29 septembre 2009

Deux personnes, deux marathons

Les deux événements se sont produits dans la même
semaine. Une le lundi. L’autre le samedi.
Pour un, c’est le dernier. Pour l’autre, le premier.
Deux événements. Un malheureux. L’autre heureux.
Deux événements. Un hyper souffrant. L’autre hyper grisant.
Deux événements. Un porteur de tristesse. L’autre d’espoir.
Deux événements. Un trop près de la mort. L’autre plein de vie.
Lundi 14 h. Je suis dans une chambre d’hôpital. Non pas aveuglée par ses murs trop blancs, mais par les traits fatigués de mon collègue Robert.
Samedi 5 h15. Je suis à la pointe Merry. Non pas endormie par la grande noirceur de la nuit, mais par les trop-d’heuresde-sommeil-qui-me-manque.
Je regarde mon collègue dormir et je réfléchis. Je tente de me rappeler mon plus lointain souvenir le concernant. Je le revois grimpé sur un escabeau en talons hauts alors qu’il faisait
la météo à Café Show et je rigole. 25 ans ont filé depuis.
Je regarde mes coéquipiers de course arriver et je me plonge dans mes pensées. Je repense à toutes ces fois où ma mère venait me réveiller à 5 h du mat pour aller faire des arabesques et des saltos arrière sur la patinoire de l’aréna de Lennoxville et je souris. 25 ans ont filé depuis.
J’imagine la souffrance intérieure qui ronge celui qui a fait rigoler des générations de Sherbrookois. J’ai le coeur qui me serre.
Après 20 km de course, la souffrance se fait sentir dans mes mollets. Dans mes tibias. Dans mes cuisses. Mais, j’ai le coeur qui exalte.
Le temps est long. Mais d’autres fois, il est trop court.
Il était long longtemps le temps dans cette portion de parcours de 11 km que je devais faire et qui était remplie de côtes qui n’en finissaient plus de finir. Je ne voulais plus en faire des foulées pour atteindre ce relais. Je voulais arrêter de souffrir.
Mais je sais que pour Robert, le temps est trop court. Ce temps qui le sépare de la mort imminente. Cette mort annoncée par son médecin la semaine dernière. Je sais qu’il veut encore en faire des foulées. Je sais qu’il veut souffrir encore.
Pour vivre.
Deux événements aux antipodes. Qui bousculent. Qui troublent. Qui font réfléchir. Mais qui, étrangement, sont tout près l’un de l’autre.
Robert, dans son marathon contre ce nouveau cancer, dans ce marathon de fin de vie. Moi, dans mon marathon autour du lac Memphrémagog, dans un marathon vers une forme physique qui me gardera en santé, en vie.
Lui, qui court après le temps. Lui, qui veut profiter de tous ces petits moments pour être près des siens. Moi, qui cours pour avoir plus de temps. Être longtemps, longtemps parmi les miens.
Deux moments. Deux étapes importantes. Les deux dans la même semaine.
Robert qui passera un anneau dans l’annuaire gauche de sa douce. Qui est arrivé premier au fil d’arrivée dans le coeur de Dorothy mercredi. Moi, qui ai réussi tout un défi tant mental que
physique, même si je n’ai pas brisé de record olympique.
Et chaque fois que j’emprunterai une route pour courir, j’aurais une pensée pour toi. Pour ces deux marathons que nous avons courus côte à côte.
Bonne route, Robert!

4 commentaires:

Karine a dit...

Quel beau témoignage Geneviève...

Unknown a dit...

Ouf! Quel texte magnifique!! Bravo!!

Marc-André Caron a dit...

Ce n'est pas la première fois qu'un de tes billets me rappel l'importance de profiter de chacun des moments que nous vivons... et j'en profite autant que je peux. Merci pour ce billets.

Marc-André Caron
www.marcandrecaron.com

Carolyne Soulard a dit...

Très touchant Gennie comme d'habitude. Tu sais si bien mettre des mots pour exprimer des sentiments si profonds.
Félicitations pour ton marathon et courage pour ton collègue.