20 janvier 2011

Job ingrat

Il y a 12 ans, j'avais postulé pour un super job. La description de tâches avait l'air popire. La rémunération était à chier, mais je ne voulais pas de ce boulot pour l'argent. Je désirais ce poste pour tous les autres avantages qui en découlaient et qui semblaient tellement extraordinaires.

J'ai donc envoyé mon cv. Attendu une réponse pendant quelques semaines. Pendant l'attente, j'ai fait beaucoup de visualisation positive. C'était pendant les Olympiques de Nagano. Il y avait plein de psys sportifs à la télé qui expliquaient sans cesse l'importance de se visualiser dans le futur en train de gagner, de réussir. Alors, j'ai écouté sagement ces conseils d'experts et je me suis imaginée dans ce job.Job ingrat

Je pense avoir bien appliqué la méthode parce que ç'a fonctionné. J'ai eu le boulot convoité. Yé! J'étais folle de joie! J'en rêvais la nuit. J'y pensais en mangeant mes Cheerios le matin ou en avalant mon macaroni au souper. En frottant la bol, en marchant pour aller au courrier, en vidant le lave-vaisselle, en regardant les funérailles de Lady Di.

J'occupe toujours ce poste. Je pense que je vais y travailler pour encore de nombreuses décennies. Mais maudit que mon job est ingrat!


"Hé! Maxim, si on allait en ski demain?" "Euh... non. Je vais patiner avec mes amies demain", me répond-elle sur un ton de c**, comme si j'étais la dernière des imbéciles.

"Mamaaaaaan! T'as pas encore lavé mes jeans? C'est ça que je voulais mettre aujourd'hui!" me crie-t-elle du fond du sous-sol comme si j'étais à son unique service. Parce que c'est bien connu que les mamans, elles passent leur temps à attendre à côté du panier à linge de leur ado qu'un vêtement y tombe pour ensuite courir à la laveuse pour le rendre tout propre dans le temps de le dire.

"Ah non! Pas encore du pâté chinois! Tu fais toujours du pâté chinois! Moi je n'ai pas le goût de manger ça. Fais-moi du macaroni!" Hein? Se pense-t-elle au resto, elle? Parce que s'il n'en tenait qu'à moi, je n'en ferais jamais de souper. J'ai tellement d'autres chats à fouetter. Et là, la princesse n'est pas d'accord avec le menu du jour? Pardon?

Il y a des jours où je n'ai qu'une seule envie en tête: démissionner. Foutre mon job là et m'enfuir aux Bermudes manger des noix de coco et compter le nombre de vagues à l'heure qui viennent mourir sur la plage.

Non, mais c'est-tu fatiguant pareil! Qu'ils aient deux ans, six ans ou douze ans, ils ne sont jamais contents, ces enfants-là. Ça chiale toujours. Ça rouspète toujours. Ça se lamente toujours.

Que l'on court aux quatre coins de la ville pour les cours de natation ou pour un après-midi chez la copine, que l'on se lève la nuit pour les aider à dégueuler leur gastro, que l'on prenne le temps de cuisiner des muffins maison pour leurs lunchs, que l'on dépense sa paye en chandails et en pantalons qui ne feront plus dans six mois, qu'on leur paye des journées de ski ou un film au cinéma, les mamans n'en font jamais assez. Ou ce qu'elles font, elles le font tout croche. Pis surtout, il n'y a jamais, jamais, jamais de merci en retour.

Jamais de "merci maman, il est bon ton pâté chinois". Jamais de "merci maman de lâcher ton roman pour venir me reconduire chez Léa". Jamais de "je sais que tu détestes faire le lavage, mais sache maman que j'apprécie vraiment beaucoup que tu prennes le temps de laver mon linge pour qu'il y ait toujours des bobettes propres dans mon tiroir. Merci".

Déprimant, mais surtout ingrat le job de mère.

Ne lancez pas des roches à mon ado. Avant, regardez-vous le nombril. Quand est-ce la dernière fois où vous avez dit à votre mère qu'elle avait fait un boulot génial pour vous?

Merci maman de m'avoir endurée pendant toutes mes années d'adolescence, pour tous ces délicieux pâtés chinois, pour toutes ces bobettes si bien lavées, pour tous ces kilomètres faits en voiture...

Une amie rêvée

Cette histoire a commencé bien simplement, presque de façon ridicule: dans un salon d'esthétique! C'est l'histoire d'une fille qui va se faire poser des faux ongles pour une soirée de gala et qui jase de tout et de rien avec sa nouvelle esthéticienne.

"Que fais-tu de bon dans la vie, toi, à part ton travail?"

"Bah... pas grand-chose. Je commence à avoir hâte de faire du ski."

"Euh... Geneviève, c'est parce qu'on est en juillet!"


C'est tout simplement comme ça qu'est née une grande amitié entre mon esthéticienne et moi. Bête de même. En parlant de skis paraboliques, de bosses et de tempêtes de neige alors qu'il faisait 32 degrés à l'extérieur et que le commun des mortels ne rêvait que de guimauves calcinées et de vacances à Old Orchard Beach, je laissais entrer dans ma vie quelqu'un qui allait la marquer à jamais.

Au début, on ne faisait que dévaler les pentes ensemble. Puis, on s'est raconté nos vies 14 fois au-dessus d'un potage aux poivrons grillés, d'un filet mignon au cognac, d'une verrine aux trois chocolats, la coupe pleine de notre découverte rouge du jour. C'est ainsi qu'on a trouvé que nos points communs allaient beaucoup plus loin que notre amour des sous-bois de Sutton et du dénivelé de Tremblant.

Dommage qu'il n'y ait pas de Jeux olympiques de cuisine parce que Dany est moi, on ferait un duo imbattable. Dommage qu'il n'y ait pas de médaille d'honneur décernée à la meilleure amie à avoir pour ses enfants parce que Dany clancherait haut la main les autres participants. Et une chance que nos comptes de banque ne sont pas sans fond parce que tous les Lush de la terre seraient vides!

Dany, c'est l'amie avec qui on n'a pas peur de partir en voyage en Californie. C'est l'amie avec laquelle il est impossible de se chicaner. C'est l'amie qui est présente tant au salon funéraire qu'à l'anniversaire de ma plus vieille.

Petit à petit, Dany s'est niché une place de choix non seulement dans ma vie, mais aussi dans celle de mes poulettes. On aime tellement notre Dany nationale que mes parents en ont fait leur fille adoptive et qu'elle a maintenant sa place autour de la table familiale, tant au réveillon de Noël qu'aux anniversaires de tous et chacun du clan Proulx.

Faut dire qu'elle n'est pas difficile à aimer notre Dany. Impossible pour elle de débarquer quelque part les mains vides. Toujours les bras plein de surprises, tant pour les grands que pour les petits. Tenez, hier matin, elle est venue garder ma poulette à couches. Bien, mon amie est arrivée avec du café pour l'amoureux et des chocolats chauds pour mes grandes et moi.

Mais elle ne nous gâte pas seulement en cadeaux et petites surprises. Elle nous gâte en temps. Quand elle vient à la maison, Dany prend toujours le temps de jaser avec mes plus grandes et ça, c'est quand elle ne les ramène pas chez elle pour le dodo!

Hier matin, alors que son seul mandat était de cajoler ma petite, de la changer de couche au besoin et de lui donner à boire aux trois heures, elle a profité de mon absence pour mitoner un potage aux oignons grillés, des barres tendres et des biscuits au chocolat, pour faire deux brassées de lavage et vider le lave-vaisselle, tout ça en plus de voir aux besoins de mon bébé, de ma préado et de mon ado. De quoi donner des complexes!

Quand Samuelle se nourrissait par son cordon ombilical, ç'a été tout naturel pour l'amoureux et moi de la choisir comme marraine. On ne voyait personne d'autre pour remplir ce rôle. C'était aussi clair qu'Avatar en Blu-ray sur une 52 pouces HD.

Quand ç'a été le temps d'expulser la petite hors de son logement des 40 dernières semaines, c'est Dany que nous souhaitions avoir près de nous, l'amoureux et moi. Quand les choses se sont mises à mal aller, après l'accouchement, c'est à elle que j'ai confié mes plus grandes.

Dany, c'est l'amie rêvée.

Et ce rêve, il est réalité pour moi!

Enfin voilà le 3 janvier!

Pas fâchée de voir un 3 janvier sur le calendrier ce matin. Pas du tout fâchée.

Enfin le sapin est parti se composter quelque part (j'ai fini d'avoir peur d'oublier de l'arroser à tous les jours. Fini de ramasser des millions d'aiguilles aux quatre coins de la maison. Fini de surveiller sans cesse ma petite poulette à quatre pattes de six mois qui aimerait donc décrocher une de ces si belles boules...). Enfin parti!


Enfin finies toutes ces courses aux spectacles de Noël de toutes sortes. Cette année, nous avons eu droit à un concert musical, à un spectacle de cheerleading et à deux promesses scoutes, tout ça en cinq jours (finie la course à faire le souper, à avaler le tout en quatrième vitesse, à ne pas faire la vaisselle, à courir à l'autre bout de la ville pour applaudir nos prodiges, de revenir au bercail, à faire la vaisselle, à coucher tout ce beau monde-là pour enfin s'écraser sur un divan passé 22 h 30!). Bon débarras!



Enfin finies les longues soirées passées devant le fourneau, le frigo, le garde-manger, un rouleau à pâte dans une main, un emporte-pièce de l'autre, des moules à chocolat dans la poche arrière et une tonne de livres de recettes qui traînent sur le comptoir à popoter des "petites douceurs de Noël" (finie la course à l'épicerie parce que je manque de sucre ou parce que j'ai oublié d'acheter de la crème 35 %. Fini de stresser à savoir si mes macarons vont avoir la bonne texture. Fini de compter et recompter les chocolats fourrés pour m'assurer que tous en aient la même quantité.). Bebye!


Enfin finie la planification des tenues vestimentaires de toute ma smala pour toutes ces belles Fêtes de fin d'année (fini de frotter les chandails à 23 h pour s'assurer qu'ils soient bien propres pour le déjeuner familial du lendemain. Fini de passer trop de temps à chercher dans le fond des paniers à linge de la cabane la paire de collants qui va avec cette robe-là. Fini de repasser les chemises de l'amoureux -votre homme à vous est-il capable de faire fonctionner un fer à repasser? Fini de passer mon peu de temps libre en tête à tête avec une tonne de vêtements à plier.). Quin toé, maudit lavage!


Enfin finie la gestion serrée de nos déjeuners-dîners-soupers-soirées où l'on devait se diviser en quatorze pour voir tous les amis-matantes-mononcles-grands-parents-arrières-grands-parents qui réclament notre présence à leur activité de Noël. (Finies les routes interminables qui nous séparent de tous ces super partys. Finies les sommes colossales englouties par les détaillants d'essence. Fini le manque de sommeil associé à ces trop nombreux partys. Finie la propagation de vilains microbes qui profitent de ces réunions familiales pour faire des ravages non nécessaires.) Yé!


Enfin finies les cabrioles sévissant dans les estomacs qu'amènent l'abus de vin-bière-mousseux-lait-de-poule et l'ingestion de tourtières-sucre-à-la-crème-dinde-sauce-aux-canneberges-brie-terrine-de-foie-gras (fini le stress de ne pas rentrer dans mes pantalons achetés pour l'occasion. Fini de carburer au Pepto Bismol. Finies les deux Tylenol à prendre avant le dodo pour prévenir les lendemains de veille.) Enfin!

Enfin finies les nuits trop courtes qu'obligent les réveillons, la messe de minuit, le dépouillement d'arbres de Noël, le décompte vers la nouvelle année (finie l'impatience qu'amène les trois heures de sommeil quotidien. Finies les cernes qui descendent jusque sous le menton. Finies les crises de bébé éreintée parce que sortie de sa routine de dodo. Finies les heures passées devant le miroir à camoufler à coup de fond de teint les ravages faits par tout ce manque d'heures passées sous la couette.). Bonne affaire!

Enfin, voilà qu'arrive une période beaucoup plus tranquille destinée au cocooning, de soirées tranquilles, de repas remplis des quatre groupes du Guide alimentaire canadien, de routines, d'absence de maux de tête...

Qui a dit que le temps des Fêtes était un moment pour se reposer?

2011 questions sans réponse

On jettera le calendrier vendredi pour en afficher un nouveau sur le mur. Douze pages neuves remplies de promesses, d'espoir, de projets.

365 cases remplies d'inconnu surtout.

Parce qu'est bien fin celui qui pourra prédire avec certitude si le Canadien fera les séries, si on aura cette foutue commission d'enquête sur l'industrie de la construction ou bien si Prozac reviendra sur nos écrans. (Pour le savoir, faudrait peut-être mettre la main sur la table à Ouija de Chantal Lacroix!)

Je me demande bien si nous irons en élections provinciales. Si le prix de l'essence montera encore. Lequel des deux présidents proclamés de la Côte d'Ivoire ira finalement s'assoir au parlement? Qu'adviendra-t-il de Assange et de son WikiLeaks?


Je suis curieuse de savoir si on assistera en direct à la télé au baptême de Nelson et d'Eddy (le tout présenté par Julie Snyder bien sûr). Qui sera la star québécoise la plus trippante à suivre sur Twitter. Si le maire Sévigny réussira à régler son problème d'égout qui déborde.

Dites-moi, combien de nouvelles émissions culinaires verront le jour en 2011? Combien d'usines fermeront leurs portes au Québec au cours des 12 prochains mois? Verrons-nous enfin une épicerie au coin King-Jacques-Cartier?

Combien de fois Maxim ratera l'autobus cette année? Combien Filou aura-t-elle en anglais sur son prochain bulletin? Quand Sam-Sam marchera-t-elle? Est-ce que l'amoureux pensera enfin à sortir les poubelles et la récup quand c'est le temps?

Est-ce que ma balance affichera à un chiffre plus acceptable bientôt? Est-ce que mon retour au travail se déroulera sans pépin? Est-ce j'aurai enfin le dessus sur mon %&*$/!?(#$_+ de panier à linge?

Maxim videra-t-elle le lave-vaisselle sans que je sois obligée de perdre la voix à force de demander? Est-ce que Filou sera capable de se mettre du lait dans un verre sans en renverser les trois quarts de la pinte sur la table? Est-ce que Samuelle compte dormir plus longtemps que quatre heures la nuit avant qu'elle souffle sa première chandelle?

Sais pas. Mystère et boule de gomme.

Et je pense que je ne veux pas vraiment le savoir.

J'aime les surprises. De ne pas savoir qu'un événement arrivera telle date ajoute du mystère au quotidien et me permet de passer de meilleurs jours également.

Si je savais, par exemple, que le 8 janvier mon bébé me clanchera des nuits olympiques de 12 heures, imaginez comment mes prochaines nuits seraient pénibles. Atroces. L'enfer. Combien je chialerais à chaque réveil. Combien j'anticiperais ce fameux 8 janvier. Là, je ne sais pas quand ça arrivera alors je me lève la nuit et j'assume ce choix d'avoir fait un bébé. Quand les nuits complètes arriveront, je fêterai. Voilà.

Voilà le sens de la seule résolution que je prendrai cette année. Vivre ma vie comme elle vient. Sans attendre avec impatience que se produise mes souhaits et mes désirs.

Ainsi, un jour, je serai capable d'enfiler des pantalons que je portais avec qu'il y aille un globe-terrestre sous mon t-shirt (parce que là, ils restent coincés à la hauteur des genoux!). Un jour, je retournerai faire du ski sans avoir peur que mon coeur pète au «frète» (parce que là juste l'idée de mettre mes bottines dans mes pieds fait monter mon rythme cardiaque à 160!).

Un jour, j'arrêterai d'avoir faim tout le temps (parce que là j'ai usé le plancher de la dépense tellement j'y vais tout le temps). Un jour, je remettrai mes espadrilles et ferai la Course à relais autour du lac Memphrémagog (parce que là juste courir de la cuisine au salon me prend deux heures à m'en remettre).

Pour l'instant, je vais continuer d'avaler des doses astronomiques de fer quotidiennement. À me refaire une santé. Pis à me lever la nuit!

Pour le reste, ça arrivera quand ça arrivera.

Bonne année à vous tous! Je vous souhaite plein de soleil dans vos vies, de bonheur dans vos familles et surtout... plein de surprises!

Mes 33 derniers Noëls: 0 Mon futur Noël: 1

Cette semaine, on m'a demandé de raconter un souvenir de Noël particulièrement marquant. Mais j'ai beau fouiller dans les annales familiales, je ne trouve rien qui vaille la peine de noircir une colonne dans un journal. J'ai beau passer en revue mes 33 derniers Noël, il n'y a rien qui vaille le chèque de paye qui m'attend pour cette chronique.

Désolé Monsieur-le-rédacteur-en-chef-par-intérim, mais mon plus beau Noël n'est pas derrière moi. Il est devant. Celui qui se pointera ce week-end.

Pourquoi?

Tout simplement parce qu'il s'en est fallu de peu pour que je ne le vois pas. Si, si, mon Chiclets a passé près de ne pas se retrouver sur les photos familiales annuelles. Ma mère aurait eu un cadeau de moins à acheter. L'amoureux aurait attendu le père Noël en tête à tête avec sa nouvelle-née (du moins j'espère que je n'aurais pas déjà été remplacée!). Et j'aurais manqué les éclats de vie dans les yeux de mon bébé devant le sapin de Noël.


Parce que si on avait été en 1943, mettons, je n'aurais pas survécu à mon accouchement. Je serais tout simplement morte au bout de mon sang qui n'en finissait plus de s'enfuir de mon corps. Vive la médecine moderne!

Mais même en 2010, les gens qui m'assistaient dans la mise au monde de ma numéro trois ont eu chaud et ce, tant au sens propre qu'au sens figuré. Je vous le dis, ça sentait le swing dans la place!

Faut dire que lorsque des professionnels crient sans cesse et à tout rompre : «C'est une urgence vitale! Faites vite!», c'est assez pour détremper un t-shirt et pas juste sous les bras. On les comprendra, ils avaient tous la chienne de devoir remplir un constat de décès en plus d'une déclaration de naissance.

Sur le coup, je n'ai pas réalisé l'ampleur de la situation. La gravité de mon état. J'étais trop occupée avec mon masque à oxygène qui me tapait royalement sur les nerfs. J'étais aussi en colère contre celle qui me martyrisait les cuisses avec ses multiples injections de médicaments. Non mais, ne pouvait-elle pas faire plus attention?

Et j'espérais tellement que celle qui tentait de faire contracter mon utérus en pompant mon ventre aussi fort que si elle actionnait une baratte à beurre aille prendre un café. Je me foutais vraiment du fait qu'on luttait pour ma survie. Bref, je pensais qu'on était devant un léger pépin.

Je pense que j'ai compris ce qui arrivait quand j'ai vu les yeux remplis d'inquiétude et de peur de l'amoureux qui se promenait d'un bord à l'autre de la chambre avec la poulette toute neuve dans les bras.

Je pense que j'ai concrètement réalisé ce qui se passait quand j'ai demandé à mon amie Dany de bien s'occuper de mes deux grandes filles.

Finalement, même si j'ai rempli quelques pots à jus de liquide rouge, je suis encore là. Bien en vie. Je ne me souviens plus trop des premiers jours de vie de Sam-Sam, mais je me rappelle que j'étais là pour elle. Malheureusement, ne pensez pas à moi pour courir un marathon, mais je commence à être capable de monter les marches pour me rendre à ma chambre sans avoir l'impression que le coeur veut me sortir de la poitrine. Mais je suis là pour les monter, ces marches!

On entend souvent dire que les gens qui frôlent la mort trouvent que le soleil brille plus. Que les fleurs sentent meilleur. Que l'air est plus frais dans leurs poumons. Je ne peux pas dire si toutes ces choses sont vraies. Mais je sais que ce sera mon plus beau Noël tout simplement parce que j'y serai.

Mon plus beau cadeau de Noël

Ne me demandez pas ce que j'ai reçu au Noël de l'an dernier parce que je ne m'en rappelle plus. C'est également le néant quand je cherche ce qu'on m'a offert l'année d'avant. Et n'allez pas croire que ce qu'il y avait sous le sapin, il y a trois ans, a trouvé place dans un tiroir de ma mémoire. Malgré cette piètre performance au niveau de mes souvenirs de cadeaux de Noël, je me rappelle très bien ce que j'ai reçu en 1982.

Pourtant, le Noël 1982 n'est certainement pas le préféré de mes parents. Ce ne sont pas eux qui avaient gagné le million cette année-là. Ce n'est pas cette année-là que le frigo débordait de caviar et de Veuve Cliquot. Ce n'est pas cette année-là que ma mère s'est épuisée à faire les magasins pour remplir le coffre de l'auto de cadeaux.

L'édition 1982 n'aurait pas dû passer à l'histoire selon ceux qui m'ont donné la vie. C'était une année de crise. De taux d'intérêt astronomiques. De coupons-rabais à l'épicerie. D'oreilles de lapin sur la télé. De sandwichs au fromage Kraft dans la boîte à lunch. De salopettes en corduroy brunes achetées en solde au Bon Marché.

N'empêche que, avec mes yeux de petite fille de six ans et demi, je ne voyais pas toutes les difficultés auxquelles étaient confrontés mes parents. J'étais bien trop occupée avec mes catalogues de Distribution aux consommateurs et de Sears Noël à encercler au stylo Bic rouge ce que je désirais que le père Noël laisse sous le sapin.


J'avais bien envie d'avoir de nouvelles Barbie et surtout celle avec la robe rouge en satin. Je trouvais que la petite école Fisher Price avait l'air très amusante. Il y avait aussi une petite machine à coudre à piles avec laquelle je m'imaginais me fabriquer de magnifiques vêtements. Je mourrais d'envie d'avoir le nouveau Battleships électronique qui semblait fonctionner tellement mieux que celui que j'avais déjà. Pis le comble du bonheur aurait été d'avoir le jeu Simon (vous savez, le bidule à quatre touches de couleurs où il fallait recréer une suite?).

Autant dire que le père Noël avait beaucoup de pression sur les épaules pour rendre la petite fille que j'étais très heureuse. Ce que j'ai pu en écrire des lettres. Ce que j'ai pu en faire des promesses que je serais la plus sage des enfants si on m'apportait tout ce qui se retrouvait sur ma liste...

Même si j'avais bon espoir de me réveiller le 25 au matin avec une tonne de cadeaux à déballer, ça n'a pas été le cas. Pourtant, j'avais fait mon lit tous les matins en décembre. J'avais bien la bonne adresse postale pour mes lettres destinées au gros barbu. Malgré tous mes efforts, il n'y avait qu'une seule petite boîte sous le sapin qui m'était destinée. Qu'une seule.

J'ai enlevé le papier d'emballage et j'ai ouvert le cadeau pour y trouver une dizaine de cassettes vierges. Je ne comprenais pas trop. Ce n'était pas sur ma liste. Que pouvais-je faire avec des cassettes vierges, voulez-vous bien me dire?

"Sur ces cassettes, il y a de la musique Geneviève. Tiens, ici, tu as la cassette de toutes les chansons de Fan Fan Dédé. Sur celle-ci, tu trouveras les chansons du Pays de Chanterelle. Ici, j'ai mis toutes celles de Passe-Partout et sur celle-là, il y a celles de Nathalie Simard. Tu pourras toujours les écouter, quand tu le voudras", m'avait expliqué ma mère devant mon air triste.

Pendant des semaines avant Noël, une fois que j'étais couchée, ma mère sortait son attirail et copiait des 33 tours sur des cassettes vierges. Des vinyles d'émissions de télé et de chanteurs que j'aimais beaucoup qu'elle avait empruntés à des amies et à la bibliothèque municipale. Pendant des jours, elle avait préparé mon cadeau y mettant du temps et du coeur.

Et moi, pendant des mois, je me suis couchée le soir en écoutant de la musique sur mon petit magnéto trop heureuse de ce cadeau si magique. Si inattendu. Si touchant.

Encore aujourd'hui, 28 Noël plus tard, je me rappelle de ce cadeau comme étant le plus beau. Parce que ma mère y avait mis tout son temps. Son amour. Elle m'aurait donné le catalogue du Sears au grand complet que je n'aurais pas été plus heureuse.

Une tempête dans un verre... de lait!

Samedi dernier, on s'est payé la totale, l'amoureux et moi. Grasse matinée jusqu'à 8 h 30 (nous avons un bébé de quatre mois, je vous rappelle, alors 8 h 30, c'est vraiment la grasse matinée) et déjeuner au resto sans les grandes filles dans les pattes, parties pour le week-end chez leur grand-mère.

Un beau petit déjeuner tranquille donc. À lire le journal et à commenter les différentes nouvelles du jour. À chialer sur les fraises congelées et mauvaises nombreuses sur ma gauffre. À rire devant Sam-Sam qui vient de découvrir sa voix et qui hurle, mais hurle à n'en plus finir.

Un beau moment. Pas stressant pour deux cennes. Relaxe.

Dans le fond complètement du resto, je vois une amie qui a aussi un bébé de l'âge de Sam. Elle est aussi avec son amoureux. Ils ont l'air d'avoir bien du plaisir tous les trois. On dirait un calque de notre table!


Mais voilà, son petit homme commence à s'agiter. Son sourire a cédé la place à une moue. C'est l'heure du lunch pour lui aussi visiblement.

Je vois l'amie qui se prépare à allaiter. Elle entre sa main dans son chandail pour défaire l'attache de son soutien-gorge. Elle place son bébé sur ses cuisses et vient pour relever son chandail... Mais au dernier moment, elle décide de ne pas le faire à la table. Elle se lève avec son petit poulet dans les bras et prend la direction... des toilettes!

J'ai eu le coeur brisé. J'étais triste parce que mon amie, qui a décidé d'offrir le meilleur pour son bébé, est réduite, par gêne ou par pudeur, à se réfugier à l'abri des regards pour nourrir son rejeton. À briser son beau déjeuner avec son amoureux.

Pis on s'entend-tu que d'allaiter assise sur la bol, il y a plus sexy comme occupation?

Je ne juge pas la décision de cette maman de ne pas nourrir son enfant en public. C'est son choix et ce sont ses seins à elle.

Ce qui me fend le coeur, c'est le manque d'ouverture de plusieurs sur la chose. C'est clair que si tout le monde avait gardé leurs yeux sur leurs oeufs-miroir-bacon-patates, le petit aurait eu la mamelle dans la bouche et personne n'en aurait fait de cas.

Mais voilà, ce n'est pas le cas. L'allaitement est un geste banal, mais comme peu de mamans osent le faire en public, ça surprend. Et ça dérange surtout ceux qui ne connaissent pas la chose.

J'en suis à mon troisième allaitement. Ça fait longtemps que ça ne m'énerve plus d'allaiter sur un banc au Carrefour de l'Estrie ou devant le beau-père. Mais chaque fois que je le fais, je n'en reviens pas du nombre de malaises que je provoque. De la quantité de personnes qui s'approchent de moi pour regarder de très près ce que je suis en train de faire pour ensuite me jeter un de ces regards monstrueux de désapprobation.

Soyez rassurés, quand c'est l'heure du lunch de Sam, je garde beaucoup plus que mes bobettes sur le dos. Je suis comme toutes les autres filles de la terre: je me trouve grosse et moche et je n'ai pas envie que des inconnus scrutent de près les vergetures que ma grossesse a laissées en souvenir sur mon globe-terrestre qui refuse de rentrer dans mes jeans d'avant. Bref, je suis discrète.

Mais même si Sam est cachée sous une couverture. Même s'il fallait un microscope aussi puissant que ceux de la NASA pour trouver un centimètre de peau. Même si pour voir un tantinet de mon sein, il faudrait me passer sous un rayon X, ça énerve de savoir que là, sous le doudou, il y a un bébé qui tète un sein.

Je suppose donc que mon amie n'a pas voulu affronter ces regards remplis d'indignation et que plutôt que de profiter de ce beau samedi matin avec sa famille, elle a fait son boulot de maman dans les bécosses.

Triste pareil.