24 octobre 2007

Sabrons le champagne!

Ça aura pris trois mois pile poil entre la première pelletée de terre et la journée où mon camion de déménagement se stationnera dans ma nouvelle entrée de cours. Douze semaines où j’ai créché dans le sous-sol de ma copine Annie. 84 jours à attendre patiemment le moment où je mettrais officiellement les pieds à Proulxville.
Ce moment tant attendu est prévu pour ce dimanche. J’ai très hâte, mais en même temps je suis un peu triste. J’ai le motton dans le dalot disons. C’est que depuis tout ce temps où je vis avec Annie, Jo et Maïka, je vois arriver le jour de mon départ avec chagrin. Ironique tout de même.
Comment oublier l’accueil qu’ils me réservaient chaque jour lorsque je revenais du travail? Comment effacer de ma mémoire ces soupers bien arrosés qui nous donnaient tant de joie à préparer? Comment survivre sans nos interminables discussions en pyjama avant d’aller au lit? Comme réussirai-je à me passer de Maïka, le bouvier bernois de la maisonnée, qui venait se coller sur moi lorsque j’écoutais la télé?
Sais pas. Le sevrage ne sera pas des plus simples, c’est certain. Par contre, ma copine Annie m’aura légué beaucoup plus que de la tristesse de quitter sa maison.
Je l’ai rencontrée lors d’un voyage de ski aux Etats-Unis et j’ai tout de suite su que nous étions faites pour nous entendre. J’avais vu juste. En avril dernier, à peine deux mois après notre rencontre, nous soupions toutes les deux ensemble. Je venais de vendre ma maison et j’étais très inquiète parce que mes filles et moi, nous nous retrouvions sans logis pour toute la durée de la construction du quadruplex. « Hé! Viens-t-en ici avec les filles! »
Euh… pardon?
« Oui, oui, tu prendras tout le sous-sol. Vous allez être bien toutes les trois. Pis on va se faire plein de soupers. Tu vas voir, on va avoir de fun. C’est décidé, tu t’en viens! »
C’était une affaire réglée. Deux mois plus tard, je débarquais chez elle avec mon petit bonheur sous le bras et l’espoir qu’elle ne regrette pas son offre domiciliaire. Au début, je me faisais discrète. Je mangeais en cachette, je me lavais en cachette et mes enfants étaient cachés aussi. Mais la copine s’est fâchée. « Gege, c’est ta maison ici maintenant. Je veux que tu manges à la table. Je veux que tu laisses tes filles écouter la télé au salon. Je veux que tu vives normalement. »J’étais sous le choc. Mais ceux qui connaissent Annie ne sauront pas étonner d’entendre ce genre d’histoire. Cette fille a un cœur grand comme ça. Elle a de l’énergie à revendre qui fouetteraient sans aucun doute le plus paresseux des paresseux. Elle fonce dans la vie à grands coups de défis. Rien ne peut l’arrêter dans sa quête d’arriver à ses objectifs.
Bref, les douze dernières semaines n’ont pas que solidifié notre nouvelle amitié. Elles m’ont permise de me fouetter pour devenir une personne meilleure qui n’attend pas que le temps passe pour regretter de ne pas avoir osé.
C’est sans aucun doute grâce à Annie que dès mardi prochain, je relèverai un grand défi en mettant en lumière devant tout Sherbrooke une idée qui me tenait très à cœur.
Merci Annie pour tout. Je t’attends n’importe quand pour souper. Il y a un rôti dans la mijoteuse.

16 octobre 2007

Un rendez-vous poche

Je déteste ce rendez-vous matinal.
C’est la même histoire qui se présente chaque fois qu’une page de calendrier est tournée.
Je soupire. Je cherche. Je chiale. J’implore le Saint de la guenille de me sortir de ce merdier.
Je ferais 10 000 autres choses plutôt que d’être en tête à tête avec ma garde-robe chaque jour.
Vous savez, c’est pareil partout.
Le placard est plein pour ne pas dire qu’il déborde. Les tablettes sont garnies. Les cintres ne suffisent plus à la demande. Et on ne voit pas un pouce carré de plancher tant il y a des paniers remplis de textile de toutes sortes.
Pourtant, à chaque fois, devant ce monticule de tissus, je déprime. Je déprime parce que je n’ai rien à me mettre sur le dos. Jamais. Jamais. Jamais.
Ces pantalons-là sont trop grands. Ceux-ci, bof. Il me semble que j’ai une méga culotte de cheval quand je les porte. Eux-autres, ils sont tachés. Ah oui! Mes noirs ont besoin d’être réparés, le bouton a lâché. Pis mes bruns, je les déteste : trop de trouble à repasser! Les blancs, ça fait trop été. Les bleus? Sont passés mode.
J’aurais envie d’enfiler une jupe aujourd’hui, mais le thermomètre indique trois degrés et je n’ai pas de bottes qui s’agencent avec elle.
Au final, j’ai toujours la même affaire sur le dos : mes maudites jeans!
Bon, j’ai au moins un problème de réglé.
Attaquons le haut à présent.
On élimine les camisoles spaghetti qui sont interdites au bureau. On met de côté, du même coup, les chandails de laine, beaucoup trop chauds pour notre système de climatisation. Les blouses? Peut-être. Enfin, si mon fer accepte de coopérer ce matin, ce qui n’était pas le cas la semaine dernière alors que j’ai définitivement envoyé ma jupe préférée au cimetière après l’avoir brûlée au troisième degré.
J’attaque donc la mauve. Portée avec un débardeur, j’aime bien le look. En prime, selon les millions de magazines de mode consultés dernièrement, le mauve est à l’honneur. Je suis donc ok.
Une fois la besogne de la planche à repasser complétée, j’enfile le tout pour m’apercevoir que le débardeur en question est… sale. Ah zut! (Le mot zut est utilisé ici uniquement pour ne pas brutaliser vos yeux. Parce qu’en réalité, le mot employé, dans la vraie histoire, est d’une toute autre nature...)
Retour à la case départ. Résignée, je choisi un simple t-shirt et un kangourou en coton ouaté. J’ai beaucoup plus l’impression de filer droit vers un cours d’éduc que vers le bureau. En tout cas, ils me prendront comme ça aujourd’hui. Je ne suis plus d’humeur à négocier autre chose avec ma penderie à la noix.
C’est décidé donc. Ce midi, plutôt que de manger à la café du journal devant un tv dinner peu invitant, j’irai investir mon avoir dans la guenille. Je me promets de revenir de cette virée avec assez de vêtements pour suffire à un mois complet de tiraillements entre ma garde-robe et moi.
Mais ce n’est pas si simple. Vous savez comment ça fonctionne le shopping : c’est quand on est décidé à acheter qu’on ne trouve rien qui nous plaît, que notre grandeur ne se retrouve jamais sur les rayons et que tout est beaucoup trop cher.
Finalement, j’ai réussi à acheter… un nouveau t-shirt et un… jeans. Soupir.

04 octobre 2007

L'héritage du 11 septembre

Je refuse de croire que je suis raciste.
Ce n’est pas si simple. Facile de dire qu’aucun préjugé racial ne se retrouve dans nos pensées. Mais en réalité, sommes-nous aussi ouverts et tolérants que l’on affirme haut et fort? Sais pas.
J’ai pris l’avion le week-end dernier. En comptant les escales, j’ai vécu cinq décollages et cinq atterrissages.
Inconsciemment à chaque reprise, le même scénario s’est répété dans ma tête.
J’observe tous les passagers du vol. Ont-ils l’air louche? L’air méchant? Les gens près du cockpit paraissent-ils dangereux? Je scrute leurs bagages. Contiennent-ils des armes? Des explosifs? Que font les gens? Les plus nonchalants attirent mon attention. Celui qui lit le journal, celui qui joue au Gameboy, celui qui écoute son Ipod me font peur. Il faut se méfier de ses personnes qui ont l’air au dessus de tout. Ils veulent se fondre dans la masse pour mieux mettre leur plan d’attentat à exécution. Mes yeux s’attardent à la cabine du pilote. Est-elle bien verrouillée? Je m’interroge sur les compétences du pilote. Est-il bien formé pour affronter un terroriste?
Tout semble sous contrôle. Pour le moment.
Plus tard, un peu avant le décollage, j’ai visité la salle de bain de l’avion. C’est à ce moment que mes yeux ont croisé ceux d’un Arabe. Mon cœur s’est emballé et mon envie de pipi est partie instantanément. Je suis retourné subito-presto à mon siège. Sans même réfléchir, j’ai vérifié si mon cellulaire fonctionnait bien au cas où je doive appeler les secours. J’ai regretté de ne pas avoir encore rédigé mon testament. J’ai eu envie d’appeler mes filles pour leur dire que je les aimais. J’ai analysé si ma place dans l’avion était stratégique si un quelconque pépin survenait. Et pour une rare fois, j’ai bien écouté les consignes de l’hôtesse de l’air sur les règles de survie en cas d’accident…
C’est pendant que je vérifiais sous mon siège si une ceinture de sauvetage si trouvait que j’ai réalisé que j’avais un comportement des plus stupides. J’étais complètement ridicule.
Je sais bien que tous les Arabes ne sont pas membres d’Al-Qaïda. Je sais bien que les Arabes ne sont pas tous intégristes. Je sais bien que ce n’est qu’une toute petite minorité d’Arabes qui souhaitent voir les Etats-Unis s’effacer du globe-terrestre.
C’est à ce moment que j’ai réalisé que les attentats du 11 septembre 2001 ont laissé des traces sournoises. Que sans le vouloir, tous les Arabes et tous les Musulmans sont mis dans le même bateau. Que six ans plus tard, les cicatrices laissées par les attentats contre le World Trade Center sont encore bien vives. La peur d’être parmi les prochaines victimes des amis de Ben Laden est ancrée en nous.
Le plus triste dans toute cette histoire, c’est que probablement que l’on se ferme à de belles rencontres. C’est que l’on se crée des peurs inutiles. C’est aussi que l’on gâche des moments qui pourraient être magiques. Tout ça parce qu’un monsieur a fait une connerie un jour.
Plus question qu’une crainte injustifiée m’accompagne en avion dorénavant. J’ai autre chose à faire. Ma vessie s’est mise à crier son inconfort. Je suis retournée aux toilettes. Mes yeux ont recroisé ceux de l’Arabe. Au lieu de lui faire sentir une anxiété démesurée, je lui ai servi mon plus beau sourire. Qu’il m’a rendu.
Et si j’ai à craindre de quelque chose, c’est bien plus celle de perdre mes bagages… D’ailleurs, j’attends toujours ma valise qui s’est perdue quelque part entre Las Vegas, Memphis et Burlington.