20 janvier 2011

Mon plus beau cadeau de Noël

Ne me demandez pas ce que j'ai reçu au Noël de l'an dernier parce que je ne m'en rappelle plus. C'est également le néant quand je cherche ce qu'on m'a offert l'année d'avant. Et n'allez pas croire que ce qu'il y avait sous le sapin, il y a trois ans, a trouvé place dans un tiroir de ma mémoire. Malgré cette piètre performance au niveau de mes souvenirs de cadeaux de Noël, je me rappelle très bien ce que j'ai reçu en 1982.

Pourtant, le Noël 1982 n'est certainement pas le préféré de mes parents. Ce ne sont pas eux qui avaient gagné le million cette année-là. Ce n'est pas cette année-là que le frigo débordait de caviar et de Veuve Cliquot. Ce n'est pas cette année-là que ma mère s'est épuisée à faire les magasins pour remplir le coffre de l'auto de cadeaux.

L'édition 1982 n'aurait pas dû passer à l'histoire selon ceux qui m'ont donné la vie. C'était une année de crise. De taux d'intérêt astronomiques. De coupons-rabais à l'épicerie. D'oreilles de lapin sur la télé. De sandwichs au fromage Kraft dans la boîte à lunch. De salopettes en corduroy brunes achetées en solde au Bon Marché.

N'empêche que, avec mes yeux de petite fille de six ans et demi, je ne voyais pas toutes les difficultés auxquelles étaient confrontés mes parents. J'étais bien trop occupée avec mes catalogues de Distribution aux consommateurs et de Sears Noël à encercler au stylo Bic rouge ce que je désirais que le père Noël laisse sous le sapin.


J'avais bien envie d'avoir de nouvelles Barbie et surtout celle avec la robe rouge en satin. Je trouvais que la petite école Fisher Price avait l'air très amusante. Il y avait aussi une petite machine à coudre à piles avec laquelle je m'imaginais me fabriquer de magnifiques vêtements. Je mourrais d'envie d'avoir le nouveau Battleships électronique qui semblait fonctionner tellement mieux que celui que j'avais déjà. Pis le comble du bonheur aurait été d'avoir le jeu Simon (vous savez, le bidule à quatre touches de couleurs où il fallait recréer une suite?).

Autant dire que le père Noël avait beaucoup de pression sur les épaules pour rendre la petite fille que j'étais très heureuse. Ce que j'ai pu en écrire des lettres. Ce que j'ai pu en faire des promesses que je serais la plus sage des enfants si on m'apportait tout ce qui se retrouvait sur ma liste...

Même si j'avais bon espoir de me réveiller le 25 au matin avec une tonne de cadeaux à déballer, ça n'a pas été le cas. Pourtant, j'avais fait mon lit tous les matins en décembre. J'avais bien la bonne adresse postale pour mes lettres destinées au gros barbu. Malgré tous mes efforts, il n'y avait qu'une seule petite boîte sous le sapin qui m'était destinée. Qu'une seule.

J'ai enlevé le papier d'emballage et j'ai ouvert le cadeau pour y trouver une dizaine de cassettes vierges. Je ne comprenais pas trop. Ce n'était pas sur ma liste. Que pouvais-je faire avec des cassettes vierges, voulez-vous bien me dire?

"Sur ces cassettes, il y a de la musique Geneviève. Tiens, ici, tu as la cassette de toutes les chansons de Fan Fan Dédé. Sur celle-ci, tu trouveras les chansons du Pays de Chanterelle. Ici, j'ai mis toutes celles de Passe-Partout et sur celle-là, il y a celles de Nathalie Simard. Tu pourras toujours les écouter, quand tu le voudras", m'avait expliqué ma mère devant mon air triste.

Pendant des semaines avant Noël, une fois que j'étais couchée, ma mère sortait son attirail et copiait des 33 tours sur des cassettes vierges. Des vinyles d'émissions de télé et de chanteurs que j'aimais beaucoup qu'elle avait empruntés à des amies et à la bibliothèque municipale. Pendant des jours, elle avait préparé mon cadeau y mettant du temps et du coeur.

Et moi, pendant des mois, je me suis couchée le soir en écoutant de la musique sur mon petit magnéto trop heureuse de ce cadeau si magique. Si inattendu. Si touchant.

Encore aujourd'hui, 28 Noël plus tard, je me rappelle de ce cadeau comme étant le plus beau. Parce que ma mère y avait mis tout son temps. Son amour. Elle m'aurait donné le catalogue du Sears au grand complet que je n'aurais pas été plus heureuse.

Aucun commentaire: