07 décembre 2010

Ce qu'on ne vous dit pas sur la maternité

À mon premier rendez-vous de suivi de grossesse, alors que je n'avais qu'une seule et unique envie/besoin/intérêt : entendre le coeur de mon bébé, la secrétaire de l'endroit m'a remis une grosse brique de 738 pages à lire intitulée Mieux-vivre avec notre enfant de la grossesse à deux ans.

Publié par l'Institut national de la santé publique du Québec, ce livre parle de tout tout tout. Tout ce qu'il faut savoir pour devenir un as dans le domaine de la maternité. Qui nous permettra de récolter la médaille d'or aux Olympiques de la connaissance de la vie familiale. Qui fera de nous une candidate hors pair à Tous pour un portant sur l'installation d'un siège d'auto et l'introduction des aliments solides chez les bébés de six mois.

Ainsi, par exemple, on apprend au fil des pages enfilées qu'une femme au poids santé peut s'attendre à prendre entre 25 à 35 livres pendant sa grossesse et que le lait maternel contient une grande quantité d'oméga-3. On apprendra à détecter si notre poupon combat une roséole ou si c'est normal qu'il soit incapable de dire les sons «r» et «l» avant deux ans et demi.

Vraiment, c'est une super brique. Qui me sert tout le temps. Elle me suit de la chambre de Sam-Sam à la salle de jeux. J'ai un doute sur la nécessité de donner de la vitamine D à ma poulette? J'ai la réponse à la page 462 du manuel. Je me demande si ma poulette a des coliques, je me rends à la page 227. Je me questionne sur le fait que ma nouvelle-née n'a toujours pas de larmes? Ma réponse se retrouve à la page 169.


Mais comme rien n'est parfait en ce bas monde, le Mieux-vivre a ses faiblesses. Je cite ce bouquin, mais c'est pareil dans tout ce qui traite de maternité. On jase sans problème de trucs liés à notre nouveau rôle de maman, mais on en oublie une bonne quantité. Des d'informations pourtant vitales à notre santé mentale.

Par exemple, on y claironne partout que c'est primordial de prendre soin de notre couple lorsqu'une troisième personne se joint à notre duo. Qu'il faut communiquer parce que «l'arrivée d'un bébé apporte des changements qui nécessitent une adaptation de la part des deux parents» (p. 202). Mais ce n'est mentionné nulle part que de déchirer au troisième degré peut apporter son lot d'inconvénients pour le couple. Que de donner la vie à un poupon engendre un flot d'émotions qui peuvent ne pas être de la joie et du bonheur. Que l'on peut être très triste face à un accouchement qui a mal tourné et qui a laissé des traces tant physiques que psychologiques.

Quand il est question d'agrandir la famille, tous parlent de l'importance de bien préparer la soeur ou le frère aîné à son nouveau rôle afin d'éviter le retour au lit mouillé ou à la rechute de la suce (p.204). Mais qui pense à avertir la mère que ce sera elle qui vivra le plus difficilement cette étape? Personne. Personne ne pense à nous dire toute la culpabilité qui nous tombera dessus quand on se rendra compte que l'on ne peut plus autant s'occuper du #1 qu'avant.

On nous donne 1001 conseils pour éviter que notre bébé ait une tête plate (p.251), pour qu'il s'intéresse à la lecture (p.262) ou pour l'aider dans l'apprentissage de la parole (p.265), mais pas un chapitre, pas une page, pas même une petite phrase sur le sentiment de dépassement d'une maman qui n'est plus capable d'endurer son bébé qui pleure depuis trop longtemps et qui n'a qu'une seule envie : «taper» sa bouche avec du Duct Tape pour ne plus l'entendre.

La maternité peut être merveilleuse. Elle nous fait découvrir le meilleur de nous-mêmes.

Mais maudit que ça peut tellement être de la merde aussi.

Mon père est plus fort que le tien

Je n'apprendrais rien à personne ce matin, mais mon père est plus fort que le vôtre.

Il pourrait réduire en poussière n'importe qui qu'avec une petite «pichenotte» de rien du tout. Il a une culture phénoménale qui pourrait jeter n'importe quel concurrent à Tous pour un au tapis. Pis les Jamie Oliver, Ricardo, Jean Soulard de ce monde seraient verts de jalousie de le voir aller devant un fourneau.

Voilà, c'est dit. Na na na nèreeee!

Paraît, toutefois, que ce discours enfantin ne se retrouve pas uniquement que dans les cours d'école entre deux sauts à la corde et une partie de ballon prisonnier. Avec le temps, au fil des calendriers qui passent, ce genre d'affirmations reste encore très présent dans les conversations des grandes personnes.


C'est juste que le héros de notre argumentaire est légèrement moins âgé que lorsque nous apprenions à multiplier 8 par 6.

«Hein? Ton fils ne se tourne pas encore du dos au ventre? C'est parce que le mien a commencé à faire ça il avait trois mois pile.»

«Tu as vu? Ma fille est capable de s'asseoir seule et elle n'a même pas cinq mois!»

«Moi, mon bébé marche à quatre pattes depuis qu'il a six mois, peut-être que tu ne stimules pas assez le tien?»

«Tu devrais entendre ma petite pie jacasser. Hé! Elle va fêter son premier anniversaire bientôt et déjà elle connaît plein de mots!»

«As-tu pensé à consulter? Il me semble que ce n'est pas normal que ta poulette ne marche pas encore. La mienne marchait à cet âge.»

Bla bla bla.

Fatiguant pareil, ce jeu des comparaisons. Déprimant même.

Bien voulez-vous m'expliquer pourquoi j'embarque là-dans tête première, cibole?

Chaque fois que je me retrouve en présence de petites personnes à couches, je cherche constamment à valider que ma fille est la meilleure. La plus avancée. La plus éveillée de toute la gang.

Ma Sam-Sam pète la courbe de croissance en termes de grandeur (ouin pis?). Ma Sam-Sam se vire du dos au ventre depuis qu'elle a trois mois (on lui décerne une médaille?). Ma Sam-Sam n'a jamais voulu de suce (oh! bonjour l'exploit!). Ma Sam-Sam ne se réveille qu'une fois dans la nuit (bien tant mieux pour toi!).

C'est assez ridicule quand on y pense. Que ma poulette soit capable de s'asseoir à cinq, six ou sept mois, on s'en balance. Il est fort à parier que lorsqu'elle montrera dans un autobus jaune, elle sera capable de mettre ses fesses sur une chaise sans pour autant se retrouver le nez sur le bois franc. Que si elle décide de finalement faire ses nuits complètes un jour, elle va de toute façon, arrêter de les faire quand l'adolescence se pointera.

Mais pourquoi, merde, embarquons-nous systématiquement dans cette compétition totalement inutile? Qui cherchons-nous à impressionner de la sorte? Parce qu'à ma connaissance, le 100 mètres quatre pattes ne sera pas à l'horaire de Londres 2012. Le saut en hauteur au Jolly Jumper n'a toujours pas son association sportive officielle. Et que le «fracassage» de courbe de croissance ne sera jamais homologué dans le livre des Records Guiness.

Et si c'était nous, les mamans et les papas, que nous cherchons à glorifier. Une façon détournée de se dire qu'on fait un bon boulot. De se donner une tape dans le dos. Parce qu'elles sont tellement rares les félicitations destinées à nous rassurer sur notre manière d'éduquer nos rejetons.

La prochaine fois qu'une maman vantera les mérites de son poulet, ne le prenez pas personnel, parce que vous saurez que c'est elle-même qu'elle félicite.

Tirer sur les oreilles

Maxim venait à peine d'être poussée à la vie que déjà j'avais hâte que son premier sourire se dessine sur son visage. Quand ce fut une affaire réglée, je n'avais qu'une envie : entendre mon bébé rire aux éclats. Ce jour est arrivé quelque part à l'automne 1998.

Mon excitation devant ses éclats de rire n'a duré que quelques jours. Rapidement, j'ai commencé à penser au jour où ma puce serait capable de s'asseoir seule. Puis à celui où elle lèverait ses petites fesses du sol pour la voir enfin se lancer dans la marche à quatre pattes. Et à deux pattes.

J'avais donc hâte qu'elle ait enfin quatre mois pour lui fourrer une cuillère de céréales dans la bouche. J'avais donc hâte qu'enfin elle passe au stade des purées de carottes et d'abricots. J'avais donc hâte qu'elle avale des ti-mottons. J'avais donc hâte qu'elle mange enfin comme nous des hamburgers fromage-bacon ou du chic tartare de boeuf à la moutarde de Dijon.

Je ne comprenais pas pourquoi elle ne tenait pas encore une conversation avec moi quand elle a soufflé sa première bougie. Qu'elle doive encore porter des Pampers quand on lui a chanté bonne fête pour la deuxième fois. Qu'elle ne sache pas peinturer à la gouache sans en renverser tout partout autour de son carton quand on a célébré son troisième anniversaire. Qu'à ses quatre ans, elle était toujours incapable d'attacher ses souliers seule. Et qu'il arrivait qu'elle oublie des lettres quand elle écrivait son nom de famille quand on a fêté son quinquennat.


J'avais tellement hâte qu'elle soit plus autonome. Qu'elle ne requière plus mon attention 24 heures pas jour. Qu'elle soit capable de respirer sans que je sois dans un périmètre de 15 mètres carré.

Dès que j'avais une chance, je la déposais par terre. Dès que je le pouvais, je l'incitais à jouer seule. Dès que mes tâches obligatoires de maman - allaitement-changements-de-couche-bain - étaient terminées, je la mettais dans sa balançoire, dans son parc, dans sa soucoupe, dans son Jolly Jumper. Partout sauf dans mes bras.

Mon père dit souvent que j'ai tiré sur les oreilles de ma plus vieille pour qu'elle grandisse plus vite. Pas question de l'obstiner là-dessus. Il a totalement raison. J'étais incapable de savourer le moment présent avec mon aînée. De profiter d'elle telle qu'elle était. Je pensais sans cesse à la prochaine étape de son développement psychomoteur prévue dans le Mieux-Vivre 1998.

C'est triste quand on y pense. Comme si je n'étais jamais satisfaite des progrès de ma poulette. Comme si je ne pouvais pas accepter mon enfant telle qu'elle était. Comme si elle n'en faisait jamais assez pour satisfaire la mère hyper exigeante que j'étais.

Ce n'est pas que je n'aimais pas passer du temps avec ma puce. Qu'elle m'emmerdait. Ou que je regrettais d'être devenue mère. Non, non ce n'était pas ça. J'aimais mon bébé plus que tout. Je voulais juste qu'elle soit toujours plus grande. Toujours meilleure.

Pathétique pareil.

Tellement pathétique.

Totalement pathétique.

Pathétique parce que là, la grande cogne aux portes de l'adolescence pis je tuerais pour qu'elle retourne à l'époque où elle gambadait aux quatre coins de mon 4 ½ avec ses petits poings en l'air en criant : «Po-La-La-Po-La-La-Po!». Au temps où elle voulait bien se bercer avec moi en chantant «La nuit court après le jour... Le jour court après la nuit...». Où je me levais quatre fois par nuit pour la mettre au sein. Où mes règles éducationnelles se résumaient à : «Non! Ne touche pas à ça bébé!»

Où j'étais toute sa vie.

Absent du paysage

Il y a des choses dans notre paysage qui sont là et qu'on ne voit à peu près plus. Par exemple, personne ne passe sur le boulevard de Portland et regarde le Carrefour en disant : «Oh! Wow! Le Carrefour!» On sait qu'il est là. Et on se doute qu'il y restera toujours. Il changera peut-être de look. De grandeur. Mais il sera encore là demain et après-demain.
C'est un peu ce que je faisais avec mon grand-père.
Il est toujours là.
Fort comme un roc.
Avec une santé de fer.
Il est toujours là à faire rire mes poulettes. À nous raconter des anecdotes de son passé qu'on connaît par coeur tant il les a dites et redites.
Mais vendredi dernier, les choses ont changé.
«Ge, Paul vient de faire un infarctus. Il a de grosses difficultés respiratoires. L'ambulance vient juste de partir de chez lui. Maman est là et s'en va à l'hôpital avec Mamie», m'a annoncé sans détour ma soeur, vendredi après-midi.
Ma première réaction? «Ben voyons, c'est impossible. Paul n'est jamais malade!»
Malgré ses 81 ans bien comptés, je n'ai jamais connu mon grand-père avec un nez qui coule, avec un mal de tête ou avec une crampe dans le mollet. Alors, avec une artère de bouchée? Jamais en 100 ans!
pourtant, c'était le cas.
Pendant d'interminables minutes, de longues heures, j'étais scotchtapée à mon téléphone en attente de nouvelles fraîches. À espérer un dénouement heureux.
Pour m'occuper les dix doigts, j'ai fait la téléphoniste diseuse de mauvaises nouvelles. Ma marraine, ma cousine, ma grand-tante, j'ai les appelées pour les informer de la situation. Après avoir fait ma sale job, j'ai écouté, rassuré, consolé mon monde.
N'en pouvant plus d'attendre, j'ai rejoint à nouveau ma mère. «Pis, pis, pis?»
«Il est parti en hémodynamie. C'est quoi ça de 'l'hémodynamie'?»
Je cours à mon ordi, fais une recherche sur le net (Vive Google! Vive Wiki!), lui transmets les informations demandées.
Je raccroche. Refais la chaîne téléphonique : ma soeur, ma marraine, ma cousine, ma grand-tante.
«Est-ce qu'on meurt d'un infarctus?» me demande ma cousine. Je retourne sur l'ordi, recherche sur Google, sur Wikipedia, tente de faire un cours de cardiologie vasculaire avancé en trois minutes top chrono. Rappelle ma cousine. Lui explique ce que j'en comprends. Nous sommes -un peu - rassurées.
On organise les prochaines heures. La famille montréalaise descend. Je m'offre pour garder les bébés. Ma cousine restera chez ma grand-mère pour la soutenir.
Merde! Max! Dans tout ce brouhaha, j'ai oublié ma fille. Je dois aller la reconduire à son camp scout qui débute le soir même et qui a lieu à La Patrie, autant dire à l'autre bout du monde dans de telles circonstances.
«Voyons chérie, je vais aller la reconduire moi!» me dit l'amoureux alors qu'il s'affairait à préparer le souper.
Le téléphone sonne. Chaque fois que l'engin montre signe de vie, mon coeur arrête de battre. Si une mauvaise nouvelle était sur le point de parvenir à mes oreilles?
C'est ma mère. Ma main tremble. Je suis livide. «Oui...?»
«Bon, Paul vient d'arriver aux soins intensifs. Ils lui ont débloqué son artère et tout va pour le mieux. On aura eu plus de peur que de mal. Il devrait sortir de l'hôpital dans quelques jours.»
Mon grand-père aura été chanceux dans sa malchance.
Et ce petit accident nous aura fait prendre conscience que même si on ne la voyait plus, notre famille possède une solidarité peu commune. Que même si mon grand-père fait partie de notre paysage depuis toujours, peut-être un jour il n'en sera plus ainsi...
Alors cet après-midi, quand je passerai sur le boulevard de Portland, je m'exclamerai en disant : «Qu'il est magnifique ce centre commercial!»

05 novembre 2010

Et puis, les nuits?

Lorsque l'on reçoit un chèque du RQAP (Régime québécois d'assurance-parentale) chaque deux semaines, il n'y a qu'une seule et unique chose à laquelle on pense: les nuits de bébé. Tout tourne autour des nuits. Les foutues nuits.
Même si on voulait faire autrement, s'attarder au développement psychomoteur de notre rejeton ou bien réfléchir à la façon dont on va diversifier son portefeuille d'épargne-études, eh bien on ne le peut pas. Impossible de faire autrement parce qu'à tout bout de champs, il y a toujours quelqu'un qui nous ramène ça sur le tapis.

Chaque deux minutes, il y a toujours quelqu'un qui demande : «Et puis, les nuits?» «Pis, papa, il dort bien?» «Elle se lève souvent la nuit, la petite?»

Peu importe la réponse donnée, ces questionneurs sur la vie nocturne de notre nouvelle-néey vont de leurs propres histoires, de leur vécu qui va d'un extrême à l'autre. «Moi, mes enfants ont tous fait leurs nuits à trois semaines pile poil. Après, ce sont des caprices. Ne te laisse pas marcher sur le dos ma petite-fille!» «Les nuits... Mon dernier commence à peine à les faire et il vient d'avoir trois ans.» «Ma petite-fille de sept mois se réveille aux deux heures encore, mais bon, c'est de la faute de sa mère. Si elle prenait les choses en main, ça serait réglé depuis longtemps.»


Certains trouvent abominable que Sam-Sam se réveille encore la nuit, à quatre mois. D'autres compatissent en disant que c'est loin d'être terminé, alors que certains trouvent que ma petite poulette est bien gentille de se rendormir si rapidement après avoir rempli son estomac.

Arrive, ensuite, la ronde des trucs infaillibles visant à s'assurer que les parents puissent enfin penser pouvoir dormir de 22 h à 6 h du matin sans interruption suce-tétée-couche pleine-pleurs quelconques.

«Connais-tu le truc du 5-10-15? Moi, ça a changé ma vie. Deux nuits de ce régime et mon bébé ne s'est plus jamais réveillé la nuit!»

«Ici, on a remplacé les tétées par des biberons d'eau. Ça n'a pas été trop long que bébé a compris que se lever pour de l'eau, c'est plate en sale.»

«Moi, je fais toujours la même routine le soir. À 20 h, c'est la tétée. Ensuite, on lui donne un bain puis je lui raconte une histoire. Bébé sait donc que c'est la nuit. Et il file ça jusqu'au lendemain matin.»

«Mon bébé avait faim. Tout simplement. Dès que je lui ai donné des céréales, il s'est mis à dormir de longues nuits!»

«C'est parce que tu l'allaites que ta petite ne fait pas ses nuits. Sèvre-là, tu vas voir, elle va mieux dormir. C'est bien connu que le lait maternel se digère plus vite que le lait maternisé.»

C'est obsédant pareil ces histoires de nuits. Faites-le test sur Google. Avec les mots-clés «bébé» et «nuit», vous obtiendrez près de deux millions d'entrées. Deux millions!

Et vous savez quoi? Je m'en fous un peu de me lever deux ou trois fois par nuit.

Quand on y pense, je suis payée pour me lever la nuit. Je suis payée pour lui donner à manger quand elle a faim. Je suis payée pour l'aider à s'endormir. Je suis payée pour être là quand elle a besoin de moi. Que ce soit de jour ou de nuit. Le gouvernement ne me paye pas pour que je passe l'aspirateur ou bien pour que je fasse le ménage de mon frigo. Il me paye pour que je m'occupe de ma puce. Point. Et même si je ne recevais pas de dépôt direct deux fois par mois du RQAP, je le ferais pareil. C'est dans la description de tâches des mamans.

Ce qui m'agace, c'est bien plus l'opinion que l'on se fait de moi, mais aussi des milliers de parents qui conjuguent leurs nuits avec un bébé qui aurait bien d'autres chats à fouetter que de fermer la paupière.

Sachez, chers spécialistes de la vie nocturne des poupons, que tout n'est pas si simple. Que de réussir à faire dormir un bébé une nuit complète n'est pas aussi facile que de faire bouillir une tasse d'eau chaude au micro-ondes.

Si c'était le cas, on ne serait pas autant à se promener avec des cernes qui vont jusqu'en bas du menton et un teint de pinte de lait.

01 novembre 2010

Sauter comme un lapin

On m'a encore réveillée à 2 h du mat. Et encore à 4 h.

Et le comble, c'est que ce n'était pas la petite qui réclamait son dû.

Ben non, c'est la maudite lapine qui faisait des cabrioles dans sa cage. Lily-Bunny, elle a décidé que pour faire une Josée Lavigueur d'elle-même, c'était beaucoup mieux au beau milieu de la nuit. Qu'il n'y a rien de meilleur qu'un clair de lune pour fortifier ses mollets. Qu'un casse-croûte, ça se digère beaucoup mieux quand il fait noir. Qu'une litière, c'est un magnifique jouet pour passer le temps quand tout le monde ronfle dans la cabane.

J'ai l'impression qu'elle s'entraîne pour les Olympiques des grandes oreilles. Discipline convoitée: cacophonie pour les 8 livres et moins. Objectif visé: réveiller le plus de gens possible pendant le plus grand nombre de nuits possible. Espoir de médaille? Très fort!


Bref, je ne sais pas ce qui se passe avec Lily-Bunny, mais j'ai la grande impression qu'elle vient d'entrer dans une phase très bruyante de son existence et qu'elle souhaite un peu de solidarité de notre part.

Lily-Bunny, c'est le lapin que j'ai «hérité» suite au décès du père de mes filles. À vrai dire, j'aurais espéré une villa à Aspen ou une Jaguar, mais bon, j'ai accepté avec bonheur ce «cadeau». D'autant plus que ça faisait grandement plaisir aux poulettes de retrouver leur copine à fourrure noire et blanche qu'elles voyaient auparavant un week-end sur deux.

Elles avaient déjà le coeur brisé en 1000, pas question d'en remettre sur le tas en les privant de leur bestiole adorée. Personnellement, je trouve que c'est plus amusant d'épousseter un bibelot de chat, mais je ne suis pas cruelle et égoïste au point d'avoir refusé d'héberger cette bête à quatre pattes.

Au début, je nettoyais sans trop chialer la cage de la lapine. Je faisais des détours pour aller à l'animalerie afin de lui acheter des petites gâteries. Je m'installais avec elle devant la télé pour la flatter des heures durant.

Un jour, alors que je voulais la nourrir, elle m'a mordu le doigt, la vilaine (pour ne pas dire la salope)! Dès ce moment, je me suis mis à craindre la bestiole. J'ai délégué la tâche de la nourrir à Filou. Celle de nettoyer la cage à Max. En échange, moi, je veillais à acheter le matériel nécessaire à la maintenir en vie. Après tout, c'est leur lapine, pas la mienne.

Puis, l'attrait de la nouveauté est passé. Lily-Bunny attirait de moins en moins l'attention. De plus en plus souvent, Filou oubliait de remplir le bol d'eau de la bête. Je devais demander et redemander à Maxim qu'elle s'occupe de rendre le condo de Lily plus habitable.

De semaine en semaine, mon ton montait. Mon impatience grimpait. Ma haine de la lapine devenait de plus en plus tangible.

«Les filles, c'est le temps de changer la litière.» «Filou, as-tu pensé à donner à manger à Lily ?» «Maaaaax, as-tu lavé le bol d'eau du lapin ?» Ces phrases ont été dites tellement souvent chez moi que si j'avais été payée cinq cennes la fois, je serais multimillionnaire aujourd'hui et j'aurais une équipe spéciale qui veillerait sur notre héritage poilu.

Considérant que:

- Je ne suis pas millionnaire;

- Je ne suis plus très patiente;

- Que je suis à bout de me faire réveiller à 2 heures du matin;

- Que la lapine nous apporte plus de chicanes que de rigolades. Plus de frustrations que de joies;

- Qu'elle est sur le bord de finir en civet de lapin (la recette de Jean Soulard est excellente, soit dit en passant) à 350 F dans mon four...

Il fallait réagir. Trouver une solution.

«Mes poulettes, maman a parlé avec la propriétaire d'une animalerie aujourd'hui et vous savez quoi? Elle est prête à prendre Lily-Bunny pour faire de l'élevage.»

«Euh... C'est quoi «faire de l'élevage» ?» me demande une Filou des plus craintives qui imaginait déjà sa lapine sur une rôtissoire badigeonnée de moutarde de Dijon.

«La madame de l'animalerie va mettre Lily avec un monsieur lapin dans une cage et ils vont faire plein de bébés tous les deux. Ça va être chouette pour elle, non?»

Mes deux filles ont acquiescé avec un sourire convaincant.

C'est bien pour dire. Mes filles, à neuf et douze ans, savent déjà que finir ses jours en sautant comme un lapin, c'est très cool.

1983

1983, c'est l'année où j'ai eu l'âge de raison selon ce qu'en disaient les grands chercheurs a psychologie infantile. Peu importe ce qu'ils en pensaient, moi ce qui m'importait, c'était le mariage que j'allais célébrer entre Ken et Barbie. C'était d'être capable de sauter à deux cordes à danser en même temps. C'était de réussir à épeler tous les mots de ma clé de mots sans trop faire de fautes.

Du haut de mes sept ans bien comptés, je connaissais par coeur toutes les chansons de Nathalie Simard, je lisais des Martine en rafale et je rêvais du jour où enfin je pourrais avoir mon K-Way à moi.

1983, c'est aussi l'année où j'ai appris à faire des fleurs avec des Kleenex. C'est l'année où j'ai un dentier incomplet sur ma photo de classe. C'est cette année-là où j'ai goûté à un kiwi pour la première fois de ma vie.

La vie était simple et facile. Même si j'avais voulu, il n'y avait rien avec lequel je pouvais me casser le bicycle.

Mais hier, j'ai eu un choc en lisant le dernier Châtelaine spécial 50 ans. Derrière la porte de ma maison, tout n'était pas si rose. 1983, c'est l'année où un conjoint peut être inculpé d'agression sexuelle contre sa conjointe. Ce qui veut dire qu'avant l'entrée en vigueur de cette loi, un mari pouvait violer sans problème son épouse sans être puni par la justice! Trois ans plus tard, le Québec met en place une politique d'intervention en matière de violence conjuguale.

Ça m'a rappelé une histoire que m'avait raconté la mère d'une amie. En 1974, elle se sépare du père de sa fille qui lève la main un peu trop souvent sur elles. Pour obtenir la garde légale de son bébé, cette mère a dû être suivie pendant un an de temps par une travailleuse sociale qui devait établir si elle avait les capacités requises pour voir au bien-être de sa progéniture. Ensuite, elle a dû l'adopter en bonne et due forme! Sa propre fille!

N'importe quoi.

Ce ne sont pas des histoires qui remontent à quatre siècles. Non. C'était hier.

J'écris ces mots et mes trois filles sont ensemble au salon. Filou berce Sam. Max gosse sur l'ordi. Il y a Aurélie Laflamme dans le DVD. Pis, il y a de l'insouciance plein le salon.

Comme moi en 1983. Quand je pensais que le pire drame qui pouvait survenir dans la vie d'une femme, c'était de ne pas trouver de robe de mariée parfaite. Pas que c'était parfaitement légal pour un mari de violer son épouse.

Je regarde mes poulettes et je suis heureuse de leur avoir donné la vie en ce siècle où tout sera possible pour elles. Où elles n'auront pas à se battre pour choisir un autre métier que celui de garde-malade ou de maîtresse d'école (dans les années 60, trois travailleuses sur cinq étaient enseignantes ou infirmières). Qu'elles pourront vivre sans crainte d'être jetées en prison si elles avortent (l'avortement est décriminalisé en 1988). Qu'elles pourront donner naissance où et avec qui elles voudront (la pratique sage-femme est officiellement reconnue par l'état en 1999 et il est permis d'accoucher à domicile depuis 2006). Où elles pourront bosser avec succès à l'extérieur du domicile familial (en 1973, sept femmes sur dix restaient à la maison). Où elles pourront aller jogger sans craindre de se faire violer au coin de la rue (à la fin des années 70, une femme sur trois admise aux urgences des hôpitaux avait été battue ou violée).

Oui, il reste encore du pain sur la planche. Tout n'est pas terminé. Trop nombreux sont les enfants qui grandissent dans un environnement pauvre, au sein d'une famille monoparentale (trois enfants sur dix). Il manque d'oestrogène au sein de la magistrature (16% des juges sont des femmes). La Loi sur l'équité salariale connaît des ratés. Il faut améliorer grandement la conciliation travail-famille.

Mais je regarde ma tribu toute rose et je me dis qu'elles ont bien le droit d'être insouciantes. Parce que le monde change en 25 ans. Et quand je serai grand-mère, j'ai espoir que l'égalité, la vraie, sera parmi nous.

Trois enfants, trois façons de faire

À Maxim, ma grande de 12 ans, je stérilisais tout tout tout cinq à six fois par jour. La suce tombait par terre? Hop! Un petit tour dans le chaudron d'eau bouillante pour 20 minutes bien chronométrées sur ma montre Timex.

Je lavais ses vêtements à l'eau chaude. Je désinfectais sa chambre à l'eau de Javel tous les jours. Je mettais des gants de latex pour changer ses couches. Et dès que j'avais le moindre de doute que peut-être que j'avais été en contact avec quelqu'un qui avait peut-être un tout petit début de rhume de rien du tout, je me foutais un masque sur le nez. Tout était tellement exempt de bactérie chez moi que je me retenais à deux mains pour ne pas plonger mes visiteurs dans le stérilisateur (c'était bien avant l'époque du gel aseptisant).

J'avais une peur bleue que mon bébé choppe une rougeole, une rubéole, une encéphalite aigüe ou même une myocardie. J'avais fait du combat contre les bibittes potentiellement porteuses de maladies mortelles une priorité. Si Maxim était née à l'ère de la H1N1, je n'aurais pas survécu ou bien j'aurais passé l'hiver complet cloîtrée dans le fond de mon sous-sol à prier tous les saints et à faire la danse du "Dehors la maladie".

À Filou, trois ans plus tard, mes ardeurs de terroriste de la bactérie s'étaient calmées un brin. Je ne la voyais plus partout et j'acceptais de sortir avec ma nouvelle progéniture sans m'imaginer que toutes les maladies du monde n'avaient qu'une seule envie: attaquer mon bébé. J'étais rendue tellement game que je ne piquais plus de crise d'hystérie quand les madames au Carrefour se jetaient sur mon carosse en s'extasiant d'admiration devant le plus beau bébé du monde qu'était le mien. Donc, quand la suce tombait par terre, je la passais tout simplement sous l'eau chaude du robinet et à chaque semaine, je me permettais de stériliser le tout dans l'eau bouillante.

Là? Avec ma dernière... Euh... Est-ce qu'un tour dans le lave-vaisselle, ça fonctionne pour la stérilisation? Est-ce que c'est correct si je mets la suce dans ma bouche pour la nettoyer lorsqu'elle tombe sur le sol? Il me semble que ce n'est pas si grave si elle rampe par terre et que le plancher n'a pas été lavé depuis la semaine passée, hein? Croyez-vous que je suis une mauvaise mère si je fais mes brassées de pyj et de cache-couches à l'eau froide? Pis le Weendex pour l'époussetage, c'est bon, non?

À Max, dès qu'elle faisait un pet, je courrais l'inscrire dans son livre de bébé. Tout y était noté bien religieusement. Je peux vous dire, par exemple, que son nombril est tombé à dix jours, le 7 juillet 1998, à 14 h, tout juste à la sortie du bain dans lequel je l'avais lavée avec du savon Aveeno et que je l'avais essuyée avec une serviette verte à capuchon qui avait le design d'une grenouille. Par la suite, j'ai pris son petit nombril et je l'ai inséré dans un petit sac de plastique et j'ai bien collé le tout à la page 8 de son livre.

À Filou, j'ai été pas mal moins assidue. J'y ai inscris les moments clés: première tétée, première nuit complète, premier mot, premiers pas. Me suis pas rendue au premier anniversaire.

Hum... Le livre de Samuelle (vous avais-je dit le prénom de ma troisième?) est toujours dans sa bibliothèque. J'ai bien l'intention d'y inscrire des trucs, mais j'oublie toujours de le faire. En attendant, je note tout mentalement. «Chéri, c'est quand donc que Sam a souri pour la première fois?»

Je suis maman trois fois. Mais être mère, ce n'est pas une simple recette de crêpes que l'on répète invariablement de dimanche en dimanche.

Les choses changent. On apprend. On constate.

On se rend compte que même si on stérilise huit fois par jour la suce de notre poupon, il peut quand même attraper une brochiolite. Que c'est beaucoup plus important de jouer avec nos loulous que de passer ce précieux temps à astiquer le bois franc de peur qu'ils avalent une poussière. Pis j'aime bien mieux passer mes après-midis avec mon bébé à la bercer tout en lui lisant une histoire plutôt que de perdre ces précieuses heures à inscrire des dates dans un livre que, de toute façon, jamais on ne consultera.

Les temps changent. Pour le mieux.

Battements de cils

Ça aurait pu être «Claquement de doigt». Ou «Vitesse de l'éclair». Ou encore «Trop vite». J'ai penché aussi pour «Vitesse grand V» comme titre de cette chronique. Finalement, je crois que «Battement de cils» résume bien ce qu'il m'arrive.

Parce que, depuis quatre mois pile poil, ma vie va beaucoup, mais beaucoup trop rapidement. Je me sens continuellement à bord d'un wagon du Cobra à La Ronde. J'ai à peine le temps d'ouvrir l'oeil que déjà ma journée est passée. Que je dois enfiler mon pyj à nouveau en me croisant les doigts pour que ma #3 me laisse dormir plus de trois heures en ligne.

Pis je sais que c'est demain la veille que je reprendrai le boulot à temps plein. Que je devrai laisser ma petite à la gardo. Que je réembarquerai dans cette roue infernale, cette course olympique entre le travail et la vie familiale.

Alors «de kessé qu'elle fait là, elle?» «Pourquoi reprendre le clavier si rapidement?», direz-vous.

Ouin.

Ce n'est pas que je m'emmerde. Loin de là. Parce qu'il n'y a pas à dire, mais j'ai en masse de quoi occuper mes journées. Même le PM, en pleine Commission Bastarache-crise des gaz de schiste, en a moins que moi dans ses bottes.

Voulez une liste?

- Prendre de longues marches sous le soleil automnal avec ma nouvelle héritière dans le porte-bébé.

- Lui donner des centaines de bisous dès que l'occasion se pointe.

- L'admirer sous toutes ses coutures et tenter de mémoriser chaque partie de sa petite personne.

- La bercer longtemps longtemps seulement pour le plaisir.

- La regarder dormir paisiblement avec ses petits poings en l'air.

- Lui murmurer à l'oreille 200 000 fois par jour que je l'aime.

- Lui faire découvrir le monde : «Regarde ma poulette, c'est une marguerite.» «Touche le doudou comme il est doux.» «Est-ce que tu sens l'odeur de la croustade aux pommes de maman?»

- Vivre avec le coeur qui craque chaque fois qu'elle me sourit. Chaque fois qu'elle émet un son. Chaque fois qu'elle me regarde tout simplement.

- Lui chanter tous plein de chansons. «C'est la poulette grise qui a pondu dans l'église...»

- Analyser si elle aura les beaux yeux bleus de son père ou les yeux bruns laids de sa mère.

- M'émerveiller chaque fois qu'elle réussit un nouveau truc qui peut être aussi banal que d'être capable d'agripper un jouet de son tapis d'éveil.

- Sauter sur le téléphone pour aviser l'amoureux du nouveau truc que la petite fait.

- Prendre trop de photos de ma poulette qui fait un nouveau truc.

- Mettre le tout sur Facebook, question que je puisse me péter les bretelles d'être la mère d'un futur prix Nobel.

Parce que ce n'est pas vrai que la vie de congé de maternité tourne uniquement autour de couches à changer et à laver, de tétées qui reviennent trop souvent, de pleurs sans solution qui ne finissent jamais, de nuits qui n'en sont pas vraiment.

Ce n'est pas vrai que je passe mes journées habillée en mou. Que je mange froid sur le coin du comptoir parce que je n'ai jamais le temps de mettre un couvert sur la table. Que je compte les minutes avant le retour de l'amoureux afin que je puisse passer sous la douche.

J'aime ma vie de maman en congé de maternité. Vraiment. Et tout va tellement vite que j'en profite à la puissance 1000. Non 10 000.

Alors pas question de reprendre le chemin du bureau. De confier mon poussin à des plumes inconnues. Pas encore. Mais mon clavier me manque quand même un tout petit peu. Rien qu'un tout petit peu. Alors avant mon retour officiel au journal, en juin prochain, je continuerai ce rendez-vous hebdomadaire que j'entretiens avec vous depuis six ans déjà.

Mais ça sera tout. Simplement 650 mots chaque semaine. Parce que j'ai trop à faire. Trop de sourires à enregistrer dans ma tête. Trop de câlins à faire. Trop d'amour à donner.

Et que le tout passera à la vitesse d'un battement de cil.

17 juillet 2010

Le meilleur ami de la mère qui allaite

Je pense que mon embryon n'était même pas encore implanté dans mon utérus que déjà mon père m'annonçait qu'il voulait m'offrir une belle chaise berçante Dutaillier pour célébrer la venue de ce nouvel héritier.
"Tu pourras choisir le tissus et tout. Ce sont vraiment les meilleures chaises berçantes au monde... bla bla bla..."
Et moi, en dingue, j'ai refusé.
"Non merci papa. J'apprécie beaucoup ton offre, mais ce qui me ferait plaisir c'est... un Lay-Z-boy!"
Quand mes deux premières sont nées, j'avais un Lay-Z-Boy dans le salon et j'adorais allaiter mes poulettes dedans. Alors pour moi, c'était dans l'ordre des choses de refaire l'expérience.
Et que je ne regrette pas!
On a monté le Lay-Z-Boy dans ma chambre, parce que c'est climatisé, et c'est le bonheur!
Surtout la nuit. Quand la puce se réveille, je m'installe au fauteuil, je lève les pattes et je branche la Shop Vac sur mon sein, et... je me rendors. Facile. Simple. Le rêve!
Parfois j'y dors 20 minutes, le temps de la tétée. D'autres fois, c'est plusieurs heures. Mais au moins, je dors. Et les débuts de ma poulette dans cette vie ne rendent pas sa mère complètement dingue par le manque de sommeil...
Merci papa!

03 juin 2010

Le plate attire le fun

Je casse toujours les oreilles à mes héritières avec la même histoire quand elles ont de la peine.

"Je sais que tu trouves ça plate que je ne veuille pas que tu écoutes la télé jusqu'à 2 h du matin, mais crois-moi que demain, quand tu vas faire ton examen de maths, tu vas apprécier grandement que ta vieille mère t'envoie au lit plus tôt que tu ne le voudrais.""Oui, oui, c'est vrai que ce n'est pas drôle de devoir vider la litière de ton lapin. C'est vrai que c'est dégueu. Mais ce soir, quand tu te coucheras, tu apprécieras que ça sente bon dans ta chambre." Bref, à chaque truc moche qui se pointe dans leur vie, je leur explique qu'il y aura toujours, toujours quelque chose de positif qui se pointera tôt ou tard pour compenser.

C'est arrivé encore dernièrement. Filou n'a pas été invitée à la fête d'anniversaire de la copine de sa soeur Maxim. C'est qu'elle promettait cette petite boum : souper au resto et trempette dans le lac Brompton au clair de lune. Ensuite, dodo chez la copine et déjeuner aux gaufres ensevelies sous une tonne de fruits, de sirop d'érable et de crème anglaise. Même moi, j'étais un peu fru de ne pas avoir été invitée à cette fiesta.

Mais bon. Toujours est-il que ma Filou pleurait parce qu'elle n'avait pas reçu de carte d'invitation à son nom. Elle était inconsolable. Pis ce n'était pas mes paroles de maman fatigante avec sa psy bonbon à cinq cennes qui allait lui ramener un sourire dans la face.

C'est deux jours plus tard que ses Chiclets sont réapparues sur son dentier. "Filou, tu sais quand maman te dit qu'il y a toujours quelque chose de l'fun qui arrive après quelque chose de plate, est-ce que tu me crois?"

Elle me regarde avec un regard d'ado dont la mère lui tape royalement sur les nerfs et qui n'a qu'une seule envie : que se mère accouche au plus vite de son point afin qu'elle puisse aller chatter sur MSN avec l'univers entier tout en vidant le frigo.

"Bien aujourd'hui, j'ai eu un téléphone qui devrait te faire oublier que tu ne sois pas invitée à la fête de Florence."

Tranquillement, son air s'est radouci. J'imagine qu'elle a eu peur d'assister à un cours de psychologie alors qu'elle ne désirait qu'aller écouter Hannah Montana.

"Imagine-toi donc que Louis-Philippe (un ami de la famille) a acheté des billets pour le Canadien et que ses billets sont dans la zone familiale"

À partir de ce moment précis, des étincelles sont apparues dans ses yeux. Un sourire s'est dessiné sur ses lèvres. Elle attendait, fébrilement, la fin de ma phrase.

"Et quand tu achètes des billets dans cette zone, c'est obligatoirement un billet adulte et un billet pour un enfant de moins de 16 ans, ce que Louis-Philippe ne savait pas Et comme Louis-Philippe n'a pas d'enfant, il a pensé t'apporter avec lui. Qu'en dis-tu?"

Vous imaginez sa réaction? Bien, c'était dix fois pire! Elle hurlait de joie. Elle, au Canadien? Au match où tout le monde veut aller! Le rêve! Ma benjamine se pinçait partout pour s'assurer qu'elle ne rêvait pas. Elle m'a fait répéter au moins 14 fois l'histoire. Elle m'a fait jurer sur la tête de son père que je ne lui jouais pas de tour. "Mais maman, je ne serai pas capable de dormir ce soir!"

Effectivement, la poulette a eu bien du mal à trouver le sommeil ce soir-là. Et encore plus au retour du Centre Bell après la victoire de 5 à 1 du CH aux dépends des Flyers.

Une soirée inoubliable qui bat bien des soupers à la brasserie et des saucettes dans un lac.

"Et maman, maintenant, je vais toujours te croire quand tu vas me dire des choses."

Merci Louis-Philippe. Je t'en dois une.

Un coccyx qui fait mal pis une confiance oubliée dans l'auto

Je suis assise dans la salle d'attente d'échographie au CHUS. Un petit souci au niveau du placenta, vu à l'écho morphologique de 20 semaines, fait en sorte que la gynéco a demandé un écho de croissance pour s'assurer que la poulette qui nage dans ma piscine grossit bien.

Je suis assise sur une chaise inconfortable. Devant moi, un jeune couple avec des sourires Crest qui feraient baver d'envie n'importe quel publicitaire. J'ai l'impression qu'ils vont se débarquer la mâchoire tellement ils affichent un air heureux. On devine qu'ils viennent à la rencontre de leur premier bébé.Un autre couple arrive. Pis un autre. Ça n'arrête pas. C'est à croire que tous les couples du coin attendent le passage de la cigogne. Ça sent les hormones de femmes enceintes à 100 milles à la ronde. Pis tout le monde sourit. Tout le monde.

Je suis toujours assise sur cette chaise tellement pas confortable pis je commence à avoir mal au coccyx. L'horloge devant moi affiche 30 minutes de retard sur mon rendez-vous. Je soupire d'inconfort. Je vais m'informer à la réceptionniste qui m'informe que le rendez-vous de 14 h 30 n'est toujours pas passé. Ma voisine de chaise s'empresse de me dire qu'elle était prévue à... 14 h! Moi mon rendez-vous était à 14 h 45 et il est 15 h... Déprimant.

J'ai l'air d'être la seule qui trouve le temps long. Qui n'affiche pas un air d'enfant de quatre ans devant sa piste de course qu'il vient de déballer pour Noël.

À vrai dire, je me questionne. Qu'est-ce que je fous ici? Que suis-je sensée venir chercher?

J'ai l'impression de perdre mon temps.

Parce que je le sais que tout est A-1 derrière mon panneau de jeans. Je sais que la #3 se développe bien. Je le sais qu'il n'y a pas d'inquiétude à avoir. Je le sais. Je le sens.

Mon bébé bouge (trop) bien. Ma hauteur utérine est dans les standards. Tout le reste des examens est numéro 1 (pression, rythme cardiaque, etc.).

Alors pourquoi? Pourquoi j'angoisse avec cette foutue écho?

Pourquoi je remets dans les mains d'une gynécologue et d'une technicienne en radiologie toute ma confiance alors qu'au fin fond de moi, je sais que tout baigne?

Pourquoi je m'en fais de la sorte? Pourquoi j'imagine qu'un scénario d'horreur se dessinera obligatoirement sous mes yeux dès que la technicienne apposera son machin sur ma bedaine beurrée de gel conducteur? Pourquoi je pense déjà à ce que je ferais de mes deux autres filles advenant le cas que l'on doive m'accoucher sur le champ parce que ma #3 afficherait un possible retard de croissance? Pourquoi je m'imagine déjà en train de bercer mon bébé qui sera branché de partout en néonat?

Ridicule.

Complètement stupide.

Certains diront que c'est plaisant de voir des images de son héritier nageant dans sa piscine. Ça rend les choses plus concrètes diront d'autres.

Pas besoin de concret avec les coups qu'elle me donne aux hanches au milieu de la nuit. Pas besoin de concret avec le hoquet qu'elle a sans cesse.

Pas besoin de concret, les chiffres de la balance qui ne cessent de monter (visent-ils un record olympique?).

Je sais que j'ai un locataire dans le bide. Pas besoin de la tête à Papineau pour rendre ça concret!

D'autres diront qu'il vaut mieux prévenir que guérir. À ceux-là, je leur dis : "Peut-être. Mais toutes ces interventions médicales font en sorte d'énerver pour rien trop de futurs parents. Ça les incite à mettre leur pouvoir de parents, leur confiance en eux de côté au profit de machines qui se branchent dans le mur. Désolant."

Voulez-vous la meilleure? La poulette pèse entre cinq et cinq livres et demi, ce qui en ferait un bébé de plus de huit livres à la naissance. Possible retard de croissance, disions-nous ?

Je le savais que tout était parfait. La prochaine fois, je me ferai confiance et j'épargnerai à mon coccyx ces chaises tellement pas confortables.

Entre joie et anxiété

Elle est ambivalente la Geneviève. Ouep. À quatre semaines de quitter le boulot pour son congé de maternité, la Geneviève ne sais pas trop de quel côté pencher. De quel pied danser. À quel saint se vouer.

Est-elle contente?Ou est-elle anxieuse de quitter?

Je viens tout juste de remettre au patron les détails de mon congé. Et j'avoue que ça a fait drôle.

Étrange parce qu'il me semble que c'était hier que j'annonçais au patron qu'un #3 me poussait dans le ventre. Le temps fi le défi nitivement trop vite.

Étrange parce que j'étais complètement persuadée, à la minute même où Filou a lâché son premier cri, que plus jamais je ne porterais des jeans à panneaux. Alors loin de moi était l'idée de me retrouver en congé de maternité un de ces quatre.

Étrange de penser que c'est quelqu'un d'autre qui, dans les prochaines semaines, sera assis sur ma chaise. Qui écrira ici. Qui prendra ma place.

Dans une société où le boulot de maman n'est pas tellement valorisé et où la carrière l'est au cube, diffi cile de partir l'esprit tranquille. De partir aussi longtemps sans se questionner le moindrement. Oui, j'ai hâte de me reposer. De cuisiner des plats congelés pour l'après. De laver des cache-couches roses nanane. De passer des heures à fl atter ma bédaine et regarder pousser les nouvelles vergetures qui feront leur apparition. De lire des magazines de fi lles sans remords. De laver mon plancher à quatre pattes. De prendre de longs bains pour réduire les Braxton Hicks. À attendre que LE moment soit enfi n venu.

Mais j'ai peur. J'ai peur. J'ai peur.

Peur de ne pas aimer ma nouvelle vie. De m'emmerder à faire des ga ga ga à longueur de journée. De tourner en rond dans mon salon devant une pile de couches à laver. Je ne connais pas ça, moi, des congés de maternité interminables. Aux deux premières, je tentais de décrocher un diplôme.

Pis j'ai peur de perdre ma place au boulot. On a beau être en 2010. Avoir une loi protégeant les femmes enceintes. Savoir que les mentalités ont évolué depuis les 30 dernières années. Mais j'ai peur pareil.

Tout à coup que la personne qui me remplace soit meilleure que moi?

C'est poche, hein, comme réfl exion? Le boulot prend tellement de place dans nos vies que ça en devient diffi cile de tout quitter pour le plus important: nos enfants. Même si on sait que c'est là la clef du bonheur et non pas sur un talon de paye...

Peur que vous, lecteurs, m'oubliiez. Certains jours, je me fais des plans, des scénarios qui n'ont ni queue ni tête. "Chéri, que dirais-tu de prendre tout le congé parental à ma place? " "Bonjour, madame! Est-ce que votre garderie accepte les poupons de 18 semaines?" "Bébé #3, à trois mois, tu es maintenant assez grand pour t'occuper toute seule toute la journée pendant que maman va faire des entrevues téléphoniques et écrire des textes de la maison?"

Et combien on gage que lorsque mon congé sera terminé, je vais vouloir tuer pour rester à la maison avec mon #3? Qu'est-ce qu'on est mal faites pareil, nous les bonnes femmes. Elle n'est pas ambivalente la Geneviève. Elle est pathétique...

Le magasin de mamans

"Filou, admettons que tu irais dans un magasin de mamans. Et dans ce très, très grand magasin, qui est plus grand que le Maxi et le Wal- Mart ensemble, il y a toutes les mamans du monde. Il y a la maman de Mayra, la maman de Camille, la maman de Florence et aussi celle de Roxanne. Il y a des mamans qui veulent que leurs enfants se couchent très tard. D'autres qui sont d'accord pour que leurs petites filles mangent du chocolat avant le souper.

Puis il y a aussi des mamans qui croient que les devoirs ce n'est pas important. Il y également de très très belles mamans qui sont tellement gentilles et patientes. Qui acceptent sans rouspéter d'aller border leurs poulettes avant le dodo. Qui font des soupers délicieux sans légumes verts et viande-trop-dure-à-mâcher. Qui disent toujours oui pour aller jouer au parc. Qui n'obligent pas leurs enfants à mettre la table ou à vider le lave-vaisselle.Dis-moi, Filou, laquelle choisirais-tu?"

Chaque fois, c'est le même manège. Elle prend un air sérieux et elle réfléchit longuement à la question. "Mais est-ce qu'il y a une mère qui ferait du spaghetti à tous les jours? Qui ne m'obligerait pas à prendre mon bain chaque soir? Qui voudrait m'acheter tous les Pets Shop que je veux?"

Je la comprends de questionner. C'est bien même qu'elle ait tous les atouts en main avant de prendre une décision. Elle continue sa réflexion.

"Oui, oui, il y a tout ça!"

"Maman, est-ce que j'ai assez d'argent pour en acheter deux mamans?"

"Non ma poulette, tu ne peux en choisir qu'une seule." J'attends, fébrile, sa réponse. Une réponse qui ne vient pas très vite.

"Dans le magasin de mamans, est-ce qu'il y a la maman de Mathys?"

"Oui Félixe, TOUTES les mamans du monde y sont. Laquelle choisis-tu?"

Et là, elle me regarde, avec ses petits yeux remplis de taquineries, et me dit: "Bien voyons, c'est toi que je choisirais!" avant de s'élancer dans mes bras pour me faire le câlin du siècle.

"Est-ce que tu es certaine? Parce que dans ce magasin, il semble y avoir des super mamans, non?"

Elle part à rire. "Voyons maman! Tu es la seule que je veux! Les autres, pffff!"

Quand j'ai besoin d'un boost d'égo maternel, je joue à ce jeu avec Filou. C'est très manipulateur de ma part, mais ç'a l'avantage de nous faire rire et de me faire croire que je suis la meilleure mère au monde pour ma fille.

Je sais bien qu'à son âge, elle n'a pas encore le recul nécessaire pour déterminer si je remplis bien mon boulot de maman, mais bon, je prends le compliment pendant qu'il passe. J'ose espérer, qu'un jour, elle sera véritablement fière de sa mère et pas seulement parce qu'elle fait une super sauce à spagh.

"Maman, mettons que tu allais dans un magasin de petites filles. Tu sais, un magasin gros comme tout le Carrefour de l'Estrie et que toutes les petites filles de huit ans y seraient. Laquelle tu choisirais pour apporter à la maison?"

Je ne prends même pas la peine de réfléchir. "C'est sûr que c'est toi que je mettrais dans le panier Filou!"

"Es-tu certaine maman?"

"Sans aucun doute!"

"C'est parce la petite fille que tu as choisi ne met pas la table et ne vide pas sa boîte à lunch quand elle revient de l'école. J'espère que ça ne te dérange pas trop"

Ouais Je pense que je viens de me faire avoir à mon propre jeu! Bonne fête des mères à toutes!

Ma grossesse va vraiment bien sauf que...

Chaque jour, je réponds au moins 44 fois à cette question : "Et puis, ta grossesse, ça va?"

Et chaque fois, j'ai la même réponse à fournir : "Oui, vraiment. Tout va comme sur des roulettes."C'est vrai pareil. Je n'ai pas de complications. Pas de diabète de grossesse. Pas de décollement placentaire. Pas de menace de travail prématuré. Pas de pré-éclampsie. Une bonne hémoglobine. Une belle pression. Pas de vomissements en début de grossesse. Un bébé en santé. Pas de siège à l'horizon. Et pourtant...

Ça va bien, mais pendant les trois premiers mois, j'ai négligé ma famille tant j'étais fatiguée. Souvent, j'arrivais du boulot et je foutais un plat surgelé dans le four et j'allais au lit jusqu'au lendemain matin. Qu'ils s'arrangent avec leurs troubles que je lançais intérieurement à l'amoureux et aux poulettes. Les midis, je m'éclipsais à l'infirmerie du boulot pour piquer un petit somme. Une zombie. Une vraie loque humaine.

Tout va bien, mais j'ai perdu 15 livres tellement j'ai eu mal au coeur en début de grossesse. Rien ne réussissait à passer dans mon gorgoton. Les pantalons devenus trop grands ont dû être remplacés par d'autres qui sont devenus trop petits dans le temps de le dire.

Ça va bien, mais j'ai eu de terribles maux de tête vers 15-16 semaines de gestation. Tellement que j'ai dû consulter. Les 1000 mg de Tylenol aux quatre heures que je prenais ne faisaient absolument rien. La doc a conclu à un déplacement d'une vertèbre cervicale. La raison? Incapable de dormir sur le ventre, je devais m'habituer à dormir autrement, ce qui a occasionné cette douleur. Huit traitements d'orthothérapie et de massothérapie plus tard, je peux laisser la codéine tranquille dans la pharmacie.

Ça va bien, mais depuis que mon test de grossesse a affiché un +, je ne cesse d'avoir des vaginites. C'est connu, les vaginites adoooooorent les madames enceintes et moi, je ne suis pas l'exception qui confirme la règle. Combien de tablettes de pharmacie ai-je vidées avant d'en voir le bout? Vous n'avez pas idée. C'est finalement les 140 $ dépensés en produits naturels (de l'huile de bourrache, du HRC-P et des probiotiques pour celles qui sont dans le même pétrin) qui ont mis fin au calvaire qui se déroulait dans mes bobettes depuis trop longtemps.

Ça va bien, mais depuis quelques semaines, je dois dormir avec des attelles aux mains tellement mes tunnels carpiens me font de la misère. Un matin, je me suis levée avec la main droite tellement enflée et engourdie que j'étais incapable de la fermer. Pas très pratique pour une journaliste qui passe sa journée à écrire. Ça va super bien, mais j'avoue que me faire réveiller à 4 h du matin par un estomac qui crie famine, ça dérange. Surtout après le troisième ou le quatrième pipi-stop de la nuit.

Ça va super bien, mais la fille qui courait 40 km par semaine jusqu'à avant Noël est déprimée seulement à l'idée de monter à l'étage dans sa maison. Je suis certaine que l'Everest représente moins de boulot à gravir pour les marcheurs que ces 14 marches pour moi. Quand j'arrive en haut, je suis essoufflée comme si j'avais sprinté sur une distance de quatre kilomètres.

Ça va bien, mais mon poids m'angoisse. Ma dernière, avec ses 10,8 livres et les impacts qu'elle a laissés sur mon body, m'a traumatisée. Alors j'ai peur. J'ai peur du chocolat qui me crie après tout le temps pour que je le mange. Je suis effrayée par l'appel de la crème glacée qui me poursuit partout. J'ai peur des chiffres qu'affiche la balance. J'en fais une véritable obsession.

Ça va super bien, mais dès que je bouge un tant soit peu, je contracte. Je m'assois dans l'auto, je contracte. Je me lève de l'auto, je contracte. Je regarde la télé, je contracte. Je mange, je contracte. Je regarde dehors, je contracte. Je contracte tout le temps. Tout le temps. Tout le temps. C'est pas le fun, je vous le dis.

Ça va super bien, mais mes ligaments situés sur le devant de mon globe-terrestre me donnent de la misère. Ils ont de la difficulté à s'étirer et m'empêchent de marcher longtemps, de me tourner dans le lit, de vider le lave-vaisselle, d'étendre sur la corde à linge sans crier au meurtre.

Mais à part ça, ma grossesse va vraiment, mais vraiment bien!

Éloi, Rose-Alice et les caprices

Il y avait du monde à la messe dimanche. La maison était pleine à craquer. Mais même s'il y avait plein d'amis et de membres de ma famille chez moi, c'est surtout pour Éloi et Rose-Alice que la plupart des paires d'yeux présents ont craqués.

Éloi, c'est mon filleul de onze mois. Rose-Alice, c'est la poupoune de 13 mois de mon amie Élise.Difficile de rivaliser avec eux pour attirer l'attention, même avec mon énorme globe-terrestre que je cache sous mon t-shirt.

Avec leurs yeux enjôleurs, leurs sourires craquants, leurs minois qui feraient fondre n'importe quelle banquise du Groenland, le duo Éloi-Rose-Alice n'est pas passé inaperçu lors de son séjour dans mon salon.

Et ce n'est pas pour les crises de larmes ou parce qu'ils ont tout détruit sur leur passage que nous avions continuellement nos barniques pointées vers eux.

Pentoute. C'était tout le contraire!

Même Amélie n'en revenait pas. "Mais ils sont donc ben gentils. Ils sourient tout le temps!"

C'est vrai qu'ils sont adorables ces poussins. Jamais je ne les ai entendus pleurer. Jamais. Jamais. Depuis leur naissance qu'ils sont heureux ces mômes.

Ç'a toujours un sourire de scotchtapé dans la face ces bébés-là, ce n'est pas mêlant. Toujours prêts à nous montrer leur dentier de deux quenottes et à tendre les bras à tous ceux qui ont envie d'un câlin.

Bref, ils sont irrésistibles. Si on pouvait en acheter des pareils au magasin, ce serait deux modèles qui feraient fureur.

Et Amélie qui disait sans cesse qu'ils étaient adorables. C'est que les référents de la copine en matière de bébés se résument en poupons qui hurlent à la moindre contrariété. Qui refusent de dormir la nuit. Qui passent leur temps sous les jupes de leur mère.

Je lui ai donc soumise ma théorie à cinq cennes.

"Éloi et Rose-Alice sont deux bons exemples qu'il faut répondre aux besoins d'un bébé. S'il pleure, c'est qu'il y a un problème à régler. Et leurs parents ont toujours répondu présent quand leur rejeton leur signifiait que ça n'allait pas. Comme ces bébés savent que maman ou papa ne sont jamais très loin, ils débordent d'assurance."

"Ouais... mais les caprices?"

Les caprices... Je déteste ce mot. C'est laid et surtout inutile.

"Un bébé, ça n'a pas de caprice. C'est trop niaiseux pour en avoir. S'il pleure, c'est qu'il y a quelque chose qui cloche, qui ne tourne pas rond. Il a faim. Il a froid. Sa couche est pleine. Il a soif. Il a chaud. Il est triste."

D'autres se sont mêlés à la conversation quand j'ai dit qu'un bébé qui pleurait pouvait être triste et qu'il avait le droit de vouloir se réfugier dans les bras de sa mère. Qu'il ne fallait pas capoter et que c'était un bon départ vers les caprices.

Là, j'ai bondi. Qui a décidé qu'un jour un poupon qui est triste n'a pas le droit d'être consolé? Que ce besoin était moins important que celui d'être alimenté? Ce n'est pas un peu ridicule comme analyse? OK bébé, maman est là pour te nourrir, mais pour le reste, arrange-toi avec tes troubles. Avec tes trois mois de vie, tu es supposé être capable de te débrouiller seul? Hein?

Notre génération est en pleine confrontation avec celle de nos parents qui nous laissaient pleurer entre les boires parce que c'était aux quatre heures qu'il fallait donner un biberon. Mon père se fout encore de ma gueule parce que j'ai allaité Filou pendant près d'un an, un temps qu'il jugeait olympique. On m'a jugée souvent parce que j'ai dormi avec mes enfants quand ils étaient minuscules. On m'a souvent dit que j'allais donner des mauvais plis à mes filles parce qu'elles étaient souvent dans mes bras.

Est-ce que mes enfants sont capricieux aujourd'hui? Pentoute. Au contraire! Elles foncent dans la vie avec assurance et confiance. Pas de crise si elles doivent dormir ailleurs. Pas de craintes lorsqu'elles se retrouvent dans une nouvelle situation.

Et Éloi et Rose-Alice sont deux autres preuves de ma théorie psycho-bonbon. Que je ne t'entende plus dire ce mot-là, Amélie. Les caprices, à la poubelle!

L'homme de ma vie?

L'homme de ma vie?

En êtes-vous certain? Sûr sûr sûr là?Êtes-vous convaincu hors de tous doutes que le monsieur ou la madame qui dort à vos côtés sera encore là dans un an, dans cinq ans, dans cinquante ans?

Est-il l'homme de votre vie? Ou bien celle que vous avez attendue toute votre vie?

C'est à ses côtés que vous voulez laver vos dentiers? Manger du mou? Ou magasiner vos culottes d'incontinence?

Vous l'espérez fortement peut-être, mais comment en être certain si personne ne sait de quoi demain sera fait? Nous changeons tous. Nos intérêts changent. Nos aspirations changent. Et pas tous au même rythme. Normal que l'on se perde un moment donné.

Déprimant constat, non?

Malgré tout, je reste persuadée que des gens sont faits pour aller ensemble toute leur vie. Que quoiqu'il arrive, ils trouveront en eux la force nécessaire pour passer au travers les ouragans. Marie-Christine et Édouard sont de ceux-là.

Quand je les ai vus se dire "oui", je savais que jamais ma collègue ne m'annoncerait qu'elle magasine un avocat spécialisé en divorce.

Pourquoi? Je ne sais pas. Feeling.

Dans une autre vie, je croquais sur pellicule des mariages. J'ai immortalisé une trentaine de "oui je le veux" en tout. Chaque fois, je me faisais un pari intérieur. Vont-ils passer au travers la barrière du temps?

Me suis trompée souvent. Certains n'ont même pas célébrer leur premier anniversaire. Pourquoi? Bonne question. Si on leur demandait, sûrement qu'eux non plus ne le savent pas.

C'est la vie.

La vie qui fait son chemin. Qui laisse sa trace. Qui nous amène ailleurs.

Est-ce un drame? Une tragédie? Je ne crois pas.

Pourtant, on nous effraye souvent avec des statistiques alarmistes. Tant de divorces au Québec. Tant de familles monoparentales. Tant de célibataires.

Et pis?

Ça change quoi au fond?

À quoi bon rester ensemble si l'harmonie n'y est plus? Si les conflits sont devenus la norme? Si être à la maison est synonyme de séjour dans un camp de concentration?

Parce qu'un jour on a juré devant Dieu? Pour les enfants? Par lâcheté? Par sécurité? Pour honorer nos responsabilités? Par peur?

Ridicule.

Complètement ridicule.

J'aime penser que l'amoureux ronflera encore longtemps longtemps dans mon dos la nuit. J'aime imaginer que l'on bercera nos petits-enfants ensemble dans notre quatre et demi carreauté. J'aime l'idée que l'on signera ensemble un bail aux Résidences Soleil.

Mais je sais que si un jour, il devient adepte du sadomasochisme, s'il devient membre des Raëliens, si l'héroïne devient sa meilleure amie, s'il a élu domicile sur son divan et n'en bouge plus que pour aller faire pipi, je sais que je ne voudrai plus l'entendre ronfler dans mon dos.

Est-ce que ça sera un drame? Non.

Ni pour moi. Ni pour lui. Ce seront peut-être des moments difficiles, mais pas dramatiques. Personne n'en mourra.

Parce qu'avant d'être un couple, nous sommes des personnes. Des entités distinctes. Qui évoluent. Changent. Des humains qui ont droit au bonheur même si un contrat de mariage les lie. Même s'ils ont signé une hypothèque sur 25 ans. Même si des rejetons courent entre leurs jambes.

Parce que vaut mieux des divorcés heureux que des mariés malheureux pour voir des sourires sur ses petits poulets.

L'amoureux, les hormones et le nid

 L'amoureux me trouve un brin excessive ces jours-ci.

Je ne sais pas où il peut avoir pêché une telle chose.

Ce n'est pas parce que je projette de peinturer la chambre de ma future poulette, de faire tout le lavage-séchage-sur-la-corde-à-linge-et-pliage de la maisonnée, de frotter les planchers à quatre pattes, de faire le ménage du frigo de fond en comble, de trier les vêtements qui ne font plus aux filles, d'aller acheter ce qu'il me manque pour l'arrivée de la petite demoiselle, de cuisiner des biscuits choco-gruau, deux pains aux courgettes et un rôti de boeuf à la moutarde et tout ça dans la même journée, que l'on peut me qualifier d'excessive.Franchement. Il s'énerve pour un rien lui.

Pis pour être honnête, ça m'écoeure en sale que les journées n'aient que 24 heures. Parce que j'aurais voulu installer les moulures dans la chambre de bébé # 3, monter sa table à langer et laver tous ses petits pyjamas pour ensuite les placer dans sa commode.

J'aurais eu aussi assez d'énergie pour faire apprendre les tables de multiplications de Filou jusqu'à 18. Pour remettre un peu d'ordre dans le garde-robe d'entrée et pour remplir mon congélo de plats tout prêts pour les soirées où j'ai envie de faire la grève du four.

"Chéri, tu voudrais m'aider à monter le trampoline. C'est une belle journée pour ça, non?"

Lui, il croule sous une pile de productions écrites à corriger (il est prof de français au secondaire). Que mes filles puissent sauter au soleil aujourd'hui, c'est le cadet de ses soucis. Alors, vous imaginez le regard qu'il m'a lancé?

"Ge, ça ne te tente pas de relaxer un peu? D'écouter la télé, d'aller prendre un bain, d'appeler Dany. Je ne sais pas moi, mais quelque chose qui te permettrait de te reposer."

Euh... non! Pas l'ombre d'une envie. Mais surtout pas le temps. Tu parles d'une idée!

Cette volonté de tout astiquer, de tout ranger, de tout préparer m'obsède complètement. Il ne peut pas comprendre ça, lui. C'est un homme. Avec tout ce que ça comporte. Lui, il ne pense qu'à sa pile de correction. Que sa fin d'étape qui approche. Et qu'il doit remettre ses notes de bulletin au pc. Il ne voit pas tout le boulot qu'il reste accomplir. Tout ce qu'il faut faire avant le jour J. Tout ce qu'il faut prévoir pour l'arrivée de Boum Boum.

Voyez, là, j'écris ma chronique et j'ai la forte impression de perdre mon temps. Parce qu'à la place d'être assise bien tranquillement devant mon ordi à laisser mes doigts pianoter sur mon clavier, je pourrais installer le luminaire dans la chambre du bébé. Je pourrais aller faire l'épicerie pour les six prochains mois. Je pourrais passer l'aspirateur dans ma voiture.

"Mais qu'est-ce qu'il se passe avec toi, chérie?", me demande-t-il, inquiet, devant ma panique du peu-de-temps-qu'il-nous-reste.

Et voilà, je pète les plombs devant son insensibilité face à mon sentiment d'urgence. Devant sa nonchalance envers ma liste longue de six pieds.

"Hé! Il nous reste QUE 13 semaines pour TOUT faire. On n'y arrivera pas si on ne s'y met pas maintenant. Là. Tout de suite. Right fucking now. Parce qu'on pourrait avoir l'air fin en sale quand la petite va arriver et que son lit sera encore en morceaux dans la remise. On va la coucher où, hein? Dans un tiroir?"

"Mais Ge, c'est quand même trois mois ça. Trois très longs mois. Ça ne prend pas trois mois pour monter une bassinnette. Je n'en ai jamais montée, mais il me semble qu'on doit bien avoir assez d'un après-midi pour faire ça, non?"

Vous reconnaissez ici les caractéristiques du mâle typique: minimiser les problèmes gigantesques de leur conjointe adorée.

C'en était trop pour la très enceinte fille que je suis. Je l'ai laissé à son stylo rouge en me disant: "Tant pis, je vais me démerder toute seule." J'ai foutu une brassée de serviettes dans la laveuse, j'ai peinturé les moulures de la chambre et j'ai boudé tout la fin de semaine devant le peu de compréhension de l'amoureux.

Alors, voilà, mon homme a appris une nouvelle expression ce week-end: faire son nid.

Et il a également appris qu'il ne faut jamais pousser une fille enceinte à bout...

Patience, chéri, il te reste trois loooooongs mois à m'endurer!

Mot du jour : kamikaze

Chaque matin, c'est la même histoire. Maxim n'a pas encore les deux pieds dans l'auto que déjà je l'entends chialer. "Ah maman, change ça de poste. Mets donc de la musique!"

Et chaque matin, je lui répète la même chose: "Non, le matin, ce sont les nouvelles qu'on écoute. Point à la ligne. Si tu n'est pas contente, tu peux marcher pour aller à l'école."J'imagine que les dix kilomètres nous séparant de l'école la convainquent chaque jour de rester à bord et d'endurer "la-radio-plate-que-sa-mère-écoute-chaque-foutu-matin".

Elle chiale ma grande parce qu'elle dit qu'elle aimerait beaucoup mieux entendre Keisha avant de se farcir une autre journée assise à un pupitre. Mais je la soupçonne plus de bougonner pour la forme. Parce qu'une pré-ado qui se vante auprès de sa gang qu'elle aime bien mieux analyser la dernière crise politique en Israël que de se dandiner sur Lady Gaga, ça doit être assez rare...

Pourtant, chaque fois, c'est la même histoire. Elle fait semblant d'être outrée, mais elle écoute ce que les journalistes ont à raconter. Puis, la discussion commence.

"Maman, je n'ai pas bien compris. C'est quoi au juste un kamikaze?"

Ça, c'était tantôt. On venait de rapporter les attentats meurtriers dans le métro en Russie. Pour bien comprendre l'ampleur de la catastrophe, il manquait une définition dans son vocabulaire.

"Un kamikaze, c'est une personne qui se tue pour une cause. C'est comme si toi, parce que tu es fatiguée d'apprendre le violon, tu décidais de te faire exploser dans la classe de musique de l'école. Après, tous les journalistes du monde entier parleraient de toi, de ton acte et toutes les autorités de l'éducation se questionneraient sur la pertinence de donner des cours de violon à des enfants de sixième année."

Moment de silence. Malgré que je pense entendre son petit hamster courir dans son ciboulot.

"Ouin. Mais ce n'est pas un peu stupide? Si je me fais exploser pour qu'on arrête de me donner des cours de violon, je ne serai plus là de toute manière pour voir si on en donne encore ou non. En tout cas, moi, je ne ferai jamais ça."

C'est sûr que je n'avais pas pris le meilleur des exemples. Personne dans l'univers ne se ferait sauter la cervelle sous prétexte qu'il faut absolument cesser d'apprendre ce difficile instrument à cordes à des enfants de 11 ans.

"Alors, tu t'imagines comment ces personnes croient fort en leurs idées? Comment elles sont déterminées à aller au bout des choses et à faire avancer leurs projets? Faut que tu sois vraiment, mais vraiment certain de ce que tu fais pour donner ta vie pour la cause que tu défends, tu ne crois pas?"

Elle était loin d'être convaincue la poulette. "En tout cas, moi, je ne ferai jamais ça", m'a-t-elle répété très fermement.

Sincèrement, je l'espère aussi. La discussion a continué, au fil des lumières rouges pour prendre une autre tangente. "Crois-tu, Max, qu'il y ait d'autres façons de donner sa vie pour une cause que tu défends?"

Elle ne comprenait pas. "Penses-tu que, moi par exemple, je suis un peu une kamikaze?" "Hein? As-tu envie de te tuer, maman?", m'a-t-elle demandé, très inquiète.

"Non, non, ne panique pas! Je dis ça dans le sens que tous les jours, je te donne ma vie. Tu sais, si tu n'étais pas là, je ne penserai à personne d'autre qu'à mon petit nombril. Parce que chaque jour, une grande partie de ma vie t'est destinée, t'est offerte. Je te prépare ton déjeuner, je t'aide à te peigner les cheveux, je te donne un coup de pouce avec tes devoirs, je m'assure que tu aies une bonne nuit pour que tu réussisses bien à l'école. Je te chicane quand tu fais une niaiserie. Tout ça en lavant tes bobettes, en te planifiant un bon lunch pour demain, en m'assurant que tu sois bien propre et que tu t'éveilles au monde qui t'entoure. Vraiment, ma vie serait plus simple si tu n'y étais pas. Qu'en penses-tu? Suis-je une kamikaze?"

Je n'ai pas pu entendre sa réponse. La cloche a sonné comme nous venions d'arriver dans la cour d"école. Mais notre petite route quotidienne côte à côte aura été tout de même profitable. Elle aura enrichi son vocabulaire et peut-être aura-t-elle réalisé un tout petit peu ce qu'une mère doit faire pour son rejeton.

Mais peu importe, je sais que trop bien que demain, elle me redemandera de tourner la radio jusqu'à ce qu'elle entende les Black Eyed Peas.

Pourquoi? Pourquoi? Pourquoi?

Sais pas ce qu'il se passe avec ma Filou ces jours-ci, mais j'ai véritablement l'impression de revivre ses trois ans alors qu'elle avait constamment une question à la bouche. Elle était haute comme trois pommes et n'arrêtait pas deux secondes.

"Maman, pourquoi tu mets le lait dans le frigo?""Maman, pourquoi tu laves la vaisselle?"

"Maman, pourquoi il faut mettre une tuque?"

"Maman, pourquoi tu travailles?"

"Maman, pourquoi on n'appelle pas ça un coulard un foulard, ça va dans le cou pourtant?"

"Maman, pourquoi Caillou ne joue pas à la télé tout le temps?"

Je m'arrête ici parce que je pourrais noircir le journal au complet avec les questions qu'elle a pu me poser à cette époque. C'était toujours sans fin. Interminable. Elle questionnait tellement tout le temps que lorsque je la voyais commencer à parler, je me sauvais pour me cacher dans le fond de ma garde-robe afin de m'épargner quelques "pourquoi?".

Mais on n'apprend pas à un singe à faire des grimaces pas plus qu'on apprend à un enfant de trois ans à jouer à la cachette. Alors, ça n'a pas été trop long que ma poulette a trouvé ma mon repère secret: "Maman, pourquoi te caches-tu dans la garde-robe?"

Quelques temps plus tard, ça été: "Maman, pourquoi es-tu couchée sous le lit?" "Maman, que fais-tu dans la douche toute habillée?" "Maman, pourquoi tu ne mets pas tes bottes dehors? Tes pieds, ils vont geler en pantoufles dans la neige."

Il n'y a rien qui venait à bout de ses questions. Rien. Rien. Rien.

"Pourquoi mets-tu le lait dans le frigo maman?"

"Parce que le lait, ça doit rester au froid."

"Mais pourquoi ça doit rester au froid?"

"Parce que sinon, il ne sera plus bon?"

"Et ça goûte quoi du lait pas bon?"

Voyez le genre? Je pouvais en avoir pour des heures à répondre à ses foutus pourquoi. Tout était prétexte à une question. Tout ce qu'elle voyait amenait une ou 100 questions.

Le "Terrible Two" ou le "Fucking Four", ça été de la petite bière chez moi. Mais la période du pourquoi a été longue, longue, longue. I N T E R M I N A B L E !

Et voilà que ça recommence. Sauf que maintenant, ses interrogations sont beaucoup plus poussées et me demandent encore plus de connaissances. Et qui, une fois sur deux, démontrent mes fai-blesses. Me font passer pour une vraie tarte, quoi! Un exemple?

"Maman, explique-moi pourquoi il y a trois sortes d'essences à la station service."

Euh...

"Maman, à quoi ça sert les impôts?"

Yes! Une question facile! "C'est de l'argent que l'on donne au gouvernement pour payer les médecins, les professeurs, les policiers."

"Ok, mais pourquoi le gouvernement toi, il t'en donne des impôts?" (Lire ici: j'attends un remboursement d'impôt.)

"C'est parce que maman en a trop payé dans l'année, tout simplement." (Vais-je m'en sortir aussi facilement?)

"Ah ok! Je comprends. C'est le gouvernement qui paye les journalistes comme les médecins?"

"Euh... non pas du tout. C'est qu'à chaque semaine, sur la paye de maman, le gouvernement prend des sous. Mais il arrive qu'à la fin de l'année, il en ait trop pris. Il me le redonne donc."

"Mais maman, il me semble que ça fait peur un gouvernement qui ne sait pas compter!"

Soupir.

Là, je vous épargne les détails entourant les questions concernant la conception de la nouvelle petite soeur, celles sur le tremblement de terre en Haïti, celle sur le fonctionnement de l'Internet...

Rassurez-moi. Est-ce que ça va durer encore longtemps?

07 avril 2010

On déménage!

Mes chroniques sont maintenant hébergées sur le site Internet de La Nouvelle à cette adresse: www.lanouvelle.ca
Bonne lecture!

24 mars 2010

Pourquoi? Pourquoi? Pourquoi?

Sais pas ce qu'il se passe avec ma Filou ces jours-ci, mais j'ai véritablement l'impression de revivre ses trois ans alors qu'elle avait constamment une question à la bouche. Elle était haute comme trois pommes et n'arrêtait pas deux secondes

"Maman, pourquoi tu mets le lait dans le frigo?"

"Maman, pourquoi tu laves la vaisselle?"

"Maman, pourquoi il faut mettre une tuque?"

"Maman, pourquoi tu travailles?"

"Maman, pourquoi on n'appelle pas ça un coulard un foulard, ça va dans le cou pourtant?"

"Maman, pourquoi Caillou ne joue pas à la télé tout le temps?"

Je m'arrête ici parce que je pourrais noircir le journal au complet avec les questions qu'elle a pu me poser à cette époque. C'était toujours sans fin. Interminable. Elle questionnait tellement tout le temps que lorsque je la voyais commencer à parler, je me sauvais pour me cacher dans le fond de ma garde-robe afin de m'épargner quelques "pourquoi?".

Mais on n'apprend pas à un singe à faire des grimaces pas plus qu'on apprend à un enfant de trois ans à jouer à la cachette. Alors, ça n'a pas été trop long que ma poulette a trouvé ma mon repère secret: "Maman, pourquoi te caches-tu dans la garde-robe?"

Quelques temps plus tard, ça été: "Maman, pourquoi es-tu couchée sous le lit?" "Maman, que fais-tu dans la douche toute habillée?" "Maman, pourquoi tu ne mets pas tes bottes dehors? Tes pieds, ils vont geler en pantoufles dans la neige."

Il n'y a rien qui venait à bout de ses questions. Rien. Rien. Rien.

"Pourquoi mets-tu le lait dans le frigo maman?"

"Parce que le lait, ça doit rester au froid."

"Mais pourquoi ça doit rester au froid?"

"Parce que sinon, il ne sera plus bon?"

"Et ça goûte quoi du lait pas bon?"

Voyez le genre? Je pouvais en avoir pour des heures à répondre à ses foutus pourquoi. Tout était prétexte à une question. Tout ce qu'elle voyait amenait une ou 100 questions.

Le "Terrible Two" ou le "Fucking Four", ça été de la petite bière chez moi. Mais la période du pourquoi a été longue, longue, longue. I N T E R M I N A B L E !

Et voilà que ça recommence. Sauf que maintenant, ses interrogations sont beaucoup plus poussées et me demandent encore plus de connaissances. Et qui, une fois sur deux, démontrent mes fai-blesses. Me font passer pour une vraie tarte, quoi! Un exemple?

"Maman, explique-moi pourquoi il y a trois sortes d'essences à la station service."

Euh...

"Maman, à quoi ça sert les impôts?"

Yes! Une question facile! "C'est de l'argent que l'on donne au gouvernement pour payer les médecins, les professeurs, les policiers."

"Ok, mais pourquoi le gouvernement toi, il t'en donne des impôts?" (Lire ici: j'attends un remboursement d'impôt.)

"C'est parce que maman en a trop payé dans l'année, tout simplement." (Vais-je m'en sortir aussi facilement?)

"Ah ok! Je comprends. C'est le gouvernement qui paye les journalistes comme les médecins?"

"Euh... non pas du tout. C'est qu'à chaque semaine, sur la paye de maman, le gouvernement prend des sous. Mais il arrive qu'à la fin de l'année, il en ait trop pris. Il me le redonne donc."

"Mais maman, il me semble que ça fait peur un gouvernement qui ne sait pas compter!"

Soupir.

Là, je vous épargne les détails entourant les questions concernant la conception de la nouvelle petite soeur, celles sur le tremblement de terre en Haïti, celle sur le fonctionnement de l'Internet...

Rassurez-moi. Est-ce que ça va durer encore longtemps?

18 mars 2010

Et si j'étais la suivante?

Je ne connais pas vraiment Geneviève. Pour ne pas dire pas du tout. Je ne l'ai jamais rencontrée. Je n'ai aucune idée de quoi elle a l'air. Jamais parlé au téléphone. Jamais chatté sur MSN.

Pourtant, deux fois par mois, elle m'invite dans son univers. Invitation que j'accepte toujours avec joie. Parce que même si le monde de Geneviève est très particulier, j'adore y pénétrer même si j'ai toujours un peu la chienne de ce que je vais y lire. Et s'il était arrivé quelque chose?

Geneviève, c'est l'une des nombreuses mères qui avaient répondu à ma chronique sur les bonnes mamans. Elle m'avait écrit un très long courriel dans lequel elle m'expliquait pourquoi elle n'était pas une mère indigne.

C'est la réponse qui m'aura le plus bouleversée.

Et depuis, elle donne des nouvelles. De temps à autres. Quand il y a du nouveau dans le dossier Lauralie. Pour nous montrer de nouvelles photos de sa poulette. Nouvelles que je m'empresse toujours de lire rapidement avec les doigts croisés que tout aille bien pour elle. Pour eux.

Lauralie, c'est sa petite puce qui vient tout juste de souffler sa première chandelle... aux soins intensifs de la pédiatrie du CHUS. Depuis un calendrier complet qu'elle se bat pour apprendre à respirer d'elle-même parce que Lauralie est née avec de petits poumons avec des défauts de fabrication.

Pourtant, même si elle avait une liste longue comme ça de trucs pour chialer ou pleurer, les courriels de Geneviève sont toujours remplis de soleil. Jamais négatifs. Jamais tristes. Jamais paniqués.

Elle a ce don, Geneviève, de nous faire ressortir le positif de cette situation tellement angoissante, tellement injuste. Elle qui pourrait tellement verser dans le désespoir. La dépression.

J'en jasais d'ailleurs avec l'amoureux, hier soir, après avoir vu de nouvelles photos de la belle Lauralie. Je lui racontais sa sortie imminente de l'hôpital et l'angoisse de Geneviève qui devra apprendre à vivre avec le respirateur et le nez artificiel de sa petite puce qui peut sonner l'alarme à tout instant. Mais je lui disais surtout la joie qu'elle avait d'enfin pouvoir admirer sa fille dormir dans son lit bientôt, de découvrir son chez soi, de se promener en poussette ailleurs qu'autour de l'hôpital.

Et puis, je me suis demandé pourquoi. Pourquoi elle? Est-ce que Geneviève a fait quelque chose de mal pour se retrouver avec une petite avec de si graves problèmes? A-t-elle mangé des sushis enceinte? A-t-elle fait du ski? A-t-elle bu du Coke?

Je sais bien que non. Je suis persuadée que Geneviève a tout fait ce qui était en son pouvoir pour que son bébé soit le plus en santé possible. Et pourtant, sa poulette ne l'était pas. Pourquoi alors? Pourquoi a-t-elle gagné à cette loterie des plus moches?

Et qu'est-ce qui nous dit que je ne serai pas la prochaine à empocher le gros lot des intubations, des médicaments, des rondes de médecins et spécialistes qui défilent devant Boum Boum? Qu'est-ce qui dit que dans la distribution des billets "Enfants malades", je ne suis pas la prochaine dans la file d'attente?

Questionnements que l'amoureux a balayés du revers de la main (vous connaissez les hommes...). "Chérie, je sais que notre fille est en santé. Arrête de t'inquiéter."

Vlan! Fin de la discussion.

Si c'était si simple... "Ouais, mais mettons que tu te trompes et que notre petite poulette en construction, ben, il lui manque des morceaux, on va faire quoi? On va la retourner au magasin en invoquant la garantie?"

Silence radio. Puis après quelques secondes, il s'est ressaisi. "Ge, arrête de t'en faire. Tu ne peux pas rien contrôler. Et si notre petite n'est pas en santé, on fera comme Geneviève: on l'aimera de tout notre être et on s'émerveillera devant ses yeux plein de soleil comme tous les parents du monde."

11 mars 2010

Plantation d’arbres à dollars recherchée

J'ai passé toute la dernière semaine à me demander où était cachée la plantation d'arbres à dollars américains en Floride. Il y en a forcément une. Du moins, c'est la réflexion que je me suis passée après avoir passée sept jours dans la capitale de l'orange.

C'est lorsque j'ai payé 34,90 $US pour 2 hots dogs, une frite, une salade du jardin, un muffin aux bleuets et un jus de pommes que j'ai soufflé dans le creux de l'oreille de l'amoureux: «Que dirais-tu si on restait ici encore quelque temps, question de trouver où l'argent pousse? On se remplit les poches et on revient au Québec faire la belle vie.»

Nous étions au Musée Ringling, à Sarasota, dans le sud-ouest de l'état, à admirer les œuvres d'art de cette famille qui a fait fortune avec un cirque au début du siècle quand mon estomac s'est mis à hurler. Pis une femme enceinte qui a faim, de un, on n'obstine pas ça. De deux, on s'empresse de nourrir ça. Alors, direction petit café de l'endroit, où, m'assure-t-on, je trouverai quelque chose à me mettre sous la dent et qui remplira également les bedons de mes deux rejetons qui n'avaient nullement envie de manger les barres tendres que je tentais de leur refiler.

Alors donc, je passe la commande pour ma petite famille. J'ai manqué m'étrangler quand la gentille caissière m'a demandé autant de billets verts pour un tel repas. J'entendais mon gérant de banque me remercier de ne pas avoir choisi le tartare de thon ou l'escalope de veau parmigiana.

Pourtant, ce n'était pas là une exception. Semble que ce soit la norme. La veille, nous étions à Busch Garden où on ne s'est pas gêné pour extraire 7,99 $US de mon portefeuille pour un repas pour enfant, qui constituait en une très petite portion de macaroni au fromage, un petit berlingot de lait et un biscuit aux brisures de chocolat. Multipliez le tout par deux, ajoutez-y deux repas pour adultes (on s'est éclaté: l'amoureux s'est payé un sandwich jambon-fromage et moi un chili) et vous aurez une facture qui frôlera les 50 $US. Pour un lunch là. Pour un simple dîner.

Suis-je peut-être radine. Gripsou. Séraphin sur les bords. Mais reste que j'étais épatée sans bon sens de voir tout le monde remplir son cabaret à rebord sans se soucier du montant qu'on leur demandera une fois rendue à la caisse. Alors qu'on nous avait demandé 80 $ par personne pour entrer sur le site! Si on sort la calculatrice et qu'on additionne tous ces montants, ça fait une journée qui coûte pas loin de la peau du …

Oui, ce sont des trucs hyper touristiques et qu'habituellement, on ne se gêne pas pour soulager notre carte de crédit dans ces endroits. Vous allez me dire que c'était la relâche au Québec, que ces visiteurs résident tous ailleurs qu'en terre étatsunienne. Mais non.

«Chéri, sont pas en récession les Américains? Sont pas censés être au bord de la faillite? Sont pas supposés crouler sous les dettes? Avoir tous perdu leur maison? Mais comment ça se fait que le stationnement du parc d'amusement soit rempli à craquer d'autos immatriculées en Floride et qu'on fait la queue dans les magasins de souvenirs? Dis-moi chéri, ils le prennent où, leur fric? Moi aussi je veux savoir! Moi aussi je veux pouvoir remplir mon cabaret bien plein!»

On n'a pas trouvé. Ni au Musée de Dali où on nous a demandé 17 $US par personne pour admirer les œuvres du célèbre peintre espagnol. Ni à Disney où il fallait débourser 85 $US par personne pour s'imprégner de cette fameuse magie dont on parle tant.

Je n'ai pas réussi à trouver où se cachait leur coffre aux trésors. Mais je peux vous dire, par contre, que le mien est vide en sale… Je jonglais avec ces réflexions, hier, alors que je constatais l'ampleur des dégâts sur le site internet de ma banque quand Filou est entrée dans le salon: «Tu sais maman, je pensais à ça tantôt et je me disais que c'était vraiment la plus belle semaine de ma vie que nous avons eue en Floride. Merci beaucoup beaucoup beaucoup!»

Pendant que j'essuyais la bave qui était restée sur ma joue suite à son bec (très) mouillé, j'ai fermé l'écran de mon ordi en me disant que les souvenirs que nous nous étions créés, la semaine dernière, valaient bien tous ces dollars disparus de mon compte chèque.

24 février 2010

Patin et sacrifices

Je pense que je suis née avec des patins dans les pieds. Alors que toutes les futures mères du monde rêvent que leurs rejetons effectuent des études de médecine à Harvard, la mienne aspirait à ce qu'un jour, une médaille olympique trouve place à mon cou. Avant même de savoir marcher, je suis certaine que j'étais capable de faire des saltos arrières et des triple loots double-piqué les doigts dans le nez. Pas besoin de vous dire que le patin artistique a occupé une grande place dans mon agenda chargé du premier tiers de ma vie.

Toujours est-il que dès l'âge de trois ans, je m'élançais sur la patinoire chaque week-end avec ma petite robe fuchsia et mon magnifique casque de hockey blanc. L'objectif du coach était simple: être capable de faire trois pas sans me fendre le menton sur la glace. Mais moi, je me foutais un peu des ambitions du coach. Moi, je ne voulais que me pavaner devant les autres petites filles avec ma belle robe fuchsia que ma grand-mère avait cousue elle-même et qui était, selon moi, la plussss belle du monde.

Chaque samedi, malgré les courses à faire, malgré la fatigue, malgré le bordel de la maison, ma mère se levait aux aurores et préparait mes trucs pour le patin. On traversait ensuite la ville pour se rendre à l'aréna. Je ne voyais pas tous les efforts qu'elle faisait pour que je pratique mon sport. Moi, en autant que je puisse mettre ma belle robe fuchsia, j'étais heureuse.

Les années ont passé. Ma robe fuchsia est devenue rouge avec de magnifiques paillettes. Et le casque de hockey a pris le bord. D'une heure par week-end, mon temps passé à la patinoire a monté en flèche au fil du temps. J'y passais tous mes samedis, tous mes dimanches et tous mes congés scolaires. Ma mère? Invariablement assise dans les gradins à regarder son aînée qui tentait de maîtriser les difficultés de l'arabesque ou d'apprendre une nouvelle chorégraphie pour la prochaine compétition.

Et plus les pages du calendrier s'envolaient, plus les horaires liés à mon statut de patineuse artistique devenaient lourds. Plus la charge financière qu'amenait ma progression dans ce monde devenait importante (à sept ans, j'avais des patins de 400 $ aux pieds!).

Il n'y avait plus rien qui comptait dans ma vie que mon patin. Mes amies faisaient du patin. Je parlais des nouvelles figures que je tentais d'apprendre. Si je regardais la télé, c'est qu'il y avait une compétition. La nuit, je rêvais à ma routine que je devais faire au spectacle de fin d'année sur l'air de Eye of the Tiger. Tout tournait autour du patin. J'étais chez moi à l'aréna.

Sérieux, je n'arrive pas à comprendre comment elle faisait, ma mère, pour survivre dans ce monde débile. Pourtant, jamais elle ne chialait quand c'était le temps de partir à l'autre bout de la province pour une compétition. Jamais elle ne soupirait qu'elle avait les fesses endolories après avoir passé huit heures assise sur un banc de bois. Jamais elle ne m'a fait sentir qu'elle avait mieux à faire que de s'exclamer devant mes prouesses. Jamais elle n'a regretté tout l'argent investi dans ma "carrière".

À dix ans, j'ai accroché mes beaux patins blancs et j'ai rangé ma belle robe rouge à paillettes. J'étais complètement écoeurée de me lever aux petites heures avant l'école pour aller pratiquer mes sauts en vue de la prochaine évaluation. Tannée des déceptions liées aux magouilles des juges. Je n'avais qu'une seule envie : aller voir ailleurs.

J'aurais pensé que ma mère aurait crié de joie. Enfin, elle aurait du temps pour elle. Enfin, elle pourrait se lever plus tard qu'à 5 h du matin le samedi. Enfin, elle pourrait se gâter avec tout l'argent qu'elle épargnerait avec une patineuse en moins dans sa famille.

Hé bien non! Elle était triste. Elle a tenté de me convaincre de continuer. Elle m'a longtemps demandé si j'étais certaine de mon choix. Si ce n'était pas un coup de tête. Pour elle, tout ce temps passé à grelotter à côté de la bande de la patinoire valait la peine. Elle ne faisait aucun sacrifice pour moi. Elle aimait tout simplement me voir virevolter sur la glace avec ce grand sourire et cette belle robe rouge à paillettes.

Ce n'est que 20 et quelques années plus tard que j'ai compris tout le support qu'elle m'avait offert en étant toujours présente derrière mes saltos, sourire et encouragements en prime. Et ce soir, quand je regarderai Joannie s'élancer sur La Cumparsita, je sais qu'elle pensera à tous les sacrifices que sa mère aura faits depuis les 20 dernières années. Et je sais que ce sera pour la remercier de cette présence inestimable qu'elle patinera de manière majestueuse ce soir.

18 février 2010

Flashback d’une époque révolue

Filou venait de souffler deux chandelles sur son gâteau de Dipsy. Pour l'occasion, on lui avait offert une place à la garderie de sa grande sœur. Enfin, je n'aurais plus à conjuguer avec des horaires d'ouverture compliquées que l'on retrouve trop souvent en milieu familial (vous savez les deux semaines de congé à Noël, la relâche, les quatre semaines l'été, les fermetures soudaines parce que la responsable est malade, les heures d'ouvertures qui ne cadrent pas du tout avec mon statut d'étudiante universitaire : 7 h à 16 h…). Enfin, le belle vie.

J'ai aimé tout de suite le CPE. Tout comme ma poulette qui adorait aller jouer avec ses copains, dessiner de grandes œuvres d'art, fredonner des petites comptines et écouter avec grande attention les histoires que son éducatrice Christine lui racontait.

Ma Filou était belle à voir dans sa balançoire dehors à me faire de mignons bye bye quand je quittais les lieux. J'aimais échanger avec son éducatrice sur les progrès qu'elle faisait. J'étais rassurée de lire les petits comptes-rendus quotidiens auxquels j'avais droit dans son cahier de bord.

Mais il y a des jours où le CPE, je l'aurais foutu aux vidanges. J'en aurais fait du pâté pour les chiens. Je l'aurais sortie de ma vie à gros coups de pied vous savez où.

Bilan de la première année de fréquentation de Félixe à la garderie : quatre otites, une bronchiolite, deux gastros, quelques fièvres inexpliquées, une varicelle, la cinquième maladie et, bien sûr, des petits virus qui font bailler d'ennuis tellement ils sont ordinaires (nez coulant, yeux rougis et thermomètre qui dépasse les 38,5 degrés règlementaires). Et sans oublier les foutus poux!

Ouf!

Que d'heures passées à la clinique à attendre de voir le médecin, à faire la file pour des radiographies de poumons, à prier pour que le pédiatre ne veuille pas la garder pour la nuit en pédiatrie, à enlever une par une les lentes qui avaient élu domicile sur ses beaux cheveux. Que d'argent dépensé en antibiotiques, en Tempra, en calamine. Que de nuits entrecoupées de pleurs, de toux, de «mamannnnn!», de draps à changer, de vomi à ramasser…

Mais surtout que de journées de travail perdues. «Désolé, je ne peux pas travailler, ma fille est malade.» «Je m'excuse, je dois quitter absolument. La garderie vient de m'appeler, Félixe vient de dégueuler!» «Je sais, j'ai déjà manqué deux journées de travail ce mois-ci. Oui, oui je sais que je vous mets dans le pétrin, mais je ne peux pas encore aujourd'hui rentrer aujourd'hui. Je sais, c'est poche, mais le règlement est clair. Quand les enfants ont des poux, ils ne peuvent pas aller à la garderie.»

Après être devenue la reine du dosage de Tempra, des mesures de désinfection à prendre en cas de gastro et du maniement de la pompe à Ventolin et à Flovent, j'étais surtout devenue experte en gestion d'horaire de travail. À force de pratique, je savais quoi dire et ne pas dire au patron pour excuser mon absence du jour. Je savais quel ton utiliser, à quel moment appeler et comment m'y prendre afin de ne pas recevoir illico mon 4%.

Combien de fois ai-je hurlé mon indignation face aux trop peu de congés qu'il est possible de prendre pour s'occuper de nos loulous? Combien de fois ai-je pleuré devant mon chèque de paye amputé par ces jours passés à faire la garde-malade qui étaient, évidement, non rémunérés?

Heureusement que cette époque a fait son temps. Les mois, les années ont passé et les bobos de Filou qui me clouaient à la maison étaient de moins en moins nombreux. Tellement que, l'an dernier, ma poulette n'a pas raté un seul jour d'école pour cause de maladie. Pas de gastro, pas de rhume, pas d'otite, rien, rien, rien. J'ai même dû jeter ma réserve de Tempra et mon Pédyalite parce qu'ils étaient périmés.

C'est donc avec stupeur, la semaine dernière, que j'ai dû composer avec une sale gastro et un streptocoque. Quatre jours de congé d'école pour Filou. Quatre jours d'absence du bureau pour maman.

Je suis chanceuse maintenant. Mon travail me permet de bosser avec une petite poulette fiévreuse à mes côtés dans le confort de mon divan. Mais ça m'a ramené en pleine face qu'il y a des millions de travailleuses qui n'ont pas le même luxe.

Pour l'heure, la loi octroie dix congés sans solde aux parents pour vaquer à leurs obligations familiales. Mais à quand des congés payés pour toutes ces heures passées à prendre soin de nos rejetons?