11 décembre 2009

Un jeudi matin parfait

Jeudi, le cadran sonnera aux aurores. Ma préado aurait pu hurler que c'est le milieu de la nuit, mais elle ne le fera pas. L'amoureux ne me traitera pas de cinglée comme il l'aurait fait habituellement en me voyant me lever à cette heure matinale. Et ma loulou ne cherchera pas à vouloir dormir «juste cinq minutes encore maman».

Non, tout mon monde sera debout à 5 h 15 ce jeudi avec un sourire en prime. Je n'aurai pas à crier à Filou de se dépêcher à déjeuner. Elle avalera ses céréales dans le temps de le dire. Je ne passerai pas mon temps à négocier avec Maxim sur le choix de sa tenue vestimentaire. Elle aura choisi des vêtements convenables. Mes filles ne m'entendront pas dire de se grouiller le derrière pour ne pas rater le bus parce qu'elles seront prêtes dans les délais.

Les petites n'auront même pas l'idée de se chamailler la télécommande de la télé. Elles ne penseront pas à se picosser pour un rien. Et aucune crise existentielle n'aura lieu ce matin-là.

Ce sera un début de journée parfait. Comme on en rêve tous. Un matin où l'harmonie, la joie et la bonne humeur règnera.

On partira ensuite avec notre petit bonheur pour atteindre l'est de Sherbrooke, au coin des rues King Est et Galt Est. Là, nous attendront des centaines d'automobilistes. Là, nous attendra notre bonne action annuelle. Là, nous attendront des centaines de bedons vides que, par notre travail d'une jour, nous remplirons.

Jeudi, nous aurons tombé du lit très tôt, comme nous le faisons chaque deuxième jeudi de décembre depuis que je reçois un talon de paye de La Nouvelle. Je donnerai à mes héritières un seau de métal et je les lancerai en plein milieu de la King Est. Allez! Au boulot!

Ne voyez pas là, l'action d'une mère inconsciente et indigne. Au contraire!

Non, nous irons vous solliciter dans le cadre de la Grande guignolée des médias. Nous irons chercher le petit change qui traîne dans le fond de vos poches ou celui que vous gardez dans le fond du coffre à gants pour les parcomètres. Nous ferons de la place aussi dans nos canisses pour vos gros 20$ ou vos 100$. Nous ne ferons pas de discrimination monétaire. Et puis, si c'est votre garde-manger que vous voulez soulager de quelques trucs, nous serons aussi disponibles pour les cueillir et les envoyer dans d'autres garde-mangers aux tablettes vides.

Et puis, chaque fois que vous déposerez un huard, un ours polaire ou un Sir Laurier dans la boîte de métal de Filou, elle vous remerciera grandement avec son sourire mélangé entre dents de bébé et d'adulte pour ensuite venir me dire : «Maman, maman, le monsieur a mis plein d'argent en papier dans ma canne! Ça veut dire qu'il y aura moins d'enfants qui ne mangeront pas à Noël hein maman?»

Chaque fois que vous déposerez dans les petits bras de Maxim vos boîtes de carottes, de sauce tomate, de lait maternisé, même si c'est lourd, même si c'est difficile, elle vous dira un merci rempli de gratitude. Un merci parce qu'elle réalisera la chance qu'elle a de ne pas voir débarquer un panier de Noël chez elle. Elle réalisera la chance qu'elle a de pouvoir contribuer, à sa façon, à remplir des bedons vides.

Ce sera un beau jeudi matin. Vraiment. J'ai déjà hâte.

 

Aucun commentaire: