13 janvier 2010

Salut Sandra,

Tu ne rêves pas. On ne se connait pas. Ni d'Ève, ni d'Adam.  

Mais ce matin, en lisant la rubrique nécrologique du journal, j'ai eu envie de t'écrire.
Pour te rassurer. T'encourager.

Comme d'autres l'ont fait pour moi quand le même drame s'est abattu sur mes filles. Quand je me suis posé les mêmes questions qui doivent revenir sans cesse dans ta tête en ce moment.

Parce que cette vie qui bascule en quelques heures a de quoi surprendre. Déstabiliser. Détruire. Effrayer.

En une fraction de seconde, nos scénarios de vie sont jetés aux ordures. Nos futures photos de famille à la graduation de notre plus grande, au mariage de notre plus jeune se sont évanouies. L'idée de bercer notre petit-fils avec l'homme de notre vie en se rappelant nos gaffes de jeunes parents doit être, à présent, reléguée aux oubliettes.

Plus de papa pour prendre la relève quand maman est à bout. Plus de papa avec qui jaser des heures et des heures des prouesses de nos rejetons. Plus de papa avec qui analyser la situation quand les choses tournent mal.

Et puis là, tu regardes ta poulette et tu te demandes comment elle vivra tout ça. Comment elle réagira alors qu'elle vient de perdre l'une des deux personnes les plus importantes de sa vie? Comment feras-tu pour l'accompagner dans ce deuil alors que toi-même tu refuses de croire ce qu'il t'arrive?

Tu te questionnes sans cesse et bien peu de réponses parviennent à tes oreilles. Tu voudrais tellement savoir. Tellement te projeter dans l'avenir pour te rassurer, pour te dire que ta fille passera au travers comme une championne.

Tu voudrais surtout revenir en arrière et changer le cours des choses. Tu donnerais n'importe quoi pour te réveiller de ce terrible cauchemar.

Tu cries à l'injustice que ta fille grandisse sans papa. Tu hurles ta tristesse de savoir que plus jamais un papa ne sera là pour lui apprendre à faire du vélo. Tu pleures en pensant aux milliers de câlins de papa qu'elle ne recevra pas. Ton cœur est fendu en mille.

Alors que j'imaginais mes filles se diriger tout droit vers la délinquance. Pendant que je pensais qu'elles passeraient leurs dix prochaines années à pleurer sur l'oreiller. Quand j'imaginais que leur vie était finie, j'étais dans les patates pilées avec plein de crème 35 % bourrées de beurre et de sel.

J'étais dans le champ. Parce que je refusais de croire que l'on pouvait grandir et continuer d'être une enfant épanouie.

Et pourtant, c'est le cas. Pendant que je paniquais sur d'hypothétiques drames mettant en scène mes filles, je refusais de voir qu'elles allaient bien. Qu'elles avaient en elles les forces nécessaires pour passer au travers cette épreuve.

Une amie m'avait dit: «Les enfants qui ont vécu un grand drame sont beaucoup plus aptes au bonheur.» Elle disait vrai, Sophie.

Tu verras, ta fille croquera dans la vie très bientôt. Elle sourira plus souvent qu'à son tour. Elle aura une telle volonté de foncer dans la vie que ça en sera déstabilisant à l'os.

Ce n'était plus moi qui étais là pour soutenir mes petites orphelines. C'étaient elles, qui par leur détermination, leur joie de vivre, qui m'ont aidée à passer au travers. Qui m'ont fait comprendre que tout irait bien.

Il y aura toujours un vide dans le cœur de ta fille, c'est vrai. Mais parce que tu seras là pour elle. Parce que tu lui donneras de l'amour pour dix. Parce que tu l'écouteras quand elle aura envie de pleurer parce que son père est parti au paradis des papas, ta fille ira bien.

Tu verras. Faut juste avoir confiance.

 

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