21 juillet 2009

La tête de cochon

C’en est une vraie de vrai.
Plus tête de cochon que ça, tu meures.
Son père avait l’habitude de dire: «Le monde n’est pas prêt pour Félixe!» Il n’avait pas tort.
Elle a beau être minuscule, porter du cinq ans alors qu’elle vient de souffler huit chandelles sur son gâteau d’anniversaire, avoir encore besoin d’un siège d’auto et encore aimer boire son lait chaud, reste que lorsqu’elle sort son sale caractère, on pourrait croire qu’elle mesure 6 pieds 4, qu’elle pèse 235 livres pis qu’elle s’entraîne dans un club d’haltérophilie.
Bref, un monstre.
Pourtant, quand elle vous regarde avec son air angélique, qu’elle vous fait des câlins, qu’elle dit que vous êtes la meilleure mère du monde, difficile d’imaginer que derrière ses yeux enjôleurs se trouve une tête dure comme du roc.
Elle était toute petite quand j’ai découvert qu’il n’y en aurait pas de facile avec ma poulette. On venait tout juste de célébrer son huitième mois de vie quand j’ai tenté de la sevrer. Je me vois encore arriver avec ma bouteille de lait et elle, sans aucun appel, la lançait à l’autre bout de la pièce. Le message était clair.
Le jour de son premier anniversaire, ma Filou ne marchait pas. Elle ne voulait rien savoir d’utiliser ses deux pieds pour aller chercher son Dipsy. Pourquoi se compliquer la vie à tenter de marcher alors que ses quatre pattes faisaient très bien le travail?
Pourtant, elle se tenait en parfait équilibre debout. Elle était super solide. Mais il n’y avait rien à faire pour la convaincre d’avancer. Ma loulou préférait se laisser choir sur le sol et se mettre en position quatre pattes.
À 13 mois, ma poulette n’avait toujours pas fait ses premiers pas. Elle était toujours autant obstinée à se promener à sa façon, soit à quatre pattes.
À 14 mois, j’ai commencé à paniquer. À m’imaginer mille et un problèmes. Et si ma fille avec une dystocie de la hanche? Et si elle avait une grave maladie qui l’empêchait de marcher? J’ai donc couru avec ma poulette sous le bras chez le médecin. «Non, il n’y a pas de problème, Madame Proulx. Tout est en ordre.» Suis sortie de là pas du tout convaincue. Me suis donc rendue chez l’orthothérapeute, l’osthéopathe et le chiro. Les trois spécialistes étaient d’accord. «Tout est beau, Madame Proulx. Elle n’est seulement pas prête encore à marcher.»
Tous ces rendez-vous, ces lectures sur les causes et conséquences de la dystocie m’ont tenu tellement occupée que je n’ai même remarqué que ma Filou marchait.
Un matin, elle s’est levée et s’est mise à courir dans la maison. Elle n’a pas fait comme tous les bébés dans leur apprentissage de la marche, c'est-à-dire, faire deux pas, tomber, se relever, refaire deux ou trois pas, retomber, se relever, etc.
Non, ma poulette s’est levé et elle est partie à courir. Tout simplement. Comme si ça faisait des mois qu’elle marchait. J’étais ébahie.
Elle a eu son premier vélo avec des petites roues à deux ans. Il n’a pas eu beaucoup de succès le vélo à deux ans. Je l’ai revendu l’été d’après parce qu’il était rendu trop petit. J’en ai racheté un autre, plus grand un peu. Toujours autant d’insuccès. Toujours dans la remise. À quatre ans, ma loulou regardait sa grande sœur faire du vélo dans la rue et ne l’enviait pas du tout. Ne désirait même pas tenter le coup. À cinq ans, elle a démontré un tout petit peu d’intérêt pour la chose. Mais sans plus. À six ans, toutes ses amies savaient faire du vélo à deux roues. Pas elle. Pis elle s’en foutait. À sept ans, la marraine a voulu prendre les choses en main. Elle a acheté un magnifique vélo à deux roues mauves avec de superbes fleurs. Le vélo est tout de même resté sous le perron tout l’été.
Elle ne voulait rien savoir. Était obstinée à mort sur le sujet. «Je ne veux pas apprendre à faire du vélo, bon.»
À huit ans, elle a sorti le vélo de sa cachette. Elle a dit, le plus simplement du monde, «Maman, je m’en vais faire du vélo.» Elle n’a pas voulu que je lui tienne le siège, que je lui donne des conseils, que je sois à ses côtés. Nenon. «Vas sur le balcon maman. Laisse-moi faire toute seule.»
Félixe a enfourché sa bicyclette mauve à fleurs et elle est partie. Voilà, c’était réglé. Après des années d’acharnement, ma poulette savait maintenant conduire un deux roues.
Elle l’a fait quand elle était prête. Quand ça été le moment pour elle. Reste juste à espérer qu’elle n’apprenne pas à ramasser sa chambre à 18 ans maintenant.

1 commentaire:

Anonyme a dit...

Tu penses tu qu'a 18 ans elle va etre capapble de se faire elle même son lait au chocolat le matin??