22 mai 2006

Mettre sa phobie au filtreur

Je ne sais pas trop ce qui m’arrive. Je n’aurais jamais cru pouvoir franchir ce pas. Mais j’y suis arrivée!
J’avais pourtant juré que jamais ma cour arrière ne contiendrait un monstre d’eau. L’idée de retrouver une de mes deux loulous gisant au fond m’effrayait au plus haut point. La responsabilité qui arrive dans la même boîte qu’une piscine me terrorisait.
Chaque été, c’est la même histoire. Chaque fois que l’on diffuse un reportage télé où l’on apprend le décès d’un enfant par noyade, le cœur me serre. Chaque fois, je me dis que cette malchance ne m’arrivera jamais puisque nous ne verions jamais de piscine dans mon panorama extérieur.
Je me souviens qu’une fois, le papa de mes loulous avait eu la possibilité de mettre la main sur une piscine gratos. Nous n’avions que l’installation à payer. Quelle offre alléchante!
Mais après trois nuits d’insomnie à cauchemarder sur Maxim qui était prise entre la toile solaire et le fond de l’eau, nous avons renoncé au projet. La plage Fraser est tellement plus agréable. En plus, elle nécessite tellement moins d’entretien.
Alors, depuis huit ans, l’été, nous avons chaud. Nous crevons de chaleur. Nous nous évaporons plutôt que de nous rafraîchir dans un trou d’eau bien à nous. Nous utilisons le boyau d’arrosage ou la douche. C’était peut-être moins amusant, mais ô combien plus prudent.
Pourtant, j’adore me baigner. Je pense que je savais nager avant même d’avoir fait mes premiers pas. Il y a toujours eu une piscine dans mon arrière-cour. D’ailleurs, mon grand-père, qui était notre voisin, avait fait venir de la Californie une piscine hors-terre Esther William, il y a 45 ans. Une toute petite piscine de 60 par 32 pieds rien de moins!
Malgré tout, j’ai toujours eu peur que le destin frappe chez moi. J’ai souvent eu l’impression que je courrais après le malheur avec de l’acier galvanisé remplie d’eau sur mon terrain. J’ai l’impression que les enfants sont attirés vers les fonds de piscines comme le métal sur l’aimant.
Mais voilà, j’ai décidé de prendre le dessus sur ma phobie. De mettre mes craintes au filtreur. De passer mes appréhensions au chlore. Pas question de transmettre ma frayeur de l’eau à mes héritières. (Elles auront bien d’autres choses avec lesquelles dealer en héritage…)
C’est donc avec énormément de courage (et avec l’idée que mon compte de banque serait vidé en deux temps trois mouvements) que je me suis présentée chez Multipiscines vendredi dernier. Même si Filou était bien déçue de ne pas nous voir repartir avec la piscine dans notre valise, je suis contente de savoir que cet été, nous aurons beaucoup de plaisir à jouer à Marco Polo ou à chercher des sous noirs dans le fond de l’eau les trois ensemble.
Peut-être que j’irai au-delà des normes de sécurité imposées à Sherbrooke. (Vous auriez dû voir la tête du commis chez Rona quand je lui ai dit que le barbelé que j’achetais était pour installer au tour de mon nouvel achat! Mais bon, il s’en remettra, et surtout, il ne me retrouvera pas à la une du journal regrettant le fait que ma piscine n’était pas assez sécuritaire pour mes cocottes.)
Parce que oui, ça peut être dangereux une piscine. Oui, ça amène un lot d’inquiétudes. Mais après tout, le monde est rempli de dangers. Je ne pourrai pas toujours être derrière elles pour les surveiller face aux menaces qui planent sur mes puces.
Je crois qu’il faut plutôt que je les arme face à ces éventuels risques. C’est dans ma cour qu’elles apprendront les règles de sécurité qui viennent avec l’utilisation d’une piscine. Mais surtout, je crois qu’il faut faire confiance.
Maintenant, je compte les dodos me séparant de l’installation de ma nouvelle 21 pieds. En espérant qu’il cesse de mouiller d’ici la fin juin.

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