19 septembre 2008

L'art de se compliquer la vie selon Geneviève

Tout était en place pour une petite soirée parfaite comme je les aime.
Un petit souper simple : un bon pain de viande maison (du M&M), des légumes du jardin (surgelés) et une purée de pommes de terre (Sherriff). Je m’étais même gâtée avec une petite coupe de vin que je méritais bien avec la tonne de boulot que j’avais abattu dans la journée.
Il y avait le dernier Carole Facal qui jouait en arrière-plan. Les filles ne s’étaient pas encore chicané (note à moi-même : penser à contacter le Livre des records Guinness. Je dois pouvoir faire inscrire cet exploit). Rien ne traînait dans le salon, sur le comptoir, ni même par terre. Le bonheur.
Alors je soupe avec mes cocottes. On parle de tout, de rien. Du nouveau prof de Filou, de celui de Max, de mon retour au travail.
Parfait comme soirée, je vous dis.
Je n’avais rien vu venir et pourtant, tout à coup, la question que toute maman redoute a fusé sans même cogner à la porte.
« Maman, explique-moi comment les bébés font pour entrer et sortir du ventre des mamans. Est-ce qu’on fait ça par le nombril? Parce que j’ai regardé ça et je ne comprends pas comment ça se fait », me demande Filou complètement dépassée par tant de questionnements.
Non, mais ai-je demandé à être ici ce soir? Qu’est-ce qui m’a pris un jour de vouloir être mère?
Après avoir réglé mon problème d’étouffements et de bouffée de chaleur soudaine, j’ai tenté de recouvrer mes esprits et cherché une réponse sensée à donner à ma puce en quête de savoir existentiel.
« Euh… (une minute passe). Ben… (une autre minute passe…) Tu sais loulou… (deux autres minutes s’égrainent…) »
Ma puce s’impatiente devant tant de non-réponse de celle qui est supposée tout savoir, et me coupe la parole (chose assez facile à faire compte tenu que je ne parle à peu près pas). « Mais maman, t’en as eu deux bébés, tu dois bien savoir comment ça fonctionne! Moi, tu as fait comment pour me rentrer dans ton ventre? »
Si c’était si simple. On va au magasin, on choisit le modèle qui nous convient, on ouvre la porte de notre utérus pis on attend neuf mois avant de rouvrir cette même porte et de ressortir un beau bébé tout joufflu.
Je prends une grande respiration (qui sert plus à chercher une réponse adéquate à donner à ma fille de sept ans qu’à me fournir en oxygène). « Tu sais ma pitoune, c’est un peu compliqué faire un bébé. (Vous dire que je m’en veux à mort de ne pas avoir acheté Le grand livre de la sexualité lors de ma dernière virée à la librairie est un euphémisme.) Il faut un papa et une maman qui s’aiment très fort… »
« Oui, ça je le sais. C’est papa qui est allé me porter dans ton ventre? J’étais petite comment quand papa est allée me porter dans ton ventre? Est-ce que ça t’a fait mal? Est-ce qu’il a été obligé de couper ton ventre avec un couteau? », me demande-t-elle le plus sérieusement du monde.
Ça se complique un peu mon affaire. Je cherche un moyen de m’en sortir. La vaisselle? Le lavage? Un soudain téléphone urgent à faire? Il me semble que mon frigo aurait besoin d’un bon ménage.
C’est Maxim qui m’a sorti du pétrin. Pas d’une façon aussi sympathique que j’aurais souhaité, mais c’est l’intention qui compte.
« Oh maman, déniaise! Filou, pour faire un bébé, il faut que le papa aille porter une petite graine avec son pénis dans le vagin de maman. La petite graine va grandir pis dans plusieurs mois, un bébé va sortir par la même place qu’il est rentré. On va tu jouer dehors maintenant? »
Ma puce, satisfaite de l’explication de sa grande sœur, l’a suivie sans poser d’autres questions.
Ouin. Je pense à écrire un livre : L’art de se compliquer la vie selon Geneviève.

16 septembre 2008

Le rechargeur de maman

J’ai la tête pleine d’images. La carte mémoire est bourrée. Les albums photos débordent.
Même si je le voulais très très fort, j’ai été incapable de trouver une place pour caser toutes ces choses que j’ai vues, goûtées, entendues, touchées au cours des quatre dernières semaines.
Il y a l’immensité du Grand Canyon qui occupe une large part de mes souvenirs de voyage. Toutes ces couleurs magnifiques défient l’imagination. C’est parfois d’un jaune serin que le calcaire, et les années, ont fait prendre à ces parois rocheuses. D’autres fois, c’est d’un rouge éclatant. Le vert du lac Powell, dû à la présence d’algues au fond rappellent les mers des Bermudes.
Mais j’ai tout de même manqué le rose sur les joues de Filou au retour de sa première journée d’école. J’ai raté l’étincelle dans le vert des yeux de Maxim quand elle est partie voir Simple Plan au Centre Bell samedi dernier.
J’ai plongé dans un nouveau monde. Je suis sortie de ma zone de confort. J’ai élargi mes horizons. J’ai avalé une tête de crevette (avec les yeux et les antennes svp). J’ai mangé de l’oursin. Du snapper. Du Yellowtail.
Mais j’ai raté ce simple pâté chinois arrosé de Ketchup que j’aurais partagé avec mes poulettes dans le rush du soir entre les devoirs et le bain. Ce filet mignon en tête à tête avec mon amoureux. Ce rôti de porc lors du souper familial dimanche dernier.
J’ai assisté en direct à une touchante demande en mariage sur Rodeo Drive. J’ai marché sur la plus que parfaite Wisteria Lane entre les maisons de Bree Van de Kamp, Linette Scavo, Susan Mayer et de Gabrielle Solis. J’ai fait du tandem entre deux rues des plus pentues de San Francisco.
Mais je n’ai pas préparé de lunchs pour mes héritières. Je n’ai pas aidé Filou à décortiquer ses premiers devoirs de l’année. J’ai passé droit devant les émotions que peut apporter un retour à l’école pour ma grande.
J’ai été charmée par une danse traditionnelle offerte par des Mexicains en plein cœur de Los Angeles. Je me suis laissée bercer par la douce musique d’un erhù qu’un Chinois faisait chanter dans le Chinetown de San Francisco. Le vacarme incessant des machines à sous de Las Vegas retentit encore dans mes oreilles…
Mais pas un son du violon de Max. Pas une note du violoncelle de Filou. Pas de touches de piano enfoncées par ces petites mains si délicates.
Mes pieds ont gelé dans le Pacifique. Les 41 degrés qu’affichaient les thermomètres de San Diego m’ont fait suer un brin. Ma petite laine était nécessaire lorsque le soleil se couchait sur la baie de San Francisco.
Mais je n’ai pas eu à convaincre Maxim de laisser tomber les sandales. Je n’ai pas réchauffé Filou quand elle sortait du bain. Je n’ai pas eu chaud quand elle est tombée de sa bicyclette.
Une balade avec les Simpson m’a donné mal au cœur à Universal Studios. Un 5 à 7 plutôt bien arrosé m’a donné un foutu mal de tête. Les coups de soleil que m’a laissé le soleil de la Californie a fait des ravages sur ma peau.
Je n’ai pas amené Filou chez le dentiste pour la soulager de cette dent qui la faisait souffrir. Mon épaule n’était pas disponible pour le cœur brisé de Dominique. Mes bras étaient très loin pour faire des câlins à ceux qui étaient restés ici.
C’est certain que mes pitounes, mon amoureux, mes sœurs, mes copines m’ont manqué terriblement. Qu’à chaque moment de mon absence, j’aurais souhaité plus que tout au monde d’être avec eux.
Mais, les mamans, les amoureuses, les sœurs, les amies, c’est comme autre chose. Un jour ou l’autre, les piles tombent à plat. Et pour éviter qu’elles ne soient plus bonnes à rien, vaut mieux les foutre sur le chargeur.