20 janvier 2011

Job ingrat

Il y a 12 ans, j'avais postulé pour un super job. La description de tâches avait l'air popire. La rémunération était à chier, mais je ne voulais pas de ce boulot pour l'argent. Je désirais ce poste pour tous les autres avantages qui en découlaient et qui semblaient tellement extraordinaires.

J'ai donc envoyé mon cv. Attendu une réponse pendant quelques semaines. Pendant l'attente, j'ai fait beaucoup de visualisation positive. C'était pendant les Olympiques de Nagano. Il y avait plein de psys sportifs à la télé qui expliquaient sans cesse l'importance de se visualiser dans le futur en train de gagner, de réussir. Alors, j'ai écouté sagement ces conseils d'experts et je me suis imaginée dans ce job.Job ingrat

Je pense avoir bien appliqué la méthode parce que ç'a fonctionné. J'ai eu le boulot convoité. Yé! J'étais folle de joie! J'en rêvais la nuit. J'y pensais en mangeant mes Cheerios le matin ou en avalant mon macaroni au souper. En frottant la bol, en marchant pour aller au courrier, en vidant le lave-vaisselle, en regardant les funérailles de Lady Di.

J'occupe toujours ce poste. Je pense que je vais y travailler pour encore de nombreuses décennies. Mais maudit que mon job est ingrat!


"Hé! Maxim, si on allait en ski demain?" "Euh... non. Je vais patiner avec mes amies demain", me répond-elle sur un ton de c**, comme si j'étais la dernière des imbéciles.

"Mamaaaaaan! T'as pas encore lavé mes jeans? C'est ça que je voulais mettre aujourd'hui!" me crie-t-elle du fond du sous-sol comme si j'étais à son unique service. Parce que c'est bien connu que les mamans, elles passent leur temps à attendre à côté du panier à linge de leur ado qu'un vêtement y tombe pour ensuite courir à la laveuse pour le rendre tout propre dans le temps de le dire.

"Ah non! Pas encore du pâté chinois! Tu fais toujours du pâté chinois! Moi je n'ai pas le goût de manger ça. Fais-moi du macaroni!" Hein? Se pense-t-elle au resto, elle? Parce que s'il n'en tenait qu'à moi, je n'en ferais jamais de souper. J'ai tellement d'autres chats à fouetter. Et là, la princesse n'est pas d'accord avec le menu du jour? Pardon?

Il y a des jours où je n'ai qu'une seule envie en tête: démissionner. Foutre mon job là et m'enfuir aux Bermudes manger des noix de coco et compter le nombre de vagues à l'heure qui viennent mourir sur la plage.

Non, mais c'est-tu fatiguant pareil! Qu'ils aient deux ans, six ans ou douze ans, ils ne sont jamais contents, ces enfants-là. Ça chiale toujours. Ça rouspète toujours. Ça se lamente toujours.

Que l'on court aux quatre coins de la ville pour les cours de natation ou pour un après-midi chez la copine, que l'on se lève la nuit pour les aider à dégueuler leur gastro, que l'on prenne le temps de cuisiner des muffins maison pour leurs lunchs, que l'on dépense sa paye en chandails et en pantalons qui ne feront plus dans six mois, qu'on leur paye des journées de ski ou un film au cinéma, les mamans n'en font jamais assez. Ou ce qu'elles font, elles le font tout croche. Pis surtout, il n'y a jamais, jamais, jamais de merci en retour.

Jamais de "merci maman, il est bon ton pâté chinois". Jamais de "merci maman de lâcher ton roman pour venir me reconduire chez Léa". Jamais de "je sais que tu détestes faire le lavage, mais sache maman que j'apprécie vraiment beaucoup que tu prennes le temps de laver mon linge pour qu'il y ait toujours des bobettes propres dans mon tiroir. Merci".

Déprimant, mais surtout ingrat le job de mère.

Ne lancez pas des roches à mon ado. Avant, regardez-vous le nombril. Quand est-ce la dernière fois où vous avez dit à votre mère qu'elle avait fait un boulot génial pour vous?

Merci maman de m'avoir endurée pendant toutes mes années d'adolescence, pour tous ces délicieux pâtés chinois, pour toutes ces bobettes si bien lavées, pour tous ces kilomètres faits en voiture...

Une amie rêvée

Cette histoire a commencé bien simplement, presque de façon ridicule: dans un salon d'esthétique! C'est l'histoire d'une fille qui va se faire poser des faux ongles pour une soirée de gala et qui jase de tout et de rien avec sa nouvelle esthéticienne.

"Que fais-tu de bon dans la vie, toi, à part ton travail?"

"Bah... pas grand-chose. Je commence à avoir hâte de faire du ski."

"Euh... Geneviève, c'est parce qu'on est en juillet!"


C'est tout simplement comme ça qu'est née une grande amitié entre mon esthéticienne et moi. Bête de même. En parlant de skis paraboliques, de bosses et de tempêtes de neige alors qu'il faisait 32 degrés à l'extérieur et que le commun des mortels ne rêvait que de guimauves calcinées et de vacances à Old Orchard Beach, je laissais entrer dans ma vie quelqu'un qui allait la marquer à jamais.

Au début, on ne faisait que dévaler les pentes ensemble. Puis, on s'est raconté nos vies 14 fois au-dessus d'un potage aux poivrons grillés, d'un filet mignon au cognac, d'une verrine aux trois chocolats, la coupe pleine de notre découverte rouge du jour. C'est ainsi qu'on a trouvé que nos points communs allaient beaucoup plus loin que notre amour des sous-bois de Sutton et du dénivelé de Tremblant.

Dommage qu'il n'y ait pas de Jeux olympiques de cuisine parce que Dany est moi, on ferait un duo imbattable. Dommage qu'il n'y ait pas de médaille d'honneur décernée à la meilleure amie à avoir pour ses enfants parce que Dany clancherait haut la main les autres participants. Et une chance que nos comptes de banque ne sont pas sans fond parce que tous les Lush de la terre seraient vides!

Dany, c'est l'amie avec qui on n'a pas peur de partir en voyage en Californie. C'est l'amie avec laquelle il est impossible de se chicaner. C'est l'amie qui est présente tant au salon funéraire qu'à l'anniversaire de ma plus vieille.

Petit à petit, Dany s'est niché une place de choix non seulement dans ma vie, mais aussi dans celle de mes poulettes. On aime tellement notre Dany nationale que mes parents en ont fait leur fille adoptive et qu'elle a maintenant sa place autour de la table familiale, tant au réveillon de Noël qu'aux anniversaires de tous et chacun du clan Proulx.

Faut dire qu'elle n'est pas difficile à aimer notre Dany. Impossible pour elle de débarquer quelque part les mains vides. Toujours les bras plein de surprises, tant pour les grands que pour les petits. Tenez, hier matin, elle est venue garder ma poulette à couches. Bien, mon amie est arrivée avec du café pour l'amoureux et des chocolats chauds pour mes grandes et moi.

Mais elle ne nous gâte pas seulement en cadeaux et petites surprises. Elle nous gâte en temps. Quand elle vient à la maison, Dany prend toujours le temps de jaser avec mes plus grandes et ça, c'est quand elle ne les ramène pas chez elle pour le dodo!

Hier matin, alors que son seul mandat était de cajoler ma petite, de la changer de couche au besoin et de lui donner à boire aux trois heures, elle a profité de mon absence pour mitoner un potage aux oignons grillés, des barres tendres et des biscuits au chocolat, pour faire deux brassées de lavage et vider le lave-vaisselle, tout ça en plus de voir aux besoins de mon bébé, de ma préado et de mon ado. De quoi donner des complexes!

Quand Samuelle se nourrissait par son cordon ombilical, ç'a été tout naturel pour l'amoureux et moi de la choisir comme marraine. On ne voyait personne d'autre pour remplir ce rôle. C'était aussi clair qu'Avatar en Blu-ray sur une 52 pouces HD.

Quand ç'a été le temps d'expulser la petite hors de son logement des 40 dernières semaines, c'est Dany que nous souhaitions avoir près de nous, l'amoureux et moi. Quand les choses se sont mises à mal aller, après l'accouchement, c'est à elle que j'ai confié mes plus grandes.

Dany, c'est l'amie rêvée.

Et ce rêve, il est réalité pour moi!

Enfin voilà le 3 janvier!

Pas fâchée de voir un 3 janvier sur le calendrier ce matin. Pas du tout fâchée.

Enfin le sapin est parti se composter quelque part (j'ai fini d'avoir peur d'oublier de l'arroser à tous les jours. Fini de ramasser des millions d'aiguilles aux quatre coins de la maison. Fini de surveiller sans cesse ma petite poulette à quatre pattes de six mois qui aimerait donc décrocher une de ces si belles boules...). Enfin parti!


Enfin finies toutes ces courses aux spectacles de Noël de toutes sortes. Cette année, nous avons eu droit à un concert musical, à un spectacle de cheerleading et à deux promesses scoutes, tout ça en cinq jours (finie la course à faire le souper, à avaler le tout en quatrième vitesse, à ne pas faire la vaisselle, à courir à l'autre bout de la ville pour applaudir nos prodiges, de revenir au bercail, à faire la vaisselle, à coucher tout ce beau monde-là pour enfin s'écraser sur un divan passé 22 h 30!). Bon débarras!



Enfin finies les longues soirées passées devant le fourneau, le frigo, le garde-manger, un rouleau à pâte dans une main, un emporte-pièce de l'autre, des moules à chocolat dans la poche arrière et une tonne de livres de recettes qui traînent sur le comptoir à popoter des "petites douceurs de Noël" (finie la course à l'épicerie parce que je manque de sucre ou parce que j'ai oublié d'acheter de la crème 35 %. Fini de stresser à savoir si mes macarons vont avoir la bonne texture. Fini de compter et recompter les chocolats fourrés pour m'assurer que tous en aient la même quantité.). Bebye!


Enfin finie la planification des tenues vestimentaires de toute ma smala pour toutes ces belles Fêtes de fin d'année (fini de frotter les chandails à 23 h pour s'assurer qu'ils soient bien propres pour le déjeuner familial du lendemain. Fini de passer trop de temps à chercher dans le fond des paniers à linge de la cabane la paire de collants qui va avec cette robe-là. Fini de repasser les chemises de l'amoureux -votre homme à vous est-il capable de faire fonctionner un fer à repasser? Fini de passer mon peu de temps libre en tête à tête avec une tonne de vêtements à plier.). Quin toé, maudit lavage!


Enfin finie la gestion serrée de nos déjeuners-dîners-soupers-soirées où l'on devait se diviser en quatorze pour voir tous les amis-matantes-mononcles-grands-parents-arrières-grands-parents qui réclament notre présence à leur activité de Noël. (Finies les routes interminables qui nous séparent de tous ces super partys. Finies les sommes colossales englouties par les détaillants d'essence. Fini le manque de sommeil associé à ces trop nombreux partys. Finie la propagation de vilains microbes qui profitent de ces réunions familiales pour faire des ravages non nécessaires.) Yé!


Enfin finies les cabrioles sévissant dans les estomacs qu'amènent l'abus de vin-bière-mousseux-lait-de-poule et l'ingestion de tourtières-sucre-à-la-crème-dinde-sauce-aux-canneberges-brie-terrine-de-foie-gras (fini le stress de ne pas rentrer dans mes pantalons achetés pour l'occasion. Fini de carburer au Pepto Bismol. Finies les deux Tylenol à prendre avant le dodo pour prévenir les lendemains de veille.) Enfin!

Enfin finies les nuits trop courtes qu'obligent les réveillons, la messe de minuit, le dépouillement d'arbres de Noël, le décompte vers la nouvelle année (finie l'impatience qu'amène les trois heures de sommeil quotidien. Finies les cernes qui descendent jusque sous le menton. Finies les crises de bébé éreintée parce que sortie de sa routine de dodo. Finies les heures passées devant le miroir à camoufler à coup de fond de teint les ravages faits par tout ce manque d'heures passées sous la couette.). Bonne affaire!

Enfin, voilà qu'arrive une période beaucoup plus tranquille destinée au cocooning, de soirées tranquilles, de repas remplis des quatre groupes du Guide alimentaire canadien, de routines, d'absence de maux de tête...

Qui a dit que le temps des Fêtes était un moment pour se reposer?

2011 questions sans réponse

On jettera le calendrier vendredi pour en afficher un nouveau sur le mur. Douze pages neuves remplies de promesses, d'espoir, de projets.

365 cases remplies d'inconnu surtout.

Parce qu'est bien fin celui qui pourra prédire avec certitude si le Canadien fera les séries, si on aura cette foutue commission d'enquête sur l'industrie de la construction ou bien si Prozac reviendra sur nos écrans. (Pour le savoir, faudrait peut-être mettre la main sur la table à Ouija de Chantal Lacroix!)

Je me demande bien si nous irons en élections provinciales. Si le prix de l'essence montera encore. Lequel des deux présidents proclamés de la Côte d'Ivoire ira finalement s'assoir au parlement? Qu'adviendra-t-il de Assange et de son WikiLeaks?


Je suis curieuse de savoir si on assistera en direct à la télé au baptême de Nelson et d'Eddy (le tout présenté par Julie Snyder bien sûr). Qui sera la star québécoise la plus trippante à suivre sur Twitter. Si le maire Sévigny réussira à régler son problème d'égout qui déborde.

Dites-moi, combien de nouvelles émissions culinaires verront le jour en 2011? Combien d'usines fermeront leurs portes au Québec au cours des 12 prochains mois? Verrons-nous enfin une épicerie au coin King-Jacques-Cartier?

Combien de fois Maxim ratera l'autobus cette année? Combien Filou aura-t-elle en anglais sur son prochain bulletin? Quand Sam-Sam marchera-t-elle? Est-ce que l'amoureux pensera enfin à sortir les poubelles et la récup quand c'est le temps?

Est-ce que ma balance affichera à un chiffre plus acceptable bientôt? Est-ce que mon retour au travail se déroulera sans pépin? Est-ce j'aurai enfin le dessus sur mon %&*$/!?(#$_+ de panier à linge?

Maxim videra-t-elle le lave-vaisselle sans que je sois obligée de perdre la voix à force de demander? Est-ce que Filou sera capable de se mettre du lait dans un verre sans en renverser les trois quarts de la pinte sur la table? Est-ce que Samuelle compte dormir plus longtemps que quatre heures la nuit avant qu'elle souffle sa première chandelle?

Sais pas. Mystère et boule de gomme.

Et je pense que je ne veux pas vraiment le savoir.

J'aime les surprises. De ne pas savoir qu'un événement arrivera telle date ajoute du mystère au quotidien et me permet de passer de meilleurs jours également.

Si je savais, par exemple, que le 8 janvier mon bébé me clanchera des nuits olympiques de 12 heures, imaginez comment mes prochaines nuits seraient pénibles. Atroces. L'enfer. Combien je chialerais à chaque réveil. Combien j'anticiperais ce fameux 8 janvier. Là, je ne sais pas quand ça arrivera alors je me lève la nuit et j'assume ce choix d'avoir fait un bébé. Quand les nuits complètes arriveront, je fêterai. Voilà.

Voilà le sens de la seule résolution que je prendrai cette année. Vivre ma vie comme elle vient. Sans attendre avec impatience que se produise mes souhaits et mes désirs.

Ainsi, un jour, je serai capable d'enfiler des pantalons que je portais avec qu'il y aille un globe-terrestre sous mon t-shirt (parce que là, ils restent coincés à la hauteur des genoux!). Un jour, je retournerai faire du ski sans avoir peur que mon coeur pète au «frète» (parce que là juste l'idée de mettre mes bottines dans mes pieds fait monter mon rythme cardiaque à 160!).

Un jour, j'arrêterai d'avoir faim tout le temps (parce que là j'ai usé le plancher de la dépense tellement j'y vais tout le temps). Un jour, je remettrai mes espadrilles et ferai la Course à relais autour du lac Memphrémagog (parce que là juste courir de la cuisine au salon me prend deux heures à m'en remettre).

Pour l'instant, je vais continuer d'avaler des doses astronomiques de fer quotidiennement. À me refaire une santé. Pis à me lever la nuit!

Pour le reste, ça arrivera quand ça arrivera.

Bonne année à vous tous! Je vous souhaite plein de soleil dans vos vies, de bonheur dans vos familles et surtout... plein de surprises!

Mes 33 derniers Noëls: 0 Mon futur Noël: 1

Cette semaine, on m'a demandé de raconter un souvenir de Noël particulièrement marquant. Mais j'ai beau fouiller dans les annales familiales, je ne trouve rien qui vaille la peine de noircir une colonne dans un journal. J'ai beau passer en revue mes 33 derniers Noël, il n'y a rien qui vaille le chèque de paye qui m'attend pour cette chronique.

Désolé Monsieur-le-rédacteur-en-chef-par-intérim, mais mon plus beau Noël n'est pas derrière moi. Il est devant. Celui qui se pointera ce week-end.

Pourquoi?

Tout simplement parce qu'il s'en est fallu de peu pour que je ne le vois pas. Si, si, mon Chiclets a passé près de ne pas se retrouver sur les photos familiales annuelles. Ma mère aurait eu un cadeau de moins à acheter. L'amoureux aurait attendu le père Noël en tête à tête avec sa nouvelle-née (du moins j'espère que je n'aurais pas déjà été remplacée!). Et j'aurais manqué les éclats de vie dans les yeux de mon bébé devant le sapin de Noël.


Parce que si on avait été en 1943, mettons, je n'aurais pas survécu à mon accouchement. Je serais tout simplement morte au bout de mon sang qui n'en finissait plus de s'enfuir de mon corps. Vive la médecine moderne!

Mais même en 2010, les gens qui m'assistaient dans la mise au monde de ma numéro trois ont eu chaud et ce, tant au sens propre qu'au sens figuré. Je vous le dis, ça sentait le swing dans la place!

Faut dire que lorsque des professionnels crient sans cesse et à tout rompre : «C'est une urgence vitale! Faites vite!», c'est assez pour détremper un t-shirt et pas juste sous les bras. On les comprendra, ils avaient tous la chienne de devoir remplir un constat de décès en plus d'une déclaration de naissance.

Sur le coup, je n'ai pas réalisé l'ampleur de la situation. La gravité de mon état. J'étais trop occupée avec mon masque à oxygène qui me tapait royalement sur les nerfs. J'étais aussi en colère contre celle qui me martyrisait les cuisses avec ses multiples injections de médicaments. Non mais, ne pouvait-elle pas faire plus attention?

Et j'espérais tellement que celle qui tentait de faire contracter mon utérus en pompant mon ventre aussi fort que si elle actionnait une baratte à beurre aille prendre un café. Je me foutais vraiment du fait qu'on luttait pour ma survie. Bref, je pensais qu'on était devant un léger pépin.

Je pense que j'ai compris ce qui arrivait quand j'ai vu les yeux remplis d'inquiétude et de peur de l'amoureux qui se promenait d'un bord à l'autre de la chambre avec la poulette toute neuve dans les bras.

Je pense que j'ai concrètement réalisé ce qui se passait quand j'ai demandé à mon amie Dany de bien s'occuper de mes deux grandes filles.

Finalement, même si j'ai rempli quelques pots à jus de liquide rouge, je suis encore là. Bien en vie. Je ne me souviens plus trop des premiers jours de vie de Sam-Sam, mais je me rappelle que j'étais là pour elle. Malheureusement, ne pensez pas à moi pour courir un marathon, mais je commence à être capable de monter les marches pour me rendre à ma chambre sans avoir l'impression que le coeur veut me sortir de la poitrine. Mais je suis là pour les monter, ces marches!

On entend souvent dire que les gens qui frôlent la mort trouvent que le soleil brille plus. Que les fleurs sentent meilleur. Que l'air est plus frais dans leurs poumons. Je ne peux pas dire si toutes ces choses sont vraies. Mais je sais que ce sera mon plus beau Noël tout simplement parce que j'y serai.

Mon plus beau cadeau de Noël

Ne me demandez pas ce que j'ai reçu au Noël de l'an dernier parce que je ne m'en rappelle plus. C'est également le néant quand je cherche ce qu'on m'a offert l'année d'avant. Et n'allez pas croire que ce qu'il y avait sous le sapin, il y a trois ans, a trouvé place dans un tiroir de ma mémoire. Malgré cette piètre performance au niveau de mes souvenirs de cadeaux de Noël, je me rappelle très bien ce que j'ai reçu en 1982.

Pourtant, le Noël 1982 n'est certainement pas le préféré de mes parents. Ce ne sont pas eux qui avaient gagné le million cette année-là. Ce n'est pas cette année-là que le frigo débordait de caviar et de Veuve Cliquot. Ce n'est pas cette année-là que ma mère s'est épuisée à faire les magasins pour remplir le coffre de l'auto de cadeaux.

L'édition 1982 n'aurait pas dû passer à l'histoire selon ceux qui m'ont donné la vie. C'était une année de crise. De taux d'intérêt astronomiques. De coupons-rabais à l'épicerie. D'oreilles de lapin sur la télé. De sandwichs au fromage Kraft dans la boîte à lunch. De salopettes en corduroy brunes achetées en solde au Bon Marché.

N'empêche que, avec mes yeux de petite fille de six ans et demi, je ne voyais pas toutes les difficultés auxquelles étaient confrontés mes parents. J'étais bien trop occupée avec mes catalogues de Distribution aux consommateurs et de Sears Noël à encercler au stylo Bic rouge ce que je désirais que le père Noël laisse sous le sapin.


J'avais bien envie d'avoir de nouvelles Barbie et surtout celle avec la robe rouge en satin. Je trouvais que la petite école Fisher Price avait l'air très amusante. Il y avait aussi une petite machine à coudre à piles avec laquelle je m'imaginais me fabriquer de magnifiques vêtements. Je mourrais d'envie d'avoir le nouveau Battleships électronique qui semblait fonctionner tellement mieux que celui que j'avais déjà. Pis le comble du bonheur aurait été d'avoir le jeu Simon (vous savez, le bidule à quatre touches de couleurs où il fallait recréer une suite?).

Autant dire que le père Noël avait beaucoup de pression sur les épaules pour rendre la petite fille que j'étais très heureuse. Ce que j'ai pu en écrire des lettres. Ce que j'ai pu en faire des promesses que je serais la plus sage des enfants si on m'apportait tout ce qui se retrouvait sur ma liste...

Même si j'avais bon espoir de me réveiller le 25 au matin avec une tonne de cadeaux à déballer, ça n'a pas été le cas. Pourtant, j'avais fait mon lit tous les matins en décembre. J'avais bien la bonne adresse postale pour mes lettres destinées au gros barbu. Malgré tous mes efforts, il n'y avait qu'une seule petite boîte sous le sapin qui m'était destinée. Qu'une seule.

J'ai enlevé le papier d'emballage et j'ai ouvert le cadeau pour y trouver une dizaine de cassettes vierges. Je ne comprenais pas trop. Ce n'était pas sur ma liste. Que pouvais-je faire avec des cassettes vierges, voulez-vous bien me dire?

"Sur ces cassettes, il y a de la musique Geneviève. Tiens, ici, tu as la cassette de toutes les chansons de Fan Fan Dédé. Sur celle-ci, tu trouveras les chansons du Pays de Chanterelle. Ici, j'ai mis toutes celles de Passe-Partout et sur celle-là, il y a celles de Nathalie Simard. Tu pourras toujours les écouter, quand tu le voudras", m'avait expliqué ma mère devant mon air triste.

Pendant des semaines avant Noël, une fois que j'étais couchée, ma mère sortait son attirail et copiait des 33 tours sur des cassettes vierges. Des vinyles d'émissions de télé et de chanteurs que j'aimais beaucoup qu'elle avait empruntés à des amies et à la bibliothèque municipale. Pendant des jours, elle avait préparé mon cadeau y mettant du temps et du coeur.

Et moi, pendant des mois, je me suis couchée le soir en écoutant de la musique sur mon petit magnéto trop heureuse de ce cadeau si magique. Si inattendu. Si touchant.

Encore aujourd'hui, 28 Noël plus tard, je me rappelle de ce cadeau comme étant le plus beau. Parce que ma mère y avait mis tout son temps. Son amour. Elle m'aurait donné le catalogue du Sears au grand complet que je n'aurais pas été plus heureuse.

Une tempête dans un verre... de lait!

Samedi dernier, on s'est payé la totale, l'amoureux et moi. Grasse matinée jusqu'à 8 h 30 (nous avons un bébé de quatre mois, je vous rappelle, alors 8 h 30, c'est vraiment la grasse matinée) et déjeuner au resto sans les grandes filles dans les pattes, parties pour le week-end chez leur grand-mère.

Un beau petit déjeuner tranquille donc. À lire le journal et à commenter les différentes nouvelles du jour. À chialer sur les fraises congelées et mauvaises nombreuses sur ma gauffre. À rire devant Sam-Sam qui vient de découvrir sa voix et qui hurle, mais hurle à n'en plus finir.

Un beau moment. Pas stressant pour deux cennes. Relaxe.

Dans le fond complètement du resto, je vois une amie qui a aussi un bébé de l'âge de Sam. Elle est aussi avec son amoureux. Ils ont l'air d'avoir bien du plaisir tous les trois. On dirait un calque de notre table!


Mais voilà, son petit homme commence à s'agiter. Son sourire a cédé la place à une moue. C'est l'heure du lunch pour lui aussi visiblement.

Je vois l'amie qui se prépare à allaiter. Elle entre sa main dans son chandail pour défaire l'attache de son soutien-gorge. Elle place son bébé sur ses cuisses et vient pour relever son chandail... Mais au dernier moment, elle décide de ne pas le faire à la table. Elle se lève avec son petit poulet dans les bras et prend la direction... des toilettes!

J'ai eu le coeur brisé. J'étais triste parce que mon amie, qui a décidé d'offrir le meilleur pour son bébé, est réduite, par gêne ou par pudeur, à se réfugier à l'abri des regards pour nourrir son rejeton. À briser son beau déjeuner avec son amoureux.

Pis on s'entend-tu que d'allaiter assise sur la bol, il y a plus sexy comme occupation?

Je ne juge pas la décision de cette maman de ne pas nourrir son enfant en public. C'est son choix et ce sont ses seins à elle.

Ce qui me fend le coeur, c'est le manque d'ouverture de plusieurs sur la chose. C'est clair que si tout le monde avait gardé leurs yeux sur leurs oeufs-miroir-bacon-patates, le petit aurait eu la mamelle dans la bouche et personne n'en aurait fait de cas.

Mais voilà, ce n'est pas le cas. L'allaitement est un geste banal, mais comme peu de mamans osent le faire en public, ça surprend. Et ça dérange surtout ceux qui ne connaissent pas la chose.

J'en suis à mon troisième allaitement. Ça fait longtemps que ça ne m'énerve plus d'allaiter sur un banc au Carrefour de l'Estrie ou devant le beau-père. Mais chaque fois que je le fais, je n'en reviens pas du nombre de malaises que je provoque. De la quantité de personnes qui s'approchent de moi pour regarder de très près ce que je suis en train de faire pour ensuite me jeter un de ces regards monstrueux de désapprobation.

Soyez rassurés, quand c'est l'heure du lunch de Sam, je garde beaucoup plus que mes bobettes sur le dos. Je suis comme toutes les autres filles de la terre: je me trouve grosse et moche et je n'ai pas envie que des inconnus scrutent de près les vergetures que ma grossesse a laissées en souvenir sur mon globe-terrestre qui refuse de rentrer dans mes jeans d'avant. Bref, je suis discrète.

Mais même si Sam est cachée sous une couverture. Même s'il fallait un microscope aussi puissant que ceux de la NASA pour trouver un centimètre de peau. Même si pour voir un tantinet de mon sein, il faudrait me passer sous un rayon X, ça énerve de savoir que là, sous le doudou, il y a un bébé qui tète un sein.

Je suppose donc que mon amie n'a pas voulu affronter ces regards remplis d'indignation et que plutôt que de profiter de ce beau samedi matin avec sa famille, elle a fait son boulot de maman dans les bécosses.

Triste pareil.

07 décembre 2010

Ce qu'on ne vous dit pas sur la maternité

À mon premier rendez-vous de suivi de grossesse, alors que je n'avais qu'une seule et unique envie/besoin/intérêt : entendre le coeur de mon bébé, la secrétaire de l'endroit m'a remis une grosse brique de 738 pages à lire intitulée Mieux-vivre avec notre enfant de la grossesse à deux ans.

Publié par l'Institut national de la santé publique du Québec, ce livre parle de tout tout tout. Tout ce qu'il faut savoir pour devenir un as dans le domaine de la maternité. Qui nous permettra de récolter la médaille d'or aux Olympiques de la connaissance de la vie familiale. Qui fera de nous une candidate hors pair à Tous pour un portant sur l'installation d'un siège d'auto et l'introduction des aliments solides chez les bébés de six mois.

Ainsi, par exemple, on apprend au fil des pages enfilées qu'une femme au poids santé peut s'attendre à prendre entre 25 à 35 livres pendant sa grossesse et que le lait maternel contient une grande quantité d'oméga-3. On apprendra à détecter si notre poupon combat une roséole ou si c'est normal qu'il soit incapable de dire les sons «r» et «l» avant deux ans et demi.

Vraiment, c'est une super brique. Qui me sert tout le temps. Elle me suit de la chambre de Sam-Sam à la salle de jeux. J'ai un doute sur la nécessité de donner de la vitamine D à ma poulette? J'ai la réponse à la page 462 du manuel. Je me demande si ma poulette a des coliques, je me rends à la page 227. Je me questionne sur le fait que ma nouvelle-née n'a toujours pas de larmes? Ma réponse se retrouve à la page 169.


Mais comme rien n'est parfait en ce bas monde, le Mieux-vivre a ses faiblesses. Je cite ce bouquin, mais c'est pareil dans tout ce qui traite de maternité. On jase sans problème de trucs liés à notre nouveau rôle de maman, mais on en oublie une bonne quantité. Des d'informations pourtant vitales à notre santé mentale.

Par exemple, on y claironne partout que c'est primordial de prendre soin de notre couple lorsqu'une troisième personne se joint à notre duo. Qu'il faut communiquer parce que «l'arrivée d'un bébé apporte des changements qui nécessitent une adaptation de la part des deux parents» (p. 202). Mais ce n'est mentionné nulle part que de déchirer au troisième degré peut apporter son lot d'inconvénients pour le couple. Que de donner la vie à un poupon engendre un flot d'émotions qui peuvent ne pas être de la joie et du bonheur. Que l'on peut être très triste face à un accouchement qui a mal tourné et qui a laissé des traces tant physiques que psychologiques.

Quand il est question d'agrandir la famille, tous parlent de l'importance de bien préparer la soeur ou le frère aîné à son nouveau rôle afin d'éviter le retour au lit mouillé ou à la rechute de la suce (p.204). Mais qui pense à avertir la mère que ce sera elle qui vivra le plus difficilement cette étape? Personne. Personne ne pense à nous dire toute la culpabilité qui nous tombera dessus quand on se rendra compte que l'on ne peut plus autant s'occuper du #1 qu'avant.

On nous donne 1001 conseils pour éviter que notre bébé ait une tête plate (p.251), pour qu'il s'intéresse à la lecture (p.262) ou pour l'aider dans l'apprentissage de la parole (p.265), mais pas un chapitre, pas une page, pas même une petite phrase sur le sentiment de dépassement d'une maman qui n'est plus capable d'endurer son bébé qui pleure depuis trop longtemps et qui n'a qu'une seule envie : «taper» sa bouche avec du Duct Tape pour ne plus l'entendre.

La maternité peut être merveilleuse. Elle nous fait découvrir le meilleur de nous-mêmes.

Mais maudit que ça peut tellement être de la merde aussi.

Mon père est plus fort que le tien

Je n'apprendrais rien à personne ce matin, mais mon père est plus fort que le vôtre.

Il pourrait réduire en poussière n'importe qui qu'avec une petite «pichenotte» de rien du tout. Il a une culture phénoménale qui pourrait jeter n'importe quel concurrent à Tous pour un au tapis. Pis les Jamie Oliver, Ricardo, Jean Soulard de ce monde seraient verts de jalousie de le voir aller devant un fourneau.

Voilà, c'est dit. Na na na nèreeee!

Paraît, toutefois, que ce discours enfantin ne se retrouve pas uniquement que dans les cours d'école entre deux sauts à la corde et une partie de ballon prisonnier. Avec le temps, au fil des calendriers qui passent, ce genre d'affirmations reste encore très présent dans les conversations des grandes personnes.


C'est juste que le héros de notre argumentaire est légèrement moins âgé que lorsque nous apprenions à multiplier 8 par 6.

«Hein? Ton fils ne se tourne pas encore du dos au ventre? C'est parce que le mien a commencé à faire ça il avait trois mois pile.»

«Tu as vu? Ma fille est capable de s'asseoir seule et elle n'a même pas cinq mois!»

«Moi, mon bébé marche à quatre pattes depuis qu'il a six mois, peut-être que tu ne stimules pas assez le tien?»

«Tu devrais entendre ma petite pie jacasser. Hé! Elle va fêter son premier anniversaire bientôt et déjà elle connaît plein de mots!»

«As-tu pensé à consulter? Il me semble que ce n'est pas normal que ta poulette ne marche pas encore. La mienne marchait à cet âge.»

Bla bla bla.

Fatiguant pareil, ce jeu des comparaisons. Déprimant même.

Bien voulez-vous m'expliquer pourquoi j'embarque là-dans tête première, cibole?

Chaque fois que je me retrouve en présence de petites personnes à couches, je cherche constamment à valider que ma fille est la meilleure. La plus avancée. La plus éveillée de toute la gang.

Ma Sam-Sam pète la courbe de croissance en termes de grandeur (ouin pis?). Ma Sam-Sam se vire du dos au ventre depuis qu'elle a trois mois (on lui décerne une médaille?). Ma Sam-Sam n'a jamais voulu de suce (oh! bonjour l'exploit!). Ma Sam-Sam ne se réveille qu'une fois dans la nuit (bien tant mieux pour toi!).

C'est assez ridicule quand on y pense. Que ma poulette soit capable de s'asseoir à cinq, six ou sept mois, on s'en balance. Il est fort à parier que lorsqu'elle montrera dans un autobus jaune, elle sera capable de mettre ses fesses sur une chaise sans pour autant se retrouver le nez sur le bois franc. Que si elle décide de finalement faire ses nuits complètes un jour, elle va de toute façon, arrêter de les faire quand l'adolescence se pointera.

Mais pourquoi, merde, embarquons-nous systématiquement dans cette compétition totalement inutile? Qui cherchons-nous à impressionner de la sorte? Parce qu'à ma connaissance, le 100 mètres quatre pattes ne sera pas à l'horaire de Londres 2012. Le saut en hauteur au Jolly Jumper n'a toujours pas son association sportive officielle. Et que le «fracassage» de courbe de croissance ne sera jamais homologué dans le livre des Records Guiness.

Et si c'était nous, les mamans et les papas, que nous cherchons à glorifier. Une façon détournée de se dire qu'on fait un bon boulot. De se donner une tape dans le dos. Parce qu'elles sont tellement rares les félicitations destinées à nous rassurer sur notre manière d'éduquer nos rejetons.

La prochaine fois qu'une maman vantera les mérites de son poulet, ne le prenez pas personnel, parce que vous saurez que c'est elle-même qu'elle félicite.

Tirer sur les oreilles

Maxim venait à peine d'être poussée à la vie que déjà j'avais hâte que son premier sourire se dessine sur son visage. Quand ce fut une affaire réglée, je n'avais qu'une envie : entendre mon bébé rire aux éclats. Ce jour est arrivé quelque part à l'automne 1998.

Mon excitation devant ses éclats de rire n'a duré que quelques jours. Rapidement, j'ai commencé à penser au jour où ma puce serait capable de s'asseoir seule. Puis à celui où elle lèverait ses petites fesses du sol pour la voir enfin se lancer dans la marche à quatre pattes. Et à deux pattes.

J'avais donc hâte qu'elle ait enfin quatre mois pour lui fourrer une cuillère de céréales dans la bouche. J'avais donc hâte qu'enfin elle passe au stade des purées de carottes et d'abricots. J'avais donc hâte qu'elle avale des ti-mottons. J'avais donc hâte qu'elle mange enfin comme nous des hamburgers fromage-bacon ou du chic tartare de boeuf à la moutarde de Dijon.

Je ne comprenais pas pourquoi elle ne tenait pas encore une conversation avec moi quand elle a soufflé sa première bougie. Qu'elle doive encore porter des Pampers quand on lui a chanté bonne fête pour la deuxième fois. Qu'elle ne sache pas peinturer à la gouache sans en renverser tout partout autour de son carton quand on a célébré son troisième anniversaire. Qu'à ses quatre ans, elle était toujours incapable d'attacher ses souliers seule. Et qu'il arrivait qu'elle oublie des lettres quand elle écrivait son nom de famille quand on a fêté son quinquennat.


J'avais tellement hâte qu'elle soit plus autonome. Qu'elle ne requière plus mon attention 24 heures pas jour. Qu'elle soit capable de respirer sans que je sois dans un périmètre de 15 mètres carré.

Dès que j'avais une chance, je la déposais par terre. Dès que je le pouvais, je l'incitais à jouer seule. Dès que mes tâches obligatoires de maman - allaitement-changements-de-couche-bain - étaient terminées, je la mettais dans sa balançoire, dans son parc, dans sa soucoupe, dans son Jolly Jumper. Partout sauf dans mes bras.

Mon père dit souvent que j'ai tiré sur les oreilles de ma plus vieille pour qu'elle grandisse plus vite. Pas question de l'obstiner là-dessus. Il a totalement raison. J'étais incapable de savourer le moment présent avec mon aînée. De profiter d'elle telle qu'elle était. Je pensais sans cesse à la prochaine étape de son développement psychomoteur prévue dans le Mieux-Vivre 1998.

C'est triste quand on y pense. Comme si je n'étais jamais satisfaite des progrès de ma poulette. Comme si je ne pouvais pas accepter mon enfant telle qu'elle était. Comme si elle n'en faisait jamais assez pour satisfaire la mère hyper exigeante que j'étais.

Ce n'est pas que je n'aimais pas passer du temps avec ma puce. Qu'elle m'emmerdait. Ou que je regrettais d'être devenue mère. Non, non ce n'était pas ça. J'aimais mon bébé plus que tout. Je voulais juste qu'elle soit toujours plus grande. Toujours meilleure.

Pathétique pareil.

Tellement pathétique.

Totalement pathétique.

Pathétique parce que là, la grande cogne aux portes de l'adolescence pis je tuerais pour qu'elle retourne à l'époque où elle gambadait aux quatre coins de mon 4 ½ avec ses petits poings en l'air en criant : «Po-La-La-Po-La-La-Po!». Au temps où elle voulait bien se bercer avec moi en chantant «La nuit court après le jour... Le jour court après la nuit...». Où je me levais quatre fois par nuit pour la mettre au sein. Où mes règles éducationnelles se résumaient à : «Non! Ne touche pas à ça bébé!»

Où j'étais toute sa vie.

Absent du paysage

Il y a des choses dans notre paysage qui sont là et qu'on ne voit à peu près plus. Par exemple, personne ne passe sur le boulevard de Portland et regarde le Carrefour en disant : «Oh! Wow! Le Carrefour!» On sait qu'il est là. Et on se doute qu'il y restera toujours. Il changera peut-être de look. De grandeur. Mais il sera encore là demain et après-demain.
C'est un peu ce que je faisais avec mon grand-père.
Il est toujours là.
Fort comme un roc.
Avec une santé de fer.
Il est toujours là à faire rire mes poulettes. À nous raconter des anecdotes de son passé qu'on connaît par coeur tant il les a dites et redites.
Mais vendredi dernier, les choses ont changé.
«Ge, Paul vient de faire un infarctus. Il a de grosses difficultés respiratoires. L'ambulance vient juste de partir de chez lui. Maman est là et s'en va à l'hôpital avec Mamie», m'a annoncé sans détour ma soeur, vendredi après-midi.
Ma première réaction? «Ben voyons, c'est impossible. Paul n'est jamais malade!»
Malgré ses 81 ans bien comptés, je n'ai jamais connu mon grand-père avec un nez qui coule, avec un mal de tête ou avec une crampe dans le mollet. Alors, avec une artère de bouchée? Jamais en 100 ans!
pourtant, c'était le cas.
Pendant d'interminables minutes, de longues heures, j'étais scotchtapée à mon téléphone en attente de nouvelles fraîches. À espérer un dénouement heureux.
Pour m'occuper les dix doigts, j'ai fait la téléphoniste diseuse de mauvaises nouvelles. Ma marraine, ma cousine, ma grand-tante, j'ai les appelées pour les informer de la situation. Après avoir fait ma sale job, j'ai écouté, rassuré, consolé mon monde.
N'en pouvant plus d'attendre, j'ai rejoint à nouveau ma mère. «Pis, pis, pis?»
«Il est parti en hémodynamie. C'est quoi ça de 'l'hémodynamie'?»
Je cours à mon ordi, fais une recherche sur le net (Vive Google! Vive Wiki!), lui transmets les informations demandées.
Je raccroche. Refais la chaîne téléphonique : ma soeur, ma marraine, ma cousine, ma grand-tante.
«Est-ce qu'on meurt d'un infarctus?» me demande ma cousine. Je retourne sur l'ordi, recherche sur Google, sur Wikipedia, tente de faire un cours de cardiologie vasculaire avancé en trois minutes top chrono. Rappelle ma cousine. Lui explique ce que j'en comprends. Nous sommes -un peu - rassurées.
On organise les prochaines heures. La famille montréalaise descend. Je m'offre pour garder les bébés. Ma cousine restera chez ma grand-mère pour la soutenir.
Merde! Max! Dans tout ce brouhaha, j'ai oublié ma fille. Je dois aller la reconduire à son camp scout qui débute le soir même et qui a lieu à La Patrie, autant dire à l'autre bout du monde dans de telles circonstances.
«Voyons chérie, je vais aller la reconduire moi!» me dit l'amoureux alors qu'il s'affairait à préparer le souper.
Le téléphone sonne. Chaque fois que l'engin montre signe de vie, mon coeur arrête de battre. Si une mauvaise nouvelle était sur le point de parvenir à mes oreilles?
C'est ma mère. Ma main tremble. Je suis livide. «Oui...?»
«Bon, Paul vient d'arriver aux soins intensifs. Ils lui ont débloqué son artère et tout va pour le mieux. On aura eu plus de peur que de mal. Il devrait sortir de l'hôpital dans quelques jours.»
Mon grand-père aura été chanceux dans sa malchance.
Et ce petit accident nous aura fait prendre conscience que même si on ne la voyait plus, notre famille possède une solidarité peu commune. Que même si mon grand-père fait partie de notre paysage depuis toujours, peut-être un jour il n'en sera plus ainsi...
Alors cet après-midi, quand je passerai sur le boulevard de Portland, je m'exclamerai en disant : «Qu'il est magnifique ce centre commercial!»

05 novembre 2010

Et puis, les nuits?

Lorsque l'on reçoit un chèque du RQAP (Régime québécois d'assurance-parentale) chaque deux semaines, il n'y a qu'une seule et unique chose à laquelle on pense: les nuits de bébé. Tout tourne autour des nuits. Les foutues nuits.
Même si on voulait faire autrement, s'attarder au développement psychomoteur de notre rejeton ou bien réfléchir à la façon dont on va diversifier son portefeuille d'épargne-études, eh bien on ne le peut pas. Impossible de faire autrement parce qu'à tout bout de champs, il y a toujours quelqu'un qui nous ramène ça sur le tapis.

Chaque deux minutes, il y a toujours quelqu'un qui demande : «Et puis, les nuits?» «Pis, papa, il dort bien?» «Elle se lève souvent la nuit, la petite?»

Peu importe la réponse donnée, ces questionneurs sur la vie nocturne de notre nouvelle-néey vont de leurs propres histoires, de leur vécu qui va d'un extrême à l'autre. «Moi, mes enfants ont tous fait leurs nuits à trois semaines pile poil. Après, ce sont des caprices. Ne te laisse pas marcher sur le dos ma petite-fille!» «Les nuits... Mon dernier commence à peine à les faire et il vient d'avoir trois ans.» «Ma petite-fille de sept mois se réveille aux deux heures encore, mais bon, c'est de la faute de sa mère. Si elle prenait les choses en main, ça serait réglé depuis longtemps.»


Certains trouvent abominable que Sam-Sam se réveille encore la nuit, à quatre mois. D'autres compatissent en disant que c'est loin d'être terminé, alors que certains trouvent que ma petite poulette est bien gentille de se rendormir si rapidement après avoir rempli son estomac.

Arrive, ensuite, la ronde des trucs infaillibles visant à s'assurer que les parents puissent enfin penser pouvoir dormir de 22 h à 6 h du matin sans interruption suce-tétée-couche pleine-pleurs quelconques.

«Connais-tu le truc du 5-10-15? Moi, ça a changé ma vie. Deux nuits de ce régime et mon bébé ne s'est plus jamais réveillé la nuit!»

«Ici, on a remplacé les tétées par des biberons d'eau. Ça n'a pas été trop long que bébé a compris que se lever pour de l'eau, c'est plate en sale.»

«Moi, je fais toujours la même routine le soir. À 20 h, c'est la tétée. Ensuite, on lui donne un bain puis je lui raconte une histoire. Bébé sait donc que c'est la nuit. Et il file ça jusqu'au lendemain matin.»

«Mon bébé avait faim. Tout simplement. Dès que je lui ai donné des céréales, il s'est mis à dormir de longues nuits!»

«C'est parce que tu l'allaites que ta petite ne fait pas ses nuits. Sèvre-là, tu vas voir, elle va mieux dormir. C'est bien connu que le lait maternel se digère plus vite que le lait maternisé.»

C'est obsédant pareil ces histoires de nuits. Faites-le test sur Google. Avec les mots-clés «bébé» et «nuit», vous obtiendrez près de deux millions d'entrées. Deux millions!

Et vous savez quoi? Je m'en fous un peu de me lever deux ou trois fois par nuit.

Quand on y pense, je suis payée pour me lever la nuit. Je suis payée pour lui donner à manger quand elle a faim. Je suis payée pour l'aider à s'endormir. Je suis payée pour être là quand elle a besoin de moi. Que ce soit de jour ou de nuit. Le gouvernement ne me paye pas pour que je passe l'aspirateur ou bien pour que je fasse le ménage de mon frigo. Il me paye pour que je m'occupe de ma puce. Point. Et même si je ne recevais pas de dépôt direct deux fois par mois du RQAP, je le ferais pareil. C'est dans la description de tâches des mamans.

Ce qui m'agace, c'est bien plus l'opinion que l'on se fait de moi, mais aussi des milliers de parents qui conjuguent leurs nuits avec un bébé qui aurait bien d'autres chats à fouetter que de fermer la paupière.

Sachez, chers spécialistes de la vie nocturne des poupons, que tout n'est pas si simple. Que de réussir à faire dormir un bébé une nuit complète n'est pas aussi facile que de faire bouillir une tasse d'eau chaude au micro-ondes.

Si c'était le cas, on ne serait pas autant à se promener avec des cernes qui vont jusqu'en bas du menton et un teint de pinte de lait.

01 novembre 2010

Sauter comme un lapin

On m'a encore réveillée à 2 h du mat. Et encore à 4 h.

Et le comble, c'est que ce n'était pas la petite qui réclamait son dû.

Ben non, c'est la maudite lapine qui faisait des cabrioles dans sa cage. Lily-Bunny, elle a décidé que pour faire une Josée Lavigueur d'elle-même, c'était beaucoup mieux au beau milieu de la nuit. Qu'il n'y a rien de meilleur qu'un clair de lune pour fortifier ses mollets. Qu'un casse-croûte, ça se digère beaucoup mieux quand il fait noir. Qu'une litière, c'est un magnifique jouet pour passer le temps quand tout le monde ronfle dans la cabane.

J'ai l'impression qu'elle s'entraîne pour les Olympiques des grandes oreilles. Discipline convoitée: cacophonie pour les 8 livres et moins. Objectif visé: réveiller le plus de gens possible pendant le plus grand nombre de nuits possible. Espoir de médaille? Très fort!


Bref, je ne sais pas ce qui se passe avec Lily-Bunny, mais j'ai la grande impression qu'elle vient d'entrer dans une phase très bruyante de son existence et qu'elle souhaite un peu de solidarité de notre part.

Lily-Bunny, c'est le lapin que j'ai «hérité» suite au décès du père de mes filles. À vrai dire, j'aurais espéré une villa à Aspen ou une Jaguar, mais bon, j'ai accepté avec bonheur ce «cadeau». D'autant plus que ça faisait grandement plaisir aux poulettes de retrouver leur copine à fourrure noire et blanche qu'elles voyaient auparavant un week-end sur deux.

Elles avaient déjà le coeur brisé en 1000, pas question d'en remettre sur le tas en les privant de leur bestiole adorée. Personnellement, je trouve que c'est plus amusant d'épousseter un bibelot de chat, mais je ne suis pas cruelle et égoïste au point d'avoir refusé d'héberger cette bête à quatre pattes.

Au début, je nettoyais sans trop chialer la cage de la lapine. Je faisais des détours pour aller à l'animalerie afin de lui acheter des petites gâteries. Je m'installais avec elle devant la télé pour la flatter des heures durant.

Un jour, alors que je voulais la nourrir, elle m'a mordu le doigt, la vilaine (pour ne pas dire la salope)! Dès ce moment, je me suis mis à craindre la bestiole. J'ai délégué la tâche de la nourrir à Filou. Celle de nettoyer la cage à Max. En échange, moi, je veillais à acheter le matériel nécessaire à la maintenir en vie. Après tout, c'est leur lapine, pas la mienne.

Puis, l'attrait de la nouveauté est passé. Lily-Bunny attirait de moins en moins l'attention. De plus en plus souvent, Filou oubliait de remplir le bol d'eau de la bête. Je devais demander et redemander à Maxim qu'elle s'occupe de rendre le condo de Lily plus habitable.

De semaine en semaine, mon ton montait. Mon impatience grimpait. Ma haine de la lapine devenait de plus en plus tangible.

«Les filles, c'est le temps de changer la litière.» «Filou, as-tu pensé à donner à manger à Lily ?» «Maaaaax, as-tu lavé le bol d'eau du lapin ?» Ces phrases ont été dites tellement souvent chez moi que si j'avais été payée cinq cennes la fois, je serais multimillionnaire aujourd'hui et j'aurais une équipe spéciale qui veillerait sur notre héritage poilu.

Considérant que:

- Je ne suis pas millionnaire;

- Je ne suis plus très patiente;

- Que je suis à bout de me faire réveiller à 2 heures du matin;

- Que la lapine nous apporte plus de chicanes que de rigolades. Plus de frustrations que de joies;

- Qu'elle est sur le bord de finir en civet de lapin (la recette de Jean Soulard est excellente, soit dit en passant) à 350 F dans mon four...

Il fallait réagir. Trouver une solution.

«Mes poulettes, maman a parlé avec la propriétaire d'une animalerie aujourd'hui et vous savez quoi? Elle est prête à prendre Lily-Bunny pour faire de l'élevage.»

«Euh... C'est quoi «faire de l'élevage» ?» me demande une Filou des plus craintives qui imaginait déjà sa lapine sur une rôtissoire badigeonnée de moutarde de Dijon.

«La madame de l'animalerie va mettre Lily avec un monsieur lapin dans une cage et ils vont faire plein de bébés tous les deux. Ça va être chouette pour elle, non?»

Mes deux filles ont acquiescé avec un sourire convaincant.

C'est bien pour dire. Mes filles, à neuf et douze ans, savent déjà que finir ses jours en sautant comme un lapin, c'est très cool.

1983

1983, c'est l'année où j'ai eu l'âge de raison selon ce qu'en disaient les grands chercheurs a psychologie infantile. Peu importe ce qu'ils en pensaient, moi ce qui m'importait, c'était le mariage que j'allais célébrer entre Ken et Barbie. C'était d'être capable de sauter à deux cordes à danser en même temps. C'était de réussir à épeler tous les mots de ma clé de mots sans trop faire de fautes.

Du haut de mes sept ans bien comptés, je connaissais par coeur toutes les chansons de Nathalie Simard, je lisais des Martine en rafale et je rêvais du jour où enfin je pourrais avoir mon K-Way à moi.

1983, c'est aussi l'année où j'ai appris à faire des fleurs avec des Kleenex. C'est l'année où j'ai un dentier incomplet sur ma photo de classe. C'est cette année-là où j'ai goûté à un kiwi pour la première fois de ma vie.

La vie était simple et facile. Même si j'avais voulu, il n'y avait rien avec lequel je pouvais me casser le bicycle.

Mais hier, j'ai eu un choc en lisant le dernier Châtelaine spécial 50 ans. Derrière la porte de ma maison, tout n'était pas si rose. 1983, c'est l'année où un conjoint peut être inculpé d'agression sexuelle contre sa conjointe. Ce qui veut dire qu'avant l'entrée en vigueur de cette loi, un mari pouvait violer sans problème son épouse sans être puni par la justice! Trois ans plus tard, le Québec met en place une politique d'intervention en matière de violence conjuguale.

Ça m'a rappelé une histoire que m'avait raconté la mère d'une amie. En 1974, elle se sépare du père de sa fille qui lève la main un peu trop souvent sur elles. Pour obtenir la garde légale de son bébé, cette mère a dû être suivie pendant un an de temps par une travailleuse sociale qui devait établir si elle avait les capacités requises pour voir au bien-être de sa progéniture. Ensuite, elle a dû l'adopter en bonne et due forme! Sa propre fille!

N'importe quoi.

Ce ne sont pas des histoires qui remontent à quatre siècles. Non. C'était hier.

J'écris ces mots et mes trois filles sont ensemble au salon. Filou berce Sam. Max gosse sur l'ordi. Il y a Aurélie Laflamme dans le DVD. Pis, il y a de l'insouciance plein le salon.

Comme moi en 1983. Quand je pensais que le pire drame qui pouvait survenir dans la vie d'une femme, c'était de ne pas trouver de robe de mariée parfaite. Pas que c'était parfaitement légal pour un mari de violer son épouse.

Je regarde mes poulettes et je suis heureuse de leur avoir donné la vie en ce siècle où tout sera possible pour elles. Où elles n'auront pas à se battre pour choisir un autre métier que celui de garde-malade ou de maîtresse d'école (dans les années 60, trois travailleuses sur cinq étaient enseignantes ou infirmières). Qu'elles pourront vivre sans crainte d'être jetées en prison si elles avortent (l'avortement est décriminalisé en 1988). Qu'elles pourront donner naissance où et avec qui elles voudront (la pratique sage-femme est officiellement reconnue par l'état en 1999 et il est permis d'accoucher à domicile depuis 2006). Où elles pourront bosser avec succès à l'extérieur du domicile familial (en 1973, sept femmes sur dix restaient à la maison). Où elles pourront aller jogger sans craindre de se faire violer au coin de la rue (à la fin des années 70, une femme sur trois admise aux urgences des hôpitaux avait été battue ou violée).

Oui, il reste encore du pain sur la planche. Tout n'est pas terminé. Trop nombreux sont les enfants qui grandissent dans un environnement pauvre, au sein d'une famille monoparentale (trois enfants sur dix). Il manque d'oestrogène au sein de la magistrature (16% des juges sont des femmes). La Loi sur l'équité salariale connaît des ratés. Il faut améliorer grandement la conciliation travail-famille.

Mais je regarde ma tribu toute rose et je me dis qu'elles ont bien le droit d'être insouciantes. Parce que le monde change en 25 ans. Et quand je serai grand-mère, j'ai espoir que l'égalité, la vraie, sera parmi nous.

Trois enfants, trois façons de faire

À Maxim, ma grande de 12 ans, je stérilisais tout tout tout cinq à six fois par jour. La suce tombait par terre? Hop! Un petit tour dans le chaudron d'eau bouillante pour 20 minutes bien chronométrées sur ma montre Timex.

Je lavais ses vêtements à l'eau chaude. Je désinfectais sa chambre à l'eau de Javel tous les jours. Je mettais des gants de latex pour changer ses couches. Et dès que j'avais le moindre de doute que peut-être que j'avais été en contact avec quelqu'un qui avait peut-être un tout petit début de rhume de rien du tout, je me foutais un masque sur le nez. Tout était tellement exempt de bactérie chez moi que je me retenais à deux mains pour ne pas plonger mes visiteurs dans le stérilisateur (c'était bien avant l'époque du gel aseptisant).

J'avais une peur bleue que mon bébé choppe une rougeole, une rubéole, une encéphalite aigüe ou même une myocardie. J'avais fait du combat contre les bibittes potentiellement porteuses de maladies mortelles une priorité. Si Maxim était née à l'ère de la H1N1, je n'aurais pas survécu ou bien j'aurais passé l'hiver complet cloîtrée dans le fond de mon sous-sol à prier tous les saints et à faire la danse du "Dehors la maladie".

À Filou, trois ans plus tard, mes ardeurs de terroriste de la bactérie s'étaient calmées un brin. Je ne la voyais plus partout et j'acceptais de sortir avec ma nouvelle progéniture sans m'imaginer que toutes les maladies du monde n'avaient qu'une seule envie: attaquer mon bébé. J'étais rendue tellement game que je ne piquais plus de crise d'hystérie quand les madames au Carrefour se jetaient sur mon carosse en s'extasiant d'admiration devant le plus beau bébé du monde qu'était le mien. Donc, quand la suce tombait par terre, je la passais tout simplement sous l'eau chaude du robinet et à chaque semaine, je me permettais de stériliser le tout dans l'eau bouillante.

Là? Avec ma dernière... Euh... Est-ce qu'un tour dans le lave-vaisselle, ça fonctionne pour la stérilisation? Est-ce que c'est correct si je mets la suce dans ma bouche pour la nettoyer lorsqu'elle tombe sur le sol? Il me semble que ce n'est pas si grave si elle rampe par terre et que le plancher n'a pas été lavé depuis la semaine passée, hein? Croyez-vous que je suis une mauvaise mère si je fais mes brassées de pyj et de cache-couches à l'eau froide? Pis le Weendex pour l'époussetage, c'est bon, non?

À Max, dès qu'elle faisait un pet, je courrais l'inscrire dans son livre de bébé. Tout y était noté bien religieusement. Je peux vous dire, par exemple, que son nombril est tombé à dix jours, le 7 juillet 1998, à 14 h, tout juste à la sortie du bain dans lequel je l'avais lavée avec du savon Aveeno et que je l'avais essuyée avec une serviette verte à capuchon qui avait le design d'une grenouille. Par la suite, j'ai pris son petit nombril et je l'ai inséré dans un petit sac de plastique et j'ai bien collé le tout à la page 8 de son livre.

À Filou, j'ai été pas mal moins assidue. J'y ai inscris les moments clés: première tétée, première nuit complète, premier mot, premiers pas. Me suis pas rendue au premier anniversaire.

Hum... Le livre de Samuelle (vous avais-je dit le prénom de ma troisième?) est toujours dans sa bibliothèque. J'ai bien l'intention d'y inscrire des trucs, mais j'oublie toujours de le faire. En attendant, je note tout mentalement. «Chéri, c'est quand donc que Sam a souri pour la première fois?»

Je suis maman trois fois. Mais être mère, ce n'est pas une simple recette de crêpes que l'on répète invariablement de dimanche en dimanche.

Les choses changent. On apprend. On constate.

On se rend compte que même si on stérilise huit fois par jour la suce de notre poupon, il peut quand même attraper une brochiolite. Que c'est beaucoup plus important de jouer avec nos loulous que de passer ce précieux temps à astiquer le bois franc de peur qu'ils avalent une poussière. Pis j'aime bien mieux passer mes après-midis avec mon bébé à la bercer tout en lui lisant une histoire plutôt que de perdre ces précieuses heures à inscrire des dates dans un livre que, de toute façon, jamais on ne consultera.

Les temps changent. Pour le mieux.

Battements de cils

Ça aurait pu être «Claquement de doigt». Ou «Vitesse de l'éclair». Ou encore «Trop vite». J'ai penché aussi pour «Vitesse grand V» comme titre de cette chronique. Finalement, je crois que «Battement de cils» résume bien ce qu'il m'arrive.

Parce que, depuis quatre mois pile poil, ma vie va beaucoup, mais beaucoup trop rapidement. Je me sens continuellement à bord d'un wagon du Cobra à La Ronde. J'ai à peine le temps d'ouvrir l'oeil que déjà ma journée est passée. Que je dois enfiler mon pyj à nouveau en me croisant les doigts pour que ma #3 me laisse dormir plus de trois heures en ligne.

Pis je sais que c'est demain la veille que je reprendrai le boulot à temps plein. Que je devrai laisser ma petite à la gardo. Que je réembarquerai dans cette roue infernale, cette course olympique entre le travail et la vie familiale.

Alors «de kessé qu'elle fait là, elle?» «Pourquoi reprendre le clavier si rapidement?», direz-vous.

Ouin.

Ce n'est pas que je m'emmerde. Loin de là. Parce qu'il n'y a pas à dire, mais j'ai en masse de quoi occuper mes journées. Même le PM, en pleine Commission Bastarache-crise des gaz de schiste, en a moins que moi dans ses bottes.

Voulez une liste?

- Prendre de longues marches sous le soleil automnal avec ma nouvelle héritière dans le porte-bébé.

- Lui donner des centaines de bisous dès que l'occasion se pointe.

- L'admirer sous toutes ses coutures et tenter de mémoriser chaque partie de sa petite personne.

- La bercer longtemps longtemps seulement pour le plaisir.

- La regarder dormir paisiblement avec ses petits poings en l'air.

- Lui murmurer à l'oreille 200 000 fois par jour que je l'aime.

- Lui faire découvrir le monde : «Regarde ma poulette, c'est une marguerite.» «Touche le doudou comme il est doux.» «Est-ce que tu sens l'odeur de la croustade aux pommes de maman?»

- Vivre avec le coeur qui craque chaque fois qu'elle me sourit. Chaque fois qu'elle émet un son. Chaque fois qu'elle me regarde tout simplement.

- Lui chanter tous plein de chansons. «C'est la poulette grise qui a pondu dans l'église...»

- Analyser si elle aura les beaux yeux bleus de son père ou les yeux bruns laids de sa mère.

- M'émerveiller chaque fois qu'elle réussit un nouveau truc qui peut être aussi banal que d'être capable d'agripper un jouet de son tapis d'éveil.

- Sauter sur le téléphone pour aviser l'amoureux du nouveau truc que la petite fait.

- Prendre trop de photos de ma poulette qui fait un nouveau truc.

- Mettre le tout sur Facebook, question que je puisse me péter les bretelles d'être la mère d'un futur prix Nobel.

Parce que ce n'est pas vrai que la vie de congé de maternité tourne uniquement autour de couches à changer et à laver, de tétées qui reviennent trop souvent, de pleurs sans solution qui ne finissent jamais, de nuits qui n'en sont pas vraiment.

Ce n'est pas vrai que je passe mes journées habillée en mou. Que je mange froid sur le coin du comptoir parce que je n'ai jamais le temps de mettre un couvert sur la table. Que je compte les minutes avant le retour de l'amoureux afin que je puisse passer sous la douche.

J'aime ma vie de maman en congé de maternité. Vraiment. Et tout va tellement vite que j'en profite à la puissance 1000. Non 10 000.

Alors pas question de reprendre le chemin du bureau. De confier mon poussin à des plumes inconnues. Pas encore. Mais mon clavier me manque quand même un tout petit peu. Rien qu'un tout petit peu. Alors avant mon retour officiel au journal, en juin prochain, je continuerai ce rendez-vous hebdomadaire que j'entretiens avec vous depuis six ans déjà.

Mais ça sera tout. Simplement 650 mots chaque semaine. Parce que j'ai trop à faire. Trop de sourires à enregistrer dans ma tête. Trop de câlins à faire. Trop d'amour à donner.

Et que le tout passera à la vitesse d'un battement de cil.

17 juillet 2010

Le meilleur ami de la mère qui allaite

Je pense que mon embryon n'était même pas encore implanté dans mon utérus que déjà mon père m'annonçait qu'il voulait m'offrir une belle chaise berçante Dutaillier pour célébrer la venue de ce nouvel héritier.
"Tu pourras choisir le tissus et tout. Ce sont vraiment les meilleures chaises berçantes au monde... bla bla bla..."
Et moi, en dingue, j'ai refusé.
"Non merci papa. J'apprécie beaucoup ton offre, mais ce qui me ferait plaisir c'est... un Lay-Z-boy!"
Quand mes deux premières sont nées, j'avais un Lay-Z-Boy dans le salon et j'adorais allaiter mes poulettes dedans. Alors pour moi, c'était dans l'ordre des choses de refaire l'expérience.
Et que je ne regrette pas!
On a monté le Lay-Z-Boy dans ma chambre, parce que c'est climatisé, et c'est le bonheur!
Surtout la nuit. Quand la puce se réveille, je m'installe au fauteuil, je lève les pattes et je branche la Shop Vac sur mon sein, et... je me rendors. Facile. Simple. Le rêve!
Parfois j'y dors 20 minutes, le temps de la tétée. D'autres fois, c'est plusieurs heures. Mais au moins, je dors. Et les débuts de ma poulette dans cette vie ne rendent pas sa mère complètement dingue par le manque de sommeil...
Merci papa!

03 juin 2010

Le plate attire le fun

Je casse toujours les oreilles à mes héritières avec la même histoire quand elles ont de la peine.

"Je sais que tu trouves ça plate que je ne veuille pas que tu écoutes la télé jusqu'à 2 h du matin, mais crois-moi que demain, quand tu vas faire ton examen de maths, tu vas apprécier grandement que ta vieille mère t'envoie au lit plus tôt que tu ne le voudrais.""Oui, oui, c'est vrai que ce n'est pas drôle de devoir vider la litière de ton lapin. C'est vrai que c'est dégueu. Mais ce soir, quand tu te coucheras, tu apprécieras que ça sente bon dans ta chambre." Bref, à chaque truc moche qui se pointe dans leur vie, je leur explique qu'il y aura toujours, toujours quelque chose de positif qui se pointera tôt ou tard pour compenser.

C'est arrivé encore dernièrement. Filou n'a pas été invitée à la fête d'anniversaire de la copine de sa soeur Maxim. C'est qu'elle promettait cette petite boum : souper au resto et trempette dans le lac Brompton au clair de lune. Ensuite, dodo chez la copine et déjeuner aux gaufres ensevelies sous une tonne de fruits, de sirop d'érable et de crème anglaise. Même moi, j'étais un peu fru de ne pas avoir été invitée à cette fiesta.

Mais bon. Toujours est-il que ma Filou pleurait parce qu'elle n'avait pas reçu de carte d'invitation à son nom. Elle était inconsolable. Pis ce n'était pas mes paroles de maman fatigante avec sa psy bonbon à cinq cennes qui allait lui ramener un sourire dans la face.

C'est deux jours plus tard que ses Chiclets sont réapparues sur son dentier. "Filou, tu sais quand maman te dit qu'il y a toujours quelque chose de l'fun qui arrive après quelque chose de plate, est-ce que tu me crois?"

Elle me regarde avec un regard d'ado dont la mère lui tape royalement sur les nerfs et qui n'a qu'une seule envie : que se mère accouche au plus vite de son point afin qu'elle puisse aller chatter sur MSN avec l'univers entier tout en vidant le frigo.

"Bien aujourd'hui, j'ai eu un téléphone qui devrait te faire oublier que tu ne sois pas invitée à la fête de Florence."

Tranquillement, son air s'est radouci. J'imagine qu'elle a eu peur d'assister à un cours de psychologie alors qu'elle ne désirait qu'aller écouter Hannah Montana.

"Imagine-toi donc que Louis-Philippe (un ami de la famille) a acheté des billets pour le Canadien et que ses billets sont dans la zone familiale"

À partir de ce moment précis, des étincelles sont apparues dans ses yeux. Un sourire s'est dessiné sur ses lèvres. Elle attendait, fébrilement, la fin de ma phrase.

"Et quand tu achètes des billets dans cette zone, c'est obligatoirement un billet adulte et un billet pour un enfant de moins de 16 ans, ce que Louis-Philippe ne savait pas Et comme Louis-Philippe n'a pas d'enfant, il a pensé t'apporter avec lui. Qu'en dis-tu?"

Vous imaginez sa réaction? Bien, c'était dix fois pire! Elle hurlait de joie. Elle, au Canadien? Au match où tout le monde veut aller! Le rêve! Ma benjamine se pinçait partout pour s'assurer qu'elle ne rêvait pas. Elle m'a fait répéter au moins 14 fois l'histoire. Elle m'a fait jurer sur la tête de son père que je ne lui jouais pas de tour. "Mais maman, je ne serai pas capable de dormir ce soir!"

Effectivement, la poulette a eu bien du mal à trouver le sommeil ce soir-là. Et encore plus au retour du Centre Bell après la victoire de 5 à 1 du CH aux dépends des Flyers.

Une soirée inoubliable qui bat bien des soupers à la brasserie et des saucettes dans un lac.

"Et maman, maintenant, je vais toujours te croire quand tu vas me dire des choses."

Merci Louis-Philippe. Je t'en dois une.

Un coccyx qui fait mal pis une confiance oubliée dans l'auto

Je suis assise dans la salle d'attente d'échographie au CHUS. Un petit souci au niveau du placenta, vu à l'écho morphologique de 20 semaines, fait en sorte que la gynéco a demandé un écho de croissance pour s'assurer que la poulette qui nage dans ma piscine grossit bien.

Je suis assise sur une chaise inconfortable. Devant moi, un jeune couple avec des sourires Crest qui feraient baver d'envie n'importe quel publicitaire. J'ai l'impression qu'ils vont se débarquer la mâchoire tellement ils affichent un air heureux. On devine qu'ils viennent à la rencontre de leur premier bébé.Un autre couple arrive. Pis un autre. Ça n'arrête pas. C'est à croire que tous les couples du coin attendent le passage de la cigogne. Ça sent les hormones de femmes enceintes à 100 milles à la ronde. Pis tout le monde sourit. Tout le monde.

Je suis toujours assise sur cette chaise tellement pas confortable pis je commence à avoir mal au coccyx. L'horloge devant moi affiche 30 minutes de retard sur mon rendez-vous. Je soupire d'inconfort. Je vais m'informer à la réceptionniste qui m'informe que le rendez-vous de 14 h 30 n'est toujours pas passé. Ma voisine de chaise s'empresse de me dire qu'elle était prévue à... 14 h! Moi mon rendez-vous était à 14 h 45 et il est 15 h... Déprimant.

J'ai l'air d'être la seule qui trouve le temps long. Qui n'affiche pas un air d'enfant de quatre ans devant sa piste de course qu'il vient de déballer pour Noël.

À vrai dire, je me questionne. Qu'est-ce que je fous ici? Que suis-je sensée venir chercher?

J'ai l'impression de perdre mon temps.

Parce que je le sais que tout est A-1 derrière mon panneau de jeans. Je sais que la #3 se développe bien. Je le sais qu'il n'y a pas d'inquiétude à avoir. Je le sais. Je le sens.

Mon bébé bouge (trop) bien. Ma hauteur utérine est dans les standards. Tout le reste des examens est numéro 1 (pression, rythme cardiaque, etc.).

Alors pourquoi? Pourquoi j'angoisse avec cette foutue écho?

Pourquoi je remets dans les mains d'une gynécologue et d'une technicienne en radiologie toute ma confiance alors qu'au fin fond de moi, je sais que tout baigne?

Pourquoi je m'en fais de la sorte? Pourquoi j'imagine qu'un scénario d'horreur se dessinera obligatoirement sous mes yeux dès que la technicienne apposera son machin sur ma bedaine beurrée de gel conducteur? Pourquoi je pense déjà à ce que je ferais de mes deux autres filles advenant le cas que l'on doive m'accoucher sur le champ parce que ma #3 afficherait un possible retard de croissance? Pourquoi je m'imagine déjà en train de bercer mon bébé qui sera branché de partout en néonat?

Ridicule.

Complètement stupide.

Certains diront que c'est plaisant de voir des images de son héritier nageant dans sa piscine. Ça rend les choses plus concrètes diront d'autres.

Pas besoin de concret avec les coups qu'elle me donne aux hanches au milieu de la nuit. Pas besoin de concret avec le hoquet qu'elle a sans cesse.

Pas besoin de concret, les chiffres de la balance qui ne cessent de monter (visent-ils un record olympique?).

Je sais que j'ai un locataire dans le bide. Pas besoin de la tête à Papineau pour rendre ça concret!

D'autres diront qu'il vaut mieux prévenir que guérir. À ceux-là, je leur dis : "Peut-être. Mais toutes ces interventions médicales font en sorte d'énerver pour rien trop de futurs parents. Ça les incite à mettre leur pouvoir de parents, leur confiance en eux de côté au profit de machines qui se branchent dans le mur. Désolant."

Voulez-vous la meilleure? La poulette pèse entre cinq et cinq livres et demi, ce qui en ferait un bébé de plus de huit livres à la naissance. Possible retard de croissance, disions-nous ?

Je le savais que tout était parfait. La prochaine fois, je me ferai confiance et j'épargnerai à mon coccyx ces chaises tellement pas confortables.

Entre joie et anxiété

Elle est ambivalente la Geneviève. Ouep. À quatre semaines de quitter le boulot pour son congé de maternité, la Geneviève ne sais pas trop de quel côté pencher. De quel pied danser. À quel saint se vouer.

Est-elle contente?Ou est-elle anxieuse de quitter?

Je viens tout juste de remettre au patron les détails de mon congé. Et j'avoue que ça a fait drôle.

Étrange parce qu'il me semble que c'était hier que j'annonçais au patron qu'un #3 me poussait dans le ventre. Le temps fi le défi nitivement trop vite.

Étrange parce que j'étais complètement persuadée, à la minute même où Filou a lâché son premier cri, que plus jamais je ne porterais des jeans à panneaux. Alors loin de moi était l'idée de me retrouver en congé de maternité un de ces quatre.

Étrange de penser que c'est quelqu'un d'autre qui, dans les prochaines semaines, sera assis sur ma chaise. Qui écrira ici. Qui prendra ma place.

Dans une société où le boulot de maman n'est pas tellement valorisé et où la carrière l'est au cube, diffi cile de partir l'esprit tranquille. De partir aussi longtemps sans se questionner le moindrement. Oui, j'ai hâte de me reposer. De cuisiner des plats congelés pour l'après. De laver des cache-couches roses nanane. De passer des heures à fl atter ma bédaine et regarder pousser les nouvelles vergetures qui feront leur apparition. De lire des magazines de fi lles sans remords. De laver mon plancher à quatre pattes. De prendre de longs bains pour réduire les Braxton Hicks. À attendre que LE moment soit enfi n venu.

Mais j'ai peur. J'ai peur. J'ai peur.

Peur de ne pas aimer ma nouvelle vie. De m'emmerder à faire des ga ga ga à longueur de journée. De tourner en rond dans mon salon devant une pile de couches à laver. Je ne connais pas ça, moi, des congés de maternité interminables. Aux deux premières, je tentais de décrocher un diplôme.

Pis j'ai peur de perdre ma place au boulot. On a beau être en 2010. Avoir une loi protégeant les femmes enceintes. Savoir que les mentalités ont évolué depuis les 30 dernières années. Mais j'ai peur pareil.

Tout à coup que la personne qui me remplace soit meilleure que moi?

C'est poche, hein, comme réfl exion? Le boulot prend tellement de place dans nos vies que ça en devient diffi cile de tout quitter pour le plus important: nos enfants. Même si on sait que c'est là la clef du bonheur et non pas sur un talon de paye...

Peur que vous, lecteurs, m'oubliiez. Certains jours, je me fais des plans, des scénarios qui n'ont ni queue ni tête. "Chéri, que dirais-tu de prendre tout le congé parental à ma place? " "Bonjour, madame! Est-ce que votre garderie accepte les poupons de 18 semaines?" "Bébé #3, à trois mois, tu es maintenant assez grand pour t'occuper toute seule toute la journée pendant que maman va faire des entrevues téléphoniques et écrire des textes de la maison?"

Et combien on gage que lorsque mon congé sera terminé, je vais vouloir tuer pour rester à la maison avec mon #3? Qu'est-ce qu'on est mal faites pareil, nous les bonnes femmes. Elle n'est pas ambivalente la Geneviève. Elle est pathétique...

Le magasin de mamans

"Filou, admettons que tu irais dans un magasin de mamans. Et dans ce très, très grand magasin, qui est plus grand que le Maxi et le Wal- Mart ensemble, il y a toutes les mamans du monde. Il y a la maman de Mayra, la maman de Camille, la maman de Florence et aussi celle de Roxanne. Il y a des mamans qui veulent que leurs enfants se couchent très tard. D'autres qui sont d'accord pour que leurs petites filles mangent du chocolat avant le souper.

Puis il y a aussi des mamans qui croient que les devoirs ce n'est pas important. Il y également de très très belles mamans qui sont tellement gentilles et patientes. Qui acceptent sans rouspéter d'aller border leurs poulettes avant le dodo. Qui font des soupers délicieux sans légumes verts et viande-trop-dure-à-mâcher. Qui disent toujours oui pour aller jouer au parc. Qui n'obligent pas leurs enfants à mettre la table ou à vider le lave-vaisselle.Dis-moi, Filou, laquelle choisirais-tu?"

Chaque fois, c'est le même manège. Elle prend un air sérieux et elle réfléchit longuement à la question. "Mais est-ce qu'il y a une mère qui ferait du spaghetti à tous les jours? Qui ne m'obligerait pas à prendre mon bain chaque soir? Qui voudrait m'acheter tous les Pets Shop que je veux?"

Je la comprends de questionner. C'est bien même qu'elle ait tous les atouts en main avant de prendre une décision. Elle continue sa réflexion.

"Oui, oui, il y a tout ça!"

"Maman, est-ce que j'ai assez d'argent pour en acheter deux mamans?"

"Non ma poulette, tu ne peux en choisir qu'une seule." J'attends, fébrile, sa réponse. Une réponse qui ne vient pas très vite.

"Dans le magasin de mamans, est-ce qu'il y a la maman de Mathys?"

"Oui Félixe, TOUTES les mamans du monde y sont. Laquelle choisis-tu?"

Et là, elle me regarde, avec ses petits yeux remplis de taquineries, et me dit: "Bien voyons, c'est toi que je choisirais!" avant de s'élancer dans mes bras pour me faire le câlin du siècle.

"Est-ce que tu es certaine? Parce que dans ce magasin, il semble y avoir des super mamans, non?"

Elle part à rire. "Voyons maman! Tu es la seule que je veux! Les autres, pffff!"

Quand j'ai besoin d'un boost d'égo maternel, je joue à ce jeu avec Filou. C'est très manipulateur de ma part, mais ç'a l'avantage de nous faire rire et de me faire croire que je suis la meilleure mère au monde pour ma fille.

Je sais bien qu'à son âge, elle n'a pas encore le recul nécessaire pour déterminer si je remplis bien mon boulot de maman, mais bon, je prends le compliment pendant qu'il passe. J'ose espérer, qu'un jour, elle sera véritablement fière de sa mère et pas seulement parce qu'elle fait une super sauce à spagh.

"Maman, mettons que tu allais dans un magasin de petites filles. Tu sais, un magasin gros comme tout le Carrefour de l'Estrie et que toutes les petites filles de huit ans y seraient. Laquelle tu choisirais pour apporter à la maison?"

Je ne prends même pas la peine de réfléchir. "C'est sûr que c'est toi que je mettrais dans le panier Filou!"

"Es-tu certaine maman?"

"Sans aucun doute!"

"C'est parce la petite fille que tu as choisi ne met pas la table et ne vide pas sa boîte à lunch quand elle revient de l'école. J'espère que ça ne te dérange pas trop"

Ouais Je pense que je viens de me faire avoir à mon propre jeu! Bonne fête des mères à toutes!

Ma grossesse va vraiment bien sauf que...

Chaque jour, je réponds au moins 44 fois à cette question : "Et puis, ta grossesse, ça va?"

Et chaque fois, j'ai la même réponse à fournir : "Oui, vraiment. Tout va comme sur des roulettes."C'est vrai pareil. Je n'ai pas de complications. Pas de diabète de grossesse. Pas de décollement placentaire. Pas de menace de travail prématuré. Pas de pré-éclampsie. Une bonne hémoglobine. Une belle pression. Pas de vomissements en début de grossesse. Un bébé en santé. Pas de siège à l'horizon. Et pourtant...

Ça va bien, mais pendant les trois premiers mois, j'ai négligé ma famille tant j'étais fatiguée. Souvent, j'arrivais du boulot et je foutais un plat surgelé dans le four et j'allais au lit jusqu'au lendemain matin. Qu'ils s'arrangent avec leurs troubles que je lançais intérieurement à l'amoureux et aux poulettes. Les midis, je m'éclipsais à l'infirmerie du boulot pour piquer un petit somme. Une zombie. Une vraie loque humaine.

Tout va bien, mais j'ai perdu 15 livres tellement j'ai eu mal au coeur en début de grossesse. Rien ne réussissait à passer dans mon gorgoton. Les pantalons devenus trop grands ont dû être remplacés par d'autres qui sont devenus trop petits dans le temps de le dire.

Ça va bien, mais j'ai eu de terribles maux de tête vers 15-16 semaines de gestation. Tellement que j'ai dû consulter. Les 1000 mg de Tylenol aux quatre heures que je prenais ne faisaient absolument rien. La doc a conclu à un déplacement d'une vertèbre cervicale. La raison? Incapable de dormir sur le ventre, je devais m'habituer à dormir autrement, ce qui a occasionné cette douleur. Huit traitements d'orthothérapie et de massothérapie plus tard, je peux laisser la codéine tranquille dans la pharmacie.

Ça va bien, mais depuis que mon test de grossesse a affiché un +, je ne cesse d'avoir des vaginites. C'est connu, les vaginites adoooooorent les madames enceintes et moi, je ne suis pas l'exception qui confirme la règle. Combien de tablettes de pharmacie ai-je vidées avant d'en voir le bout? Vous n'avez pas idée. C'est finalement les 140 $ dépensés en produits naturels (de l'huile de bourrache, du HRC-P et des probiotiques pour celles qui sont dans le même pétrin) qui ont mis fin au calvaire qui se déroulait dans mes bobettes depuis trop longtemps.

Ça va bien, mais depuis quelques semaines, je dois dormir avec des attelles aux mains tellement mes tunnels carpiens me font de la misère. Un matin, je me suis levée avec la main droite tellement enflée et engourdie que j'étais incapable de la fermer. Pas très pratique pour une journaliste qui passe sa journée à écrire. Ça va super bien, mais j'avoue que me faire réveiller à 4 h du matin par un estomac qui crie famine, ça dérange. Surtout après le troisième ou le quatrième pipi-stop de la nuit.

Ça va super bien, mais la fille qui courait 40 km par semaine jusqu'à avant Noël est déprimée seulement à l'idée de monter à l'étage dans sa maison. Je suis certaine que l'Everest représente moins de boulot à gravir pour les marcheurs que ces 14 marches pour moi. Quand j'arrive en haut, je suis essoufflée comme si j'avais sprinté sur une distance de quatre kilomètres.

Ça va bien, mais mon poids m'angoisse. Ma dernière, avec ses 10,8 livres et les impacts qu'elle a laissés sur mon body, m'a traumatisée. Alors j'ai peur. J'ai peur du chocolat qui me crie après tout le temps pour que je le mange. Je suis effrayée par l'appel de la crème glacée qui me poursuit partout. J'ai peur des chiffres qu'affiche la balance. J'en fais une véritable obsession.

Ça va super bien, mais dès que je bouge un tant soit peu, je contracte. Je m'assois dans l'auto, je contracte. Je me lève de l'auto, je contracte. Je regarde la télé, je contracte. Je mange, je contracte. Je regarde dehors, je contracte. Je contracte tout le temps. Tout le temps. Tout le temps. C'est pas le fun, je vous le dis.

Ça va super bien, mais mes ligaments situés sur le devant de mon globe-terrestre me donnent de la misère. Ils ont de la difficulté à s'étirer et m'empêchent de marcher longtemps, de me tourner dans le lit, de vider le lave-vaisselle, d'étendre sur la corde à linge sans crier au meurtre.

Mais à part ça, ma grossesse va vraiment, mais vraiment bien!

Éloi, Rose-Alice et les caprices

Il y avait du monde à la messe dimanche. La maison était pleine à craquer. Mais même s'il y avait plein d'amis et de membres de ma famille chez moi, c'est surtout pour Éloi et Rose-Alice que la plupart des paires d'yeux présents ont craqués.

Éloi, c'est mon filleul de onze mois. Rose-Alice, c'est la poupoune de 13 mois de mon amie Élise.Difficile de rivaliser avec eux pour attirer l'attention, même avec mon énorme globe-terrestre que je cache sous mon t-shirt.

Avec leurs yeux enjôleurs, leurs sourires craquants, leurs minois qui feraient fondre n'importe quelle banquise du Groenland, le duo Éloi-Rose-Alice n'est pas passé inaperçu lors de son séjour dans mon salon.

Et ce n'est pas pour les crises de larmes ou parce qu'ils ont tout détruit sur leur passage que nous avions continuellement nos barniques pointées vers eux.

Pentoute. C'était tout le contraire!

Même Amélie n'en revenait pas. "Mais ils sont donc ben gentils. Ils sourient tout le temps!"

C'est vrai qu'ils sont adorables ces poussins. Jamais je ne les ai entendus pleurer. Jamais. Jamais. Depuis leur naissance qu'ils sont heureux ces mômes.

Ç'a toujours un sourire de scotchtapé dans la face ces bébés-là, ce n'est pas mêlant. Toujours prêts à nous montrer leur dentier de deux quenottes et à tendre les bras à tous ceux qui ont envie d'un câlin.

Bref, ils sont irrésistibles. Si on pouvait en acheter des pareils au magasin, ce serait deux modèles qui feraient fureur.

Et Amélie qui disait sans cesse qu'ils étaient adorables. C'est que les référents de la copine en matière de bébés se résument en poupons qui hurlent à la moindre contrariété. Qui refusent de dormir la nuit. Qui passent leur temps sous les jupes de leur mère.

Je lui ai donc soumise ma théorie à cinq cennes.

"Éloi et Rose-Alice sont deux bons exemples qu'il faut répondre aux besoins d'un bébé. S'il pleure, c'est qu'il y a un problème à régler. Et leurs parents ont toujours répondu présent quand leur rejeton leur signifiait que ça n'allait pas. Comme ces bébés savent que maman ou papa ne sont jamais très loin, ils débordent d'assurance."

"Ouais... mais les caprices?"

Les caprices... Je déteste ce mot. C'est laid et surtout inutile.

"Un bébé, ça n'a pas de caprice. C'est trop niaiseux pour en avoir. S'il pleure, c'est qu'il y a quelque chose qui cloche, qui ne tourne pas rond. Il a faim. Il a froid. Sa couche est pleine. Il a soif. Il a chaud. Il est triste."

D'autres se sont mêlés à la conversation quand j'ai dit qu'un bébé qui pleurait pouvait être triste et qu'il avait le droit de vouloir se réfugier dans les bras de sa mère. Qu'il ne fallait pas capoter et que c'était un bon départ vers les caprices.

Là, j'ai bondi. Qui a décidé qu'un jour un poupon qui est triste n'a pas le droit d'être consolé? Que ce besoin était moins important que celui d'être alimenté? Ce n'est pas un peu ridicule comme analyse? OK bébé, maman est là pour te nourrir, mais pour le reste, arrange-toi avec tes troubles. Avec tes trois mois de vie, tu es supposé être capable de te débrouiller seul? Hein?

Notre génération est en pleine confrontation avec celle de nos parents qui nous laissaient pleurer entre les boires parce que c'était aux quatre heures qu'il fallait donner un biberon. Mon père se fout encore de ma gueule parce que j'ai allaité Filou pendant près d'un an, un temps qu'il jugeait olympique. On m'a jugée souvent parce que j'ai dormi avec mes enfants quand ils étaient minuscules. On m'a souvent dit que j'allais donner des mauvais plis à mes filles parce qu'elles étaient souvent dans mes bras.

Est-ce que mes enfants sont capricieux aujourd'hui? Pentoute. Au contraire! Elles foncent dans la vie avec assurance et confiance. Pas de crise si elles doivent dormir ailleurs. Pas de craintes lorsqu'elles se retrouvent dans une nouvelle situation.

Et Éloi et Rose-Alice sont deux autres preuves de ma théorie psycho-bonbon. Que je ne t'entende plus dire ce mot-là, Amélie. Les caprices, à la poubelle!

L'homme de ma vie?

L'homme de ma vie?

En êtes-vous certain? Sûr sûr sûr là?Êtes-vous convaincu hors de tous doutes que le monsieur ou la madame qui dort à vos côtés sera encore là dans un an, dans cinq ans, dans cinquante ans?

Est-il l'homme de votre vie? Ou bien celle que vous avez attendue toute votre vie?

C'est à ses côtés que vous voulez laver vos dentiers? Manger du mou? Ou magasiner vos culottes d'incontinence?

Vous l'espérez fortement peut-être, mais comment en être certain si personne ne sait de quoi demain sera fait? Nous changeons tous. Nos intérêts changent. Nos aspirations changent. Et pas tous au même rythme. Normal que l'on se perde un moment donné.

Déprimant constat, non?

Malgré tout, je reste persuadée que des gens sont faits pour aller ensemble toute leur vie. Que quoiqu'il arrive, ils trouveront en eux la force nécessaire pour passer au travers les ouragans. Marie-Christine et Édouard sont de ceux-là.

Quand je les ai vus se dire "oui", je savais que jamais ma collègue ne m'annoncerait qu'elle magasine un avocat spécialisé en divorce.

Pourquoi? Je ne sais pas. Feeling.

Dans une autre vie, je croquais sur pellicule des mariages. J'ai immortalisé une trentaine de "oui je le veux" en tout. Chaque fois, je me faisais un pari intérieur. Vont-ils passer au travers la barrière du temps?

Me suis trompée souvent. Certains n'ont même pas célébrer leur premier anniversaire. Pourquoi? Bonne question. Si on leur demandait, sûrement qu'eux non plus ne le savent pas.

C'est la vie.

La vie qui fait son chemin. Qui laisse sa trace. Qui nous amène ailleurs.

Est-ce un drame? Une tragédie? Je ne crois pas.

Pourtant, on nous effraye souvent avec des statistiques alarmistes. Tant de divorces au Québec. Tant de familles monoparentales. Tant de célibataires.

Et pis?

Ça change quoi au fond?

À quoi bon rester ensemble si l'harmonie n'y est plus? Si les conflits sont devenus la norme? Si être à la maison est synonyme de séjour dans un camp de concentration?

Parce qu'un jour on a juré devant Dieu? Pour les enfants? Par lâcheté? Par sécurité? Pour honorer nos responsabilités? Par peur?

Ridicule.

Complètement ridicule.

J'aime penser que l'amoureux ronflera encore longtemps longtemps dans mon dos la nuit. J'aime imaginer que l'on bercera nos petits-enfants ensemble dans notre quatre et demi carreauté. J'aime l'idée que l'on signera ensemble un bail aux Résidences Soleil.

Mais je sais que si un jour, il devient adepte du sadomasochisme, s'il devient membre des Raëliens, si l'héroïne devient sa meilleure amie, s'il a élu domicile sur son divan et n'en bouge plus que pour aller faire pipi, je sais que je ne voudrai plus l'entendre ronfler dans mon dos.

Est-ce que ça sera un drame? Non.

Ni pour moi. Ni pour lui. Ce seront peut-être des moments difficiles, mais pas dramatiques. Personne n'en mourra.

Parce qu'avant d'être un couple, nous sommes des personnes. Des entités distinctes. Qui évoluent. Changent. Des humains qui ont droit au bonheur même si un contrat de mariage les lie. Même s'ils ont signé une hypothèque sur 25 ans. Même si des rejetons courent entre leurs jambes.

Parce que vaut mieux des divorcés heureux que des mariés malheureux pour voir des sourires sur ses petits poulets.

L'amoureux, les hormones et le nid

 L'amoureux me trouve un brin excessive ces jours-ci.

Je ne sais pas où il peut avoir pêché une telle chose.

Ce n'est pas parce que je projette de peinturer la chambre de ma future poulette, de faire tout le lavage-séchage-sur-la-corde-à-linge-et-pliage de la maisonnée, de frotter les planchers à quatre pattes, de faire le ménage du frigo de fond en comble, de trier les vêtements qui ne font plus aux filles, d'aller acheter ce qu'il me manque pour l'arrivée de la petite demoiselle, de cuisiner des biscuits choco-gruau, deux pains aux courgettes et un rôti de boeuf à la moutarde et tout ça dans la même journée, que l'on peut me qualifier d'excessive.Franchement. Il s'énerve pour un rien lui.

Pis pour être honnête, ça m'écoeure en sale que les journées n'aient que 24 heures. Parce que j'aurais voulu installer les moulures dans la chambre de bébé # 3, monter sa table à langer et laver tous ses petits pyjamas pour ensuite les placer dans sa commode.

J'aurais eu aussi assez d'énergie pour faire apprendre les tables de multiplications de Filou jusqu'à 18. Pour remettre un peu d'ordre dans le garde-robe d'entrée et pour remplir mon congélo de plats tout prêts pour les soirées où j'ai envie de faire la grève du four.

"Chéri, tu voudrais m'aider à monter le trampoline. C'est une belle journée pour ça, non?"

Lui, il croule sous une pile de productions écrites à corriger (il est prof de français au secondaire). Que mes filles puissent sauter au soleil aujourd'hui, c'est le cadet de ses soucis. Alors, vous imaginez le regard qu'il m'a lancé?

"Ge, ça ne te tente pas de relaxer un peu? D'écouter la télé, d'aller prendre un bain, d'appeler Dany. Je ne sais pas moi, mais quelque chose qui te permettrait de te reposer."

Euh... non! Pas l'ombre d'une envie. Mais surtout pas le temps. Tu parles d'une idée!

Cette volonté de tout astiquer, de tout ranger, de tout préparer m'obsède complètement. Il ne peut pas comprendre ça, lui. C'est un homme. Avec tout ce que ça comporte. Lui, il ne pense qu'à sa pile de correction. Que sa fin d'étape qui approche. Et qu'il doit remettre ses notes de bulletin au pc. Il ne voit pas tout le boulot qu'il reste accomplir. Tout ce qu'il faut faire avant le jour J. Tout ce qu'il faut prévoir pour l'arrivée de Boum Boum.

Voyez, là, j'écris ma chronique et j'ai la forte impression de perdre mon temps. Parce qu'à la place d'être assise bien tranquillement devant mon ordi à laisser mes doigts pianoter sur mon clavier, je pourrais installer le luminaire dans la chambre du bébé. Je pourrais aller faire l'épicerie pour les six prochains mois. Je pourrais passer l'aspirateur dans ma voiture.

"Mais qu'est-ce qu'il se passe avec toi, chérie?", me demande-t-il, inquiet, devant ma panique du peu-de-temps-qu'il-nous-reste.

Et voilà, je pète les plombs devant son insensibilité face à mon sentiment d'urgence. Devant sa nonchalance envers ma liste longue de six pieds.

"Hé! Il nous reste QUE 13 semaines pour TOUT faire. On n'y arrivera pas si on ne s'y met pas maintenant. Là. Tout de suite. Right fucking now. Parce qu'on pourrait avoir l'air fin en sale quand la petite va arriver et que son lit sera encore en morceaux dans la remise. On va la coucher où, hein? Dans un tiroir?"

"Mais Ge, c'est quand même trois mois ça. Trois très longs mois. Ça ne prend pas trois mois pour monter une bassinnette. Je n'en ai jamais montée, mais il me semble qu'on doit bien avoir assez d'un après-midi pour faire ça, non?"

Vous reconnaissez ici les caractéristiques du mâle typique: minimiser les problèmes gigantesques de leur conjointe adorée.

C'en était trop pour la très enceinte fille que je suis. Je l'ai laissé à son stylo rouge en me disant: "Tant pis, je vais me démerder toute seule." J'ai foutu une brassée de serviettes dans la laveuse, j'ai peinturé les moulures de la chambre et j'ai boudé tout la fin de semaine devant le peu de compréhension de l'amoureux.

Alors, voilà, mon homme a appris une nouvelle expression ce week-end: faire son nid.

Et il a également appris qu'il ne faut jamais pousser une fille enceinte à bout...

Patience, chéri, il te reste trois loooooongs mois à m'endurer!

Mot du jour : kamikaze

Chaque matin, c'est la même histoire. Maxim n'a pas encore les deux pieds dans l'auto que déjà je l'entends chialer. "Ah maman, change ça de poste. Mets donc de la musique!"

Et chaque matin, je lui répète la même chose: "Non, le matin, ce sont les nouvelles qu'on écoute. Point à la ligne. Si tu n'est pas contente, tu peux marcher pour aller à l'école."J'imagine que les dix kilomètres nous séparant de l'école la convainquent chaque jour de rester à bord et d'endurer "la-radio-plate-que-sa-mère-écoute-chaque-foutu-matin".

Elle chiale ma grande parce qu'elle dit qu'elle aimerait beaucoup mieux entendre Keisha avant de se farcir une autre journée assise à un pupitre. Mais je la soupçonne plus de bougonner pour la forme. Parce qu'une pré-ado qui se vante auprès de sa gang qu'elle aime bien mieux analyser la dernière crise politique en Israël que de se dandiner sur Lady Gaga, ça doit être assez rare...

Pourtant, chaque fois, c'est la même histoire. Elle fait semblant d'être outrée, mais elle écoute ce que les journalistes ont à raconter. Puis, la discussion commence.

"Maman, je n'ai pas bien compris. C'est quoi au juste un kamikaze?"

Ça, c'était tantôt. On venait de rapporter les attentats meurtriers dans le métro en Russie. Pour bien comprendre l'ampleur de la catastrophe, il manquait une définition dans son vocabulaire.

"Un kamikaze, c'est une personne qui se tue pour une cause. C'est comme si toi, parce que tu es fatiguée d'apprendre le violon, tu décidais de te faire exploser dans la classe de musique de l'école. Après, tous les journalistes du monde entier parleraient de toi, de ton acte et toutes les autorités de l'éducation se questionneraient sur la pertinence de donner des cours de violon à des enfants de sixième année."

Moment de silence. Malgré que je pense entendre son petit hamster courir dans son ciboulot.

"Ouin. Mais ce n'est pas un peu stupide? Si je me fais exploser pour qu'on arrête de me donner des cours de violon, je ne serai plus là de toute manière pour voir si on en donne encore ou non. En tout cas, moi, je ne ferai jamais ça."

C'est sûr que je n'avais pas pris le meilleur des exemples. Personne dans l'univers ne se ferait sauter la cervelle sous prétexte qu'il faut absolument cesser d'apprendre ce difficile instrument à cordes à des enfants de 11 ans.

"Alors, tu t'imagines comment ces personnes croient fort en leurs idées? Comment elles sont déterminées à aller au bout des choses et à faire avancer leurs projets? Faut que tu sois vraiment, mais vraiment certain de ce que tu fais pour donner ta vie pour la cause que tu défends, tu ne crois pas?"

Elle était loin d'être convaincue la poulette. "En tout cas, moi, je ne ferai jamais ça", m'a-t-elle répété très fermement.

Sincèrement, je l'espère aussi. La discussion a continué, au fil des lumières rouges pour prendre une autre tangente. "Crois-tu, Max, qu'il y ait d'autres façons de donner sa vie pour une cause que tu défends?"

Elle ne comprenait pas. "Penses-tu que, moi par exemple, je suis un peu une kamikaze?" "Hein? As-tu envie de te tuer, maman?", m'a-t-elle demandé, très inquiète.

"Non, non, ne panique pas! Je dis ça dans le sens que tous les jours, je te donne ma vie. Tu sais, si tu n'étais pas là, je ne penserai à personne d'autre qu'à mon petit nombril. Parce que chaque jour, une grande partie de ma vie t'est destinée, t'est offerte. Je te prépare ton déjeuner, je t'aide à te peigner les cheveux, je te donne un coup de pouce avec tes devoirs, je m'assure que tu aies une bonne nuit pour que tu réussisses bien à l'école. Je te chicane quand tu fais une niaiserie. Tout ça en lavant tes bobettes, en te planifiant un bon lunch pour demain, en m'assurant que tu sois bien propre et que tu t'éveilles au monde qui t'entoure. Vraiment, ma vie serait plus simple si tu n'y étais pas. Qu'en penses-tu? Suis-je une kamikaze?"

Je n'ai pas pu entendre sa réponse. La cloche a sonné comme nous venions d'arriver dans la cour d"école. Mais notre petite route quotidienne côte à côte aura été tout de même profitable. Elle aura enrichi son vocabulaire et peut-être aura-t-elle réalisé un tout petit peu ce qu'une mère doit faire pour son rejeton.

Mais peu importe, je sais que trop bien que demain, elle me redemandera de tourner la radio jusqu'à ce qu'elle entende les Black Eyed Peas.