01 novembre 2010

1983

1983, c'est l'année où j'ai eu l'âge de raison selon ce qu'en disaient les grands chercheurs a psychologie infantile. Peu importe ce qu'ils en pensaient, moi ce qui m'importait, c'était le mariage que j'allais célébrer entre Ken et Barbie. C'était d'être capable de sauter à deux cordes à danser en même temps. C'était de réussir à épeler tous les mots de ma clé de mots sans trop faire de fautes.

Du haut de mes sept ans bien comptés, je connaissais par coeur toutes les chansons de Nathalie Simard, je lisais des Martine en rafale et je rêvais du jour où enfin je pourrais avoir mon K-Way à moi.

1983, c'est aussi l'année où j'ai appris à faire des fleurs avec des Kleenex. C'est l'année où j'ai un dentier incomplet sur ma photo de classe. C'est cette année-là où j'ai goûté à un kiwi pour la première fois de ma vie.

La vie était simple et facile. Même si j'avais voulu, il n'y avait rien avec lequel je pouvais me casser le bicycle.

Mais hier, j'ai eu un choc en lisant le dernier Châtelaine spécial 50 ans. Derrière la porte de ma maison, tout n'était pas si rose. 1983, c'est l'année où un conjoint peut être inculpé d'agression sexuelle contre sa conjointe. Ce qui veut dire qu'avant l'entrée en vigueur de cette loi, un mari pouvait violer sans problème son épouse sans être puni par la justice! Trois ans plus tard, le Québec met en place une politique d'intervention en matière de violence conjuguale.

Ça m'a rappelé une histoire que m'avait raconté la mère d'une amie. En 1974, elle se sépare du père de sa fille qui lève la main un peu trop souvent sur elles. Pour obtenir la garde légale de son bébé, cette mère a dû être suivie pendant un an de temps par une travailleuse sociale qui devait établir si elle avait les capacités requises pour voir au bien-être de sa progéniture. Ensuite, elle a dû l'adopter en bonne et due forme! Sa propre fille!

N'importe quoi.

Ce ne sont pas des histoires qui remontent à quatre siècles. Non. C'était hier.

J'écris ces mots et mes trois filles sont ensemble au salon. Filou berce Sam. Max gosse sur l'ordi. Il y a Aurélie Laflamme dans le DVD. Pis, il y a de l'insouciance plein le salon.

Comme moi en 1983. Quand je pensais que le pire drame qui pouvait survenir dans la vie d'une femme, c'était de ne pas trouver de robe de mariée parfaite. Pas que c'était parfaitement légal pour un mari de violer son épouse.

Je regarde mes poulettes et je suis heureuse de leur avoir donné la vie en ce siècle où tout sera possible pour elles. Où elles n'auront pas à se battre pour choisir un autre métier que celui de garde-malade ou de maîtresse d'école (dans les années 60, trois travailleuses sur cinq étaient enseignantes ou infirmières). Qu'elles pourront vivre sans crainte d'être jetées en prison si elles avortent (l'avortement est décriminalisé en 1988). Qu'elles pourront donner naissance où et avec qui elles voudront (la pratique sage-femme est officiellement reconnue par l'état en 1999 et il est permis d'accoucher à domicile depuis 2006). Où elles pourront bosser avec succès à l'extérieur du domicile familial (en 1973, sept femmes sur dix restaient à la maison). Où elles pourront aller jogger sans craindre de se faire violer au coin de la rue (à la fin des années 70, une femme sur trois admise aux urgences des hôpitaux avait été battue ou violée).

Oui, il reste encore du pain sur la planche. Tout n'est pas terminé. Trop nombreux sont les enfants qui grandissent dans un environnement pauvre, au sein d'une famille monoparentale (trois enfants sur dix). Il manque d'oestrogène au sein de la magistrature (16% des juges sont des femmes). La Loi sur l'équité salariale connaît des ratés. Il faut améliorer grandement la conciliation travail-famille.

Mais je regarde ma tribu toute rose et je me dis qu'elles ont bien le droit d'être insouciantes. Parce que le monde change en 25 ans. Et quand je serai grand-mère, j'ai espoir que l'égalité, la vraie, sera parmi nous.

1 commentaire:

Valérie a dit...

Wow !! C'est vrai que le monde change en 25 ans. Ma mère a malheureusement connu beaucoup de ces injustices. Je suis heureuse d'avoir eu mes enfants dans une époque un peu plus égalitaire. En espérant que ça continue sur cette lancée, car disons-le, tout n'est pas encore acquis.