21 août 2007

Caprice d'enfant gâté?

J’en mourrais d’envie. Je pouvais passer de longues heures devant la vitrine du Sport Expert à admirer ces fameux pantalons de jogging Converse que je désirais tant. Mais ma mère trouvait ça très exagéré de payer 40$ pour ça. Mais maudine, TOUTES mes amies en avaient! Des bleus, des rouges, des vertes, des mauves avec ce même logo écrit tout au long sur la jambe gauche. J’étais verte de jalousie devant Annie qui, elle, en avait une paire différente pour tous les jours de la semaine. Et moi qui ne pouvais même pas en avoir une seule paire dans ma garde-robe.
J’avais promis mer et monde à ma mère pour espérer un jour enfiler ces pantalons de sport. Tout y avait passé : ma chambre serait étincelante en tout temps, mon lit serait fait tous les jours, je laverais la vaisselle sans rechigner et j’arrêterais de me chicaner avec ma sœur parce qu’elle joue avec ma poupée Bout’chou sans me le demander. Rien à faire pour qu’elle change d’idée.
Faut dire que je la comprends maintenant. Pour 40$, ma mère était capable de m’en coudre toute une batch de pantalons de jogging. À quoi bon en acheter des aussi chers seulement pour avoir ces grosses lettres blanches sur le côté? Elle, elle ne saisissait pas du tout. Pourtant, c’était si simple.
J’ai vécu la même tristesse pour les Levi’s, les Daoust 301, les Duckshoes, les chemises Polo, les t-shirts Ocean Pacific. Moi je portais les jeans du Sears, j’avais des bottes de pluie très ordinaires et il était même hors de question de penser qu’un jour je puisse entrer chez Intersport afin de mettre la main sur une chemise rose nanane avec un petit cheval dessus. Soupir.
Vous y voyez un caprice d’enfant gâtée. Peut-être. Mais, du haut de mes neuf ans, je ne comprenais pas trop pourquoi ma mère ne voulait pas mettre 120$ sur un chandail de laine Vuarnet. Moi, tout ce que je voulais, c’était de ressembler à mes copines et porter les mêmes vêtements qu’elles. Cette banale différence vestimentaire prenait une importance capitale pour moi parce que j’étais hors du lot et quand on est pré-ado, on aime être « dans la gang ».
C’est à tout ça que je pensais hier matin. J’étais arrêtée à une lumière rouge dans le quartier nord et je voyais deux petites filles de peut-être huit ou neuf ans qui s’amusaient avec leur vélo. Très normal comme scène pour un matin d’été. Mais les deux cocottes sont musulmanes et portent un voile. Et c’est là toute l’importance de la scène qui se déroulait sous mes yeux.
Je ne veux pas entrer dans le débat des accommodements raisonnables ou dans le droit de porter le voile au Québec et tout ce tra la la d’adultes.
Non.
J’ai seulement repensé à moi qui se sentais tellement différente parce que je ne portais pas les mêmes habits que mes copines. Je me suis rappelé comment j’ai pu faire rire de moi avec mon polar vert fluo alors que la mode était passée au mauve coco de Pâques. J’ai songé à toute la tristesse que j’ai eue parce qu’aucune de mes fringues venaient de la boutique Au coton comme mes camarades de classe.
Et je me suis dit que si j’ai été victime de discrimination seulement à cause de la marque de mes vêtements, qu’est-ce que ces petites voilées pouvaient bien endurer jour après jour. Je me suis demandé comment les autres enfants les traitaient. Si elles étaient les têtes de Turc de la cour de récré. Tout ça pour un bout de tissu imposé par leurs parents.
Parce que ce n’est pas vrai qu’à huit ans un enfant saisit toute l’importance de la symbolique religieuse rattachée à son voile dans un pays où les Musulmans sont en minorité. J’espère sincèrement que les enfants d’aujourd’hui sont plus tolérants qu’ils ne l’étaient dans ma cour de l’époque.

1 commentaire:

Anonyme a dit...

Désolant le mal qu'une mère peut faire endurer à son enfant sans le savoir. Le rendre différent des autres enfants, moi aussi j'en ai beaucoup souffert. Et je déteste encore ma mère