessert, j’avais droit à un bol de compote de pommes. C’était très correct et vous pouvez vous imaginer qu’avec la quantité de vitamine C que j’ingérais, les microbes me fuyaient comme la peste!
Mais un moment donné, j’ai atteint un point de non-retour. Une écoeurantite aigüe comme on dit.
Je ne cuisine donc jamais de porc aux pommes ou de croustade aux pommes à l’érable. Vous ne verrez jamais de beurre aux pommes dans mon frigo et aucune bouteille de cidre ne traîne dans mon cellier. J’aime beaucoup mieux les muffins aux bleuets qu’aux pommes. Les crèmes de céleri sont aussi délicieuses sans les pommes. Les beignets, les clafoutis, les crêpes, les gâteaux renversés, les salades, les strudels, les tartes et les millions d’autres idées de menus que l’on pourrait avoir peuvent très bien s’apprêter sans ce fruit rouge.
N’empêche.
À chaque fois que je vois les feuilles des arbres rougir. Dès que les normales saisonnières se situent dans 14-15 degrés. Dès que septembre se pointe sur le calendrier, je fais la même chose. La même envie monte en moi.
Je veux aller aux pommes.
Je veux marcher dans un verger.
Je veux faire des photos de pommes.
Je veux me promener en tracteur.
Je veux voir Maxim grimper dans une échelle pour aller cueillir la plus haute pomme du pommier.
Je veux voir Félixe croquer à pleines dents dans une pomme.
Je veux les voir courir entre les dizaines de pommiers.
Je veux les entendre rire lorsqu’elles réussissent à attraper une pomme très très loin sur la branche.
Bref, la virée aux pommes est un incontournable de mon calendrier d’automne. Même si pendant 51 semaines, je boude les pommes, je fais exception en septembre.
Mais à voir ma Filou sur cette photo, je regrette que parmi les douze mois de l’année, il n’y ait pas plus de septembre…

L'automne de mes six ans...

Si je me fie à mon certificat de naissance, je venais à peine de souffler six chandelles sur mon gâteau au chocolat en septembre 1982. Au moment même où naissait La Nouvelle, ma courte existence allait connaître un grand tournant.
Je commence à maîtriser les rudiments de la lecture et à être capable de lire sans problème « Luc va à l’école avec son chien Fido ». J’adore d’ailleurs prendre l’autobus qui me conduit à ma nouvelle école de Stoke même s’il y a des grands de sixième qui tentent de me faire faire toutes sortes de coups pendables. Je ne laisse pas ma place en entraînant ma petite sœur Anne-Marie dans mes expériences culinaires : « Qu’est-ce que ça fait du jus de raisin mélangé avec du lait et de la farine? » Je vous laisse imaginer le résultat…
1982, c’est aussi une année de bouleversements pour mes parents. J’entends encore ma mère s’inquiéter de ces taux d’intérêts qui montent en flèche. Je n’y comprends rien à ce charabia d’adulte, et pourtant, je sais compter jusqu’à 100. C’est assez frustrant! Et je ne comprends pas trop pourquoi mon père ne va plus travailler le matin. C’est à six ans que j’ai appris la signification du mot chômage.
C’est aussi l’année où nous avons quitté notre maison de Deauville située entre celle de mes grands-parents et de mes tantes pour emménager dans une autre à Stoke. Une belle maison blanche avec un étang en avant et une petite ferme sur le côté.
Nous avons une dinde et un dindon, une dizaine de poules et un coq. Il y a aussi Suzanne, la brebis, Daisy, son bébé, et deux magnifiques lapins. Je n’oublie pas les jolis canards qui voguent sur l’étang.
Derrière la ferme, il y a un immense jardin potager et des dizaines d’arbres fruitiers. Des pommiers, des pruniers, des poiriers même sont plantés dans ce grand champ qui s’étend à perte de vue. Je crois que je n’ai jamais autant mangé de fraises, de framboises, de bleuets et de mûres que cet été là.
Et je ne vous ai même pas parlé de l’intérieur de la maison. C’est vraiment le sous-sol qui mérite le plus mon attention! Un sous-sol de rêve. Sur le sol, il y a un jeu de marelle de peint, une balançoire et un trapèze étaient accrochés au plafond. Vous imaginez les heures que j’y ai passées…
Je me souviens de ces journées où j’allais au poulailler chercher des œufs pour notre déjeuner. Je me rappelle de ces parties de cachette que l’on faisait avec mes parents. Je repense à mon père qui me poussait sur ma balançoire. Je rigole en pensant à ma mère qui s’était transformée en coach pour mon équipe de soccer. Je revois tout ça dans ma tête et je souris.
Mais chaque fois que l’on évoque « l’année Stoke » dans ma famille, le visage de mes parents s’assombrit. Ils ne veulent pas se souvenir, eux. Ils auraient préféré oublié cette année si difficile.
Pourtant, et de loin, l’année 1982 a été la plus belle de mon enfance. Celle où mes souvenirs les plus importants sont logés.
Vingt-cinq ans plus tard, jour pour jour, je revivrai en quelque sorte l’année de mes six ans. Dans quelques semaines, nous serons à nouveau tous réunis dans notre quadruplex. Il n’y aura peut-être pas de ferme ou de balançoire, mais mes parents seront tout près, prêts à rire j’en suis certaine.
Bref, il n’y a pas que La Nouvelle qui fête!

07 septembre 2007

Les trois shifts des mamans...

Il m’a fait sourire le patron ce matin.
À 9h, quand j’ai mis le pied dans la porte de son bureau, c’est par un « Bonjour Geneviève! En forme pour commencer la journée? » que j’ai été accueillie.
Commencer la journée? À 9h? Ça parait que ses enfants ont tous quitté le domicile familial. Il doit déjà avoir oublié c’est quoi avoir deux flots de six et neuf ans à gérer. Je suis donc loin de débuter ma journée à 9h. C’est parce que je viens de terminer mon premier shift moi. J’en suis presque au milieu de la journée! Je sais bien qu’il voulait être gentil le patron. Mais ça m’a fait réfléchir sur la tonne de travail que l’on pouvait abattre avant même de poser le gros orteil dans sa shop.
En effet, avant même que Salut bonjour n’ait terminé sa première heure de télé, j’ai déjà une brassée de lavage de pliée et une autre est dans la laveuse. Il y a une recette de poulet à la crème et moutarde de Dijon dans la mijoteuse, ce qui me facilitera la vie au souper de ce soir. J’ai préparé trois lunchs et six collations aussi tout en lisant le journal du matin. Je me suis également occupée de sortir Gucci, le chien, dehors. (Note à moi-même: penser à prendre rendez-vous au toilettage, Gucci sent commence à sentir étrange.)
Ensuite, j’ai réveillé les puces. Pendant qu’elles s’habillaient, j’ai fais les lits puis nous sommes montés manger. Deux déjeuners, deux verres de jus d’orange et deux verres de chocolat au lait plus tard, j’ai tressé les cheveux de Filou et peigné ceux de Max. (Note à moi-même : penser à acheter du lait au retour à la maison ce soir).
Pendant qu’elles se lavaient les dents, j’ai vidé le lave-vaisselle et l’ai rempli à nouveau de verres vides et d’assiettes collées de sirop d’érable.
Je réussi à régler une chicane entre sœurs au moment où je me rends compte que l’autobus n’est pas trop loin. C’est à la course que j’aide Loulou à enfiler ses chaussures et à attacher son manteau. On sort ensemble pour se rendre à l’arrêt. J’en profite pour porter au chemin les bacs de déchets et de récupération.
Il est huit heures.
Je saute dans la douche, me sèche les cheveux, mets un peu de mascara, me lave les dents et m’habille. Évidemment, la seule paire de pantalons qu’il reste de propre dans la garde-robe est froissée. Le fer est branché en moins de deux et d’une main habile je tente de redonner une forme respectable à mes pantalons. (Note à moi-même : penser à acheter de nouveaux pantalons infroissables pour matins pressés…)
Ensuite, je prends une minute pour vérifier mes courriels au cas où il y aurait un truc important que je pourrais régler avant d’arriver au bureau. J’en profite pour payer mon compte d’Hydro et le Bell. (Note à moi-même : penser à m’inscrire au service de prélèvement automatique.)
Avant de partir, je pense à mettre mes vêtements lavés dans la sécheuse. Je remplis les bols d’eau et de nourriture de Gucci. Je peux enfin quitter la maison.
J’avoue que c’est souvent un peu essoufflée que je mets les pieds au bureau, mais je suis tout de même d’attaque pour commencer mon deuxième quart de travail celui du travail rémunéré… Tout juste avant de puncher à nouveau à la maison pour le shift du soir (souper, vaisselle, devoirs, bain, dodo, alouette).
Dommage pareil que nous ne soyons pas payés pour toutes nos heures travaillées…

Cauchemar et épicerie

J’étais en forme. J’avais ma liste prête. J’étais d’attaque pour une virée à l’épicerie. C’était le temps d’y aller d’ailleurs parce que le frigo criait famine.
Filou était gentiment installée à l’avant du panier. Avec ses trois ans bien comptés, j’aimais mieux la voir là que de courir après elle dans les allées. Max était, quant à elle, installée au bout du panier et me racontait sa journée à l’école. Nous étions toutes souriantes et la vie était belle. Voyez le tableau?
La balade dans la section des fruits et légumes s’est déroulée à merveille, les filles étant fort satisfaites de mon choix de fruits. Les raisins verts et les bananes, c’est toujours gagnant aux collations.
Le scénario s’est reproduit dans le rayon de la boucherie. Rien à dire. Une visite à l’épicerie comme il s’en passe des milliers chaque jour. À vrai dire, ça frôlait la banalité.
Ennuyant jusqu’à ce que mon panier passe devant l’étalage des biscuits. La petite menotte de ma Filou s’est emparé, sans que je la vois faire, d’un paquet d’Oreo double crème. La cocotte croyait bien faire, et même qu’elle pensait sûrement me rendre service du même coup m’évitant le douloureux travail de choisir entre les 44 sortes de biscuits offertes sur le marché.
Hélas, les Oreo n’étaient pas inscrits à ma liste dûment préparée.
J’ai donc repris le dessert convoité par ma plus jeune pour le remettre sur sa tablette. Et sans que j’aille vu le coup venir voilà mon petit ange qui se met à crier comme si je m’étais subitement transformée en loup-garou et que je voulais la manger tout rond sans ketchup.
Je tente de désamorcer cette attaque avec douceur maternelle. « Voyons ma belle loulou, il en reste encore des Oreo à la maison, on en a pas besoin. » Elle en a que faire de mes explications à la noix. Ses pleurs reprennent de plus belle et ses cris redoublent d’intensité.
Ces cinq minutes qu’ont duré ce supplice m’ont paru une éternité. Ce n’était pas la première fois qu’elle m’offrait ce spectacle. Par contre, habituellement, les crises ont lieu dans mon salon en moins de deux ma petite colérique se retrouve en réflexion dans sa chambre.
Mais dans ce supermarché, il n’y a pas d’endroit pour envoyer nos petits diables en crise. Alors, je redouble d’effort pour tenter de calmer ma démone. Rien ne fonctionne.
Et là, arrive la goutte qui fait déborder le vase. Une vieille dame passe à côté de moi en me disant d’un ton des plus méprisants : « Mauvais caractère la petite, très mauvais caractère. Vous n’êtes pas capable de la faire taire? »
Puis-je vous dire que de nombreux scénarios très violents se sont déroulés dans ma tête lorsqu’elle m’a lancé ces paroles. Elle était qui elle pour insulter ma fille et pour me juger ainsi? Qu’est-ce que je pouvais faire de plus?
Quand une maman doit négocier avec un enfant en crise, ce n’est pas le moment d’en rajouter avec vos yeux remplis d’impatience et de mépris. C’est encore moins le temps de donner votre opinion sur notre manière d’élever nos bambins. Vraiment pas.
Oui ça tape sur le système des cris et des pleurs. Oui, l’épicerie est beaucoup plus sympathique au son de la musique d’ascenseur qu’à celui d’une crise infernale d’un bébé de trois ans.
Mais c’est la vie. Et la vie ce sont aussi des enfants qui pleurent en public.
La prochaine fois, mettez votre impatience de côté et souriez à la pauvre maman. Du coup, elle se sentira épaulée et trouvera plus facilement la patience nécessaire pour rétablir l’harmonie familiale.

28 août 2007

Lettre à Valérie

24 août 2007 17 h 24
Salut Valérie,
Je ne pensais jamais te trouver ici. Wow! C'est drôle, quand j’ai vu ta page sur Facebook, les souvenirs ont jailli tellement rapidement, c’est fou! Les images, les histoires nous impliquant ont défilé à une vitesse hallucinante dans ma tête. Ça fait quoi, 15 ans que je ne t’ai pas vue? Tout ça, c’est tellement loin, mais en même temps tellement proche. C’est pareil pour toi?
Je revois les milliers de lettres qu'on s'est échangées. Je reconnais ta petite écriture en lettres carrées qui penche un peu vers la gauche. Je m'entends rire de toutes les niaiseries que tu peux me raconter pendant ce cours de maths merdique. Je me rappelle ces petits dessins que tu faisais à l’encre bleue un peu partout: de mignonnes fleurs rejointes par des lianes, des coeurs, des spirales, des paysleys et tout ce que ton imagination et ton esprit créatif pouvaient coucher sur papier.
Je revis tout ça, et je suis nostalgique. Je repense à la coupe de cheveux poche que je t'avais faite un soir que tu en avais marre que ta tignasse te flatte le dos. Mes ciseaux n’ont pas filé droit dans ta chevelure, si bien que ton père t’a payé subito presto un rendez-vous chez une professionnelle. Mais ce que tu étais belle avec ta nouvelle coupe au carré!
Je rigole de ces vendredis soir passés dans ta chambre à analyser les agissements de Louis ou de Marc. De ces soirées passées au Simplex à jouer à Tetris ou encore à manger de la poutine italienne chez Paps (tu sais, dans le temps qu’on se foutait du nombre de calories contenues dans un repas!). De ces séances de photos que nous faisions ensemble. Quel talent tu avais!
Il n’y a pas à dire Valérie, le temps file, il court même et beaucoup trop vite. Je suis essoufflée.
Bientôt, ce sera ma fille qui écoutera le groupe de l’heure dans le sous-sol de sa meilleure amie. Ce sera ton garçon qui se tapera soir et matin de longs trajets de bus remplis de sourires complices vers la fille cute du dernier banc ou des derniers potins qui se sont déroulés dans la cours de récré du midi.
Il me semble que c'était hier tout ça. C'est fou. Tellement loin, mais tout près aussi.
Je te regarde sur ta page de Facebook, et je suis certaine que tu n'as pas changé d'un iota. Je te reverrais et tout serait comme hier, j’en suis certaine. On cuisinerait notre repas ensemble pendant que nos enfants joueraient dans le salon. Tu me ferais découvrir des saveurs locales pendant que je te parlerais de mes dernières lectures. Le cd de Coldplay aura remplacé la cassette des Ba Religion dans le système de son. Le Coke diet aura cédé sa place au vin rouge. Plutôt que de jaser de nos devoirs emmerdants, on parlerait des finesses de nos loulous. Mais outre ces petits détails, tout serait pareil. Identique.
J'entends déjà ton rire. Je vois tes belles dents blanches toutes droites et tes longs cheveux noirs qui n'ont pas besoin de rendez-vous avec le fer plat chaque matin. Je te sens calme avec la mer tout près de toi. Je t'imagine marchant sur la grève, ton appareil photo autour du cou avec tes garçons qui courent derrière toi.
Raconte-moi. Dis-moi ce que tu es devenue. Parle-moi de ta vie. De ces intérêts qui nous sont communs. Des passions qui t'animent. J’ai hâte de savoir.
Je m'ennuie.
***
Pour retrouver de vieux copains, pour apprendre ce que sont devenus vos collègues de classe ou de travail, visitez le www.facebook.com

21 août 2007

Caprice d'enfant gâté?

J’en mourrais d’envie. Je pouvais passer de longues heures devant la vitrine du Sport Expert à admirer ces fameux pantalons de jogging Converse que je désirais tant. Mais ma mère trouvait ça très exagéré de payer 40$ pour ça. Mais maudine, TOUTES mes amies en avaient! Des bleus, des rouges, des vertes, des mauves avec ce même logo écrit tout au long sur la jambe gauche. J’étais verte de jalousie devant Annie qui, elle, en avait une paire différente pour tous les jours de la semaine. Et moi qui ne pouvais même pas en avoir une seule paire dans ma garde-robe.
J’avais promis mer et monde à ma mère pour espérer un jour enfiler ces pantalons de sport. Tout y avait passé : ma chambre serait étincelante en tout temps, mon lit serait fait tous les jours, je laverais la vaisselle sans rechigner et j’arrêterais de me chicaner avec ma sœur parce qu’elle joue avec ma poupée Bout’chou sans me le demander. Rien à faire pour qu’elle change d’idée.
Faut dire que je la comprends maintenant. Pour 40$, ma mère était capable de m’en coudre toute une batch de pantalons de jogging. À quoi bon en acheter des aussi chers seulement pour avoir ces grosses lettres blanches sur le côté? Elle, elle ne saisissait pas du tout. Pourtant, c’était si simple.
J’ai vécu la même tristesse pour les Levi’s, les Daoust 301, les Duckshoes, les chemises Polo, les t-shirts Ocean Pacific. Moi je portais les jeans du Sears, j’avais des bottes de pluie très ordinaires et il était même hors de question de penser qu’un jour je puisse entrer chez Intersport afin de mettre la main sur une chemise rose nanane avec un petit cheval dessus. Soupir.
Vous y voyez un caprice d’enfant gâtée. Peut-être. Mais, du haut de mes neuf ans, je ne comprenais pas trop pourquoi ma mère ne voulait pas mettre 120$ sur un chandail de laine Vuarnet. Moi, tout ce que je voulais, c’était de ressembler à mes copines et porter les mêmes vêtements qu’elles. Cette banale différence vestimentaire prenait une importance capitale pour moi parce que j’étais hors du lot et quand on est pré-ado, on aime être « dans la gang ».
C’est à tout ça que je pensais hier matin. J’étais arrêtée à une lumière rouge dans le quartier nord et je voyais deux petites filles de peut-être huit ou neuf ans qui s’amusaient avec leur vélo. Très normal comme scène pour un matin d’été. Mais les deux cocottes sont musulmanes et portent un voile. Et c’est là toute l’importance de la scène qui se déroulait sous mes yeux.
Je ne veux pas entrer dans le débat des accommodements raisonnables ou dans le droit de porter le voile au Québec et tout ce tra la la d’adultes.
Non.
J’ai seulement repensé à moi qui se sentais tellement différente parce que je ne portais pas les mêmes habits que mes copines. Je me suis rappelé comment j’ai pu faire rire de moi avec mon polar vert fluo alors que la mode était passée au mauve coco de Pâques. J’ai songé à toute la tristesse que j’ai eue parce qu’aucune de mes fringues venaient de la boutique Au coton comme mes camarades de classe.
Et je me suis dit que si j’ai été victime de discrimination seulement à cause de la marque de mes vêtements, qu’est-ce que ces petites voilées pouvaient bien endurer jour après jour. Je me suis demandé comment les autres enfants les traitaient. Si elles étaient les têtes de Turc de la cour de récré. Tout ça pour un bout de tissu imposé par leurs parents.
Parce que ce n’est pas vrai qu’à huit ans un enfant saisit toute l’importance de la symbolique religieuse rattachée à son voile dans un pays où les Musulmans sont en minorité. J’espère sincèrement que les enfants d’aujourd’hui sont plus tolérants qu’ils ne l’étaient dans ma cour de l’époque.

14 août 2007

Les maniaques du quartier

J’avais bien appris ma leçon quand j’étais petite. Il était formellement interdit d’aller jouer dans le bois qui était situé tout juste derrière notre 40 logements. C’était trop dangereux de croiser le vieil homme qui y vivait dans une affreuse et minuscule maison et qui collectionnait les enfants. On disait qu’il aimait particulièrement les grandes filles de sept ou huit ans avec les cheveux bruns comme moi.
On chuchotait aussi qu’il s’amusait à les découper en petits morceaux et à la faire frire dans une tonne de beurre à l’ail par la suite. J’imaginais qu’il mettait une belle nappe à carreaux rouge et blanc sur sa table, qu’il sortait son argenterie des grandes occasions et qu’il se versait un peu de champagne avant d’engloutir avec joie son festin.
Vous pouvez vous imaginer que j’avais assez d’informations pour meubler des semaines et des semaines de cauchemars. Mais jamais ai-je mis les pieds dans ce petit boisé de peur de terminer sur le tableau de chasse de ce méchant personnage…
Quand mes copines et moi réussissions à subtiliser un trente sous à nos parents pour aller s’acheter des bonbons à la cenne au Perrette, c’était avec une méchante trouille que nous marchions les trois minutes et demi qui nous séparaient du dépanneur.
Ce n’était pas un quartier très sécuritaire disait-on. Des maniaques s’y promenaient en liberté et même qu’il y aurait eu quelques meurtres dans le coin, rien de moins. C’est du moins ce qu’on nous racontait. Il paraîtrait aussi que des flots du coin avaient été enlevés puis revendus dans des pays éloignés pour servir de riches industriels.
Alors, ce sont les fesses serrées et avec le cœur qui battait la chamade que nous marchions vers le paradis du bonbon. À chaque fois que l’on croisait une grande personne, notre regard voulait entrer dans le trottoir. Et si c’était lui qui volait les enfants? Une fois sur deux, je faisais demi-tour et je rentrais chez moi trop inquiète à l’idée de finir mes jours à passer le balai loin de ma famille.
Certes, j’habitais un drôle de quartier. Mais l’histoire prouve qu’il n’y a pas de bon ou de mauvais quartier pour qu’un enfant vive un drame. À preuve, j’ai une bonne copine à moi qui a été victime d’un enlèvement dans un camping!
Elle et son amie étaient allées cueillir des framboises à l’extrémité du terrain. À sept ans, on ne pense plus à enchaîner nos enfants ou à les enfermer dans un parc de bébé. On se dit qu’ils sont assez grands pour s’adonner à ce genre d’activité tous seuls.
Mais voilà. Il y avait là un homme qui avait d’autres envies que de faire une tarte avec le fruit de sa récolte. Il a embarqué ma copine dans son camion et le but de la randonnée n’était nullement lié au tourisme local...
Toujours est-il qu’on a retrouvé mon amie plusieurs heures plus tard à une trentaine de kilomètres de l’endroit où il l’avait cueillie. Heureusement pour elle, ce pédophile cherchait plutôt un petit garçon pour assouvir ses bas fantasmes. Il ne lui ait donc rien arrivé de terrible outre le spectacle douteux qui s’est déroulé sous ses jeunes yeux.
Je réfléchis à toutes ces histoires et je suis triste. Je pense à Cédrika Provencher qui jouait simplement au parc et qui a eu moins de chance que mon amie. Je regarde mes filles et je me questionne.
Comment dois-je agir avec elles? Que dois-je leur dire? Leur enseigner? La solution est-elle de les enfermer dans mon sous-sol jusqu’à leur majorité (et encore… on se rappellera Julie Boisvenu et Isabelle Bolduc)? Je ne sais pas quoi faire. Vous le savez vous?

09 août 2007

À la conquête du monde

Ça y’est. Ma décision est prise. Ma demande de congé sans solde est signée. Le montage financier est cours de réalisation. Les dates sont choisies. Bref, il ne reste plus qu’à boucler nos valises et à partir à la conquête du monde, mes puces et moi.
Trois mois à découvrir d’autres cultures. Douze semaines à goûter d’autres saveurs, à sentir de nouvelles odeurs et à écouter des mélodies toutes neuves à nos oreilles. 84 jours pour s’imprégner de souvenirs pour toujours.
Alors, le 15 juin 2009, Maxim, Félixe et moi mettront le cap sur le Mexique. Suivront le Brésil, le Pérou, le Chili. Nous traverserons l’Atlantique pour aboutir en Afrique. Maxim veut voir le Sénégal, Filou les pyramides d’Égypte et moi j’aimerais bien faire un petit tour de chameau. Tant qu’à être dans le coin, pourquoi ne pas faire provision de beurre de karité au Mali?
Finalement, on traversera le détroit de Gibraltar pour aboutir en Espagne et assister à une corrida. Faire un petit détour vers le Portugal et boire un porto. Ensuite, l’Italie et le Vatican, la tour de Pise, le Colisée, un tour de gondole à Venise seront à notre agenda.
Si le temps nous le permet, on en profitera pour aller se saucer le gros orteil dans la mer Adriatique, en Croatie.
Puis, on en profitera pour aller saluer ma cousine Karine à Paris sans oublier d’aller immortaliser le sourire de Filou devant la tour Eiffel.
Notre dernière escale sera à Londres. Je me meurs de voir Buckingham Palace, la Tour de Londres et le Dali universe.
Douze semaines, douze pays. Une douzaine estampes différentes sur nos passeports. Mais ô combien souvenirs qui se graveront dans l’esprit de mes toutes-petites. Une expérience unique, mais tellement enrichissante.
Un désir de voir le monde avec mes puces qui s’est pointé à New York et qui s’est confirmé à Cape Cod. Dès notre retour, je leur exposais mon plan et les deux ont embarqué là-dans à 100 miles à l’heure.
J’ai envie de montrer le monde à mes poules. Qu’elles puissent voir que des enfants au Pérou peuvent jouer au soccer avec des cailloux les pieds nus tout en ayant le sourire. Qu’elles puissent ouvrir leurs papilles gustatives à d’autres saveurs. Qu’elles puissent admirer des chefs d’œuvres de la nature. Que leur esprit s’ouvre à autre chose qu’à leur petit nombril.
Depuis, je me gave de lectures sur des familles qui ont entrepris un voyage au tour du monde. Je cherche le net des conseils sur l’opération. Je lis des histoires inspirantes de gens qui ont tout laissé pour aller voir de l’autre côté de la planète si les enfants vont à l’école, comment grands sont les éléphants et où vivent Lilo et Stich.
C’est donc avec impatience que nous attendons l’ouverture du Festival des traditions du monde, ce mercredi, afin de s’imprégner tranquillement des splendeurs qui nous attendent en 2009.

31 juillet 2007

Regrette-t-on nos folies?

Oscar Wilde disait que les folies sont les seules choses qu'on ne regrette jamais. C’est peut-être à lui que pensait mon copain Hugues la semaine dernière lorsqu’il a acheté, sur un coup de tête et à moins de trois heures de l’événement, un billet pour le show de The Police. Et ce n’est pas le coût monstrueux du billet qui l’aurait fait reculer.
« Ce n’était pas abordable, mais quand je serai vieux, en chaise roulante au foyer et que j'observerai attentivement ma voisine tricoter, je ne me souviendrai plus du prix exorbitant du billet, mais bien du fun que j'ai eu ce soir-là », m’a-t-il raconté le lendemain.
Pas fou, pas fou la pensée du copain.
Ça vous est déjà arrivé de vous lever un matin avec un goût de viennoiseries? Et tant qu’à avoir le goût d’engloutir ces pâtisseries, pourquoi ne pas aller en plein cœur de l’Autriche pour les savourer? Vous êtes déjà allé frapper des balles à Myrtle Beach parce qu’ici il pleuvait? Avez-vous déjà sorti 200 $ de votre portefeuille pour un cd de votre groupe préféré enregistré à Tokyo?
Peut-être est-ce un saut en parachute, une virée en Ouzbékistan ou l’achat d’une décapotable qui a été votre plus grande folie? Est-ce que ç’a été de tout abandonner ici pour retrouver votre Français d’amoureux à 6 000 km de votre terre natale? Est-ce que vous avez quitté votre emploi-permanent-bien-payé pour retourner aux études?
Dites-moi, avez-vous des regrets? Disait-il vrai ce grand écrivain?
Je cherche quelle a été ma plus grande folie. J’hésite, il y en a une tonne.
Un matin, je racontais à mon amoureux du temps un voyage étudiant fait dans la Grosse Pomme. Le soir même, nous soupions à Manhattan.
Alors que mon prêt étudiant tardait à rentrer, qu’il n’y avait à peu près rien dans le frigo, j’ai dépensé une petite fortune pour une salopette Tommy Hilfiger pour le premier anniversaire de ma grande. C’était complètement débile de dépenser 75$ pour un morceau de jean qu’elle a porté quelques semaines, je sais. Mais encore aujourd’hui, je me souviens d’elle avec ses petits poings en l’air exécutant ses premiers pas. Elle était tellement mignonne.
Il y a bien sûr la fois où je me suis tapé un aller-retour à Québec dans la même soirée pour aller voir les Red Hot Chili Peppers en show. Ça m’a pris quelques jours à récupérer, mais maudit que c’était bon!
Je ne regrette pas du tout l’idée que j’ai eue de prendre une femme de ménage à la maison. Chaque fois que je reviens chez moi et que la maison est « spik n’ span », je jubile. Quelle belle folie!
En plein milieu de mon bac, je me suis retrouvée avec un bébé dans le bedon. Malgré les conseils de tous et chacun, même si, selon plusieurs, je prenais le chemin de la misère et même si on m’a fait voir les pires scénarios, j’ai choisi de prendre rendez-vous au Centre de maternité plutôt qu’à la Clinique de planification des naissances…
Ouep. Je pense que c’est ça ma plus belle folie : Maxim. Samedi dernier, je fêtais d’ailleurs le neuvième anniversaire de cette folie. Une folie que je n’ai, jamais, au grand jamais, regrettée. Une folie qui me fait rire chaque jour. Qui donne des câlins à profusion. Une folie qui me fait voir la vie autrement depuis près d’une décennie maintenant. Qui chaque jour me donne envie de foncer en avant.
Il disait vrai Oscar Wilde. Vraiment.

24 juillet 2007

En avance le Québec?

Je dis souvent que je suis « full bilingue » après avoir avalé deux bières. À ce moment, je suis d’une fluidité étonnante dans la langue de Shakespeare, une facilité que je n’ai pas en temps normal. Je peux soutenir une conversation sans problème, jaser politique, analyser les dernières conneries de Britney ou de Paris comme si on jasait en français.
Par contre, quand aucune goutte d’alcool ne se promène dans mes veines, j’ose à peine ouvrir la bouche. Sauf les « sorry » et « number three with Coke please » que je m’efforce de dire par obligation dans certains moments importants, je me tais.
Mais samedi dernier, alors que je me promenais à Provincetown, une petite bourgade de 3 500 personnes, qui sont en majorité gaies, située complètement à l’extrémité de Cape Cod, j’ai laissé ma gêne à l’hôtel et j’ai discuté avec des gens très sympathiques.
J’ai été étonnée d’apprendre que le Québec est fort connu dans cette région du Massachusetts et pas parce que nous débarquons en masse pendant les vacances de la construction.
Premièrement, grâce au restaurant The Outer Crepe. En effet, la chef de l’endroit est Québécoise. Sylvie Richard fait d’ailleurs flotter fièrement, devant de son resto situé sur Commercial Street, un fleurdelisé rappelant ses origines.
Mais la Belle Province est reconnue surtout pour l’ouverture que ses habitants ont face aux homosexuels. En tout cas, c’est ce que j’ai appris samedi dernier alors que j’ai mis les pieds dans une boutique.
À première vue, ce magasin semblait être ce qu’il y a de plus commun : t-shirts, stylos et autres babioles se retrouvaient sur les étagères. Mais les profits de la vente des trucs de cette boutique vont directement à l’organisme Human Rights Campaing qui œuvre pour que les gais, lesbiennes, bisexuels et transgenres aient les mêmes droits que les hétérosexuels.
J’ai été attirée rapidement par de grands graphiques qui ornaient un des murs de l’endroit et qui représentaient des cartes des 50 États du pays sur lesquels on pouvait y apprendre des trucs fascinants sur le pays de l’Oncle Sam. Comme que le Massachusetts est le seul État américain où le mariage entre personnes de même sexe est légalisé. Pour le moment, l’union civile (et non le mariage) est acceptée dans quatre autres États (Vermont, Connecticut, Californie et New Jersey) et en 2008, le New Hampshire et l’Oregon leur emboîteront le pas.
Le commis de l’endroit s’est donc empressé de me dire que les Américains avaient beaucoup de croûtes à manger avant d’arriver au même stade que le Québec en ce qui concerne l’acceptation de l’homosexualité. Qu’il rêvait que son pays en arrive là.
Là, j’étais bouche bée. Vraiment.
C’est là que j’ai sorti mon anglais. « Oui, Monsieur, le mariage entre personnes de même sexe est légal depuis 2004 au Canada, mais cette loi n’a pas été votée si simplement. Mon propre député s’y est opposé! Et aux dernières élections, notre actuel premier ministre a fait sa campagne sur l’idée de reprendre le vote sur cette question à la Chambre des communes! »
Il m’a montré les graphiques. « En Floride, les couples gais ne peuvent adopter d’enfants, les homosexuels n’ont aucune loi les protégeant face à la discrimination dont ils peuvent être victimes, aucune loi ne protège les gais et lesbiennes qui se voient refuser un poste d’enseignant à cause de leur orientation. De tels exemples sont nombreux aux États-Unis. Au Québec, vous avez tous ces droits et lois qui protègent les homosexuels. C’est déjà extraordinaire. Le premier pas est fait. Le reste suivra. Ici, nous en sommes encore loin », m’a-t-il dit tristement.
Peut-être avons-nous des lois et des droits qui protègent les gais et lesbiennes. Mais pouvons-nous accepter qu’un homosexuel enseigne à nos enfants? Quelle est votre opinion concernant les couples gais qui adoptent un bébé? Comment réagissez-vous quand vous voyez deux hommes se tenir par la main? Les réponses parlent d’elles-mêmes…

16 juillet 2007

La terre a cessé de tourner...

La terre a cessé de tourner lundi matin.
Il y aurait eu un attentat terroriste au Carrefour de l’Estrie, ça n’aurait pas été pire. Il y aurait eu un ouragan de force 12 balayant les trois quarts des maisons sherbrookoises sur son passage, nous n’aurions pas été autant désemparés. Une véritable épidémie de grippe aviaire aurait amené la majorité des habitants de la ville à l’hôpital qu’on n’aurait pas autant paniqué.
Vraiment, la terre a cessé de tourner.
Parce qu’on s’entend que d’être incapable de se connecter à son courriel Hotmail, que de ne pas pouvoir se brancher sur MSN pour jaser de la pluie et du beau temps avec ses amis ou encore de ne pas pouvoir consulter Météomédia pour connaître les prévisions à long terme à Cape Cod, c’est terrible pour ne pas dire impossible à vivre.
Une grave panne de fibre optique a coupé la moitié du Québec du reste de la civilisation lundi matin. Le bris d'une pièce dans une centrale de Bell de l'Ouest de Montréal serait à l'origine du problème. Une grande partie des Québécois ont été isolés, incapables d’entrer en communication avec l’autre moitié de la province. Le drame.
Des milliers de consommateurs n’ont pu utiliser leur Visa pour payer leurs achats. Il était impossible pour d’autres de retirer des sous au guichet automatique. La panique.
Être coupé de l’Internet, c’est aussi pire que manquer d’oxygène. C’est aussi grave que d’être privé de l’amitié de Snoopy pour Charlie Brown. C’est aussi paniquant que d’arriver au bout de sa méthadone pour un héroïnomane. Et c’est sans parler de l’humeur de mes collègues qui étaient incapables de visionner le dernier Têtes à claques… ;-)
Bref, c’était l’enfer lundi matin.
Nous étions inquiets. Cette panne serait-elle longue? J’attendais des réponses à des demandes d’entrevues par courriel. Je voulais entrer en contact avec une personne, mais c’était mission impossible : ses coordonnées étaient dans mon Outlook. J’étais complètement prisonnière de ma dépendance au Web.
Les six heures qu’a duré cette panne du cyber espace m’ont paru comme six jours, voir six mois. J’étais dysfonctionnelle. Complètement invalide.
Dites-moi, vous faisiez comment avant?
Comment faisiez-vous pour respirer sans connaître les prévisions météo à toutes heures du jour?
Comment réussissiez-vous à vivre sans suivre l’évolution de votre compte bancaire minute par minute?
Comment était la vie quand vous deviez vous contenter du bulletin de 18h pour connaître les nouvelles de la journée?
Je sais, il y avait une vie avant l’arrivée de l’Internet. Je me souviens encore de ma mère qui s’était pointée dans notre salon en 1994 en clamant haut et fort : « C’est décidé, je nous branche à l’Internet! » Nous l’avons tous regardée en se demandant qu’elle mouche l’avait piquée. « L’Inter quoi? », lui avions-dit.
Même avec notre modem 6 900kps d’une lenteur illégale aujourd’hui, nous avons tout de même été rapidement enchantés par les possibilités que nous offrait ce nouveau moyen de communication. De pouvoir visiter l’usine de Lego, d’admirer les œuvres du Louvre ou de contempler le coucher de soleil de Sidney en direct de notre salon nous laissaient complètement béat d’admiration et ce, même si la boule jaune prenait une demi-heure à apparaître sur notre écran. Nous étions contaminés. Le monde s’offrait à nous!
Nos modems ont évolué tout comme la place qu’occupe cet outil de communication dans notre quotidien. Même si nous respirions avant 1994, jamais je ne retournerais en arrière. Même si j’aurais aimé mieux ne pas voir que Météomédia annonce de l’orage à Cape Cod alors que j’y serai le prochain week-end…

10 juillet 2007

Les mamans sont difficiles à comprendre

Les mamans sont difficiles à comprendre. Vraiment.
Alors qu’elle court à gauche et à droite pour satisfaire les besoins de ses enfants, la maman rêve du jour où elle pourra se la couler douce.
Pendant qu’elle prépare les 21 repas nécessaires à l’épanouissement physique et mental de sa marmaille tout en respectant les indications du nouveau Guide alimentaire canadien et en jonglant avec les restrictions alimentaires de son plus jeune, imposées par des allergies sévères, et par celles de son plus vieux, exigées par ses préférences, elle fantasme sur un souper au resto où la seule tâche qu’elle aura à faire se résume à désigner quelle table d’hôte se retrouvera devant elle.
À l’instant où elle dessert la table, où elle frotte les chaudrons collés, où elle empile les assiettes dans le lave-vaisselle, où elle divise les restes entre les lunchs du lendemain, le bac à compost et la poubelle, elle songe qu’il serait merveilleux que la besogne du souper se termine avec la dernière bouchée avalée.
Le scénario se répète quand elle se rend dans la salle de lavage. Le foncé dans ce coin, le pâle ici, le blanc là bas. Elle sort le Shout et tente de faire la guerre aux tâches de gazon qui ont trouvé refuge sur les genoux du pantalon de la plus jeune et aux souvenirs de spaghetti laissés sur le chandail de l’autre. Si ce n’était que ça le boulot. Elle détourne le regard vers la sécheuse qui accueille pas moins de trois brassées de linge suppliant d’être pliées et rangées dans les tiroirs de la marmaille. Elle soupire en implorant le ciel qu’un scientifique se penche au plus vite sur la question afin d’inventer une machine qui détache-lave-essore-sèche-plie et range tout ce bazar! L’heure du bain a sonné. La maman se défait les genoux sur les carreaux de céramique pour laver les beaux longs cheveux de son ainée. Elle se brise le dos pour décrasser son bébé de son séjour dans le carré de sable. Pendant qu’elle frotte les ongles sales de sa marmaille, elle rêvasse à son prochain séjour dans le bain qui durera plus de cinq minutes et qui ne sera pas entrecoupés par le bruit du téléphone qui sonne, par les cris du bébé qui refuse de dormir ou par les plaintes de la grande qui veut un dernier verre d’eau.
Avant d’aller rejoindre Morphée, la maman se fait un devoir de lire quelques histoires à ses amours. C’est prouvé, plus les enfants sont mis en contact tôt avec les livres, moins ils décrochent et meilleurs ils sont à l’école. Alors, elle lit et relit d’interminables contes qui feront d’eux de véritables génies. Au moment même où elle imite la voix de Caillou qui a la varicelle, la maman tente de se rappeler la dernière fois qu’elle a lu un livre en entier (le manuel d’instruction de la nouvelle laveuse frontale ne compte pas) et n’y parvient pas. Elle se souvient de ces samedis passés à bouquiner à la librairie. Des ces jaquettes de livres qu’elle caressait. De l’odeur de ces pages fraîchement imprimées. Et du beau commis de la section des romans québécois. Tout ça, c’est si loin. Mais ce n’est pas grave, parce qu’au moins les loulous aimeront la lecture…
Et quand le moment tant attendu, désiré, souhaité, voulu se pointe. Quand l’opportunité de prendre un succulent repas en tête à tête se présente, quand la chance de passer la nuit à l’extérieur du domicile familial sans vaisselle à faire, bain à donner, repas à préparer, vêtements à laver, qu’est-ce qu’elles font les mamans?
Elles parlent de leurs enfants. Elles se rappellent les frasques de l’une, les jolis minois de l’autre. Elles appellent la gardienne pour être certaines que tout va pour le mieux. Elles se réveillent aux aurores pour aller les récupérer le plus rapidement possible. Et elles ne profitent pas pour deux cennes de ce week-end de rêve.
Pathétique? Non. Tout simplement admirable.

03 juillet 2007

Entre Sherbrooke et New York....

Les rues sont désertes. Pas d’embouteillage aux coins des rues. Aucun bruit de klaxon n’est perceptible à l’oreille. Je marche en plein centre-ville et je n’accroche personne. Je ne me fais pas accoster à tous les pas pour acheter une montre ou des lunettes. Je n’ai pas peur que Filou se fasse kidnapper. Toute cette verdure en pleine ville m’impressionne. Je suis capable de voir le ciel peu importe où je me trouve. Je n’ai aucune crainte de perdre Maxim dans la foule. Les commerces ne brillent pas de mille feux. Le pire? Aucun smog à l’horizon. C’est mort. J’ai l’impression d’errer dans un village fantôme.
Il ne m’a fallu que quatre jours à Manhattan pour perdre tous mes repères de Sherbrookoise. Il ne m’a fallu que 92 heures dans la grosse pomme pour croire que c’est normal d’entendre des klaxons aux deux secondes, pour supposer qu’une ville doit avoir un nombre important d’itinérants pour se respecter, que si un commerce a du succès il doit avoir une enseigne grosse comme ça qui clignote à rendre tous les passants aveugles.
Ça ne prend même pas une semaine pour s’adapter à un nouvel environnement. En moins de deux, je suis devenue autant New Yorkaise que Carrie Bradshaw dans Sex in the city. Je me foutais éperdument de préparer les repas. J’achetais tout cuit au deli du coin de la rue. Je ne marchais plus dans les rues, je sprintais! J’étais même agacée par ces vendeurs de babioles contrefaites qui m’interceptaient à tout moment.
Rapidement, je me suis habituée à ne voir des arbres que dans Central Park et du béton dans le ciel. Ma saturation sanguine s’est adaptée rondement au manque d’oxygène et à l’abondance de gaz carbonique dans l’air.
L’adaptation s’est aussi très bien passée pour mes loulous. Elles n’ont pas du tout boudé devant l’absence de cours de français et de mathématiques dans leur grille horaire. Elles ont accueilli avec joie les visites à l’American Museum of Natural History et à la Statue de la Liberté. Elles n’ont pas rechigné à l’idée de manger au resto à longueur de semaine. Elles ont applaudi quand j’ai proposé une virée au Toys’r’us et au M&M World. Filou a plutôt bien accepté l’idée de dormir avec maman à l’hôtel. Et la balade en limousine n’a rendu personne malade.
J’étais au 86e étage de l’Empire State Building. Je regardais les milliers de gratte-ciels devant moi et je repensais à cette conversation que j’avais eue avec Martin Chaput qui m’incitait à voyager avec mes enfants. Et puis, mon regard s’est tourné vers Filou qui était complètement renversée que les autos soient si petites. Je me suis retournée vers Maxim qui semblait ébahie face à ce spectacle qui s’offrait à elle. Et j’ai respiré un grand coup. Vraiment, j’ai bien fait de mettre mes peurs de côté et de foncer vers New York avec mes filles.
Maintenant, je prépare une virée à L.A., en Louisiane, à Seattle, à Washington, à Boston et en Australie pourquoi pas? Parce que comme Martin disait, on s’adapte tous plutôt bien.

19 juin 2007

J'en ai ma claque!



Vraiment je commence à en avoir ma claque.
Ils me tapent tellement sur le système, vous n’avez pas idée. Dès que j’entends leur voix, je grince des dents, je tape du pied, je soupire.
Si par malheur, je croise leur regard, je lève les yeux au plafond, je bougonne, j’hurle mon indignation.
Je soupire de désolation quand mes collègues de bureau s’émerveillent devant leur dernière prestation. Je me sauve en courant quand je vois apparaître sur mon écran ces personnages aux allures hirsutes.
Je déteste les Têtes à claques. Incontestablement. Hors de tout doute raisonnable.
Je ne trouve pas drôle leurs répliques. Je m’emmerde devant leurs dialogues.
Je sens, par contre, que je suis pas mal toute seule dans ma bande. Suis-je une espèce en voie d’extinction? Peut-être devrait-on m’enfermer dans un zoo où des milliers de Québécois pourraient m’observer!
Au début, j’avoue que j’ai été impressionnée par le phénomène. Parce que l’on doit parler ici de véritable phénomène. À moins qu’un profond coma vous empêche de vous ruer sur Internet pour vivre leurs aventures, vous connaissez les quelques personnages animés qui font mourir de rire des millions de francophones à travers le monde.
J’admets avoir été charmée quand Filou m’a dit : « Je veux des Pop Tarts! » Mais le charme n’a pas opéré longtemps. Rapidement, j’ai flushé l’adresse du site de notre liste de favoris!
La première fois qu’on m’a appelée « Ti-papoutes », j’ai ris. Mais plus maintenant. Trop c’est comme pas assez. À trop embrasser, on mal étreint que l’on dit non?
Mais là, de voir mes collègues de bureau massés devant un ordi, jour après jour, à rigoler devant les nouvelles niaiseries de cette bande d’insignifiants, ça m’énerve. Fini l’époque où l’on perdait notre temps devant la machine à café à potiner sur les dernières conquêtes d’un tel ou l’époque où nous analysions les agissements d’un tel politicien. C’est une époque révolue. Maintenant, on imite le dernier sketch de ces personnages aux dents de cheval et on se bidonne. Quelle avancée sociétale!
Est-ce ça le 21e siècle?
Si ce n’était que les histoires de Raoul ou de Johny Boy diffusées sur le Net, mes nerfs pourraient sûrement le supporter. Mais malheureusement, ce n’est pas le cas. Cash oblige.
Car maintenant, les 2,2 millions de Québécois qui suivent les « palpitantes » histoires de l’Oncle Tom chaque mois peuvent dorénavant se rassasier devant leur cellulaire qui diffusent depuis peu leurs capsules.
Ils peuvent les entendre dans les pubs de Bell à la télé à défaut de les voir dans une véritable info-pub où l’on pourrait acheter l’un de ces super Willie Waller 2006. Mince consolation?
Ce n’est pas assez semble-t-il, parce que maintenant on peut boire de la liqueur Têtes à claques. « Moi aussi, moi aussi », j’en veux. Je n’ai pas envie de voir le crème soda à Monique ou l’orangeade à Raoul sur ma table de salle à manger! Pour votre information, on espère vendre 600 000 unités de ces boissons cet été seulement!
Kellogs a même récupéré le succès en organisant un concours où le gagnant sera approvisionné en Pop Tarts pendant un an… Et c’est sans compter le DVD qui sera disponible à mettre sous les sapins à Noël prochain.
Depuis quelques jours, je vois des t-shirts d’un orange douteux illustrés des TAC se promener sur des corps d’enfants, d’ados, mais surtout d’adultes!
Le comble? Ce restaurant de sushis sherbrookois qui imite la voix des TAC dans leur pub radio. « En veux-tu des sushis? » Ridicule!
Ils valent peut-être 12 millions de dollars (selon l’estimation de la société Advisio), mais selon moi si on persiste à nous inonder l’esprit de la présence des TAC, la compagnie aux yeux globuleux ne vaudra plus rien bientôt… Et c’est mes nerfs qui seront ravis.

11 juin 2007

Le radar à morons

Les prochaines lignes sont tirées d’une conversation que j’ai eue dernièrement avec une copine. La fille en question vient tout juste de rajouter une nouvelle case à son agenda déjà sensiblement rempli : David.
Un blind date qui a fonctionné. Il paraît que ça arrive. Ici, c’est le cas. Le mec en question plaît énormément à mon amie. Et ça semble réciproque. Alors, ils se courriellent, s’envoient des textos, se téléphonent parfois. Les nouveaux amoureux vont au resto, au cinoche, font de la moto. Ils prennent de longues marches et se racontent leur vie dix fois. Les trucs usuels en début de relation.
Elle a les yeux qui pétillent. Il a le sourire facile. Elle rougit à chaque regard qu’il pose sur elle. Il aime la faire rougir. Elle fait le saut chaque fois que son cellulaire sonne. Il vit avec des papillons au ventre depuis qu’ils ont partagé leur premier déjeuner. Ils sont adorables quoi.
Mais ça, c’est ce que l’on voit en apparence. Quand on met nos lunettes chercheuses de problèmes, on voit que ça cloche. C’est que la copine ne s’investit pas vraiment, ne se laisse pas aller. Elle a construit une immense barrière infranchissable entre lui et elle. « Pas question qu’il me fasse de la peine lui! »
Ouf.
Pourtant, il lui plaît. Il est ce qu’elle recherche. La copine croit que David est ce qu’elle a toujours attendu. « J’ai peur de me laisser aller. Qu’il me juge. J’ai peur qu’après le tout-beau-tout-neuf des débuts, que je m’aperçoive qu’il est manipulateur, jaloux, contrôlant, alcoolique, joueur compulsif, infidèle et quoi encore? J’ai peur! »
Inquiétude maudite!
Je lui ai donc parlé du radar à morons. Ou du détecteur d’épais. Un truc qui n’est recensé dans aucune encyclopédie médicale. Un merveilleux outil qu’il est impossible d’acheter des Rona. Mais qui vient avec notre naissance en même temps que notre bagage génétique. Il est là. En dedans de nous. Il suffit de l’utiliser. Notre radar à morons n’attend que ça que de rendre service.
« Pense-y comme il faut. À chaque fois que tu as croisé un moron sur ta route, qu’un épais a voulu entrer dans ta vie, tu lui as fermé la porte au nez. Ton radar t’avait averti. Tu l’as écouté et tu es passé au dossier suivant. Pourquoi la panique maintenant? »
La grande question!
Elle a réfléchit quelques jours. Le téléphone a sonné hier. C’est la copine qui m’annonçait que j’avais raison. Qu’elle était bien habile dans l’utilisation du radar à moron. Elle l’a mis en marche pendant la semaine.
Il n’a pas sonné. La lumière rouge ne s’est jamais allumée. Rien. Son détecteur à crétin a démontré que tout était sous contrôle. Elle lui a fait confiance et aujourd’hui, ils coulent des jours heureux. Peut-être irons-nous aux noces avant longtemps.

04 juin 2007

Voici Proulxville!




Voici Proulxville.
Pour l’instant, je l’admets, on n’y voit pas grand-chose. Ce n’est pas qu’un tas de terre et de roches. C’est très gros ce qu’on peut y voir. C’est gigantesque même! Usez de votre imagination. Faites aller vos méninges. Vous verrez, vous y trouverez un petit royaume.

Au départ, Ce n’était qu’une boutade envoyée à mes sœurs en février. Une plaisanterie qui nous faisait rêver.
Puis mes parents ont embarqué dans le projet. Et c’est devenu plus sérieux. Le projet, qui a pour nom de code « Proulxville », a véritablement pris forme lorsque la banque nous a faxé notre approbation hypothécaire. C’était chose faite. Nous pouvions construire notre quadruplex familial.
On a tous mis des pancartes à vendre devant nos maisons. On s’est croisé les doigts. On a prié. On a fait bruler des lampions. On a frotté des ti-pattes de lapin. Pis on a tous lu Le Secret d’une couverture à l’autre.
Ça fonctionné!
Mon jumelé a trouvé preneur en moins de dix minutes! Oui oui! Une simple petite annonce sur le Net et un seul visiteur et voilà que ma maison était vendue. Ouf! La première étape était franchie. Nous étions lancés!
Quelques semaines plus tard, c’était au tour de ma sœur d’accepter une offre d’achat. Voilà toutes les conditions exigées par la banque étaient remplies. Nous pouvions acheter notre pelle pour procéder à notre première pelletée de terre officielle!
En attendant que notre future demeure prenne forme, je fais des boîtes, des boîtes et des boîtes. Ce qu’on peut en accumuler de la cochonnerie en dix ans! À mettre ma vie comme ça dans des cartons, je vous garantie que je passe par toute une gamme d’émotions.
En paquetant les vêtements des filles, je suis tombée sur le pyjama que Filou portait le jour où elle est arrivée dans sa maison, et j’ai le cœur serré de la voir si grande maintenant. En vidant le meuble du salon, j’ai regardé les albums photos qui me rappellent les nombreuses couleurs qui ont couvert les murs de la cuisine : de l’orange Crush, du jaune Rona, du bleu nuit, du bourgogne, du beige, du rouge sangria. Ça me fait vraiment rire de penser qu’un jour, j’ai vraiment aimé le orange Crush! Ouf!
Quand j’ai vidé la garde-robe où se trouvent tous mes outils, je me suis rappelé les bons moments passés avec mon père à rénover cette maison. Maintenant, je sais manier un pistolet à clous, une scie à onglet. Je sais installer du plancher flottant et de la céramique. Je suis quand même fière de tout ce boulot que nous avons abattu ensemble.
Mais maintenant, il est temps d’avancer. De passer à autre chose. De regarder bien en avant. De ne plus regretter le passé. Parce que dans un avenir pas si lointain, dans trois mois pile poil, Proulxville sera beaucoup plus qu’un poulailler où mon père aura toutes ses poules autour de lui. Notre basse-cour fera des petits et d’ici quelques années, chaque membre de la tribu Proulx aura son propre quadruplex.
Et à tous ceux qui nous questionnent à savoir si c’est un véritable projet que Proulxville. Oui c’est vrai! On appelle ça la force de l’union!

29 mai 2007

Petite scène de la vie quotidienne...

Voici le récit d’une petite scène très banale tirée de ma dernière semaine de vie. Une discussion ordinaire entre Julie, Martin et moi. Une jase entre parents souvent dépassés par les événements occasionnés par leurs petits marmots. Quoi de plus banal?
C’est Julie qui a initié la conversation. La nouvelle maman, qui peut compter ses heures de sommeil sur une seule main, se questionnait à savoir comment faisaient les nouveaux parents pour voyager avec de jeunes enfants.
Moi j’en ai rajouté en disant comment j’avais hâte de pouvoir trainer ma marmaille un peu partout avec moi sans avoir peur au kidnapping ou à la crise au milieu du musée. Que j’avais hâte de faire découvrir le Rocher Percé, la Tour du CN, les Rocheuses à mes héritières. Mais malgré ma hâte à faire le tour du monde avec Maxim et Félixe, je me devais d’être patiente. Elles étaient encore petites selon moi. Que je me contenterai du camping de Lac Mégantic cet été encore.
Martin faisait non de la tête. Il n’était définitivement pas d’accord avec nous le papa de deux ados. « C’est maintenant que vous devez en profiter. Pas l’année prochaine. Maintenant. Vous verrez, rapidement ce sont vos enfants qui ne voudront plus vous suivre. Il faut le faire maintenant alors qu’ils ont envie d’être avec vous. Et surtout, c’est qu’on ne sait jamais ce qu’il peut nous arriver. Vous allez voir les filles, c’est facile et en plus vous vous construirez des souvenirs pour toute la vie. »
Puis, il nous a raconté les quelques voyages qu’il avait à son actif avec sa marmaille. Ses yeux brillaient. Son sourire éclatait. Son enthousiasme était contagieux. Nous avions envie, Julie et moi de sauter sur le téléphone et de réserver pour un safari en Afrique, pour un trek au Guatemala ou pourquoi pas pour une descente en rafting de la rivière Colorado.
Cet épisode banal de ma petite vie l’est resté. Jusqu’à vendredi.
Le Martin en question est l’animateur de Rythme-FM. Celui qui a perdu la vie en frappant avec sa voiture un orignal à la fin de la semaine dernière.
D’ordinaire, cette conversation est devenue des plus importantes pour moi. Ses paroles lancées entre deux interventions à la radio résonnent d’ailleurs encore dans ma tête.
Il avait raison Martin. C’est quoi cette foutue peur qui nous tenaille et qui nous empêche de foncer? À quoi sert l’attente, la remise des projets au lendemain, si la certitude que nous y serons n’est pas là?
C’est décidé. Mes vacances estivales prévues avec ma petite marmaille ne se dérouleront pas sur le bord du lac Mégatic à faire des châteaux de sable et à griller des guimauves sur le feu de bois.
Nenon.
Nous prendrons la route 91 en direction de la Grosse pomme. J’irai montrer la Statue de la liberté à Filou. J’expliquerai à Maxim ce que Chapman a fait à Lennon en face du Dakota building. Nous marcherons dans Central Park. On magasinera chez FAO Schwartz, le paradis du jouet ou encore au Disney Store de neuf étages. Nous irons faire un brin d’histoire à Ground Zero. Nous dînerons à Greenwich Village et souperons dans l’univers chinois.
Et tant pis s’il y a une crise au Metropolitan Museum of Art. Les guides en auront certainement vu d’autres. Mais moi, j’aurais vu tellement plus dans les yeux des mes deux filles. Pour le reste, j’ai confiance.
Bonne route Martin et merci pour cette petite jase. Nous aurons une pensée pour toi en haut de l’Empire State Building.

14 mai 2007

Gucci et la vie à deux

Quand ma sœur est débarquée chez moi avec sa valise, elle n’est pas arrivée seulement avec ses bobettes et son shampoing pour mèches blondes. Il y avait aussi une petite bête à poil de quatre pattes qui jappait derrière elle. Sans que je m’en rende compte, ce petit Yorkshire terrier de sept livres allait complètement changer ma vie.
Parce que ma sœur n’est pas souvent à la maison, les besoins de Gucci se sont ajoutés à ma longue liste de besognes. Une espèce de tâche connexe comme on pourrait dire. Alors, c’est à moi qu’est revenue la responsabilité de sortir le pitou le matin venu, de remplir ses bols de nourriture et d’eau et de le coucher dans sa petite maison lorsque le soleil va voir ailleurs s’il y est.
Au départ, l’idée de voir à l’entretien d’un chien en plus de m’occuper de mes loulous était loin de faire mon affaire. Mais, je me suis fais prendre au jeu.
On s’est trouvé un terrain d’entente tous les deux. Il ne prend pas mon plancher de bois franc pour une litière et en échange, j’accepte volontiers de jouer à « ramène » avec lui. J’adore revenir à la maison et le voir, là sur le pas de la porte, à m’attendre. J’aime lui dire « auto » et le voir courir vers ma voiture où on partagera une balade ensemble.
Quand les filles ont déserté le salon pour rejoindre leur chambre pour la nuit, Gucci vient coller ses petites fesses à côtés des miennes et on regarde la télé ensemble. Quand je préfère l’ordi, il s’installe à mes pieds. Si j’ai envie de lire dans le bain, Gucci se couche tout simplement sur le tapis et attend patiemment que je sorte de l’eau.
Quand Gucci s’ennuie, il met sa tête sur ma cuisse. C’est le signe qu’il veut se faire flatter ce que je fais sans broncher. Quitte à passer pour une folle, je lui parle. Je lui raconte mes journées. Je le questionne sur la sienne. Il ne comprend probablement rien à ce que je radote, mais bon, je n’en fais pas grand cas.
Inévitablement, quand sonne les 21h, le chien se lève et va se placer tout juste devant l’armoire où le pop corn est rangé. Si je ne comprends pas le message, il pleurniche un tout petit peu. J’abdique à tout coup et je fais sauter des grains de maïs soufflé dans le micro-onde. Pendant les deux minutes que durent le temps de cuisson, Gucci ne bouge pas d’un poil et attend patiemment le régal qui viendra. Ensuite, je profite de la situation pour lui faire faire le singe. Il roule, fait le beau, donne la patte, l’autre patte, se couche, bref il ferait n’importe quoi pour obtenir un de ces pop corn.
Bref, une belle complicité s’est installée entre nous deux au fil du temps. Mais samedi soir, j’ai senti que quelque chose avait changé entre nous deux. Pendant que je préparais mon souper, il a levé le nez sur une coupe de vin rouge. Il n’a pas touché à son assiette de poulet à la moutarde de Dijon. Il a profité du fait que j’avais le dos tourné pour aller jouer dans le salon. Le comble? Il s’est endormi pendant qu’on écoutait Grey’s anatomy. Soupir.
Après trois ans de célibat pur et dur, la présence de Gucci chez moi a fait beaucoup plus que me désennuyer. Elle m’a rappelé comment la vie à deux pouvait être agréable. Et comment ça me manquait…

09 mai 2007

La faute aux médias?

C’est la faute aux médias qui disent.
Si nos pré-ados se promènent le nombril à l’air. Si nos ados portent des jupes « aura le pompon », c’est la faute aux médias.
C’est à cause des photos de mode des magazines si nos filles ne veulent rien mettre d’autre que des bretelles spaghetti et des g-strings.
C’est parce que les éditeurs manipulent l’industrie de la mode que les demoiselles lèvent le nez sur les vêtements sur lequel on ne retrouve pas les mots Roxy, Billabong, Mexx, Point Zero.
C’est parce que les émissions de télé sont peuplées de pré-pubères juchées sur des talons de deux pouces que nos loulous ne veulent plus rien savoir des running shoes.
Vraiment, c’est la faute aux médias. Aux méchants médias. Voici donc le seul coupable, le seul responsable de l’hypersexualisation des adolescentes.
Vraiment?
C’est un peu à tout ça que je pensais lorsque j’ai fais ma tournée de magasinage printanière avec mes deux loulous le week-end dernier. Complètement découragée devant les dizaines de présentoirs de vêtements, je l’étais.
Voyez-vous, ma grande a huit ans. Elle passe ses journées à jouer à la Barbie, à sauver Luigi dans Princess Peach de son Nintendo, à lire Amos Daragon, à faire du vélo dans la rue.
Alors l’idée de séduire la gente masculine avec la beauté de son nombril, c’est loin dans sa tête encore. Le besoin de montrer le bronzage de ses épaules dans son cours de math ne figure pas parmi ses priorités. Et elle n’a aucunement la volonté de paraître plus grande avec des échasses et ainsi multiplier les chances de se casser les chevilles.
Elle n’a que huit ans. Pas 12, pas 14, pas 16. Non, huit!
Mais ça l’air que c’est ici un concept que les grands designers de fringues pour enfants ne saisissent pas. Parce que réussir à regarnir la garde-robe de mon aîné pour la chaude saison est loin d’être simple.
Les t-shirts semblent être en voie d’extinction. Ils ont perdu le combat face aux bretelles capelli d’angelo. Les chandails proposés ont déjà rétréci au lavage (au moins une bonne affaire de réglée). Les blouses proposent des décoltés que même moi je ne porterais pas. Quelqu’un peut me dire où sont passées les simples sandales si utiles pour jouer au parc? Je ne crois pas que la semelle compensée soit absolument nécessaire pour grimper l’échelle du toboggan…
J’ai cru bon questionner la vendeuse du magasin. C’était peut-être moi le problème? Si j’étais un brin coincée? Si je refusais de voir ma fille grandir?
Nenon. Elle n’était pas tant dans le champ que ça la maman. À huit ans, les enfants ne sont pas encore des ados
Le problème, selon la vendeuse? Les designers. Ceux là-même qui, dans leur tour à bureaux, dessinent et décident ce que nos enfants porteront. Ce sont eux qu’il faut blâmer en premier lieu.
Et pas loin derrière, les parents qui passent à la caisse avec ces mêmes vêtements. C’est simple. C’est une roue qui tourne. Les designers proposent, les parents achètent. Si on achète pas; ils proposeront autre chose non?
La faute aux médias disions-nous?

La leçon d'Onil

Le premier talon de paye que j’ai reçu était identifié du Mont Orford. Chaque week-end de l’hiver 1990-1991 j’étais enfermé dans la grande cafétéria de cette saison de ski. Un job que j’ai eu à la volée. À 14 ans, n’entrait pas qui veut sur le payroll de l’entreprise. Ce sont mes cinq pieds huit pouces qui m’ont permis de décrocher le job.
Ce n’était pas seulement la passe de saison promise avec le 5,30$/l’heure qui m’attiraient. Je voulais travailler, même si ce n’était que pour passer la moppe avais-je supplié à Onil Langlois, le responsable de l’embauche. J’ai réussi à le convaincre et comme je n’avais pas l’air de mes 14 ans, deux semaines plus tard, je me pointais à mon entraînement avec mon nouveau tablier et mon tout premier nametag identifié à mon nom.
La première chose que mon nouveau patron m’a dite c’est : « Ne perdez jamais l’idée que vous ne savez pas qui vous servez. Peut-être que cette personne sera votre prochain employeur et vous n’aurez jamais une deuxième chance de faire une première impression. »
Cette phrase m’a marquée. Je ne l’ai jamais oubliée. Chaque fois que je rencontre une nouvelle personne, ces quelques mots me reviennent en tête. On ne sait jamais à qui on parle. On ne connaît pas l’impact que peut avoir cette personne plus tard dans notre vie.
C’est un peu ce qui est arrivé la semaine dernière quand j’ai appelé au garage pour une inspection, car ma garantie arrive à échéance bientôt. Le préposé au service, sans même voir l’état de ma voiture, sans même me questionner sur l’usage que j’en faisais, sans rien m’a grandement surprise en me disant que je devais me préparer à une facture de 632$ plus taxes, rien de moins.
Ébranlée, je raccroche. J’appelle mon père, mon beau-frère mécano, je parle à mon collègue Steph. « What the fuck 700$ pour une inspection? Est-ce moi ou on exagère un brin? » Je n’ai pas une minoune, c’est une 2004. Même si je déteste aller au garage, mes changements d’huile sont faits à temps et tout le tra la la.
J’ai donc sorti le manuel d’entretien de ma voiture. C’est bel et bien inscrit que je dois faire inspecter ma courroie de distribution (timing belt) à 50 000 km. Mais pourquoi veut-il me la remplacer alors qu’il ne l’a pas vue? Pourtant on inscrit dans mon manuel que ce remplacement est prévu à 100 000 km.
C’est tout simplement ce sentiment d’insécurité qui m’habitait que j’ai voulu traduire dans ma chronique de la semaine dernière. Comme je n’y connais à peu près rien dans le domaine, j’ai toujours le sentiment de me faire avoir. Je n’ai pas dis que tous les mécanos de la terre étaient des crosseurs de la pire espèce.
Toute la semaine j’ai entendu parler de cette chronique. Les histoires d’honneur de gens confrontés à des garagistes sans scrupule se sont succédé dans ma boîte vocale et dans ma boîte de courriels. Je ne suis pas la seule à me questionner sur les pratiques de l’industrie automobile, c’est clair.
C’est certain qu’il y a des garagistes honnêtes et qui ne cherchent pas à gonfler leur compte de banque avec l’ignorance mécanique de leurs clients et je leur lève mon chapeau. Mais n’empêche que c’est questionnant de savoir que la plupart des commis au service des garages de la région sont rémunérés au bonus. Plus la facture est élevée, plus la paye est grosse.
Peut-être que le commis qui m’a répondu aurait eu à apprendre d’Onil. On ne sait jamais à qui on a affaire. Surtout si c’est une journaliste qui écrit une chronique d’humeur semaine après semaine. Une journaliste quelque peu insécure en matière automobile.