08 juillet 2008

Il y a un an...

Il y a un an, Marie-Chantal avait un bedon tellement gros qu’elle se cognait partout. Sa grenouille s’amusait à cœur joie dans cette belle piscine. Elle donnait des coups dans les côtes de sa maman et, du même coup, l’amenait à la salle de bain quatre fois l’heure. Pas grave, elle avait le sourire fendu jusqu’aux oreilles en permanence.
Il y a un an, la copine avait bouclé sa valise d’hôpital. Tout y était. Les petits pyjamas à pattes, les cache-couches roses, les compresses d’allaitement, la suce, la petite tuque pour la protéger du froid. Le siège d’auto était bien installé dans la voiture. La dernière couche de peinture avait été donnée dans la chambre du petit trésor.
Il y a un an, Coralie et Félix comptaient les dodos avant l’arrivée de leur nouvelle petite sœur. Des plans de jeux fraternels étaient concoctés. La grande sœur veillerait à bien lui montrer comment prendre soin des poupées. Le grand frère, lui, verrait à lui apprendre comment fonctionne les autos téléguidées.
Il y a un an, la belle piscine de Marie-Chantal a fendu, inondant par le fait même son plancher. Un petit peu avant le temps. Rien d’alarmant. Ça arrive à tous les jours que l’on crève ses eaux avant d’arriver aux 40 semaines réglementaires. Et des bébés prématurés, on en sauve des milliers chaque jour.
Et pourtant, il y a un an, la petite Évangéline, qui s’était fait bercer au chaud par les doux battements cardiaques de Marie-Chantal pendant plus de 27 semaines, a pris un vol direct pour le ciel. Elle est partie sourire avec les anges laissant ses parents complètement démolis.
Depuis un an, il y a eu des hauts et des bas. Beaucoup de bas. De la tristesse. Des questions. Tellement de questions. Des milliers de si. «Si je n’avais pas crevé mes eaux, est-ce que…?» «Si on n’avait fait ma césarienne plus tôt, est-ce que…?» Beaucoup de questions. Aucune réponse, malheureusement.
Depuis, Marie-Chantal regarde souvent le ciel le soir venu. Elle n’y cherche pas vraiment de réponse. Elle ne tente pas d’apprendre le nom de toutes les étoiles de notre système solaire. Elle veut seulement voir une toute petite étoile filante. Pourtant, elle en a vu des centaines dans sa vie. Mais chaque fois qu’elle en voit une, elle arrive toujours au bon moment. À la minute ou elle en a vraiment de besoin.
«Les étoiles filantes, il y en a qui se plaisent à faire un voeu avant qu'elles ne disparaissent. Moi, je les vois comme un signe, un clin d'oeil, une tape dans le dos de l'au-delà. Des fois, j'ai l'impression que c'est ma tante, d'autres fois, que c’est mon grand-père. Mais ce soir, j'ai vraiment eu l'impression que c'était Évangéline que me faisait un petit coucou.»
«Je ne saurai jamais ce qui serait arrivé si les choses s’étaient passées différemment il y a un an, mais, chaque fois que je vois ces petits signes: une étoile filante, un papillon qui se pose sur moi, un regard échangé avec un oiseau, j'ai l'impression qu’Évangéline vient me dire qu'elle est là encore. Et que si notre histoire s'est terminée ainsi, c’est pour le mieux.»
Les beaux yeux verts de Marie-Chantal sont peut-être pleins d’eau quand elle nous raconte cette histoire. Ils le seront probablement encore longtemps quand elle pensera à Évangéline. Pour toujours, peut-être. Elle pleure parce que chaque fois qu’elle voit un de ces signes, la douleur se ravive. Mais ces larmes sont un véritable baume pour son cœur.

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