22 décembre 2009

Madame Bricole

Je déteste bricoler des petites maisons en bâtons de Popsicle. Je pense que j'haïs encore plus colorier dans des cahiers où il ne faut pas dépasser les lignes. Et quand je vois l'une des poulettes descendre dans la cuisine avec la mallette à fabrication de bijoux, j'implore le ciel qu'il n'y ait pas, cette fois, 200 000 billes par terre. Je suis un peu moins stressée quand les filles sortent la pâte à modeler, mais bon, je sais qu'il faudra que je passe au moins une demi-heure à ramasser les vestiges de Play Doh un peu partout dans la maison.

Quand Filou a envie de se prendre pour Picasso, je cherche mille et une excuses pour refuser qu'elle sorte la gouache. Quand Max veut faire du scrapbooking, je lui suggère que ça serait tellement plus le fun se louer un film en se gavant de pop corn.

Souvent, ça fonctionne. Je réussis à détourner leur attention de cette folie créatrice qui les assaille trop souvent pour moi.

Comme ça, j'ai l'air d'une méchante mère pas très dévouée au bonheur artistique de ses poules, je sais. Mais j'ai d'autres belles qualités quand même. Je ne peux pas être parfaite. Sinon, imaginez le bordel que ça ferait dans toutes les familles. Toute la pression que ça mettrait sur toutes les mères du monde de savoir qu'à Sherbrooke se trouve LA mère parfaite. Alors voilà, dans le fond, je fais ça pour vous.

De toute façon, ce n'était pas vraiment là mon point. Je voulais seulement dire que c'est bien moins de trouble mettre un enfant dehors dans la neige ou derrière une bande dessinée que de sortir les grandes feuilles blanches, les pinceaux, les tubes de gouache, le pot d'eau, les tabliers, superviser les opérations, répondre aux centaines de questions des enfants («Maman, qu'est-ce que je peux peinturer?»), ramasser le pot d'eau qui est tombé accidentellement par terre, s'extasier devant les œuvres d'art de la plus jeune («C'est beau, mais c'est quoi?»), laver les pinceaux, nettoyer la table, accrocher les chefs d'œuvre sur le frigo, ranger le bazar. Voyez, pour une activité qui aura duré 20 minutes, j'en ai pour des jours à m'en remettre. Alors, c'est plus simple de dire: «Oh! Ça aurait été le fun, mais la gouache a tout séché...»

Mais bon, je ne suis pas toujours aussi insensible au bonheur qu'ont mes enfants de vouloir bricoler. En fait, je dirais que ça m'arrive une fois par année. Je ne sais pas trop ce qui se produit dans le circuit électrique de mon cerveau, mais quand décembre se pointe sur le calendrier, j'ai les mains qui me démangent. Elles sont carrément en feu. J'ai comme une bulle au cerveau du cadeau à offrir fait de nos blanches mains.

Pis pas question de me contenter de trucs simples comme la construction d'une maison en pain d'épices. Nenon. J'aime bien me la jouer plus compliqué un brin. Pis c'est encore mieux quand les poulettes ont un rôle à jouer dans l'opération «Cadeaux-faits-main-2009».

Alors, je passe toutes mes soirées de novembre à chercher sur le net des idées de bricolage de Noël simples à réaliser, mais qui décrocheront la mâchoire. Je range le tout dans un répertoire des plus organisés. Puis, j'analyse. Qu'est-ce qui sera simple, rapide et pas trop coûteux? Qu'est-ce qui se faufilera bien sous le sapin?

Une année, j'avais entrepris d'enjoliver des boules de Noël avec de la peinture à vitrail. ERREUR! Quelle gaffe monumentale. Ç'a été l'enfer comme moment, malgré la bonne volonté. Malgré la belle musique de Noël qui jouait dans les airs. Deux boules sur trois se sont retrouvées par terre ET cassées. De la peinture vitrail, ça te colore une table dans le temps de le dire (et vous laisse un souvenir à vie de ce joyeux moment) et en plus, ça donne un résultat tellement moche que même les boules que j'ai faites donnaient l'impression d'avoir été peintes par un enfant de deux ans...

Mais elles s'en foutaient carrément mes héritières que tout allait croche dans cet atelier de bricolage. Max et Filou voyaient plutôt là un moment spécial passé avec maman. Un moment qui n'arrive qu'à Noël.

Joyeux Noël!

15 décembre 2009

Naïve Geneviève

C'est une Geneviève bien naïve qui, un matin de 1997, est devenue une mère en devenir. Qui, armée de son test de grossesse bien positif, se faisait des scénarios de rêve. Imaginait des relations mère-enfant empreintes de bonheur, de joie et de rires. Qui planifiait des conversations familiales basées sur le respect et l'écoute de l'autre.

Non, les chicanes, le chialage, les relations tendues ne séviraient pas chez moi. Je serai une mère à l'écoute, patiente et pleine d'énergie. Jamais, ô grand jamais, on ne me verrait sortir de mes gonds, perdre patiente pour une peccadille, hurler après ma progéniture.

Moi, je voulais être une mère exemplaire. Une maman de magazine. De film d'Hollywood.

Une mère bien naïve, bref.

Parce que mes idées de la vie familiale, on s'entend que c'est de la merde. Que je m'enfonçais le doigt dans l'œil assez profond pour pouvoir aller me gratter le dessous des orteils. J'étais dans le champ en sale.

Retrouvons naïve Geneviève, hier soir, au retour du boulot. En rentrant dans la maison, elle s'enfarge dans les bottes qui traînaient dans l'entrée: «Maxxxxiiiiiiiim!!! Tes boooooottes!!»

Maxim, complètement stupéfaite devant ma réaction qu'elle doit juger excessive: «Ah! Désolé, maman, j'ai oublié de les ranger dans la garde-robe.»

Geneviève, à soi-même: «C'est vrai que c'est une nouvelle règle. Je viens d'ailleurs de l'inventer. Des bottes, pourquoi ça irait dans la garde-robe alors que ça peut si bien traîner dans l'entrée et permettre ainsi aux gens qui rentrent dans la maison de se péter la gueule avec de si belles bottes. À quoi penses-tu, Geneviève?»

Quelques instants plus tard, naïve Geneviève se rend à la salle de bain. «C'est qui la dernière qui est allée aux toilettes? Parce que j'aimerais qu'elle m'explique pourquoi le rouleau de papier de toilette vide n'a pas été remplacé?»

Évidemment, personne n'est allé dans ce coin-là depuis les 72 dernières heures, donc personne n'est coupable du délit.

Prochain arrêt pour naïve Geneviève? La cuisine, où elle ira préparer le souper. Oh! Mais quelle surprise voit-elle sur le comptoir? «Filou, ta boîte à lunch! Pourquoi n'est-elle pas vidée? Je sais que c'est un nouveau concept pour toi. Ça ne fait que quatre ans que tu dois défaire ta boîte à lunch au retour de l'école. J'imagine que c'est moi qui suis trop impatiente. Tu dois avoir besoin encore de temps pour assimiler le concept.»

Naïve Geneviève s'affaire ensuite à popoter le souper et ô surprise, elle s'aperçoit que le lave-vaisselle est bien rempli et... propre. Tâche que Maxim doit accomplir chaque jour, avant le souper. Concept simple, je crois. Tu arrives de l'école, tu mets tes bottes dans la garde-robe, tu défais ta boîte à lunch et tu regardes si le lave-vaisselle a besoin d'être vidé. Si tel est le cas, tu le vides. Simple comme bonjour.

«Maaaaaaax! Pourrais-tu lâcher MSN et venir vider le lave-vaisselle svp? Oui, je sais, la vie est injuste. Oui, je sais, c'est toi qui dois tout faire dans la maison. Oui, oui je sais.» 

On fini par s'asseoir pour souper. «Filou! Fais attention!» lui dis-je alors que, distraite, elle a renversé son verre de lait. Pas pour la première fois. Non pour la deuxième fois ce soir.

Une fois les assiettes vidées, on pourrait penser qu'elles prendraient une autre route, mais pourtant elles traînent encore sur la table. Pour moi, mes héritières croient que les assiettes ont de petites pattes leur permettant de se mouvoir. «Les filles, dis-je en soupirant, est-ce possible de mettre votre assiette dans le lave-vaisselle?» Même si je dis cette phrase, soir après soir, ça ne rentre pas dans leur ciboulot. Déprimant.

Je me pointe dans la salle de bain après que Max ait passé sous la douche. Pourquoi aurait-elle mis son linge sale dans le panier alors que c'est si simple de le laisser par terre? Pourquoi aurait-elle raccroché sa serviette sur le crochet alors que ça fait tellement plus beau sur le sol? Il est où l'intérêt de ranger le tube de pâte à dent dans le tiroir après utilisation? Pourquoi s'emmerder à partir la ventilation? Que de questions inutiles, doit-elle se dire. «Maaaaaaaxiiiiiim! Peux-tu venir ranger ton bazar svp?»

Naïve Geneviève était tellement loin de se douter, quand elle passait ses journées à flatter sa bédaine et à chanter des comptines à petit bébé en construction, qu'une fois le colis expulsé de son petit logement, elle passerait ses journées à chialer après lui...

11 décembre 2009

Un jeudi matin parfait

Jeudi, le cadran sonnera aux aurores. Ma préado aurait pu hurler que c'est le milieu de la nuit, mais elle ne le fera pas. L'amoureux ne me traitera pas de cinglée comme il l'aurait fait habituellement en me voyant me lever à cette heure matinale. Et ma loulou ne cherchera pas à vouloir dormir «juste cinq minutes encore maman».

Non, tout mon monde sera debout à 5 h 15 ce jeudi avec un sourire en prime. Je n'aurai pas à crier à Filou de se dépêcher à déjeuner. Elle avalera ses céréales dans le temps de le dire. Je ne passerai pas mon temps à négocier avec Maxim sur le choix de sa tenue vestimentaire. Elle aura choisi des vêtements convenables. Mes filles ne m'entendront pas dire de se grouiller le derrière pour ne pas rater le bus parce qu'elles seront prêtes dans les délais.

Les petites n'auront même pas l'idée de se chamailler la télécommande de la télé. Elles ne penseront pas à se picosser pour un rien. Et aucune crise existentielle n'aura lieu ce matin-là.

Ce sera un début de journée parfait. Comme on en rêve tous. Un matin où l'harmonie, la joie et la bonne humeur règnera.

On partira ensuite avec notre petit bonheur pour atteindre l'est de Sherbrooke, au coin des rues King Est et Galt Est. Là, nous attendront des centaines d'automobilistes. Là, nous attendra notre bonne action annuelle. Là, nous attendront des centaines de bedons vides que, par notre travail d'une jour, nous remplirons.

Jeudi, nous aurons tombé du lit très tôt, comme nous le faisons chaque deuxième jeudi de décembre depuis que je reçois un talon de paye de La Nouvelle. Je donnerai à mes héritières un seau de métal et je les lancerai en plein milieu de la King Est. Allez! Au boulot!

Ne voyez pas là, l'action d'une mère inconsciente et indigne. Au contraire!

Non, nous irons vous solliciter dans le cadre de la Grande guignolée des médias. Nous irons chercher le petit change qui traîne dans le fond de vos poches ou celui que vous gardez dans le fond du coffre à gants pour les parcomètres. Nous ferons de la place aussi dans nos canisses pour vos gros 20$ ou vos 100$. Nous ne ferons pas de discrimination monétaire. Et puis, si c'est votre garde-manger que vous voulez soulager de quelques trucs, nous serons aussi disponibles pour les cueillir et les envoyer dans d'autres garde-mangers aux tablettes vides.

Et puis, chaque fois que vous déposerez un huard, un ours polaire ou un Sir Laurier dans la boîte de métal de Filou, elle vous remerciera grandement avec son sourire mélangé entre dents de bébé et d'adulte pour ensuite venir me dire : «Maman, maman, le monsieur a mis plein d'argent en papier dans ma canne! Ça veut dire qu'il y aura moins d'enfants qui ne mangeront pas à Noël hein maman?»

Chaque fois que vous déposerez dans les petits bras de Maxim vos boîtes de carottes, de sauce tomate, de lait maternisé, même si c'est lourd, même si c'est difficile, elle vous dira un merci rempli de gratitude. Un merci parce qu'elle réalisera la chance qu'elle a de ne pas voir débarquer un panier de Noël chez elle. Elle réalisera la chance qu'elle a de pouvoir contribuer, à sa façon, à remplir des bedons vides.

Ce sera un beau jeudi matin. Vraiment. J'ai déjà hâte.

 

02 décembre 2009

32 noms

Ma liste est longue de même. Elle prend presque les deux côtés d'une feuille de cartable où je n'ai même pas écrit à double interligne. Nenon. À simple interligne s'il vous plait. Pis pas en grosses lettres comme Filou écrirait. Meuh non! En toutes petites lettres parce que sinon je manquerais de place.

Dessus, il y a plein de noms. Pour être exacte, j'en compte 32. Pis depuis que la liste est débutée, je stresse à l'idée d'oublier quelqu'un. Pis à tout bout de champ, j'en rajoute un. Donc, 33 noms sont inscrits sur ma liste de cadeaux de Noël (j'avais oublié le camelot).

Oui, oui vous avez bien lu. Oui, oui 33 personnes à qui je veux offrir un petit quelque chose pour Noël. Non, 34 personnes (j'avais oublié le brigadier qui fait traverser mes filles chaque matin avec une patience d'ange et un sourire de plomb).

Pour moi, Noël, c'est le moment de prendre le temps de remercier tout ceux qui gravitent dans mon entourage pour les moments passés ensemble, pour l'aide apportée, pour l'écoute donnée ou tout simplement parce qu'ils sont là. Là quand c'est le temps.

Donc, 34 personnes, c'est aussi 34 idées à trouver. Pis très peu pour moi l'idée de débarquer au secrétariat du Carrefour de l'Estrie et de demander 34 chèques-cadeaux destinés à l'achat de marchandises dans ses 180 magasins et boutiques.

Non. Moi j'aime chercher. J'aime trouver LE truc qui jettera pas terre la personne à qui est destiné le cadeau. Qui lui sciera les deux jambes. 

Alors, pas question de me mettre en quête du cadeau parfait le 23 décembre, vous comprendrez.

Pas question non plus de réhypothéquer la maison, de vendre la voiture et d'aller bosser de nuit dans une usine pour boucler le budget du mois de décembre.

Mon astuce? Je me sers de ma tête… et de mes mains.

Tout simplement.

C'est ridicule comme c'est niaiseux. Faut juste du temps.

Je ne suis pas gênée de vous dire que chaque année, plusieurs prient le petit Jésus afin de trouver sous le sapin une boîte de sucre à la crème à la Caramilk, une spécialité dont moi seule ai le secret. D'autres espèrent déballer mon confit d'oignon érable-balsamique qui fait des malheurs sous un St-Paulin. Pis j'ai même entendu dire que mon caramel maison manque cruellement à l'épouse du patron qui ferait des bassesses pour que le père Noël lui en laisse un pot dans la nuit du 24 décembre.

Ah zut! 35 noms maintenant. J'avais oublié Marie-Christine, ma collègue de travail.

Mais je ne m'attèle pas qu'au-dessus d'un chaudron de sucre pour rendre mon monde heureux. Parce qu'il n'y a pas qu'en gavant parents, amis et enseignantes des poulettes qu'il est possible de faire plaisir.

Je me rappelle d'une fois où j'avais passé un après-midi entier à la bibliothèque municipale à retracer et à photocopier toutes les chroniques que Daniel Pinard avait écrites dans Le Devoir de la dernière année. Le tout s'était retrouvé entre deux cartons bleus reliés. Coût de l'opération? 1,49 $. Appréciation du receveur du recueil? Il jubilait. Totalement.

J'ai fait des photos du gros bedon d'Élise l'an dernier. Coût de l'opération? 1 $ pour le cd sur lequel les photos ont été gravées. J'ai déjà passé des soirées à faire une super compilation de musique pour ma sœur. Coût de l'opération? 1 $ pour le cd. Mon autre sœur a déjà reçu une photo de Vincent Vallières que j'avais prise lors d'un de ses shows et que je lui ai fait autographier lors d'une entrevue pour le journal. Coût de l'opération? 1,19 $: 1 $ pour le cadre au Dollarama et 0,19 $ pour l'impression de la photo.

Pas question de me ruiner. Pas question de passer des heures au Future Shop et au Toys'R'us pour gâter les miens. De l'imagination et du temps. C'est tout ce que ça prend.

36 noms. J'avais oublié l'amoureux.