31 mars 2009

J'avais 21 ans...

J’avais 21 ans et le sac à dos rempli de naïveté. Le cœur qui débordait d’amour et une confiance en la vie sans pareil.
J’avais 21 ans et je n’avais peur de rien. Les barrières, je les défonçais. Les défis, je les relevais et ce qui ne faisait pas mon affaire, je le tassais.
J’avais 21 ans et j’étais considérée comme une adulte dans tous les pays du monde. Je votais, je cuisinais trois fois par jour, je faisais mon lavage toute seule.
J’avais 21 ans et je bûchais sans relâche pour arriver à décrocher un diplôme de la grande école de la colline universitaire. J’aurai plutôt reçu celui de la grande école de la vie avant.
J’avais 21 ans et j’ai vu apparaître un plus sur mon test de grossesse. Un plus sur un bâtonnet voulait-il dire un plus dans ma vie? Je voulais croire que oui.
C’est en larmes que ma mère a accueilli la nouvelle qu’elle serait grand-maman. C’est entre deux sanglots qu’elle m’a dit : «Tes études Geneviève? Tes études?».
Il y avait de quoi avoir peur. Parce qu’à cette époque, il n’y avait pas de congé de paternité, pas de garderie à 5$, pas de 100$ de Harper, pas de Soutien aux enfants. Très, très peu de prêts et bourses. Parce qu’il n’y avait pas de tablettes pleines dans le frigo. Pas de vrai lit dans la chambre à coucher et encore moins de divan dans le salon. Il n’y avait que la (petite) paye de mon chum.
Mon ignorance totale de la maternité, ma candeur devant les difficultés qu’amène un bébé, mon insouciance face au stress que soulève un compte de banque rouge auront fait en sorte que j’ai foncé.
J’avais 21 ans et j’allais montrer au monde entier que je serais capable.
Trois semaines après avoir poussé Maxim à la vie, j’ai repris le chemin du savoir… avec elle dans les bras. Chaque matin, je partais avec mon sac d’école sur le dos, le sac à couche sur l’épaule, le bébé dans la poussette et je marchais un demi-kilomètre pour me rendre à l’arrêt d’autobus. Je me frayais un passage parmi ces dizaines d’étudiants entassés puis je me croisais les doigts que ma poulette ne veuille pas boire pendant la demi-heure que durait le trajet.
J’assoyais mes fesses dans la faculté des lettres et j’installais Maxim à mes côtés. Souvent, elle restait là, à dormir, pendant que sa mère se farcissait un cours de Grammaire normative ou qu’elle tentait de comprendre pourquoi Hitler s’était pointé le nez en Pologne.
D’autres fois, ma poulette réclamait que l’on s’occupe de son estomac alors je m’empressais de laisser tomber mon Bescherelle ou mon Atlas historique pour lui offrir le sein tout en continuant à prendre des notes de l’autre main.
Des jours, ça n’allait vraiment pas. Je devais sortir dans le corridor pour la calmer et je me croisais les doigts de ne pas avoir raté la notion importante qui allait être dans l’examen final. D’autres fois, je ratais un cours essentiel parce que ma puce devait se faire vacciner, parce qu’elle faisait bouillir le thermomètre. Je courrais donc après les profs pour reprendre le temps «perdu».
Arrivée à la maison, je continuais ma double-vie. Tout en faisant réchauffer la sauce à spagh, je lisais Les dix leçons de l’histoire. Pendant que ma puce jouait par terre, je mémorisais mes anglicismes pour l’examen du lendemain. En allaitant, je tapais mon travail de session à l’ordi.
Je vous épargne les récits de ces nuits trop souvent entrecoupées de violentes poussées dentaires, de gastro qui n’en finissaient plus de finir, de virulentes otites qui arrivaient rarement à d’autres moments que la veille d’un test ou d’un oral comptant pour 50% de la session.
La plupart des profs ont vu là une détermination à toutes épreuves. D’autres ont plutôt vu une fille complètement débile et totalement désorganisée. J’ai choisi les cours des premiers.
Il m’aura fallu cinq années pour décrocher mon diplôme. Dix sessions plutôt que les six habituelles. Je n’ai pas couru les 5 à 7 du bac. Je n’ai pas fréquenté le local étudiant des étudiants en Histoire. J’ai fuis les partys de fin de session. Mais j’ai réussi!
Et vous aussi, Vanessa et Jessica (voir page 9) vous réussirez. Parce que je sais c’est quoi jumeler études et maternité. Parce que je sais que vous serez capables vous aussi. Ce n’est pas une question d’âge, mais de détermination.
Une volonté de fer que vous avez.

1 commentaire:

Anonyme a dit...

Que de souvenirs...et comme on peut constater après coup qu'à 35 ans, on en aurait pas l'énergie!