14 août 2007

Les maniaques du quartier

J’avais bien appris ma leçon quand j’étais petite. Il était formellement interdit d’aller jouer dans le bois qui était situé tout juste derrière notre 40 logements. C’était trop dangereux de croiser le vieil homme qui y vivait dans une affreuse et minuscule maison et qui collectionnait les enfants. On disait qu’il aimait particulièrement les grandes filles de sept ou huit ans avec les cheveux bruns comme moi.
On chuchotait aussi qu’il s’amusait à les découper en petits morceaux et à la faire frire dans une tonne de beurre à l’ail par la suite. J’imaginais qu’il mettait une belle nappe à carreaux rouge et blanc sur sa table, qu’il sortait son argenterie des grandes occasions et qu’il se versait un peu de champagne avant d’engloutir avec joie son festin.
Vous pouvez vous imaginer que j’avais assez d’informations pour meubler des semaines et des semaines de cauchemars. Mais jamais ai-je mis les pieds dans ce petit boisé de peur de terminer sur le tableau de chasse de ce méchant personnage…
Quand mes copines et moi réussissions à subtiliser un trente sous à nos parents pour aller s’acheter des bonbons à la cenne au Perrette, c’était avec une méchante trouille que nous marchions les trois minutes et demi qui nous séparaient du dépanneur.
Ce n’était pas un quartier très sécuritaire disait-on. Des maniaques s’y promenaient en liberté et même qu’il y aurait eu quelques meurtres dans le coin, rien de moins. C’est du moins ce qu’on nous racontait. Il paraîtrait aussi que des flots du coin avaient été enlevés puis revendus dans des pays éloignés pour servir de riches industriels.
Alors, ce sont les fesses serrées et avec le cœur qui battait la chamade que nous marchions vers le paradis du bonbon. À chaque fois que l’on croisait une grande personne, notre regard voulait entrer dans le trottoir. Et si c’était lui qui volait les enfants? Une fois sur deux, je faisais demi-tour et je rentrais chez moi trop inquiète à l’idée de finir mes jours à passer le balai loin de ma famille.
Certes, j’habitais un drôle de quartier. Mais l’histoire prouve qu’il n’y a pas de bon ou de mauvais quartier pour qu’un enfant vive un drame. À preuve, j’ai une bonne copine à moi qui a été victime d’un enlèvement dans un camping!
Elle et son amie étaient allées cueillir des framboises à l’extrémité du terrain. À sept ans, on ne pense plus à enchaîner nos enfants ou à les enfermer dans un parc de bébé. On se dit qu’ils sont assez grands pour s’adonner à ce genre d’activité tous seuls.
Mais voilà. Il y avait là un homme qui avait d’autres envies que de faire une tarte avec le fruit de sa récolte. Il a embarqué ma copine dans son camion et le but de la randonnée n’était nullement lié au tourisme local...
Toujours est-il qu’on a retrouvé mon amie plusieurs heures plus tard à une trentaine de kilomètres de l’endroit où il l’avait cueillie. Heureusement pour elle, ce pédophile cherchait plutôt un petit garçon pour assouvir ses bas fantasmes. Il ne lui ait donc rien arrivé de terrible outre le spectacle douteux qui s’est déroulé sous ses jeunes yeux.
Je réfléchis à toutes ces histoires et je suis triste. Je pense à Cédrika Provencher qui jouait simplement au parc et qui a eu moins de chance que mon amie. Je regarde mes filles et je me questionne.
Comment dois-je agir avec elles? Que dois-je leur dire? Leur enseigner? La solution est-elle de les enfermer dans mon sous-sol jusqu’à leur majorité (et encore… on se rappellera Julie Boisvenu et Isabelle Bolduc)? Je ne sais pas quoi faire. Vous le savez vous?

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