22 décembre 2009

Madame Bricole

Je déteste bricoler des petites maisons en bâtons de Popsicle. Je pense que j'haïs encore plus colorier dans des cahiers où il ne faut pas dépasser les lignes. Et quand je vois l'une des poulettes descendre dans la cuisine avec la mallette à fabrication de bijoux, j'implore le ciel qu'il n'y ait pas, cette fois, 200 000 billes par terre. Je suis un peu moins stressée quand les filles sortent la pâte à modeler, mais bon, je sais qu'il faudra que je passe au moins une demi-heure à ramasser les vestiges de Play Doh un peu partout dans la maison.

Quand Filou a envie de se prendre pour Picasso, je cherche mille et une excuses pour refuser qu'elle sorte la gouache. Quand Max veut faire du scrapbooking, je lui suggère que ça serait tellement plus le fun se louer un film en se gavant de pop corn.

Souvent, ça fonctionne. Je réussis à détourner leur attention de cette folie créatrice qui les assaille trop souvent pour moi.

Comme ça, j'ai l'air d'une méchante mère pas très dévouée au bonheur artistique de ses poules, je sais. Mais j'ai d'autres belles qualités quand même. Je ne peux pas être parfaite. Sinon, imaginez le bordel que ça ferait dans toutes les familles. Toute la pression que ça mettrait sur toutes les mères du monde de savoir qu'à Sherbrooke se trouve LA mère parfaite. Alors voilà, dans le fond, je fais ça pour vous.

De toute façon, ce n'était pas vraiment là mon point. Je voulais seulement dire que c'est bien moins de trouble mettre un enfant dehors dans la neige ou derrière une bande dessinée que de sortir les grandes feuilles blanches, les pinceaux, les tubes de gouache, le pot d'eau, les tabliers, superviser les opérations, répondre aux centaines de questions des enfants («Maman, qu'est-ce que je peux peinturer?»), ramasser le pot d'eau qui est tombé accidentellement par terre, s'extasier devant les œuvres d'art de la plus jeune («C'est beau, mais c'est quoi?»), laver les pinceaux, nettoyer la table, accrocher les chefs d'œuvre sur le frigo, ranger le bazar. Voyez, pour une activité qui aura duré 20 minutes, j'en ai pour des jours à m'en remettre. Alors, c'est plus simple de dire: «Oh! Ça aurait été le fun, mais la gouache a tout séché...»

Mais bon, je ne suis pas toujours aussi insensible au bonheur qu'ont mes enfants de vouloir bricoler. En fait, je dirais que ça m'arrive une fois par année. Je ne sais pas trop ce qui se produit dans le circuit électrique de mon cerveau, mais quand décembre se pointe sur le calendrier, j'ai les mains qui me démangent. Elles sont carrément en feu. J'ai comme une bulle au cerveau du cadeau à offrir fait de nos blanches mains.

Pis pas question de me contenter de trucs simples comme la construction d'une maison en pain d'épices. Nenon. J'aime bien me la jouer plus compliqué un brin. Pis c'est encore mieux quand les poulettes ont un rôle à jouer dans l'opération «Cadeaux-faits-main-2009».

Alors, je passe toutes mes soirées de novembre à chercher sur le net des idées de bricolage de Noël simples à réaliser, mais qui décrocheront la mâchoire. Je range le tout dans un répertoire des plus organisés. Puis, j'analyse. Qu'est-ce qui sera simple, rapide et pas trop coûteux? Qu'est-ce qui se faufilera bien sous le sapin?

Une année, j'avais entrepris d'enjoliver des boules de Noël avec de la peinture à vitrail. ERREUR! Quelle gaffe monumentale. Ç'a été l'enfer comme moment, malgré la bonne volonté. Malgré la belle musique de Noël qui jouait dans les airs. Deux boules sur trois se sont retrouvées par terre ET cassées. De la peinture vitrail, ça te colore une table dans le temps de le dire (et vous laisse un souvenir à vie de ce joyeux moment) et en plus, ça donne un résultat tellement moche que même les boules que j'ai faites donnaient l'impression d'avoir été peintes par un enfant de deux ans...

Mais elles s'en foutaient carrément mes héritières que tout allait croche dans cet atelier de bricolage. Max et Filou voyaient plutôt là un moment spécial passé avec maman. Un moment qui n'arrive qu'à Noël.

Joyeux Noël!

15 décembre 2009

Naïve Geneviève

C'est une Geneviève bien naïve qui, un matin de 1997, est devenue une mère en devenir. Qui, armée de son test de grossesse bien positif, se faisait des scénarios de rêve. Imaginait des relations mère-enfant empreintes de bonheur, de joie et de rires. Qui planifiait des conversations familiales basées sur le respect et l'écoute de l'autre.

Non, les chicanes, le chialage, les relations tendues ne séviraient pas chez moi. Je serai une mère à l'écoute, patiente et pleine d'énergie. Jamais, ô grand jamais, on ne me verrait sortir de mes gonds, perdre patiente pour une peccadille, hurler après ma progéniture.

Moi, je voulais être une mère exemplaire. Une maman de magazine. De film d'Hollywood.

Une mère bien naïve, bref.

Parce que mes idées de la vie familiale, on s'entend que c'est de la merde. Que je m'enfonçais le doigt dans l'œil assez profond pour pouvoir aller me gratter le dessous des orteils. J'étais dans le champ en sale.

Retrouvons naïve Geneviève, hier soir, au retour du boulot. En rentrant dans la maison, elle s'enfarge dans les bottes qui traînaient dans l'entrée: «Maxxxxiiiiiiiim!!! Tes boooooottes!!»

Maxim, complètement stupéfaite devant ma réaction qu'elle doit juger excessive: «Ah! Désolé, maman, j'ai oublié de les ranger dans la garde-robe.»

Geneviève, à soi-même: «C'est vrai que c'est une nouvelle règle. Je viens d'ailleurs de l'inventer. Des bottes, pourquoi ça irait dans la garde-robe alors que ça peut si bien traîner dans l'entrée et permettre ainsi aux gens qui rentrent dans la maison de se péter la gueule avec de si belles bottes. À quoi penses-tu, Geneviève?»

Quelques instants plus tard, naïve Geneviève se rend à la salle de bain. «C'est qui la dernière qui est allée aux toilettes? Parce que j'aimerais qu'elle m'explique pourquoi le rouleau de papier de toilette vide n'a pas été remplacé?»

Évidemment, personne n'est allé dans ce coin-là depuis les 72 dernières heures, donc personne n'est coupable du délit.

Prochain arrêt pour naïve Geneviève? La cuisine, où elle ira préparer le souper. Oh! Mais quelle surprise voit-elle sur le comptoir? «Filou, ta boîte à lunch! Pourquoi n'est-elle pas vidée? Je sais que c'est un nouveau concept pour toi. Ça ne fait que quatre ans que tu dois défaire ta boîte à lunch au retour de l'école. J'imagine que c'est moi qui suis trop impatiente. Tu dois avoir besoin encore de temps pour assimiler le concept.»

Naïve Geneviève s'affaire ensuite à popoter le souper et ô surprise, elle s'aperçoit que le lave-vaisselle est bien rempli et... propre. Tâche que Maxim doit accomplir chaque jour, avant le souper. Concept simple, je crois. Tu arrives de l'école, tu mets tes bottes dans la garde-robe, tu défais ta boîte à lunch et tu regardes si le lave-vaisselle a besoin d'être vidé. Si tel est le cas, tu le vides. Simple comme bonjour.

«Maaaaaaax! Pourrais-tu lâcher MSN et venir vider le lave-vaisselle svp? Oui, je sais, la vie est injuste. Oui, je sais, c'est toi qui dois tout faire dans la maison. Oui, oui je sais.» 

On fini par s'asseoir pour souper. «Filou! Fais attention!» lui dis-je alors que, distraite, elle a renversé son verre de lait. Pas pour la première fois. Non pour la deuxième fois ce soir.

Une fois les assiettes vidées, on pourrait penser qu'elles prendraient une autre route, mais pourtant elles traînent encore sur la table. Pour moi, mes héritières croient que les assiettes ont de petites pattes leur permettant de se mouvoir. «Les filles, dis-je en soupirant, est-ce possible de mettre votre assiette dans le lave-vaisselle?» Même si je dis cette phrase, soir après soir, ça ne rentre pas dans leur ciboulot. Déprimant.

Je me pointe dans la salle de bain après que Max ait passé sous la douche. Pourquoi aurait-elle mis son linge sale dans le panier alors que c'est si simple de le laisser par terre? Pourquoi aurait-elle raccroché sa serviette sur le crochet alors que ça fait tellement plus beau sur le sol? Il est où l'intérêt de ranger le tube de pâte à dent dans le tiroir après utilisation? Pourquoi s'emmerder à partir la ventilation? Que de questions inutiles, doit-elle se dire. «Maaaaaaaxiiiiiim! Peux-tu venir ranger ton bazar svp?»

Naïve Geneviève était tellement loin de se douter, quand elle passait ses journées à flatter sa bédaine et à chanter des comptines à petit bébé en construction, qu'une fois le colis expulsé de son petit logement, elle passerait ses journées à chialer après lui...

11 décembre 2009

Un jeudi matin parfait

Jeudi, le cadran sonnera aux aurores. Ma préado aurait pu hurler que c'est le milieu de la nuit, mais elle ne le fera pas. L'amoureux ne me traitera pas de cinglée comme il l'aurait fait habituellement en me voyant me lever à cette heure matinale. Et ma loulou ne cherchera pas à vouloir dormir «juste cinq minutes encore maman».

Non, tout mon monde sera debout à 5 h 15 ce jeudi avec un sourire en prime. Je n'aurai pas à crier à Filou de se dépêcher à déjeuner. Elle avalera ses céréales dans le temps de le dire. Je ne passerai pas mon temps à négocier avec Maxim sur le choix de sa tenue vestimentaire. Elle aura choisi des vêtements convenables. Mes filles ne m'entendront pas dire de se grouiller le derrière pour ne pas rater le bus parce qu'elles seront prêtes dans les délais.

Les petites n'auront même pas l'idée de se chamailler la télécommande de la télé. Elles ne penseront pas à se picosser pour un rien. Et aucune crise existentielle n'aura lieu ce matin-là.

Ce sera un début de journée parfait. Comme on en rêve tous. Un matin où l'harmonie, la joie et la bonne humeur règnera.

On partira ensuite avec notre petit bonheur pour atteindre l'est de Sherbrooke, au coin des rues King Est et Galt Est. Là, nous attendront des centaines d'automobilistes. Là, nous attendra notre bonne action annuelle. Là, nous attendront des centaines de bedons vides que, par notre travail d'une jour, nous remplirons.

Jeudi, nous aurons tombé du lit très tôt, comme nous le faisons chaque deuxième jeudi de décembre depuis que je reçois un talon de paye de La Nouvelle. Je donnerai à mes héritières un seau de métal et je les lancerai en plein milieu de la King Est. Allez! Au boulot!

Ne voyez pas là, l'action d'une mère inconsciente et indigne. Au contraire!

Non, nous irons vous solliciter dans le cadre de la Grande guignolée des médias. Nous irons chercher le petit change qui traîne dans le fond de vos poches ou celui que vous gardez dans le fond du coffre à gants pour les parcomètres. Nous ferons de la place aussi dans nos canisses pour vos gros 20$ ou vos 100$. Nous ne ferons pas de discrimination monétaire. Et puis, si c'est votre garde-manger que vous voulez soulager de quelques trucs, nous serons aussi disponibles pour les cueillir et les envoyer dans d'autres garde-mangers aux tablettes vides.

Et puis, chaque fois que vous déposerez un huard, un ours polaire ou un Sir Laurier dans la boîte de métal de Filou, elle vous remerciera grandement avec son sourire mélangé entre dents de bébé et d'adulte pour ensuite venir me dire : «Maman, maman, le monsieur a mis plein d'argent en papier dans ma canne! Ça veut dire qu'il y aura moins d'enfants qui ne mangeront pas à Noël hein maman?»

Chaque fois que vous déposerez dans les petits bras de Maxim vos boîtes de carottes, de sauce tomate, de lait maternisé, même si c'est lourd, même si c'est difficile, elle vous dira un merci rempli de gratitude. Un merci parce qu'elle réalisera la chance qu'elle a de ne pas voir débarquer un panier de Noël chez elle. Elle réalisera la chance qu'elle a de pouvoir contribuer, à sa façon, à remplir des bedons vides.

Ce sera un beau jeudi matin. Vraiment. J'ai déjà hâte.

 

02 décembre 2009

32 noms

Ma liste est longue de même. Elle prend presque les deux côtés d'une feuille de cartable où je n'ai même pas écrit à double interligne. Nenon. À simple interligne s'il vous plait. Pis pas en grosses lettres comme Filou écrirait. Meuh non! En toutes petites lettres parce que sinon je manquerais de place.

Dessus, il y a plein de noms. Pour être exacte, j'en compte 32. Pis depuis que la liste est débutée, je stresse à l'idée d'oublier quelqu'un. Pis à tout bout de champ, j'en rajoute un. Donc, 33 noms sont inscrits sur ma liste de cadeaux de Noël (j'avais oublié le camelot).

Oui, oui vous avez bien lu. Oui, oui 33 personnes à qui je veux offrir un petit quelque chose pour Noël. Non, 34 personnes (j'avais oublié le brigadier qui fait traverser mes filles chaque matin avec une patience d'ange et un sourire de plomb).

Pour moi, Noël, c'est le moment de prendre le temps de remercier tout ceux qui gravitent dans mon entourage pour les moments passés ensemble, pour l'aide apportée, pour l'écoute donnée ou tout simplement parce qu'ils sont là. Là quand c'est le temps.

Donc, 34 personnes, c'est aussi 34 idées à trouver. Pis très peu pour moi l'idée de débarquer au secrétariat du Carrefour de l'Estrie et de demander 34 chèques-cadeaux destinés à l'achat de marchandises dans ses 180 magasins et boutiques.

Non. Moi j'aime chercher. J'aime trouver LE truc qui jettera pas terre la personne à qui est destiné le cadeau. Qui lui sciera les deux jambes. 

Alors, pas question de me mettre en quête du cadeau parfait le 23 décembre, vous comprendrez.

Pas question non plus de réhypothéquer la maison, de vendre la voiture et d'aller bosser de nuit dans une usine pour boucler le budget du mois de décembre.

Mon astuce? Je me sers de ma tête… et de mes mains.

Tout simplement.

C'est ridicule comme c'est niaiseux. Faut juste du temps.

Je ne suis pas gênée de vous dire que chaque année, plusieurs prient le petit Jésus afin de trouver sous le sapin une boîte de sucre à la crème à la Caramilk, une spécialité dont moi seule ai le secret. D'autres espèrent déballer mon confit d'oignon érable-balsamique qui fait des malheurs sous un St-Paulin. Pis j'ai même entendu dire que mon caramel maison manque cruellement à l'épouse du patron qui ferait des bassesses pour que le père Noël lui en laisse un pot dans la nuit du 24 décembre.

Ah zut! 35 noms maintenant. J'avais oublié Marie-Christine, ma collègue de travail.

Mais je ne m'attèle pas qu'au-dessus d'un chaudron de sucre pour rendre mon monde heureux. Parce qu'il n'y a pas qu'en gavant parents, amis et enseignantes des poulettes qu'il est possible de faire plaisir.

Je me rappelle d'une fois où j'avais passé un après-midi entier à la bibliothèque municipale à retracer et à photocopier toutes les chroniques que Daniel Pinard avait écrites dans Le Devoir de la dernière année. Le tout s'était retrouvé entre deux cartons bleus reliés. Coût de l'opération? 1,49 $. Appréciation du receveur du recueil? Il jubilait. Totalement.

J'ai fait des photos du gros bedon d'Élise l'an dernier. Coût de l'opération? 1 $ pour le cd sur lequel les photos ont été gravées. J'ai déjà passé des soirées à faire une super compilation de musique pour ma sœur. Coût de l'opération? 1 $ pour le cd. Mon autre sœur a déjà reçu une photo de Vincent Vallières que j'avais prise lors d'un de ses shows et que je lui ai fait autographier lors d'une entrevue pour le journal. Coût de l'opération? 1,19 $: 1 $ pour le cadre au Dollarama et 0,19 $ pour l'impression de la photo.

Pas question de me ruiner. Pas question de passer des heures au Future Shop et au Toys'R'us pour gâter les miens. De l'imagination et du temps. C'est tout ce que ça prend.

36 noms. J'avais oublié l'amoureux.

24 novembre 2009

À chacun ses réussites!

Je n'aime pas tellement jouer à des jeux de société ou de table. Je sais, je suis plate de même. Bah… peut-être une ou deux fois par année, je joue une game de Monopoly, mais à part ça, ça m'emmerde. Je me mélange dans tous ces règlements compliqués, pis je trouve ça looooong.

Si vous ne trouvez pas ça long, c'est que vous n'avez jamais joué au Rummy avec mon beau-frère. Quand c'est son tour, j'ai le temps d'aller faire une brassée de foncé, de couper des légumes pour une sauce à spagh et de piquer un petit roupillon sur le divan. Alors une partie complète peut facilement durer des heures avec lui.

J'aime les jeux rapides où la vivacité d'esprit est récompensée. J'aime l'adrénaline qui monte dans mon système. J'aime entendre mon cœur battre à tout rompre. J'aime avoir peur de manquer de temps.

Quand j'ai envie de me taper un Scrabble, je me rends sur le site internet du Scrabble Club (www.isc.ro/fr) et je m'offre un sprint où chaque joueur a cinq minutes max pour placer toutes ses lettres. Pas le temps de se décrotter le nez, je vous jure. Pas pour moi donc, les parties de deux jours et demi où chaque joueur prend une éternité pour écrire un mot de quatre points.

Mais je fais tout de même une entorse à un jeu qui ne se joue pas rapidement. C'est un truc auquel nous jouons chaque réveillon de Noël. Il n'y a rien à gagner. Pis il n'y a pas de perdant. Tous peuvent jouer, ceux hauts comme trois pommes, comme ceux qui reçoivent une rente de retraite.

Facile à jouer, il n'a presque pas de règlements à retenir. On ne demande que d'être honnête. Pis d'être capable de fouiller dans sa mémoire. De revenir en arrière d'un calendrier complet.

La beauté de la chose, c'est que même si mon beau-frère prend huit heures à son tour, ce n'est pas ennuyant. Au contraire! On s'amuse, on jase, on questionne, mais surtout on écoute avec une attention que tous les profs de la province souhaiteraient avoir dans leur classe.

À tour de rôle, tous les participants doivent nous dire quelle est leur plus belle réussite de la dernière année. Et en quoi cette supposée réussite en est une. Parce qu'il faut défendre notre idée. Convaincre l'auditoire. Tenter par tous les moyens possibles de persuader les autres que notre réussite en est une digne de ce nom.

Depuis quelques semaines déjà que je pense à mon affaire. Que je consulte mon agenda des derniers mois. Que je fais le point sur mon dernier calendrier de vie. Quelle est cette réussite que j'ai accomplie dans l'année 2009 qui jettera le jury à terre? Avec laquelle je pourrai me péter les bretelles allégrement.

Je sais, vous pensez tout de suite à la petite fraise qui vient de signer un bail dans mon utérus. Oui, c'est une belle réussite. Oui, je suis contente. Oui, c'est quelque chose, mais reste que c'est facile à réaliser tout de même: quelques travaux pratiques, de la patience et le tour est joué. Même si c'est une belle nouvelle, pense pas séduire mon auditoire avec cette histoire malheureusement.

Non, je pense plutôt à mes héritières. À leurs sourires estampés en permanence dans leur visage. À ces très nombreux rires qui fusent dans la maison. À ces histoires qu'elles se racontent en secret de leur maman. À ces regards complices qu'elles se lancent quand elles préparent un mauvais coup. À ces encouragements qu'elles s'envoient quand l'une ou l'autre en arrache. À ces câlins qu'elles se font juste comme ça.

Je repense à tout ça et je me dis qu'elle est là ma plus belle réussite.

Et vous, quelle est-elle cette réussite 2009?

16 novembre 2009

Je ne passerai jamais au travers

Je rends les armes.

Je déclare forfait.

Je n'y arriverai pas. C'est certain. C'est écrit dans le ciel gros comme ça.

Je lève mon drapeau blanc devant elle.

Elle est là, tout juste au coin de la rue (pis elle n'est pas très longue ma rue!), qui me regarde et me nargue.

Je ne passerai jamais au travers.

C'est clair. Limpide. Évident.

Quand Max hurle à l'injustice parce que je lui demande de ramasser sa chambre et que je me dis que ce n'est qu'une toute petite parcelle de ce qui m'attend de l'adolescence, je panique.

Comment ferai-je pour passer au travers cette foutue adolescence?

Comment ferai-je pour naviguer au travers ses sautes d'humeur? Comment ferai-je pour ne pas lui arracher la tête quand elle me parlera comme si j'étais la dernière des trous de pet? Comment ferai-je pour ne pas pleurer quand elle arrivera à la maison avec un piercing sur la langue pis un code barre tatoué dans le cou?

Comment ferai-je pour ne pas sombrer dans l'ennui quand ça fera six jours qu'elle dormira chez des amies et qu'elle ne se souviendra que très peu de l'endroit où elle reçoit son courrier?

Comment ferai-je pour ne pas tomber dans la nostalgie du temps où les câlins, les mots d'amour, les belles discussions, la bonne humeur étaient disponibles à profusion?

Comment ferai-je pour ne pas péter un câble quand ça fera quatre heures en ligne qu'elle parle au téléphone et douze jours consécutifs qu'elle chat sur MSN?

Comment réussirai-je à dormir quand je la saurai partie faire la fête chez des copains?

Comment vais-je réussir à ne pas mourir d'une attaque de stress intense quand je la verrai quitter la maison au volant de ma bagnole?

Comment négocierai-je avec tous ces soupirs, toutes ces crises, toutes ces frustrations qui habiteront notre maison entre ses 13 et 17 ans?

Comment serai-je capable de ne pas l'enfermer à double tour dans sa chambre afin qu'aucun garçon ne l'approche?

Comment ferai-je pour garder mon calme quand le directeur de l'école m'appellera pour m'annoncer que ma grande ne s'est pas présentée en classe ce jour-là?

Est-ce qu'adolescence rime nécessairement avec frustration et stress, panique chez les parents?

Les couches, les nuits blanches, les purées, le terrible two, c'est la petite bière.

* * *

Elle grandit ma poulette. Elle grandit à la vitesse grand V. Pis ça me fait peur.

Vendredi soir. L'amoureux a un souper avec des collègues. Filou est partie à une fête d'amies. «Cool Max, nous sommes que toutes les deux. As-tu envie qu'on se commande une pizz et qu'on loue un film?» lui ai-je demandé m'imaginant déjà collée sur ma grande sur le divan à nous gaver de pop corn et à rire devant Les confessions d'une accro du shopping.

«Ah! non Maman. C'est trop poche de ne rien faire un vendredi soir. Je veux aller chez une amie.»

«Euh… c'est poche passer une soirée avec ta mère?»

Elle ne m'écoutait déjà plus. Ma préado avait déjà sauté sur le téléphone pour ébaucher des plans «tellement plus intéressants» avec Aurélie.

Pis elle est partie. Avec son grand sourire et pas une once de remord d'avoir refusé ma proposition «full poche».

Et moi, j'étais dans le cadre de la porte, complètement traumatisée. «Déjà?» me suis-je dit. L'adolescence cogne déjà à ma porte?

Je n'ai eu qu'une envie: me sauver en courant.

10 novembre 2009

Entre toilette et Ramens

Si vous en aviez le temps, mais surtout l'envie, je pourrais vous décrire en long et en large l'allure de ma toilette du rez-de-chaussée. Je serais un peu moins bonne pour vous parler de celle du haut de la maison, tout simplement parce que je n'ai jamais le temps de m'y rendre.

C'est que depuis quelques jours, un drôle de virus m'est tombé dessus qui fait en sorte que, plus souvent qu'autrement, je me retrouve à quatre pattes à jaser avec ma nouvelle meilleure amie en céramique blanche.

Et puis, toute la journée, je me promène avec ma boîte de biscuits soda et mon 7-Up flat, remplie d'espoir que ces deux remèdes maison m'aident à réussir à passer au travers les multiples besognes incluses dans ma description de tâches de mère de famille, mais aussi de journaliste.

Parce que tout est pénible dans la vie quand un haut le cœur vient à tout moment frapper dans notre gorgoton. Dans ces moments, on n'a pas envie de préparer des lunchs quatre étoiles à nos rejetons, de repasser à l'équerre les chemises de l'amoureux ou de dénicher le scoop qui nous vaudra le prochain Pulitzer.

Non, tout ce qu'on veut, c'est notre mère qui nous tient les cheveux et qui nous flatte le dos : «Lâche pas ma puce, ça va passer», alors qu'on a l'impression que nos entrailles finiront sous peu dans ce grand bol blanc. Mais bon, à 33 ans, ma mère a d'autres chats à fouetter que de venir m'encourager dans mes nausées matinales.

Et que dire de l'amoureux qui me regarde avec un sourire Crest alors que la moindre senteur un peu trop ci, ou un peu trop ça qui me parvient au nez suffit à me donner rendez-vous en tête-à-tête dans la salle de bain?

On repassera pour la sollicitude familiale.

Heureusement qu'il y a les poulettes qui, elles, n'aiment pas beaucoup voir leur mère dans ce piteux état et qui en prennent soin. D'ailleurs, hier soir, et ce n'est pas pour me vanter là, mais ma grande s'est chargé de faire le souper. Un beau bol de nouilles Ramens juste pour moi. Cuisiné avec tout l'amour du monde (heureusement qu'il y avait de l'amour dedans parce que lorsque les éléments nutritifs sont passés dans le coin, les Ramens étaient déjà partis), ce souper était parfait pour mon estomac qui ne tolère rien d'autre de toutes façons.

Alors hier, j'ai passé ma soirée à chercher des remèdes maisons sur le net. J'ai googlé «nausées ET grossesse» et j'ai trouvé une multitude de trucs intéressants pour rendre mes matins plus sympathiques. Vous saviez vous que le gingembre fait des miracles dans ces cas-là?

Je pense que j'avais oublié de vous dire la nouvelle. Je suis enceinte. Dix ans plus tard, je reprends du service et j'ai offert mon utérus en location à un petit colimaçon pour quelques mois.

Près d'une décennie après avoir dit : «Plus jamais!». Après avoir tout vendu mon stock de bébé. Après avoir repris un rythme de vie plus normal (vous savez, les six réveils par nuit? Les purées? Les couches?). Après près d'une dizaine de calendriers, je me rembarque dans les quatre pipis nocturnes, les brûlements d'estomac, les pieds enflés et tous les «petits» bonus qui viennent avec la grossesse.

Fini les grasses matinées. Les films que l'on écoute tranquille sans entendre pleurer. Les enfants qui se gardent quand on doit aller à l'épicerie. Ceux à qui on n'a pas besoin d'enfiler d'habit de neige l'hiver. Ceux qui nous permettent de souper en paix. Fini.

Bonjour levers à 5 h du matin avec un bébé qui veut commencer sa journée. Bonjour fins de journées passées à brasser un bébé aux prises avec des solides coliques. Bonjour moments de tête-à-tête avec le blender à faire de bonnes purées de carottes.

Mais vous savez quoi? Je m'en fous de tout ça. Je porte la vie et ça, ça bat tous les désagréments. Même les désagréables nausées.

03 novembre 2009

La roulette russe

Je suis une fan finie de Lance et compte.

Je me rappelle que lorsque j'avais huit ou neuf ans, je collectionnais tout ce que je pouvais trouver où l'on pouvait voir mon beau Marc Gagnon dessus. Je me souviens que je talonnais ma mère pour qu'on aille chez Ultramar où l'on donnait, en échange d'un plein d'essence, des magazines qui mettaient en vedette le #7 du National de Québec.

Je m'imaginais un mariage romantique et plein de fleurs où je lui disais oui pour la vie. Je me voyais avec plein d'enfants sur les genoux, assise au Colisée en train de l'encourager après son truc du chapeau. Je rêvais de me noyer dans la mer bleue de ses yeux.

Toujours est-il que mon amour pour Marc Gagnon, né il y a plus de 20 ans,  fait en sorte que chaque lundi soir, j'arrête de vivre pour regarder ces fameux yeux bleus qui m'ont tant fait rêver plus petite. J'entends déjà l'amoureux chialer : «Mais c'est tellement mal écrit! Les dialogues, c'est n'importe quoi!»

Peut-être, mais je m'en fous carrément. Je m'amuse comme une petite fille de huit ans. Pis lundi soir, en regardant Marc Gagnon faire une injection à Suzie, je me suis rappelée de la machiavélique Valérie Nantel.

Vous savez, celle qui avait causé la perte de Danny Bouchard? Après l'avoir conquis sexuellement, la troublante prof d'université et grande statisticienne l'invite à jouer à un jeu dangereux : la roulette russe.

On prend un fusil. On ne met qu'une seule balle dans le barillet et on le fait tourner. On installe l'arme sur sa tempe et là on appui sur la détente. Une seule petite chance sur six que la balle meurtrière se retrouve dans notre cerveau. Une toute petite chance. Une infime chance. 16,6% des chances en fait.

«Puis, tu verras, tu vivras le trill de ta vie. Tu ne te sentiras jamais autant en vie que lorsque tu auras échappé à cette balle», lui disait-elle.

Danny Bouchard appuie donc sur la détente. Bang. La balle était là. Fini. Plus rien à faire, malgré les regrets. Malgré les remords. Il a joué à la roulette russe. Il a perdu à la roulette russe.

Les statistiques ne sont pas toujours un jeu de hasard comme à la 6/49. Les statistiques ne sont pas toujours que de simples chiffres alignés dans un tableau. Parfois, les statistiques veulent dire quelque chose. Vraiment.

* * *

Un vendredi soir normal comme il y en a 51 autres par année. Où Léo, trois ans, court partout. Où il échappe son verre de lait par terre. Où il rigole avec ses deux grands frères. Où il se fait gronder par sa mère parce qu'il met de l'eau par terre alors qu'il tente d'échapper à de vilains requins dans son bain haut de trois pouces d'eau.

Un simple vendredi soir où les trois frères écoutent les Bagnoles pour la 154e fois cette semaine-là avant d'aller au lit. Où maman Édith s'aperçoit que le front du petit Léo est beaucoup plus chaud que les 37,5 degrés qu'est supposé indiquer un thermomètre. Où le petit bonhomme de trois ans tombe tout à coup très amorphe.

«Viens mon poulet. Maman va te donner du Tempra. Ça ira mieux rapidement.»

Malheureusement, ça n'a pas été le cas. Tout a dégénéré rapidement. Trop rapidement. Moins de trois heures plus tard, le petit Léo ne parvenait plus à respirer normalement. Où était le petit Léo qui courrait à grandes enjambées autour de la table au souper?

Le 911 est composé. L'ambulance est dans la cour. Le petit Léo est intubé. Et tout ce que maman Édith entend, c'est l'ambulancier qui dit au médecin de l'urgence: «Je suis en train de le perdre! Je suis en train de le perdre!»

Le petit Léo n'est pas parti au paradis des enfants. Heureusement. Tout est rentré dans l'ordre.

Il a gagné au jeu de la roulette russe de la H1N1.

Mais comment savoir si nous serons LA personne qui décèdera de cette foutue grippe?

Pas envie de jouer à la roulette russe. Pis surtout pas avec mes filles. Nous serons vaccinées point final.

Je laisse ces jeux aux cinglés à la sauce Valérie Nantel.

 

27 octobre 2009

À chacun nos rituels

Max a skippé l'école aujourd'hui. Elle s'est levé les yeux rougis et gros comme ça. Ma grande a un air de chien battu. Son nez coule pis elle tousse (dans son coude, sa mère lui a appris les règles d'hygiène en période pandémique). «Pis je n'ai pas dormi de la nuit maman.»

Alors, sa vieille mère a appelé à l'école pour excuser son absence (ce n'est pas tout à fait vrai. C'est la secrétaire qui m'a téléphoné pour savoir où Maxim était. Vous me connaissez, j'ai oublié d'appeler l'école.)

Je lui ai sorti la bouteille de Tylenol enfants. Lui ai écrit sur un papier qui est collé sur le frigo les heures où elle doit prendre sa dose. Lui ai sorti une soupe maïs-épinard du congélo pour son diner. «Tu n'auras qu'à la mettre au micro-ondes deux ou trois minutes. Ça va te faire du bien, tu verras.».

L'ai aussi rappelé qu'elle devait boire beaucoup d'eau et faire un dodo d'après-midi. «Maman aura son cellulaire sur elle toute la journée. N'hésite pas à me téléphoner s'il y a quelque chose. Repose-toi bien ma puce», lui ai-je dit en le faisant le plus beau câlin du monde avant de quitter pour le boulot.

Même si dans les apparences, ma poulette semble combattre un vilain virus, je sais bien que ni rhume, ni infection. ni H1N1 ne tentent de mettre son système immunitaire à terre.

Ma puce combat tout autre chose. Un truc qu'aucun vaccin, qu'aucun remède ou formule magique ne peut enrayer.

Maxim a de la peine. Elle est triste. Elle réalise que la vie est éphémère. Trop courte.

Aujourd'hui, à sa manière, elle célèbre le premier anniversaire du décès de son père. Elle revit heure après heure, cette journée folle du 28 octobre 2008 qui lui a enlevé trop rapidement son papa.

Je me doutais bien qu'elle trouverait n'importe quoi pour ne pas aller à l'école. Ça fait longtemps qu'elle a cette idée de prendre congé de français et de maths pour commémorer ce premier calendrier passé sans l'homme le plus important de sa vie.

Au départ, je désapprouvais l'idée. Je voyais là seulement un stratagème pour rater l'école et peut-être échapper à l'exam d'anglais prévu ce jour-là. «Pas question Max! Je sais que c'est très triste, mais tu dois aller à l'école. C'est ton boulot comme le mien est d'écrire dans le journal. Papa n'aimerait pas savoir que tu utilises sa mort pour te sauver de la géométrie pis des dictées», lui ai-je dit sur un ton sans appel.

Les jours ont passé. Puis les semaines. Je réfléchissais à une façon de vivre ce premier 28 octobre sans Ian dans nos vies. Je ne trouvais rien. Rien. Rien.

Cette réflexion sans réponse m'a amené sur la place que l'on donne aux rituels dans notre vie très années 2000. Me suis rendue compte que nous en avions plus. Plus de messes le dimanche matin. Plus de baptêmes. Plus de mariages. Plus de funérailles. Plus de messes anniversaires. On ne célèbre plus l'arrivée des nouveau-nés dans ce monde. On ne célèbre plus le départ des plus vieux vers un autre monde. Rien. Rien. Rien.

Et c'est là, devant ma grande au cœur brisé que j'ai compris à quoi servent tous ces rituels qui m'ont paru maintes fois inutiles, inopportuns et emmerdants. C'est une façon de s'enraciner dans notre vie qui va toujours trop vite. De marquer le temps. De prendre le temps de réfléchir à la vie. À cette vie qui vient et qui part.

Alors, si pour Maxim, de prendre le temps de penser à son père, de pleurer sa perte, de faire le point sur sa vie sans lui, c'est de skipper une journée d'école, ben ce sera ça.

À chacun nos rituels.

22 octobre 2009

En quête de silence

Chut… chut…

Entendez-vous?

Entendez-vous ce silence?

Ce silence si souvent absent du tumulte quotidien. Ce silence trop souvent manquant à nos oreilles, à notre cerveau tellement sollicité. Ce silence tellement souhaité et si peu accessible. Pas de ronronnement de lave-vaisselle. Pas de tic tac d'horloge. Pas de sifflement d'échangeur d'air. Pas de Joël Le Bigot qui se chamaille avec Francine Grimaldi à la Première chaîne.

Pas de moteur de piscine qui gronde. Pas de congélo qui repart. Pas de téléphone qui sonne. Pas d'aspirants conseillers municipaux qui cognent à la porte. Pas de micro-ondes qui dégèle le poulet du souper.

Et surtout, pas de petites filles qui se chicanent un poste de télé. Pas de poulettes qui jacassent au téléphone. De puces qui hurlent à leur mère: «As-tu vu mes jeans mauuuuuuves?» Pasd'amoureux qui demande: «Chérie, qu'est-ce qu'on mange pour souper?» Personne au bout du fil qui me questionne: «Madame, est-ce qu'un tel peut compter sur votre appui le 1er novembre prochain?»

Rien de tout ça. Le silence. Rien d'autre.

La paix. La grosse paix sale.

Le rêve de toute mère débordée. Un souhait tout simple qui n'arrive que très peu souvent.

Et bien moi, pas pour me vanter, mais j'ai eu droit à toute une journée complète de silence samedi.

Oui, oui, toute la journée!

Et c'est sans remord aucun que j'ai mis la marmaille dehorsau petit matin. «Allez ouste! Amusez-vous bien avec Amélie! Ne m'appelez pas et revenez tard!»

J'ai fait la même chose avec l'amoureux. «Vite chéri, ton père t'attend. Prend ton temps là-bas; c'est tellement rare que vous pouvez passer du temps ensemble entre gars. Oui, oui, ça va aller. Je vais m'occuper. Oui, oui, s'il y a quelque chose je t'appelle. Don't call us, will you. Salue ton père pour moi. Oui, je suis certaine de ne pas vouloir venir.»

J'ai ensuite arraché le fil du téléphone de la prise. Mis le cellulaire hors d'usage. Fermé la télé. Positionné tous les fusibles de la boîte électrique à off.

Me suis assis sur le divan du salon et j'ai écouté.

En fait, je n'ai rien écouté, puisqu'il n'y avait rien à entendre.

Mais j'ai savouré ce moment. Un temps si rare quand on doit conjuguer son présent entre pratiques de piano, souper qui brûle (un détecteur de fumée, ça détruit un silence solide!), Une grenade avec ça? à la télé qui joue en arrière-plan mais que personne ne regarde, les Black Eyes Peas de Maxim que j'entends du sous-sol, Filou qui répète un quelconque solo de danse au deuxième et qui met à l'épreuve la solidité du plancher.

Rares moments. Pour ne pas dire inexistants.

Me voici donc au milieu d'une petite pause d'un brouhaha quotidien pour mes oreilles.

Bon, c'est bien beau à écrire dans un journal que j'ai savouré avec délice ces minutes de silence complet dans la maison, mais un moment donné, une fille se tanne. J'attrape l'ordi, l'ouvre et vois en fond d'écran une photo mes poulettes. Elles ont les yeux rieurs, les joues rouges, l'air taquin. Souvenir d'une sortie à la cabane à sucre de Lolo le printemps dernier.

Ça me donne envie de regarder les autres photos de cette journée sucrée. Je vois l'amoureux avec Filou sur les épaules et Max qui se cache de moi derrière lui. Leurs rires me reviennent en tête. Soudainement, cruellement,tout ce beau monde me manque.

C'est plate en sale une maison vide. Une maison trop silencieuse.

Une maison sans vie.



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13 octobre 2009

Un teint de pinte de lait, et puis?

Vous n'auriez pas voulu me croiser il y a onze ans jour pour jour. Je faisais tellement peur à voir. J'avais le teint d'une pinte de lait de soya. J'avais les yeux cernés jusqu'au menton. Pis un caractère de chien. Résultat de la nuit de merde que je venais de vivre.

Pourtant, selon bien des bouquins, des magazines spécialisés, de ma mère, de ma grand-mère, des mes amies qui étaient déjà passées par là, j'étais supposée vivre les plus beaux moments de ma vie. Être en totale symbiose avec celle qui avait passé les derniers 24 heures pendue à l'un ou l'autre de mes seins.

Mais il en n'était rien.

Poussée de croissance, vous connaissez?

Toutes les mamans qui ont allaité sont passées par là. À trois jours, trois semaines, trois mois le bébé grandit et demande donc plus à boire à sa productrice #1 de lait. Plus bébé tète, plus il y a de lait.

Toujours est-il que la poussée de croissance de trois mois de Maxim a été particulièrement pénible, pour ne pas dire complètement débile. Faut dire que j'avais un examen de grammaire normative à préparer pis deux ou trois travaux à terminer au travers. Faut dire qu'il n'y avait plus une seule paire de bobettes dans le tiroir, plus de fromage orange Kraft dans le frigo pour me mitonner un petit grilled-cheese et c'était impossible que je passe une journée de plus sans aller sous la douche (une fille se tanne de sentir le lait suri). Bref, je n'en avais pas juste plein la brassière, mais plein les bras.

Ma famille, mes copines, mes collègues de travail ne comprenaient pas mon obstination. Pourquoi se donner tout ce mal alors que le Wal Mart se fend le derrière pour vendre du lait en canne, me demandaient-elles?

C'était il y a à peine une décennie et à cette époque, allaiter tout court relevait de l'exploit. Imaginez leur face quand elles apprenaient que je donnais encore le sein à ma poulette à trois mois… J'étais perçue comme une véritable sainte.

Bon, faut dire que j'ai pu en traumatiser quelques-uns dans les toilettes de l'Université avec mon tire-lait. Quel don de soi! Quelle bonté! Quelle mère extraordinaire, me disait-on!

Mais je ne leur ai jamais dit que moi, j'allaitais parce que j'étais lâche. Une véritable loque humaine la nuit. Que je suis incapable d'entendre un bébé pleurer plus de six secondes. Alors, l'allaitement a été pour moi une question de survie. Je ne serais probablement pas passée au travers de la première année de vie de Maxim si je n'avais pas eu son snack de prêt à toute heure du jour sous mon t-shirt.

Quand Filou est née, ça été tout le contraire. J'aurais pu nourrir tous les enfants du tiers-monde qu'avec ma production de lait. Je me promenais avec deux ballons de football sous le menton en permanence. La nuit, je baignais dans une véritable marre de lait. C'est Cléopâtre qui aurait été jalouse.

Je produisais tellement que lorsque j'ai arrêté de nourrir loulou, elle a bu mon lait pendant des semaines. Il y avait tellement de petits Ziploc de lait dans le congélo que la porte ne fermait plus. Je suis certaine que j'aurais pu battre un record Guiness quelconque qu'avec cette production phénoménale de lait.

Et chaque fois que je déversais le trop plein dans l'évier, le cœur me serrait. J'avais l'impression de jeter une fortune à la toilette. Me disait que ce serait génial que je puisse faire don de cet or blanc à une famille qui en aurait besoin.

On donne du sang, des reins, des poumons, de la cornée, pourquoi pas du lait? À quand les lactariums au Québec?

L'actrice américaine Salma Hayek n'a pas attendu avant d'agir. Voyez par vous-même : http://bit.ly/L6kjN Qu'en pensez-vous?



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08 octobre 2009

Je suis une bonne mère

Je ne suis pas une mère parfaite, mais je suis une bonne mère. Je commets des erreurs d'éducation, c'est sûr, mais dans l'ensemble, je suis une bonne mère. Je me trompe, je pète les plombs, je regrette, je me questionne, je suis insécure, je crie, je doute, je me remets en question, mais je suis une bonne mère.

Et vous, croyez-vous être une bonne mère? Je suis sûr que oui, même si c'est la mode de se flageller. De hurler au monde entier que nous sommes des mères indignes de porter ce nom. Les Zimparfaites ont la cote. Et c'est toute une galère que de cogner aux portes de la maternité. C'est cool de valoriser le côté sombre de la force maternelle.

Facile de dire que nous sommes poches parce qu'on a envoyé le restant du spaghetti de la veille à notre grande qui partait en expédition au mont Mégantic (vous savez, rares sont les micro-ondes qui se cachent dans les sentiers pédestres…).

Facile de se taper sur la tête parce qu'on a crié sans raison sur la plus jeune qui refusait d'aller faire de belles et grosses bu-bulles dans le bain (vous savez, c'est sûrement prouvé scientifiquement que les enfants, ça écoute mieux quand on hurle…).

Facile de se décevoir quand on ne correspond pas à l'idéal du parent parfait que l'on cherche tant à être (qui peut prétendre être un foutu parent parfait quand on a passé la nuit à combattre des méchants monstres venus troubler le sommeil de notre rejeton?).

Facile de se dénigrer parce que l'on trouve emmerdant de jouer à quatre pattes par terre avec la petite ferme Fisher Price (qui s'amuse réellement à tirer une botte de foin par un petit cheval en plastique?).

Facile de culpabiliser parce que l'on compte les minutes avant que nos sauterelles soient au lit question d'écouter Lance et compte en paix et sans entendre d'interminables jérémiades.

Et si on renversait la vapeur?

Si on mettait à l'avant-plan nos qualités plutôt que nos travers? Si on applaudissait nos copines qui prennent le temps de faire de jolis bentos à leurs chouchous? Si on donnait une tape dans le dos à nos amies qui prennent le temps de faire les devoirs avec leurs bambinos? Si on saluait avec chaleur ces mères qui ont encouragent leur futur Guy Lafleur dans les arénas le samedi matin?

Je ne suis pas parfaite, mais je suis une bonne mère parce que mes bras sont toujours disponibles pour un câlin. Parce que mon oreille est toujours ouverte pour écouter une histoire de chicane entre Maxim et Laura. Parce que je mets toujours beaucoup d'amour dans mon pâté chinois.

Je ne suis pas parfaite, mais je suis une bonne mère parce que je réfléchis à la pertinence de donner le vaccin contre la A H1N1 à mes filles. Je suis une bonne mère parce que je suis toujours présente aux réunions de parents à l'école. Je suis une bonne mère parce que je pense (presque) toujours à mettre des bottes à mes poulettes quand il y a de la neige dehors.

Je ne suis pas parfaite, mais je suis une bonne mère parce que je me lève la nuit pour consoler Filou qui lutte contre les méchants monstres (même si je bougonne parfois). Je suis une bonne mère parce que mes filles ont toujours des bobettes propres dans leurs tiroirs. Je suis une bonne mère parce que je leur donne un coup de pied au derrière parfois pour qu'elles jouent dehors.

Je suis une bonne mère, point.

Allez, répétez vous aussi après moi: «Je suis une bonne mère.»

Et vous, pourquoi êtes-vous une bonne mère? Je veux le savoir. Écrivez-moi : genevieve.proulx@lanouvelle.ca
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Un blogue qui boggue

Blogger bogue on dirait.
Je ne suis pas capable de copier-coller ma chronique.
Snif.

29 septembre 2009

Deux personnes, deux marathons

Les deux événements se sont produits dans la même
semaine. Une le lundi. L’autre le samedi.
Pour un, c’est le dernier. Pour l’autre, le premier.
Deux événements. Un malheureux. L’autre heureux.
Deux événements. Un hyper souffrant. L’autre hyper grisant.
Deux événements. Un porteur de tristesse. L’autre d’espoir.
Deux événements. Un trop près de la mort. L’autre plein de vie.
Lundi 14 h. Je suis dans une chambre d’hôpital. Non pas aveuglée par ses murs trop blancs, mais par les traits fatigués de mon collègue Robert.
Samedi 5 h15. Je suis à la pointe Merry. Non pas endormie par la grande noirceur de la nuit, mais par les trop-d’heuresde-sommeil-qui-me-manque.
Je regarde mon collègue dormir et je réfléchis. Je tente de me rappeler mon plus lointain souvenir le concernant. Je le revois grimpé sur un escabeau en talons hauts alors qu’il faisait
la météo à Café Show et je rigole. 25 ans ont filé depuis.
Je regarde mes coéquipiers de course arriver et je me plonge dans mes pensées. Je repense à toutes ces fois où ma mère venait me réveiller à 5 h du mat pour aller faire des arabesques et des saltos arrière sur la patinoire de l’aréna de Lennoxville et je souris. 25 ans ont filé depuis.
J’imagine la souffrance intérieure qui ronge celui qui a fait rigoler des générations de Sherbrookois. J’ai le coeur qui me serre.
Après 20 km de course, la souffrance se fait sentir dans mes mollets. Dans mes tibias. Dans mes cuisses. Mais, j’ai le coeur qui exalte.
Le temps est long. Mais d’autres fois, il est trop court.
Il était long longtemps le temps dans cette portion de parcours de 11 km que je devais faire et qui était remplie de côtes qui n’en finissaient plus de finir. Je ne voulais plus en faire des foulées pour atteindre ce relais. Je voulais arrêter de souffrir.
Mais je sais que pour Robert, le temps est trop court. Ce temps qui le sépare de la mort imminente. Cette mort annoncée par son médecin la semaine dernière. Je sais qu’il veut encore en faire des foulées. Je sais qu’il veut souffrir encore.
Pour vivre.
Deux événements aux antipodes. Qui bousculent. Qui troublent. Qui font réfléchir. Mais qui, étrangement, sont tout près l’un de l’autre.
Robert, dans son marathon contre ce nouveau cancer, dans ce marathon de fin de vie. Moi, dans mon marathon autour du lac Memphrémagog, dans un marathon vers une forme physique qui me gardera en santé, en vie.
Lui, qui court après le temps. Lui, qui veut profiter de tous ces petits moments pour être près des siens. Moi, qui cours pour avoir plus de temps. Être longtemps, longtemps parmi les miens.
Deux moments. Deux étapes importantes. Les deux dans la même semaine.
Robert qui passera un anneau dans l’annuaire gauche de sa douce. Qui est arrivé premier au fil d’arrivée dans le coeur de Dorothy mercredi. Moi, qui ai réussi tout un défi tant mental que
physique, même si je n’ai pas brisé de record olympique.
Et chaque fois que j’emprunterai une route pour courir, j’aurais une pensée pour toi. Pour ces deux marathons que nous avons courus côte à côte.
Bonne route, Robert!

23 septembre 2009

Je refuse d'emboîter le pas

Quand on m’a dit que c’était mieux pour ma grenouille de la faire dormir sur le côté, j’ai écouté les yeux fermés les disciples de cette nouvelle mode. Parce que oui, il y a une mode dans la façon de faire dormir les bébés. J’ai dormi sur le ventre alors que Maxim devait dormir sur le dos. Et puis quand Filou est arrivée, j’ai appris qu’il fallait aller chez Morphée sur le côté.
Quand on a installé des distributeurs de gel désinfectant pour les mains dans tous les recoins du bureau, j’ai embarqué dans le mouvement de ceux qui passent leur temps à se frotter les mains pour tuer germes et bactéries.
Quand le rose et le brun chocolat sont revenus à la mode, j’étais contente. Même si, quand je courais dans la cour d’école, j’avais en horreur ces deux couleurs -j’aurais renié ma mère si elle avait osé m’acheter un corduroy brun!- c’est avec joie qu’aujourd’hui toutes les garde-robes de la maison contiennent de nombreux morceaux de ces deux couleurs.
Un moment donné, tout le monde prenait de l’échinacée pour prévenir rhumes et infections banales hivernales. J’ai suivi la parade et chaque matin, dans la famille Proulx, personne ne passait le pas de la porte sans avoir eu sa dose.
J’ai suivi la mode des Daoust 301, des joggings Converse, des t-shirts Vuarnet, du toupet crêpé, des cheveux gaufrés, des souliers chinois, de Dynastie, de Cindy Lauper pis de toutes les niaiseries de la fin des années 80.
J’ai suivi les tendances très 90 des Doctor Martens, des New Kids on the Block, de Chambres en ville, des walkmans Sony jaunes.
J’étais de celles qui ont trippé grave quand les appareils-photos numériques sont apparus sur le marché. J’ai fait du scrapbooking plus que quiconque. J’adorais mes pantalons d’entraînement Adidas noir qui avaient de grandes bandes blanches sur les côtés. Et mes mèches rouges et blondes faisaient fureur.
Mais là, je refuse d’embarquer dans cette mode à la noix. Il y a toujours ben des limites à embarquer dans un mouvement.
Les lunchs Bento, vous connaissez? Un Bento, c’est une petite boîte à lunch arrivée tout droit du Japon. Et la tradition familiale du pays du Soleil levant veut que la mère prépare avec soin pour son époux et ses enfants le Bento de midi. Le repas est présenté dans une boîte pas très profonde, de taille et forme variables, avec ou sans séparations et d’un ou plusieurs étages.
Comme les Japonais mangent avec des baguettes, tout est présenté en fonction, viande déjà tranchée, légumes taillés pour faire une seule bouchée, etc. Du coup, la nourriture loge de façon compacte dans des boîtes qui nous semblent au début souvent très petites.Le Bento est toujours présenté de façon appétissante.
Et puis, pas de danger que les Japonaises fassent ça simple. Nenon. Une grande attention est donnée à la disposition des aliments, pouvant aller jusqu’à un raffinement extrême, le plaisir des yeux se rajoute donc au plaisir gustatif. Ainsi, on coupe les sandwichs en forme de fleur. On façonne les boulettes de riz en forme d’étoile. On assemble les crudités sur de jolis bâtonnets. Et on dispose le tout dans le Bento pour que ça fasse joli.
Croyez-moi, les résultats peuvent être incroyables. Tapez «Bento» sur Google et vous verrez des lapins, des vaches, des Charlie Chaplin (je vous jure!), des tulipes, des poussins qui picorent, et quoi encore.
Même si cette mode tend à faire son apparition par chez nous, je refuse de m’astreindre à fabriquer des petits soleils avec les radis ou de réaliser de petits poussins avec les œufs à la coq chaque matin pour les lunchs de mes deux héritières. Y’a toujours ben des limites!

17 septembre 2009

Regrette, regrette pas...

Ce n’est pas un brin énervant les gens qui disent qu’ils n’ont pas de regret? Que s’ils pouvaient faire rewind sur leur vie, les choix qu’ils ont faits seraient pareils. Qu’ils ne changeraient rien. Rien. Rien. Rien.
Des regrets moi? J’en ai des tonnes. Des choses que je changerais? Tout plein!
Je regrette de ne pas avoir couru sur la magnifique piste cyclable qui longeait la baie de San Francisco l’été dernier. Je regrette de ne pas avoir fait mes sciences pures au cégep. Je regrette de ne pas avoir mis une brassée de bobettes dans la laveuse ce matin.
Je m’en veux de m’être couchée tard hier soir parce que j’ai passé ma journée à bâiller. Je m’en veux d’avoir crié après Maxim parce qu’elle a laissé traîner ses espadrilles sur le trampoline. Je m’en veux de ne pas avoir été faire l’épicerie ce week-end alors que j’en avais le temps. Faudra manger du Hamburger Helper ce soir.
Je me trouve nulle de passer autant de temps devant Farmville, ce qui m’empêche de lire plus de livres. Je me trouve poche d’avoir oublié de rappeler Amélie quand elle se questionnait sur son allaitement.
Je regrette tous les natchos, le vin rouge, les gâteaux au fromage ingérés en quantités industrielles au cours de la dernière année et qui ont fait monter en flèche le chiffre de ma balance. Je regrette toutes les fois où j’ai croqué dans un jujube, dans une Coffee Crisp, dans une réglisse. Ça ne vaut pas la peine quand on frise un record de caries par la suite…
Je n’aime pas penser que j’ai déjà rendu le cœur de l’amoureux triste. Que j’aie déçu Katia.
Je n’aime pas l’idée d’avoir déjà dépensé 75 $ pour une salopette Tommy Hilfiger pour mon bébé de six mois plutôt que d’avoir réglé la facture d’Hydro.
Bref, je ne peux pas croire que je suis la seule à jongler avec des regrets à cœur de jour. Que tout les sept milliards d’humains vivent très bien avec leurs choix, mais aussi avec les conséquences de ces fameux choix.
Suis sceptique un brin.
Oui j’ai des regrets et j’en suis fière.
Fière parce que ce sont ces regrets qui me font avancer. Qui m’ont appris moult trucs importants sur la vie.
Maintenant, je sais que l’Hydro, ça doit se payer à temps. Parce que j’ai appris que lorsque tu te fais couper l’électricité, ce n’est pas évident de chauffer un biberon avec une salopette de jeans, peu importe la marque.
Je sais à présent que c’est vrai que le gâteau au fromage ça reste deux secondes dans la bouche, deux heures dans l’estomac et deux ans dans les fesses.
Je commence à comprendre que ça ne sert à rien de hurler sur nos enfants. Que même si l’on frôle la crise d’hystérie, les espadrilles sur le trampoline ne se ramasseront pas plus rapidement.
Ça été long, mais tranquillement pas vite, j’intègre le concept qu’une journée ne compte que 24 heures. Et que là-dessus, je dois en dormir au moins dix si je veux être capable d’écrire plus de trois mots d’affilés sans m'assoupir sur mon clavier d’ordi.
Les regrets, faut-il en avoir honte? Pense pas. Ce sont les regrets qui font de nous des êtres meilleurs. Qui nous font avancer. Qui nous amènent des projets.
Un jour, je vous le dis, j’irai courir sur la baie de San Francisco alors que le soleil se lèvera.

08 septembre 2009

Entre skinnys roses et Vert & Or

«Maman, est-ce que je peux aller au Carrefour avec Marie-Claude dimanche? On a envie de faire du lèche-vitrine.»
Ça, c’est ma grande de onze ans.
Onze ans pis elle demande d’aller toute seule au centre d’achats? Pas sûre.
«Franchement Ge! Toi, à neuf ans, tu passais toutes tes fins de semaine là!»
Ça, c’est ma sœur qui me rappelait que j’avais choisi le Carrefour comme terrain de jeu alors que nous habitions tout juste derrière. Pis qui soulignait, du même coup, que je n’en étais pas morte et que ça n’avait pas fait de moi une accro du shopping.
Ouin.
«Maman, est-ce que tu peux écrire un mot dans l’agenda à Madame Lucie qui dit que je peux aller dîner au Louis demain svp? T’inquiète pas, je vais payer avec mes sous.»
Ça, c’est encore ma trop grande fille de onze ans qui veut se prévaloir de son privilège de grande de sixième année pour échapper au bruit de la cafétéria de l’école. Ouin, mais moi je pense qu’elle serait plus en sécurité dans la cour de récré que sur la King sans adulte qui la surveille.
«Te rappelles-tu Ge, quand nous allions au dépanneur à côté de l’école pour s’acheter des bonbons sur l’heure du dîner?»
Ça, c’est mon autre sœur qui voulait surtout me rappeler que les brigadiers savent bien faire leur boulot et que les chances que Max finisse écrapoutie sous une voiture sont minces. Et je la soupçonne d’avoir voulu me servir également une leçon sur le fait que même si ma fille mangeait une poutine de temps en temps, elle ne deviendrait pas nécessairement obèse comme je ne suis pas devenue édentée parce que j’ai mangé des bonbons enfant.
«Mom, à l’école, on peut avoir des billets pour aller voir le match de football du Vert & Or vendredi. Alexanne et moi, on aimerait y aller. Est-ce que je peux?»
Ça, c’est toujours mon héritière qui s’est tout à coup transformée en partisane de l’équipe de foot de notre localité en moins de temps qu’il en faut pour enfiler un équipement de quart-arrière. «Elle aime le football?», me suis-je questionnée.
«Je me rappelle quand tu allais au Palais des sports le vendredi soir et que les autographes de Benoît Brunet et de Vincent Riendeau étaient beaucoup plus importants pour toi que le classement du Canadien de Sherbrooke dans la Ligue nord-américaine.»
Ça, c’est mon père qui se fout de ma gueule en me mettant sous le nez toutes ces soirées passées à encourager ces hockeyeurs dont je connaissais beaucoup plus la couleur des yeux que leur moyenne au but.
«Hé maman! As-tu vu mes nouveaux skinnys roses? Sont trop beaux!»
Ça, c’est vous savez qui qui est trop fière de me montrer sa nouvelle acquisition vestimentaire. Alors que j’allais questionner ma fille pour savoir si elle trouvait vraiment ses nouveaux pantalons beaux ou si c’était une idée pour son prochain costume d’Halloween, je me suis fait couper la parole.
«Ge, te souviens-tu quand tu portais des chaines de lavabo comme bracelets, que tu avais des Dr. Martens mauves aux pieds, un Bummer sur le dos et que tu n’enlevais jamais ton foutu chandail de Robert Smith? Ah oui et tes cheveux, c’était quelque chose, hein?»
Ça, c’est ma mère qui rigole en pensant à mon look de pré-ado alors que je trippais dur comme fer sur The Cure, que je m’habillais exclusivement en noir et que je rêvais secrètement de pouvoir me faire un mohawk avec de la colle à bois sur la tête. Tout compte fait, l’allure de mon aînée n’est pas si pire.
Alors oui, Maxim est allée au Carrefour. Oui, elle a lunché au Louis. Oui, elle est allée encourager le Vert & Or. Et oui, je la laisse porter ces fameux skinnys roses fluo. Parce que après tout, elle ne peut pas virer plus mal que moi…

01 septembre 2009

Cours Geneviève, cours!

Je cours. Je cours tout le temps.
Je cours pour arriver à temps au travail.
Je cours à l’épicerie pour acheter une pinte de lait pour le déjeuner de demain.
Je cours à la librairie pour acheter les cahiers d’exercices de mes poulettes.
Je cours pour préparer les lunchs avant que le bus ne passe.
Je cours pour terminer le souper avant que mes petits ogres ne crient trop fort.
Je cours. Je cours tout le temps.
Je cours pour répondre au téléphone (pourquoi le sans-fil est toujours au sous-sol quand je suis au 2e et vice et versa?).
Je cours après la télécommande de la télé qui est perdue.
Je cours à la bibliothèque porter les livres empruntés.
Je cours entre les rendez-vous chez le dentiste, chez le médecin, à l’école.
Je cours aux cours de natation, de ski.
Je cours. Je cours tout le temps.
Mais là, j’ai décidé de courir pour vrai. Pas juste pour réussir à concilier tous les aspects de ma vie familiale, mais pour réussir à concilier bas taux de cholestérol avec poids santé.
Alors, tous les matins j’enfile mes espadrilles, je branche mon iPod et je cours.
Je cours. Je cours. Je cours.
Des fois 20 minutes. Des fois plus d’une heure. Des fois dans le sentier boisé du parc Central. Des fois dans les côtes de mon quartier.
Je suis loin d’être une athlète. Ne coule pas en moi le même sang que Hussain Bolt ou que Chantal Petitclerc. Je ne suis pas une «crinquée». Une motivée débile.
Au contraire! Je suis une simple maman débordée qui n’a pas eu le temps de chausser des espadrilles depuis le jour où des vergetures ont commencé à paraître sur sa bédaine.
Le premier matin, j’avais l’air d’une grosse baleine qui tentait péniblement de mettre un pied devant l’autre. Un seul coin de rue et je devais arrêter pace que j’étais complètement essoufflée. J’ai enduré ce martyre six minutes. Six longues minutes où j’alternais entre jogging de trente secondes et repos de deux minutes…
Le deuxième matin, j’ai réussi à faire deux coins de rue avant de penser mourir d’une crise cardiaque. Le troisième matin, j’ai atteint les deux minutes de course sans vouloir m’arracher les tibias.
Mais même si c’était difficile. Même si j’en arrachais. Même s’il fallait que je laisse mon orgueil dans le fond d’un tiroir. J’ai continué.
J’ai continué parce que j’aime l’énergie qui m’habite après une séance de jogging. J’ai continué parce que j’aime penser que chaque foulée que je fais me rapproche de l’image de la maman en santé que je veux donner à mes poulettes. J’ai continué parce que depuis je cours, je n’ai plus envie de piquer un somme à 14h au boulot. J’ai continué parce que je dors mieux. J’ai continué parce que mes SPM sont beaucoup moins déprimants.
J’ai continué parce que chaque jour, j’ai une raison pour me retrouver seule avec moi-même. Pour réfléchir à ma vie. Ou parce que je n’ai pas à penser à quelque chose justement.
Et vous savez quoi? Je pousse même plus loin l’exercice. Le 26 septembre prochain, avec des collègues de La Tribune, je participerai à une course à relais autour du lac Memphrémagog. Ce sont plus de 18 km que je dois franchir. Une occasion de dépassement personnel, mais aussi une façon d’amasser des sous pour aider des jeunes défavorisés de la Commission scolaire des Sommets.
Vous avez envie que je cours pour vous? N’hésitez pas à me faire parvenir un chèque (fait à l’ordre de Ambulances de l’Estrie avec mention «Courir pour mieux grandir» au 1950, rue Roy, Sherbrooke, J1K 2X8). Pour chaque dollar reçu, je courrai une minute en pensant à vous.

25 août 2009

Les cinq listes

Les quatre listes sont bien en vue, scotchtapées sur le fridg. Pis pour bien faire, il en faudrait une cinquième, mais je n’y arriverai pas. En tout cas, c’est mal parti.
La première liste est pas mal faite. Il ne manque que les espadrilles pis un «rapporteur d’angle pas troué au centre». La deuxième liste se porte bien aussi. Il ne me reste qu’à courir dans l’Est de la ville pour mettre la main sur des chaussons de danse.
Ça se corse dans le cas de la troisième et de la quatrième liste : les cahiers d’exercices obligatoires pour les deux poulettes. Dans ces cas, je n’ai pas sorti encore ma carte de guichet.
Je sais, c’est aujourd’hui la rentrée. Je sais, les cahiers sont supposés être déjà dans le sac à dos. Je sais, au moment même où les enseignantes auraient dû vérifier si la mère de mes héritières avait acheté les bons cahiers, cette même mère sera probablement à la librairie en train d’acheter ces foutus cahiers.
Mais au moins ma cinquième liste, la fictive, celle qui prend place dans ma tête, est complète. Les filles n’iront pas à l’école complètement nue : leur garde-robe est prête à affronter la rentrée. Bon je n’ai pas de mérite, Max et Filou ne semblent pas avoir poussé d’un poil depuis l’an dernier. Pas d’eau dans la cave pour les jeans. Pas de chandails bedaines involontaires. Et par conséquent, pas de shopping vestimentaire à prévoir pour la rentrée. Ce qui a pour conséquence que j’ai une liste où tout est coché. Cool!
Bon j’admets que je n’ai pas de quoi m'enfler la tête, mais je prends tout ce qui passe pour me remonter le moral. Parce que pour moi, la rentrée, c’est l’enfer.
Je ne suis pas de celles qui, dès la première semaine de juillet, ont tout acheté le matériel scolaire nécessaire à l’épanouissement pédagogique de ses enfants.
Je ne suis pas de celles qui passent des heures en symbiose totale avec des étiquettes à coller au fer à repasser qui se retrouveront sur tout le textile qui peut se nicher une place dans la maison.
Je ne suis pas de celles qui scrutent à la loupe toutes les circulaires possibles tant en papier que sur le net afin de dénicher les meilleurs soldes possibles pour les crayons HB, les règles en plastique mou de 30 cm et les cahiers catéchèse bleu 31-103.
Je ne suis pas de celles qui tiennent un registre serré sur Excel de tous les Prismacolor, cahiers Canada, stylo bleu et crayon marqueur à pointe fine à effacement à sec qui se retrouvent dans les pupîtres.
Je ne suis pas de celles qui trippent à passer des heures dans un magasin entre des dizaines de carrosses, des parents complètement hystériques, des commis totalement débordés au bord de la crise d’apoplexie.
Je ne suis pas de celles qui trouvent «super le fun» d’acheter un aiguisoir avec un couvercle qui se visse, des ciseaux avec des lames de plus de 5 cm, des index séparateurs et des feuilles mobiles.
Je ne suis pas de celles qui feront le trajet en voiture derrière l’autobus de leurs rejetons pour s’assurer qu’ils se rendront à bon port.
Je ne suis pas de celles qui ont mis sur pied un système d’acclimatation progressif au retour en classe pour les heures de sommeil.
Je ne suis pas de celles qui opèrent le logiciel Simple comptable avec un poste budgétaire dédié uniquement aux frais de la rentrée.
Moi, je suis de celles qui votent pour que l’on fasse un chèque à l’école pour que tous les articles indispensables à la réussite académique de mes poulettes se retrouvent dans leur sac à dos.
Moi, je suis de celles qui croient en la pertinence d’un uniforme scolaire pas tant pour les valeurs qu’il s’en dégage (fini le clivage dû aux classes sociales) que pour le magasinage que l’on évite aux parents.
Moi, je suis de celles qui croient que les enfants sont capables d’apprendre à écrire dans autre chose qu’un cahier à interligne plastifié Louis Garneau. Qu’ils sont dotés d’une plus grande intelligence qu’on pourrait le croire et qu’ils sont capables d’opérer des aiguisoirs avec des couvercles qui ne se vissent pas.
Je suis de celles qui rêvent que le gouvernement fasse le ménage des fameuses listes de matériel d’école. Qu’il uniformise la chose. Pis qu’il oblige les commerçants à abaisser le prix de certains articles essentiels (crayons, gommes à effacer, cartables, etc.) comme ça se fait en Suisse ou en Belgique.
Bon, trêve de rêveries. Je dois filer à la librairie.

19 août 2009

La vieille "matante"

Vous en avez une. J’en ai une aussi. Tout le monde en connait une. Pas besoin de se péter les bretelles avec ça, vous ne ferez pas de jaloux.
Vous savez, quelqu’un qui nous tape royalement sur les nerfs? Qui ressassent sans cesse les mêmes histoires plates («Dans mon temps, on marchait dix miles pour aller à l’école, nu pied dans neige avec notre pupitre sur le dos»)? Qui avait donc une meilleure vie que nous dans son temps («Dans mon temps, on recevait une pomme à Noël. Pis si on était chanceux, on avait une orange aussi. Pis on était content»)? Qui croient fermement que les jeunes d’aujourd’hui n’ont plus de valeurs, plus de respect et qu’ils sont sans considération pour leurs aînés («Dans mon temps, il aurait été impossible que je tutoie ma mère!»)?
Fatiguant hein?
Quand je vois cette «matante» commencer à se bercer, je sais que le pénible spectacle pour mes oreilles commencera. Je n’ai qu’une seule envie : m’enfuir à toutes jambes vers un monde meilleur. Malheureusement, pour éviter un drame familial, je me résous à tendre l’oreille et à faire des «Hum… hum… » pour lui démontrer un petit peu d’intérêt.
J’ai toujours pensé que ce genre de personne vivait dans le passé. Que ces gens sont incapables de s’adapter aux réalités d’aujourd’hui. Que ce syndrome arrivait avec les cheveux blancs et l’encaissement d’un chèque de pension.
Ça bien l’air que non.
J’en suis devenue une!
Et ce n’est pas de gaieté de cœur que je vous annonce ça. Gênée je le suis, mais c’est surtout traumatisée que je prends conscience que je suis devenue une vieille «matante» frustrée.
Ça m’a frappé de plein fouet le week-end dernier. J’avais amené ma basse-cour –mes deux poulettes et mon coq- camper au Parc national d’Oka quelques jours pendant mes vacances. Repos, lecture au son des chants d’oiseaux, guimauves sur le feu, grasses matinées, farniente sur la plage étaient les seuls trucs d’inscrits à l’agenda.
Une semaine de rêve. De tranquillité. De détente. Ça, c’est ce que je m’imaginais.
Une semaine d’enfer. De bruit. De frustration. Ça, c’est ce que j’ai eue.
Il y avait des fromages de l’Abbaye sur la table qui côtoyaient des terrines maisons achetées au marché local. Le coq débouchait un hydromel. Les poulettes jouaient aux cartes dans un calme peu commun. Une scène de film. Parfaite. Unique.
On s’assoit pour faire honneur à notre souper. Me suis étouffé avec ma première bouchée. La musique de la voiture qui venait de passer tout juste à côté de notre terrain était tellement forte que je suis certaine que vous l’avez entendue ici.
Trois jeunes sont sortis de la CRX modifiée. Je crois qu’ils avaient un défaut de fabrication aux oreilles, car même s’ils étaient à deux pieds l’un de l’autre, ils devaient hurler pour s’entendre.
Pendant qu’ils s’installaient, une Golf GTI est arrivée avec autant de fracas. Suivi d’une Civic. Et toujours autant de vacarme. En tout, ils occupaient trois terrains côte à côte. Pas question pour eux de s’approcher pour se jaser. Que non! Ils se hurlaient d’un terrain à l’autre.
«Tu as vu ça chéri? Quelle belle soirée va-t-on passer! Pas moyen de souper en paix maudit. C’est quoi leur foutu problème de déranger tout le camping de la sorte? On dérange-tu nous autres? Non. Pourquoi eux ils ne font pas pareil?»
«Geneviève relaxe. Ils sont jeunes. Ils ne veulent que s’amuser. On a fait pareil nous aussi.»
Et c’est là que la phrase qui tue est sortie : «Quand j’étais jeune, on faisait attention aux autres. On avait du respect pour ceux qui nous entouraient. Jamais je n’aurais agis de la sorte. Jamais! »
Voilà c’est fait. Je suis rendue une vieille «matante».
Mais c’est moi ou dans mon temps c’était mieux?