29 mai 2006

Démocratie, jouets et vente de garage

J’avais convoqué un grand conseil de famille jeudi dernier. Une rencontre au sommet pour mes deux pitounes où de grandes décisions seraient prises.
Parce que pour la sixième fois cette semaine, je me suis cogné le petit orteil sur la ferme Fisher Price de Filou. Et c’était la fois de trop. Celle qui a fait déborder le vase. Pouvez-vous m’expliquez ce qu’elle faisait devant le fourneau s’il vous plait?
J’imagine que c’est comme ça chez vous aussi. Que les quatre coffres à jouets ne suffisent pas à la tâche. Que des poupées traînent en dessous de la table de cuisine. Qu’il y des petites autos qui se logent dans les craques du divan. Que Barbie et Ken batifolent dans les escaliers. Que des morceaux de casse-tête ont pris une marche vers l’arrière du frigo.
Des joujoux, nos loulous en ont trop. C’est pareil pour vous?
On accumule, on amasse, on empile une multitude de babioles qui sont supposés tant amuser nos bambins. Je parie que c’est identique dans votre maisonnée et que vos enfants ne jouent pas avec le quart de ceux-ci.
Alors voilà, j’ai décidé que le royaume du jeu était fini chez moi. Avec l’accord de mes filles, nous avons décidé de faire le ménage et de vendre le surplus lors d’une vente de garage. Avec l’argent amassé nous pourrions faire quelque chose en famille ou acquérir un truc qui plaira à toutes. Les suggestions étaient les bienvenues.
Maxim s’est lancé la première en suggérant un voyage à Disney pour toute la famille. Bien que ce serait grandement amusant, je lui ai fais remarquer qu’il faudrait vendre beaucoup plus que ses jouets pour financer un tel projet. Dès que j’ai parlé que nous devrions ajouter sa télé et son lecteur DVD dans la vente débarras, entre autres, elle a renoncé assez rapidement à ses vacances en Floride.
Par la suite Filou a soumis l’idée d’aller au Parc Safari toutes ensembles « parce que se retrouver coincées sous une girafe c’est très drôle », selon elle.
Quand j’ai eu enfin le droit de parole, j’ai pensé qu’une glissade pour notre nouvelle piscine serait bien amusante. (Lire que c’est un truc qui ne prend pas de piles, ne fait pas de bruit et ne se retrouvera pas au travers mes orteils.)
Ça l’a allumé Maxim sur la possibilité de mettre la main sur un dauphin gonflable pour jouer dans l’eau. Finalement, Félixe a ajouté qu’elle aimerait aller voir la Tour « Ifiel » à Paris.
Nous sommes donc passés au vote. Paris et sa tour ont perdu au premier tour. J’ai convaincu les filles de laisser tomber le parc Safari, car c’était planifié que nous irions pendant nos vacances de toutes façons.
Le choix crucial s’est donc fait entre la glissade et le dauphin. Le résultat du vote à main levé fut serré. À deux contre une, la glissade a gagné. Malgré tout, Maxim s’est ralliée à la majorité avec un grand sourire.
Depuis notre élection maison, nous choisissons avec facilité les trucs qui se retrouveront sur nos tables de vente samedi prochain. Les filles ont pris conscience qu’elles n’avaient pas besoin d’autant de cossins pour s’amuser. Qu’une simple glissade et un trou d’eau feraient amplement l’affaire.
Et moi, je jubile déjà en pensant que mes orteils ne risquent plus de se retrouver sur le chemin de jouets.

22 mai 2006

Mettre sa phobie au filtreur

Je ne sais pas trop ce qui m’arrive. Je n’aurais jamais cru pouvoir franchir ce pas. Mais j’y suis arrivée!
J’avais pourtant juré que jamais ma cour arrière ne contiendrait un monstre d’eau. L’idée de retrouver une de mes deux loulous gisant au fond m’effrayait au plus haut point. La responsabilité qui arrive dans la même boîte qu’une piscine me terrorisait.
Chaque été, c’est la même histoire. Chaque fois que l’on diffuse un reportage télé où l’on apprend le décès d’un enfant par noyade, le cœur me serre. Chaque fois, je me dis que cette malchance ne m’arrivera jamais puisque nous ne verions jamais de piscine dans mon panorama extérieur.
Je me souviens qu’une fois, le papa de mes loulous avait eu la possibilité de mettre la main sur une piscine gratos. Nous n’avions que l’installation à payer. Quelle offre alléchante!
Mais après trois nuits d’insomnie à cauchemarder sur Maxim qui était prise entre la toile solaire et le fond de l’eau, nous avons renoncé au projet. La plage Fraser est tellement plus agréable. En plus, elle nécessite tellement moins d’entretien.
Alors, depuis huit ans, l’été, nous avons chaud. Nous crevons de chaleur. Nous nous évaporons plutôt que de nous rafraîchir dans un trou d’eau bien à nous. Nous utilisons le boyau d’arrosage ou la douche. C’était peut-être moins amusant, mais ô combien plus prudent.
Pourtant, j’adore me baigner. Je pense que je savais nager avant même d’avoir fait mes premiers pas. Il y a toujours eu une piscine dans mon arrière-cour. D’ailleurs, mon grand-père, qui était notre voisin, avait fait venir de la Californie une piscine hors-terre Esther William, il y a 45 ans. Une toute petite piscine de 60 par 32 pieds rien de moins!
Malgré tout, j’ai toujours eu peur que le destin frappe chez moi. J’ai souvent eu l’impression que je courrais après le malheur avec de l’acier galvanisé remplie d’eau sur mon terrain. J’ai l’impression que les enfants sont attirés vers les fonds de piscines comme le métal sur l’aimant.
Mais voilà, j’ai décidé de prendre le dessus sur ma phobie. De mettre mes craintes au filtreur. De passer mes appréhensions au chlore. Pas question de transmettre ma frayeur de l’eau à mes héritières. (Elles auront bien d’autres choses avec lesquelles dealer en héritage…)
C’est donc avec énormément de courage (et avec l’idée que mon compte de banque serait vidé en deux temps trois mouvements) que je me suis présentée chez Multipiscines vendredi dernier. Même si Filou était bien déçue de ne pas nous voir repartir avec la piscine dans notre valise, je suis contente de savoir que cet été, nous aurons beaucoup de plaisir à jouer à Marco Polo ou à chercher des sous noirs dans le fond de l’eau les trois ensemble.
Peut-être que j’irai au-delà des normes de sécurité imposées à Sherbrooke. (Vous auriez dû voir la tête du commis chez Rona quand je lui ai dit que le barbelé que j’achetais était pour installer au tour de mon nouvel achat! Mais bon, il s’en remettra, et surtout, il ne me retrouvera pas à la une du journal regrettant le fait que ma piscine n’était pas assez sécuritaire pour mes cocottes.)
Parce que oui, ça peut être dangereux une piscine. Oui, ça amène un lot d’inquiétudes. Mais après tout, le monde est rempli de dangers. Je ne pourrai pas toujours être derrière elles pour les surveiller face aux menaces qui planent sur mes puces.
Je crois qu’il faut plutôt que je les arme face à ces éventuels risques. C’est dans ma cour qu’elles apprendront les règles de sécurité qui viennent avec l’utilisation d’une piscine. Mais surtout, je crois qu’il faut faire confiance.
Maintenant, je compte les dodos me séparant de l’installation de ma nouvelle 21 pieds. En espérant qu’il cesse de mouiller d’ici la fin juin.

15 mai 2006

Une chaine de solidarité peu commune

Ça commencé par un courriel. Un tout petit envoi qui est tombé dans mon « junk mail » d’Hotmail. J’ai même passé près de ne pas le voir entre les offres pour perdre 30 livres en moins d’une semaine et les enlarge-your-vous-savez-quoi.
Alors voilà, c’était ma mère qui se demandait si je ne connaissais pas quelqu’un qui aurait des trucs de bébé à donner pour une future maman qu’elle avait rencontrée et qui n'a pas un rond et qui manquait de tout pour accueillir le locataire de son bedon.
J’ai donc transféré le courriel dans mon réseau de contacts me disant que si on pouvait lui trouver quelques pyjamas, ça serait toujours ça de gagné.
Mais, ce ne fut pas le cas. Loin de là.
En moins de temps qu’il en faut à Alexandre Despatie pour exécuter deux sauts périlleux et demi avant avec deux vrilles en position carpée, ma boîte de courriels s’est remplie. Les offres d’aide pleuvaient et de partout à travers la province !
Le lendemain même, Stéphane arrivait au bureau avec la valise de sa voiture remplie à pleine capacité. De la table à langer aux couches en passant par du savon et du shampoing pour bébé, mon collègue de travail avait pensé à tout.
Puis, il y eut Martin, qui a fait passer mon courriel parmi les employés de l’usine où il travaille. Lui aussi, en moins de temps qu’il en faut pour fabriquer un poupon, a vu son bureau se remplir de vêtements, de jouets et de dizaines d’objets pouvant rendre le quotidien des nouveau-nés plus agréables.
Les doudous, le manteau d’hiver, la lampe, les souliers et autres babioles que Stéphanie a offerts ont permis certes de désengorger ses garde-robes, mais ont rendu ma copine heureuse d’avoir pu aider une maman qui n’avait pas eu la même chance qu’elle.
Et même Denis, qui n’avait pas oublié ma demande, m’est arrivé, la semaine dernière, la minivan bourrée de nombreuses boîtes contenant mille et un trucs.
C’est extraordinaire pareil. En un simple clic de souris, voilà que cette dame n’aura pas à se casser la tête pour habiller, nourrir ou faire dormir son bébé. Parce que derrière des dizaines d’écrans d’ordinateurs se trouvent des gens incroyables.
On dit souvent que les Sherbrookois ont l’âme généreuse. Maintenant, j’en ai la certitude.
Un grand merci à tous ceux qui ont collaboré au mieux-être de ce petit ange qui a vu le jour il y a deux semaines maintenant. Une arrivée au monde marquée par de grands gestes de solidarité qui prouvent sans aucun doute que ce petit être a sa place dans notre communauté.
* * *
La « petite madame » est de retour au pays des rénos et des achats de mâle. Après l’accalmie de l’hiver, me voilà à nouveau faisant équipe avec les échantillons de comptoir et les dépliants de piscine.
J’aurais espéré que les Monsieurs-qui-dénigrent-les-petites-madames-dans-les-centres-de-réno-ou-centres-de-piscine seraient restés en mode hibernation ou auraient pris leur retraite. Hélas, ce n’est pas le cas.
Alors avis à vous. Vous n’avez pas terminé de me voir errer dans vos allées cet été. J’entreprends de grands travaux dans mon petit jumelé. Aussi bien vous faire à l’idée.
Alors, rayez les « petites mesdames » de votre vocabulaire et ne me prenez pas pour une gourde lorsque je vous demande la différence entre de l’acier galvanisé et de la résine. Vous verrez, notre relation ira pour le mieux.

08 mai 2006

Le passage obligé d'Isabelle

Il y a une légende qui dit que tous se souviennent de ce qu’ils faisaient alors que la mort de John F. Kennedy a été annoncée dans les médias.
Il y a de ces événements qui marquent tellement fort notre imaginaire, que l’on se rappelle les moindres détails entourant cette annonce.
Nous sommes en juillet 1996. Je conduis ma Civic vers Cookshire où j’effectue un stage à la Société d’histoire de l’endroit. Il y a près d’une semaine qu’Isabelle Bolduc est disparue. Et là, on annonce qu’elle est retrouvée à la radio. Et pas nécessairement dans l’état dans lequel j’espérais.
Le soleil brillait dehors. Il y a peine trente secondes, je chantais à tue-tête la nouvelle toune des Spin Doctors le cœur remplit d’espoir qu’Isabelle ait eu seulement l’envie de s’évader un peu.
C’était avant que la voix du journaliste de CHLT-Radio annonce que cette jeune femme a été retrouvée quelque part dans le bois près du chemin Goddard à Fleurimont.
En moins de deux, il me semble que le ciel s’est assombri. Je ne me souviens plus de rien. Je ne sais plus où je vais. J’ai stationnée ma voiture sur le bord de la 108 pour encaisser le coup. Des milliers de questions se bousculaient dans ma tête. Aucune réponse ne parvenait à en sortir.
Ça aurait pu être moi. Elle avait mon âge. Elle avait les mêmes amis que moi. Elle sortait dans les mêmes bars que moi. Ça aurait pu être moi. Mais ce n’était pas moi. Et j’ai pleuré.
J’avais mis ces tristes événements de côté dans ma tête depuis plusieurs années. Ils sont revenus jeudi dernier. C’est Garou, dans Passages obligés qui me les a ramenés à la surface. Qui a fait couler des larmes sur mes joues à nouveau. Qui a fait serrer mon cœur très fort au creux de ma poitrine. Qui m’a rappelé que ça aurait pu être moi.
Isabelle Bolduc était une grande amie de Garou. C’est grâce à elle d’ailleurs que des millions de personnes à travers le monde fredonnent ses paroles. C’est elle qui a poussé ce gaillard sur une scène.
Encore aujourd’hui, dans son absence, Isabelle reste très présente dans les pensées du chanteur. Elle le pousse presque chaque jour à aller plus loin, à trouver la force nécessaire à faire ce métier.
Les quelques pages consacrées à Garou sont intenses. Elles font pleurer, mais j’ai refermé le bouquin l’âme en paix. Jamais je ne comprendrais ce qui a poussé Bainbridge, Blanchette et Labonté à se faire un festin d’Isabelle. Jamais je ne comprendrais comment l’humain peut agir de la sorte.
Garou dit dans ce livre écrit par Joselito Michaud, « qu’il ne faut pas se souvenir d’Isabelle comme de « l’affaire Isabelle Bolduc ». Je ne veux pas que cet événement soit mes seuls souvenirs d’elle. C’est pour cette raison que j’ai tout effacé de ma mémoire. Je n’oublie pas Isabelle pour autant. Maintenant, sa présence est autre. »
Mes larmes ont cessé de couler. Mon cœur s’est desserré. J’ai regardé dehors, le soleil brillait à nouveau. J’ai chassé « l’affaire Isabelle Bolduc de ma tête » pour la remplacer à tout jamais par le « sourire d’Isabelle Bolduc ».