13 juillet 2009

Sous le pas de la porte...

Elle était sous le pas de la porte complètement ahurie.
Elle était là, à regarder la Ford de son amoureux s’en aller au loin. Refusant de croire ce qu’il venait de se passer. Ce qu’ils venaient de se dire.
Elle était là, sous le pas de la porte, en train de se gratter la bédaine. Les nouvelles vergetures qui ont fait leur apparition ce week-end, sur son gros globe-terrestre de 36 semaines, la démangeaient en s’il-vous-plait.
Elle était là, les yeux dans l’eau. Le cœur dans la flotte. Pis avec un bébé dans une piscine de liquide amniotique.
Elle était là, refusant de croire que plus jamais l’amoureux des trois dernières années ne reviendrait. Que le papa de la petite bestiole qui a pris son utérus en location pour neuf mois ne serait plus là.
Elle était là, sur le pas de la porte, à prier. À espérer qu’il change d’avis. Qu’il revienne. Qu’ils jasent. Qu’ils s’expliquent. Qu’ils rigolent de la mésentente. Qu’ils repartent leur histoire à zéro.
Elle a attendu longtemps sur le pas de la porte qu’une Ford se stationne dans le driveway. Mais jamais la Ford n’est revenue se stationner dans le driveway.
Les larmes ont coulé longtemps sur la première maison de cette petite bestiole tant voulue, tant attendue.
Tellement qu’elle ne voulait la plus mettre au monde cette petite bestiole tant voulue, tant attendue. Elle ne pouvait pas, ne voulait pas croire qu’elle ne pourrait pas offrir à cette petite bestiole tant voulue, tant attendue, un papa, une famille.
C’est sur le pas de la porte, en regardant par la fenêtre, qu’elle a réalisé que leur vie prendrait une nouvelle route. Et pas la même que la Ford qui venait de quitter le driveway de leur appart de l’est de Sherbrooke.
Quatre semaines plus tard, c’est sur le pas de la porte qu’elle a crevé ses eaux. Le driveway était toujours vide.
C’est en tenant la main de sa meilleure amie qu’elle a poussé sa petite bestiole à la vie. Elle a espéré jusqu'à la toute dernière contraction le voir arriver dans le cadre de porte. Revenir sur sa décision. Reprendre son job de papa.
C’est sur le pas de la porte de sa chambre d’hôpital qu’elle a réalisé qu’elle ferait cavalier seul avec sa bestiole. Qu’il ne fallait plus espérer.
Mais c’est aussi là, sur le même pas de porte, qu’elle a fait la promesse à sa bestiole qu’elle serait une maman d’enfer. Qu’ils feraient une équipe du tonnerre.
Elle est donc repartie toute seule avec sa petite bestiole.
En arrivant chez elle, elle n’a même pas regardé si la Ford était dans le driveway. Elle avait mieux à faire. Elle avait une nouvelle vie à gérer, à aimer, à cajoler.
Puis les semaines ont passé. Mais pas beaucoup de mois. Sur le pas de la porte d’une amie, ses yeux ont croisé ceux d’un grand de 6 pieds 2.
Il n’a pas fallu beaucoup de pages de calendrier avant que sa Honda ne se stationne dans son driveway. Avant qu’il ne devienne une part entière de cette famille un peu hors norme, pas très traditionnelle.
Les saisons ont passé. La Honda est toujours stationnée dans le driveway. La bestiole court maintenant partout. Elle babille quelques mots. Et dernièrement, elle a regardé le grand de 6 pieds 2 et lui a dit : «T’aime papa! ».

6 commentaires:

Anonyme a dit...

Touchant... aux larmes. Il ne faut jamais désespérer, ces petites bestioles justement ne le font pas et ne le méritent pas. Tête haute il faut toujours rester.

Anonyme a dit...

Toi t'as le don de faire vibrer! Ça été un plaisir pour l'oeil de te lire, un frisson dans le dos jusqu'au dernier mot. Merci très simplement et bonne continuation!

Vero a dit...

C'est émouvant à lire ce texte!

caméléon (happygirl) a dit...

Quel magnifique texte touchant à souhait ma corde sensible de maman!

Bravo pour tes écrits qui portent à réflexion .... et qui m'a fait raéliser toute la chance que le papa de ma petite bestiole soit toujours présent à nos côtés.

Merci!

Melissa a dit...

C'est en me flatant la bedaine, en versant une larme et en regardant mon homme et ma petite bestiole que j'ai terminé ce magnifique texte. Touchant et à relire.

Merci
Izamel

Carolyne Soulard a dit...

Vraiment touchant comme texte. Je n'ose imaginer ma vie sans le papa de mes 2 bestioles... C'est vraiment triste ce que la vie peut nous apporter parfois, mais il y a toujours un retour du balancier... Longue vie à cette famille!