13 octobre 2009

Un teint de pinte de lait, et puis?

Vous n'auriez pas voulu me croiser il y a onze ans jour pour jour. Je faisais tellement peur à voir. J'avais le teint d'une pinte de lait de soya. J'avais les yeux cernés jusqu'au menton. Pis un caractère de chien. Résultat de la nuit de merde que je venais de vivre.

Pourtant, selon bien des bouquins, des magazines spécialisés, de ma mère, de ma grand-mère, des mes amies qui étaient déjà passées par là, j'étais supposée vivre les plus beaux moments de ma vie. Être en totale symbiose avec celle qui avait passé les derniers 24 heures pendue à l'un ou l'autre de mes seins.

Mais il en n'était rien.

Poussée de croissance, vous connaissez?

Toutes les mamans qui ont allaité sont passées par là. À trois jours, trois semaines, trois mois le bébé grandit et demande donc plus à boire à sa productrice #1 de lait. Plus bébé tète, plus il y a de lait.

Toujours est-il que la poussée de croissance de trois mois de Maxim a été particulièrement pénible, pour ne pas dire complètement débile. Faut dire que j'avais un examen de grammaire normative à préparer pis deux ou trois travaux à terminer au travers. Faut dire qu'il n'y avait plus une seule paire de bobettes dans le tiroir, plus de fromage orange Kraft dans le frigo pour me mitonner un petit grilled-cheese et c'était impossible que je passe une journée de plus sans aller sous la douche (une fille se tanne de sentir le lait suri). Bref, je n'en avais pas juste plein la brassière, mais plein les bras.

Ma famille, mes copines, mes collègues de travail ne comprenaient pas mon obstination. Pourquoi se donner tout ce mal alors que le Wal Mart se fend le derrière pour vendre du lait en canne, me demandaient-elles?

C'était il y a à peine une décennie et à cette époque, allaiter tout court relevait de l'exploit. Imaginez leur face quand elles apprenaient que je donnais encore le sein à ma poulette à trois mois… J'étais perçue comme une véritable sainte.

Bon, faut dire que j'ai pu en traumatiser quelques-uns dans les toilettes de l'Université avec mon tire-lait. Quel don de soi! Quelle bonté! Quelle mère extraordinaire, me disait-on!

Mais je ne leur ai jamais dit que moi, j'allaitais parce que j'étais lâche. Une véritable loque humaine la nuit. Que je suis incapable d'entendre un bébé pleurer plus de six secondes. Alors, l'allaitement a été pour moi une question de survie. Je ne serais probablement pas passée au travers de la première année de vie de Maxim si je n'avais pas eu son snack de prêt à toute heure du jour sous mon t-shirt.

Quand Filou est née, ça été tout le contraire. J'aurais pu nourrir tous les enfants du tiers-monde qu'avec ma production de lait. Je me promenais avec deux ballons de football sous le menton en permanence. La nuit, je baignais dans une véritable marre de lait. C'est Cléopâtre qui aurait été jalouse.

Je produisais tellement que lorsque j'ai arrêté de nourrir loulou, elle a bu mon lait pendant des semaines. Il y avait tellement de petits Ziploc de lait dans le congélo que la porte ne fermait plus. Je suis certaine que j'aurais pu battre un record Guiness quelconque qu'avec cette production phénoménale de lait.

Et chaque fois que je déversais le trop plein dans l'évier, le cœur me serrait. J'avais l'impression de jeter une fortune à la toilette. Me disait que ce serait génial que je puisse faire don de cet or blanc à une famille qui en aurait besoin.

On donne du sang, des reins, des poumons, de la cornée, pourquoi pas du lait? À quand les lactariums au Québec?

L'actrice américaine Salma Hayek n'a pas attendu avant d'agir. Voyez par vous-même : http://bit.ly/L6kjN Qu'en pensez-vous?



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1 commentaire:

Karine a dit...

Ah bon je croyyaios que ça se faisait au Québec aussi! En France il y en a pour les petits bébés préma...Et quand mon Noam est parti en réa et que j'en ai été séparé il m'ont proposé de tirer mon lait pour le laisser au lactarium en sachant qu'il serait donné à Noam en mélangeant à d'autres lait donné...Mais je ne l'ai pas fait parce que je n'en avait pas la force après mon hémoragie...Bref, je trouve bien dommage aussi que cela ne se fasse pas encore au Québec alors qu'il y a tant de femme qui allaite!