27 octobre 2009

À chacun nos rituels

Max a skippé l'école aujourd'hui. Elle s'est levé les yeux rougis et gros comme ça. Ma grande a un air de chien battu. Son nez coule pis elle tousse (dans son coude, sa mère lui a appris les règles d'hygiène en période pandémique). «Pis je n'ai pas dormi de la nuit maman.»

Alors, sa vieille mère a appelé à l'école pour excuser son absence (ce n'est pas tout à fait vrai. C'est la secrétaire qui m'a téléphoné pour savoir où Maxim était. Vous me connaissez, j'ai oublié d'appeler l'école.)

Je lui ai sorti la bouteille de Tylenol enfants. Lui ai écrit sur un papier qui est collé sur le frigo les heures où elle doit prendre sa dose. Lui ai sorti une soupe maïs-épinard du congélo pour son diner. «Tu n'auras qu'à la mettre au micro-ondes deux ou trois minutes. Ça va te faire du bien, tu verras.».

L'ai aussi rappelé qu'elle devait boire beaucoup d'eau et faire un dodo d'après-midi. «Maman aura son cellulaire sur elle toute la journée. N'hésite pas à me téléphoner s'il y a quelque chose. Repose-toi bien ma puce», lui ai-je dit en le faisant le plus beau câlin du monde avant de quitter pour le boulot.

Même si dans les apparences, ma poulette semble combattre un vilain virus, je sais bien que ni rhume, ni infection. ni H1N1 ne tentent de mettre son système immunitaire à terre.

Ma puce combat tout autre chose. Un truc qu'aucun vaccin, qu'aucun remède ou formule magique ne peut enrayer.

Maxim a de la peine. Elle est triste. Elle réalise que la vie est éphémère. Trop courte.

Aujourd'hui, à sa manière, elle célèbre le premier anniversaire du décès de son père. Elle revit heure après heure, cette journée folle du 28 octobre 2008 qui lui a enlevé trop rapidement son papa.

Je me doutais bien qu'elle trouverait n'importe quoi pour ne pas aller à l'école. Ça fait longtemps qu'elle a cette idée de prendre congé de français et de maths pour commémorer ce premier calendrier passé sans l'homme le plus important de sa vie.

Au départ, je désapprouvais l'idée. Je voyais là seulement un stratagème pour rater l'école et peut-être échapper à l'exam d'anglais prévu ce jour-là. «Pas question Max! Je sais que c'est très triste, mais tu dois aller à l'école. C'est ton boulot comme le mien est d'écrire dans le journal. Papa n'aimerait pas savoir que tu utilises sa mort pour te sauver de la géométrie pis des dictées», lui ai-je dit sur un ton sans appel.

Les jours ont passé. Puis les semaines. Je réfléchissais à une façon de vivre ce premier 28 octobre sans Ian dans nos vies. Je ne trouvais rien. Rien. Rien.

Cette réflexion sans réponse m'a amené sur la place que l'on donne aux rituels dans notre vie très années 2000. Me suis rendue compte que nous en avions plus. Plus de messes le dimanche matin. Plus de baptêmes. Plus de mariages. Plus de funérailles. Plus de messes anniversaires. On ne célèbre plus l'arrivée des nouveau-nés dans ce monde. On ne célèbre plus le départ des plus vieux vers un autre monde. Rien. Rien. Rien.

Et c'est là, devant ma grande au cœur brisé que j'ai compris à quoi servent tous ces rituels qui m'ont paru maintes fois inutiles, inopportuns et emmerdants. C'est une façon de s'enraciner dans notre vie qui va toujours trop vite. De marquer le temps. De prendre le temps de réfléchir à la vie. À cette vie qui vient et qui part.

Alors, si pour Maxim, de prendre le temps de penser à son père, de pleurer sa perte, de faire le point sur sa vie sans lui, c'est de skipper une journée d'école, ben ce sera ça.

À chacun nos rituels.

3 commentaires:

Anonyme a dit...

Je pense à vous et aux filles

Grigri

Élisou a dit...

Tellement vrai. Je vous aime xx

Unknown a dit...

Pauvre puce...